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21/09/2016 | FRANCE | N°14/00515

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 21 septembre 2016, 14/00515


Ch. civile A

ARRET No
du 21 SEPTEMBRE 2016
R. G : 14/ 00515 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 11 Mars 2014, enregistrée sous le no 13/ 00268

X...Y...

C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANTES :
Mme Valérie X... ...91170 VIRY CHATILLON

ayant pour avocat Me Pierre Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

Mme Maryline Y... ...94200 IVRY SUR SEINE

ayant pour avocat Me Pierre Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Mme Michèle Z... épouse A...née le 13 ...

Ch. civile A

ARRET No
du 21 SEPTEMBRE 2016
R. G : 14/ 00515 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 11 Mars 2014, enregistrée sous le no 13/ 00268

X...Y...

C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE
APPELANTES :
Mme Valérie X... ...91170 VIRY CHATILLON

ayant pour avocat Me Pierre Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

Mme Maryline Y... ...94200 IVRY SUR SEINE

ayant pour avocat Me Pierre Louis MAUREL, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Mme Michèle Z... épouse A...née le 13 Juillet 1952 à BASTIA ...20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Jean Louis SEATELLI de l'ASSOCIATION SEATELLI-GASQUET, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 juin 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de Président de chambre Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Nelly CHAVAZAS, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte d'huissier en date du 7 janvier 2013, Mme Michèle Z... épouse A..., propriétaire d'une parcelle à Ghisonaccia lieu-dit Chiusevia cadastrée C2595 a assigné Mmes Marie-Line Y... et Valérie X..., occupantes sans droit ni titre, devant le tribunal de grande instance de Bastia aux fins d'obtenir, avec exécution provisoire, leur expulsion sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de huit jours à compter de la signification de la décision, la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité d'occupation mensuelle à compter du 1er juillet 2011 et jusqu'au départ effectif des lieux, la fixation de l'indemnité due aux occupantes au titre de l'article 555 du code civil à la somme de 12 350 euros, la compensation entre les créances réciproques des parties ainsi que la somme de 3 588 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 23 mai 2014 le tribunal de grande instance a :

- dit que l'assignation n'était pas entachée de nullité pour défaut d'indication des pièces sur lesquelles la demande était fondée,
- dit la demande recevable,
- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente d'un arrêté préfectoral fixant les limites du domaine maritime,
- dit que les parties sont liées par un bail qui prendra fin le 31 décembre 2014 à minuit par l'effet du congé délivré les 14 et 17 décembre 2010,
- rejeté la demande d'une indemnité d'occupation,
- ordonné une expertise,
- désigné pour y procéder M. Frédéric D...avec pour mission essentiellement : de déterminer, conformément aux dispositions de l'article 555 du code civil, le montant de la plus value apportée au lot 40 de la parcelle cadastrée C2867 par l'édification d'un bungalow par le locataire,
- ordonné l'exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 17 juin 2014.

Par leurs écritures en date du 6 janvier 2015 elles demandent à la cour de :
- réformer le jugement déféré,
- au principal surseoir à statuer en attendant le projet de délimitation du domaine public et l'arrêté du préfet de Haute Corse,
- constater que le congé en dates des 14 et 17 décembre 2010 ne tient pas compte de la réalité contractuelle liant les parties,
- constater que les parties sont liées par un bail à construction régi par les articles L251-4 et suivants du code de l'habitation et de la construction en raison de l'obligation de construction, du paiement du loyer, du paiement de la taxe foncière, de l'obligation d'indemnisation,
- en conséquence dire nul et de nul effet le congé,
- débouter Mme Michèle Z... de l'ensemble de ses demandes,
- subsidiairement confirmer la décision déférée en ce qu'elle a désigné M. Frédéric D...en qualité d'expert avec la mission dévolue,
- en tout état de cause condamner Mme Michèle Z... à payer à chacune des concluantes la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens dont distraction au profit de Me Pierre-Louis Maurel.
Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... invoquent l'article L2116-6 du code général de la propriété des personnes publiques pour demander à Mme Z... d'établir qu'en l'état de l'avancée de la mer elle reste encore propriétaire de la parcelle louée et elles reprochent au tribunal de ne pas avoir sursis à statuer en attendant l'arrêté du préfet après avis du commissaire enquêteur.
Elles estiment aussi que Mme Z... doit prouver qu'elle est propriétaire de la parcelle en prouvant que son père était titré.

Elles soutiennent d'autre part que le bail était un bail à construction conclu pour une durée de cinquante ans et soumis aux dispositions des articles L251-1 à L251-9 du code de la construction et de l'habitation, le loyer étant fixé à l'année et le bailleur s'étant engagé à indemniser le preneur pour la construction. Les services fiscaux ont toujours réclamé au locataire le paiement de la taxe foncière, ce dernier étant titulaire d'un droit réel. Selon elles, le document produit par l'intimée ne peut produire des effets juridiques laissant supposer que la durée du bail était de neuf ans.

Elles affirment que Mme Z... a renoncé tacitement à agir en validité de son congé en continuant à recevoir le paiement du loyer après le terme indiqué et que le coût de la construction d'un tel bungalow est nettement plus important que la somme offerte.

Par ses conclusions en date du 21 novembre 2014 Mme Michèle Z... demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme Y... et Mme X... de leur demande de requalification du bail verbal de droit commun en bail à construction,
- confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les demandes de Mme Z... recevables,
- l'infirmer pour le surplus,
en conséquence,
- valider les congés du 14 décembre 2010 et 17 décembre 2010,
- constater la qualité d'occupantes sans droit ni titre des appelantes à partir du 1er juillet 2011,
subsidiairement, si la cour fixait les effets des congés au 31 décembre 2014 dire que les occupantes sont sans droit ni titre depuis le 1er janvier 2015,
- ordonner leur expulsion sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la signification de la décision,
- fixer l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 1 000 euros à compter du 1er juillet 2011 jusqu'au départ effectif des lieux, subsidiairement à compter du 1er janvier 2015,
- condamner en tant que de besoin les occupantes à payer cette indemnité d'occupation,
- fixer l'indemnité due aux occupantes au titre des dispositions de l'article 555 du code civil à la somme de 12 350 euros,
- ordonner la compensation des créances réciproques des parties,
- condamner Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... à payer à Mme Michèle Z... la somme de 3 588 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- éventuellement ordonner la mesure d'instruction ordonnée par la décision déférée,
- débouter Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... de toutes leurs demandes,
- les condamner aux dépens.
Mme Michèle Z... expose qu'elle est propriétaire de la parcelle pour en avoir été attributaire aux termes d'un acte de partage reçu par Me E...notaire à Aleria le 4 juin 2008 ; que le bail est un bail de droit commun à durée indéterminée pour un loyer initial de 762 euros par an ; que le bailleur a donné l'autorisation de construire ; qu'elle a donné congé par huissier conformément à l'article 1736 du code civil mais que les locataires sont restées dans les lieux.
Après avoir rappelé la procédure et la législation en matière de délimitation des domaines publics maritimes Mme Z... relève que les appelantes ne versent aux débats aucun acte visé par le code général de la propriété des personnes publiques.
Elle fait la même observation sur la qualification par les appelantes de bail à construction qui n'est soutenue par aucune pièce et notamment la publication du bail au fichier immobilier.
Elle soutient que le bail s'est terminé le 31 décembre 1998 et s'est poursuivi pour une durée indéterminée, et qu'elle a perçu les sommes payées par les occupantes depuis la fin du bail à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation qui doit être fixée à la valeur locative légèrement minorée pour tenir compte de la précarité de la situation de l'occupant, et qui pourra être déterminée par l'expert si sa mission est confirmée par la cour.

L'ordonnance de clôture a été prise le 15 décembre 2015 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 23 juin 2016.

SUR QUOI LA COUR

Sur le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêté préfectoral sur la délimitation du domaine maritime :

Les vagues allégations des appelantes selon lesquelles les services de l'Etat auraient entamé une procédure de révision de la délimitation du domaine maritime ne sont pas soutenues par le moindre élément de preuve.

Par ailleurs l'intimée verse aux débats une attestation de Me E..., notaire à Aleria, aux termes de laquelle Mme Michèle F...s'est vu attribuer la parcelle cadastrée C2595 au lieu-dit Chiusevia sur la commune de Ghisonnaccia par acte de partage en date du 4 juin 2008 des biens de son père Pascal Louis dit René Z....

C'est donc à bon droit que la demande de sursis a été rejetée et que Mme Michèle Z... a été reçue en son action.
Sur la qualification du bail :
La seule pièce versée aux débats par les appelantes au soutien de leur demande de qualification du bail en « bail à construire » relevant des articles L251-1 à L251-9 du code de la construction et de l'habitation est la copie d'un bail étranger au présent litige passé entre M. René Z... et Mme H...le 1er janvier 1970 intitulé « contrat de bail de terrain avec autorisation de construire en dur ».
Le tribunal a justement relevé qu'il n'est versé en ce qui concerne le litige soumis à son appréciation aucun document relatif à l'obligation de construire du preneur ou à l'évaluation de la somme due en application de l'article 555 du code civil. C'est donc à bon droit qu'il a considéré que le bail litigieux ne pouvait pas être qualifié de bail a construction et qu'il était un bail de droit commun.
Sur le congé :
Mme Z... se prévaut de deux documents écrits dans lesquels son père a inscrit le montant des loyers versés par Paul I..., l'auteur des appelantes, pour chaque année de 1970 à 1999 en inscrivant chaque fois le no du chèque ou « espèces ». A la fin de 1978 M. Z... a inscrit : « Contrat terminé. Renouvelé. »
L'article 1736 du code civil dispose que si le bail a, comme en l'espèce, été fait sans écrit, l'une des parties ne pourra donner congé à l'autre qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux. Le congé a été délivré les 14 et 17 décembre 2010 pour le 30 juin 2011 à minuit. Il n'est pas soutenu que ce délai et cette date fixant le terme de ce bail soient contraires à l'usage local. Il convient donc de valider le congé délivré par Mme Z... pour le 30 juin 2011.
Le simple fait de continuer à recevoir les loyers et même à en délivrer quittance n'est pas de nature à valoir à l'encontre du bailleur, à défaut de tous autres éléments, soit renonciation au bénéfice des effets du congé, soit engagement nouveau.
En conséquence le jugement déféré sera réformé en ce qu'il a dit que le bail prendrait fin le 31 décembre 2014 et rejeté la demande d'indemnité d'occupation.
Sur l'indemnité d'occupation :
La cour constate la qualité d'occupant sans droit ni titre de Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... depuis le 30 juin 2011.

Compte tenu de la taille du terrain, de son emplacement et du fait qu'il est construit d'un bungalow estimé par la bailleresse à 12 350 euros, l'indemnité mensuelle d'occupation depuis le 1er juillet 2011 sera d'un montant de 700 euros par mois.

En tant que de besoin, sera ordonnée l'expulsion des occupants. Il n'apparaît pas nécessaire d'assortir cette décision d'une astreinte.
Sur l'indemnité au titre de l'accession :
Bien qu'aucune des parties ne fournisse à la cour le moindre élément lui permettant d'apprécier la plus-value du terrain apportée par le bungalow ou le prix des matériaux et le coût de la main d'œuvre conformément à l'article 555 du code civil, il y a lieu, eu égard au fait qu'appelantes et intimée sollicitent la désignation d'un expert, de confirmer le jugement déféré sur ce point.
Sur les demandes accessoires :
Rien ne s'oppose à ce que la compensation des créances réciproques des parties soit ordonnée.
Il serait inéquitable de laisser à la bailleresse, dont le congé est validé et qui n'a pu sans procès obtenir le départ de son locataire, les frais irrépétibles qu'elle a dû exposer en première instance et en appel. Le jugement déféré sera réformé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... seront condamnées à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... qui succombent en appel seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel, à l'exception des frais d'expertise qui seront partagés par moitié.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

- Réforme le jugement déféré en ce qu'il a

. dit que les parties sont liées par un bail qui prendra fin le 31 décembre 2014 à minuit par l'effet du congé délivré les 14 et 17 décembre 2010,. rejeté la demande de fixation d'une indemnité d'occupation,. dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,. condamné Mme Michèle Z... aux dépens,

Statuant à nouveau,
- Dit que les parties sont liées par un bail qui a pris fin le 30 juin 2011 à minuit par l'effet du congé délivré les 14 et 17 décembre 2010,
- Dit que l'indemnité mensuelle d'occupation depuis le 1er juillet 2011 jusqu'à la libération effective des lieux sera fixée à la somme de sept cents euros (700 euros) par mois,
- Ordonne l'expulsion de Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... ainsi que celle de tout occupant de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique,
- Condamne Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... à payer à Mme Michèle Z... l'indemnité d'occupation ci-dessus jusqu'à leur départ effectif des lieux,
- Dit n'y avoir lieu à astreinte,
- Confirme pour le surplus le jugement entrepris,
Y ajoutant,
- Ordonne la compensation des créances réciproques des parties,
- Condamne Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... à payer à Mme Michèle Z... la somme de trois mille euros (3 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile, pour ses frais irrépétibles en première instance et en appel,
- Condamne Mme Valérie X... et Mme Marilyne Y... aux dépens de première instance et d'appel à l'exception des frais d'expertise qui seront partagés par moitié.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00515
Date de la décision : 21/09/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-09-21;14.00515 ?
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