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06/07/2016 | FRANCE | N°15/00066

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 06 juillet 2016, 15/00066


Ch. civile A

ARRET No
du 06 JUILLET 2016
R. G : 15/ 00066 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge de l'exécution de BASTIA, décision attaquée en date du 22 Janvier 2015, enregistrée sous le no 14/ 01026

X...Y...

C/
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE L A CORSE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
M. André X...né le 27 Septembre 1944 à GHISONACCIA (20240) ... 20240 GHISONACCIA

ayant pour avocat Me Lyria OTTAVIANI, avocat au ba

rreau de BASTIA

Mme Maryse Y...épouse X...née le 11 Octobre 1948 à PRUNELLI DI FIUMORBU (20243) ... 20240 GHISONA...

Ch. civile A

ARRET No
du 06 JUILLET 2016
R. G : 15/ 00066 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge de l'exécution de BASTIA, décision attaquée en date du 22 Janvier 2015, enregistrée sous le no 14/ 01026

X...Y...

C/
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE L A CORSE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
M. André X...né le 27 Septembre 1944 à GHISONACCIA (20240) ... 20240 GHISONACCIA

ayant pour avocat Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA

Mme Maryse Y...épouse X...née le 11 Octobre 1948 à PRUNELLI DI FIUMORBU (20243) ... 20240 GHISONACCIA

ayant pour avocat Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié en cette qualité au siège social 1, Avenue Napoléon III 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Christian GIOVANNANGELI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 mai 2016, devant Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Nadège ERND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte d'huissier en date du 23 juillet 2014 M. André X...et son épouse Mme Maryse Y...ont assigné la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Corse (CRCAMC) devant le juge de l'exécution du tribunal de grand instance de Bastia pour que soit constatée la prescription de l'action de la CRCAMC en recouvrement des sommes dues au titre d'un prêt notarié en date du 29 novembre 1995 en application de l'article L137-2 du code de la consommation et subsidiairement de l'article 2224 du code civil et pour que soit jugée nulle la saisie-attribution pratiquée le 23 juin 2014 entre les mains de la Société Générale et ordonné la mainlevée de cette saisie.

Par jugement en date du 22 janvier 2015, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Bastia a

-dit prescrite l'action en recouvrement de la CRCAMC visant les échéances du prêt consenti le 29 novembre 1995 exigibles à compter du 28 février 1996 jusqu'à l'échéance du 28 février 2009 incluse,
- validé la saisie-attribution pratiquée le 23 juin 2014 dans la limite de la somme de 97 851, 36 euros, correspondant au montant des échéances exigibles pour les années 2010 à 2014,
- en tant que de besoin ordonné le cantonnement de la saisie à la somme de 97 851, 36 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné M. et Mme X...aux dépens comprenant les frais de saisie attribution.

M. et Mme X...ont relevé appel de cette décision par déclaration au greffe enregistrée le 2 février 2015.

Par leurs conclusions en date du 28 septembre 2015, auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de leurs prétentions et moyens, M. et Mme X...demande à la cour de :

- constater pour l'intégralité de la créance revendiquée la prescription de l'action en recouvrement diligentée par la CRCAMC à titre principal en application de l'article L137-2 du code de la consommation et subsidiairement de l'article 2224 du code civil,
- juger nulle et de nul effet la saisie-attribution pratiquée le 23 juin 2013,
- en ordonner la mainlevée,
- ordonner en conséquence à la CRCAMC de restituer les sommes qui ont pu lui être versées en conséquence de l'exécution provisoire du jugement entrepris,
- condamner la CRCAMC à leur payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.
Ils exposent qu'un prêt d'argent relève des dispositions du code de la consommation dès lors que le contrat ne contient aucune stipulation précisant que les fonds sont destinés au financement d'une activité professionnelle. En l'espèce le prêt contracté en 1995, étant destiné à consolider à la date du 28 févier 1995 les sommes dues par les emprunteurs en vertu de prêts contractés antérieurement au 1er janvier 1994 ou se rapportant à des créances préexistantes à cette date, n'était pas destiné à financer leur activité professionnelle mais à permettre le remboursement des sommes dues. En outre les emprunts antérieurs avaient été contractés par M. X...seul alors que le prêt en cause a été contracté par les deux époux et que Mme X...n'exerce pas de profession.
Subsidiairement ils soutiennent que le point de départ de la prescription de l'article 2224 du code civil est le jour où, en considération de l'incident de paiement non régularisé, le prêteur peut déchoir l'emprunteur du terme et poursuivre le paiement du capital restant dû. M. André X..., ayant sollicité le bénéfice des dispositions de l'accord conclu le 29 janvier 2004 entre l'Etat la banque, la chambre d'agriculture et plusieurs syndicats agricoles, a reconnu le droit de la banque conformément aux dispositions de l'article 2246 du code civil de sorte que la prescription a été interrompue. Si une nouvelle prescription de 10 ans a commencé à courir, par les effets de la loi du 17 juin 2008 la prescription réduite à 5 ans a été acquises le 19 juin 2013.

Enfin sur l'impossibilité d'agir soulevée par la CRCAMC ils font valoir que les dispositions de l'article 2238 du code civil relatives à la suspension de la prescription supposent un litige né, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ; que le préfet a « invité » la banque à suspendre les procédures, et non pas interdit d'agir en justice, ce qui ne mettait pas la CRCAMC dans l'impossibilité d'agir ; que M. X...n'a jamais répondu aux courriers du préfet l'invitant à régler sa dette à l'amiable.

Par ses écritures en date du 20 mai 2015 auxquelles il convient de se reporter pour un complet exposé de ses prétentions et moyens, la CRCAMC demande à la cour de :

- dire que la prescription ne court pas pour les créances à terme jusqu'à ce que l'échéance soit arrivée ; que lorsqu'une dette est payable par termes successifs la prescription se divise comme la dette elle-même ; que la prescription ne peut commencer à courir que lorsque l'échéance est devenue exigible,
- confirmer en conséquence le jugement sur ce point,
- constater que le délai de prescription a été suspendu durant 5 ans et 2 mois (du 4 mars 2009 au 21 mai 2014) en raison de la médiation entreprise entre les pouvoirs publics, M. X...par l'intermédiaire des représentants de sa profession et la CRCAMC ; qu'en conséquence cette dernière pouvait le 23 juin 2014, jour de la saisie poursuivre le recouvrement des échéances du prêt,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que seules les échéances dues au titre des années 2010 à 2014 n'étaient pas prescrites,
subsidiairement,
- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les échéances dues au titre des années 2010 à 2014 ne sont pas prescrites au jour de la saisie,
- constater que M. et Mme X...restent redevables de la somme de 97 851, 36 euros,
- confirmer le jugement en ce qu'il a validé la saisie,
- débouter M. et Mme X...de toutes leurs demandes,
- les condamner à payer à la CRCAMC la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 novembre 2015 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 9 mai 2016.

SUR QUOI LA COUR

-Sur l'application de l'article 137-2 du code de la consommation

Suivant acte authentique en date du 29 novembre 1995 la CRCAMC a consenti aux époux X...un « prêt de consolidation » d'un montant de 1 334 585 francs remboursable en deux parties : pour la somme de 721 773 francs en 7 annuités de 131 601 francs à compter du 28 février 1996 au taux d'intérêts de 6, 50 % et pour la somme de 612 812 francs en 7 annuités de 128 372 francs à compter du 28 févier 2003 au taux de 7, 30 %. Il est inscrit dans le préambule de l'acte que ce réaménagement s'inscrit dans le cadre des mesures de restructuration de la dette des agriculteurs de Corse dont les modalités sont définies dans l'instruction interministérielle no 000175 en date du 26 octobre 1994. Cette instruction, versée aux débats par la CRCAMC, précise que les prêts aménagés doivent avoir été souscrits avant le 1er janvier 1994 pour les stricts besoins de l'exploitation agricole. Le paragraphe « objet » de l'acte notarié énonce que l'aménagement de la dette, objet des présentes, a pour effet de consolider au 28 février 1995 les sommes dues en capital, intérêts, frais et accessoires divers échus ou engagés au titre de certains prêts, consentis par le « prêteur » à l'« emprunteur » antérieurement au premier janvier 1994 ou se rapportant à des créances préexistantes à cette date. Il est stipulé page 6 de l'acte que le prêt (sic) de réaménagement deviendra immédiatement exigible « en cas de perte du caractère de société agricole ». L'octroi du prêt a donc bien pour but de permettre la continuation de l'exploitation agricole.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le prêt de réaménagement a bien un caractère professionnel et que ce caractère est expressément énoncé dans l'acte.
C'est donc à bon droit que le premier juge a écarté l'application de l'article L137-2 du code de la consommation, applicable aux prêts non professionnels.
- Sur le point de départ du délai de prescription
En jugeant qu'en l'absence de déchéance du terme réclamant le remboursement du capital restant dû le délai de prescription devait être calculée à partir de la date d'exigibilité de chaque échéance impayée le premier juge a fait une juste application de l'article 2233 du code civil, qui dispose que la prescription ne court pas à l'égard d'une créance à terme jusqu'à ce que ce terme soit arrivé.
- Sur la computation des délais
Dans sa rédaction initiale l'article L110-4 du code du commerce applicable à l'espèce au moment de la signature du prêt le 29 novembre 1995 prévoyait un délai de prescription extinctive de 10 ans pour les obligations entre commerçants et non commerçants. Ce délai a été ramené à 5 ans par la loi du 17 juin 2008. L'article 2222 du code civil dispose qu'en cas de réduction du délai de prescription le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Cette dernière disposition limitant le délai à la durée prévue par la loi antérieure n'a pas été prise en compte par la banque dans son tableau récapitulatif. (page 10 des écritures).
- Sur l'interruption de la prescription
M. X...a adressé le 2 août 2004 un « bulletin de situation » au service de désendettement de la CRCAMC. C'est à bon droit que le premier juge a considéré que ce document, qui ne comporte aucune allusion à l'existence de la dette ni à son montant, ne pouvait pas être considéré comme une reconnaissance de dette interruptive de prescription au sens de l'article 2240.
Le document du 24 novembre 2005, en revanche qui porte toutes les caractéristiques du prêt, et qui a été par conséquent justement retenu par le premier juge comme interruptif de prescription porte la fin du délai, après prise en compte du nouveau délai de la loi de 2008, à la date du 19 juin 2013, pour les échéances de 1996 à 2005.
S'agissant d'un emprunt par deux co-emprunteurs solidaires tout acte qui interrompt la prescription est opposable à l'autre débiteur en application de l'article 2245 du code civil.
- Sur la suspension de la prescription
La CRCAMC soutient que la prescription a été suspendue à compter du 4 mars 2009 et jusqu'au 21 mai 2014 en application des articles 2234 et 2238 du code civil. Elle verse aux débats la lettre du préfet demandant à la CRAMC de suspendre les procédures judiciaires à l'encontre des agriculteurs corses, comme suite d'un protocole de ce jour avec les représentants de la profession agricole corse. Le préfet précise que la mesure prendra effet à compter de ce jour et pendant la période d'élaboration d'un nouveau protocole destiné à solder les derniers dossiers d'endettement bancaire. Ce n'est que le 21 mai 2014 qu'après trois lettres de relance du préfet enjoignant à M. André X...de donner suite à la proposition de règlement amiable mis en place par le protocole que le préfet, par lettre en date du 21 mai 2014 adressée à M. André X..., a écrit : « Vous n'avez pas donné suite à cette proposition. En conséquence le Crédit Agricole reprendra les procédures classiques de recouvrement de sa créance. » Le Crédit Agricole a alors adressé aux appelants une lettre de mise en demeure le 27 mai 2014 et procédé à la saisie litigieuse le 23 juin 2014.
Il ressort donc bien des éléments ci-dessus que la CRCAMC a été dans l'impossibilité d'agir au sens de l'article 2234 du code civil pendant la période du 4 mars 2009 au 21 mai 2014 et que dès lors le court de la prescription a été suspendu pendant cette période pour les échéances dont le délai de prescription n'était pas atteint au 4 septembre 2009.
En application de l'article L110-4 du code de commerce, de la loi du 17 juin 2008 et de l'article 2224 du code civil les échéances 1996 à
2005 dont le délai de prescription court jusqu'au 19 juin 2013 après interruption de la prescription voient par l'effet de la suspension ce délai prorogé au delà de la date du 21 mai 2014 du temps qui restait à courir au 4 mars 2009. Il en est de même pour les échéances ultérieures.
En conséquence la prescription extinctive n'était au jour de la saisie le 23 juin 2014 acquise pour aucune des échéances. Le jugement déféré devra donc être infirmé et M. et Mme X...devront être déboutés de l'ensemble de leurs demandes.
Aucune raison d'équité ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile. Cette demande de la CRCAM sera rejetée.
M. et Mme X...seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,
Constate que la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse pouvait au jour de la saisie-attribution du 23 juin 2014 procéder au recouvrement de l'ensemble des échéances du prêt souscrit le 29 novembre 1995,
Déboute M. André X...et son épouse Mme Maryse Y...de l'ensemble de leurs demandes,
Valide la saisie-attribution pratiquée le 23 juin 2014 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse entre les mains de la Société Générale,
Déboute la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Corse de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. André X...et son épouse Mme Maryse Y...aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/00066
Date de la décision : 06/07/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-07-06;15.00066 ?
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