Ch. civile A
ARRET No
du 06 JUILLET 2016
R. G : 15/ 00001 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 15 Décembre 2014, enregistrée sous le no
X...
C/
Y... SA BARBARA BUI
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Lucien X...... 20166 PORTICCIO
ayant pour avocat Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
M. Jean-Pierre Y... pris en sa qualité de mandataire judiciaire de M. X...... 20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO
SA BARBARA BUI prise en la personne de son représentant légal 43 Rue des Francs Bourgeois 75004 PARIS
ayant pour avocat Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mai 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Nadège ERND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La SA Barbara Bui a fait assigner le 16 octobre 2012 Lucien X..., commerçant en vêtements, devant le tribunal de commerce d'Ajaccio en paiement d'une somme de 23 008, 65 euros au titre d'une facture impayée, ainsi qu'en dommages-intérêts.
M. X... a été placé en redressement judiciaire le 3 septembre 2013.
Par acte du 5 juin 2014 la demanderesse a fait appeler en cause Me Y... en sa qualité de mandataire judiciaire. Les procédures ont été jointes.
Suivant jugement contradictoire du 15 décembre 2014 le tribunal de commerce d'Ajaccio a :
• condamné M. X... à payer à la SA Barbara Bui la somme de 23 008, 65 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 7 août 2012,
• condamné M. X... à payer à la SA Barbara Bui la somme de 910 euros à titre de dommages-intérêts en application de l'article 1146 du code civil,
• condamné M. X... à payer à la SA Barbara Bui la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens,
• pris acte de l'intervention de Me Y... en sa qualité de mandataire judiciaire de M. X...,
• ordonné l'exécution provisoire du jugement,
• dit qu'aux termes des articles 1244 et 1244-1 du code civil M. X... pourra se libérer en 24 versements égaux et mensuels, le premier versement devant être effectué dans le mois de la signification du jugement,
• dit que faute de paiement d'un seul terme à son échéance la somme restant due deviendra immédiatement et de plein droit exigible sans mise en demeure préalable,
• débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
M. X... a formé appel de cette décision le 2 janvier 2015.
Me Y..., es qualités de mandataire judiciaire de M. X..., est intervenu volontairement et s'est constitué le 26 janvier 2015, mais n'a pas conclu.
Dans ses dernières conclusions déposées le 29 septembre 2015 M. X... demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
- de constater qu'un redressement judiciaire a été ouvert à l'encontre de M. X... le 2 septembre 2013 et en conséquence :
- de rejeter les demandes de condamnation formulées par la SA Barbara Bui,
- de dire que cette société a manqué à son obligation de livraison et qu'elle ne justifie pas d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée,
en conséquence et à titre reconventionnel :
- de condamner la SA Barbara Bui à verser à M. X... la somme de 23 769 euros à titre de dommages-intérêts,
- d'ordonner en tant que de besoin la compensation entre toutes les sommes respectivement dues par les parties,
- de condamner la SA Barbara Bui à verser à M. X... la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 1er juin 2015 la SA Barbara Bui demande à la cour de confirmer le jugement, de débouter M. X... de sa demande reconventionnelle :
- de dire qu'en l'état de la procédure collective dont bénéficie M. X... il y a lieu de fixer la créance de la SA Barbara Bui à la somme de 23 008, 65 euros avec intérêts de retard au taux légal à compter du 7 août 2012 et avec application du taux conventionnel mentionné sur les factures à savoir une pénalité égale à une fois et demie le taux d'intérêt légal,
- de condamner M. X... à lui payer la somme de 1 910 euros à titre de dommages-intérêts et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de le condamner en tous les dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement des honoraires éventuellement prélevés au titre de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001,
- de dire qu'en l'état de la procédure collective dont bénéficie M. X... il y a lieu d'augmenter la créance de la SA Barbara Bui à la présente procédure du montant des sommes portées en condamnation en application de l'article 1146 du code civil, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est datée du 9 décembre 2015.
SUR CE :
La créance invoquée par la SA Barbara Bui est née avant le jugement prononçant l'ouverture du redressement judiciaire de M. X.... Dans ces conditions, et en vertu des articles L622-21 et L622-22 du code de commerce, d'une part le créancier poursuivant doit procéder à la déclaration de sa créance, d'autre part le débiteur ne peut pas être condamné au paiement d'une somme d'argent ; la juridiction saisie ne peut que constater l'existence de la créance et c'est donc à tort que le tribunal de commerce a prononcé des condamnations à l'encontre de M. X....
M. X... ne conteste ni la livraison de la marchandise pour un montant total de 23 008, 65 euros, ni être débiteur de la somme réclamée, en principal et intérêts ; il estime cependant que cette somme doit entrer en compensation avec celle qui lui serait due à titre de dommages-intérêts par la SA Barbara Bui, laquelle n'aurait pas respecté ses engagements à son égard.
Courant 2011, M. X... a passé commande de la collection printemps-été 2012, et la SA Barbara Bui lui a adressé une confirmation de commande le 27 juillet 2011, indiquant que la livraison devait s'effectuer entre le 1er décembre 2011 et le 28 février 2012.
Le 20 octobre 2011 la SA Barbara Bui a consenti à M. X... un plan de financement concernant la collection été 2012 : les commandes relatives à celle-ci, d'un montant total de 60 595, 34 euros devaient être payés en quatre échéances de 15 148, 84 euros chacune en janvier, février, mars et avril 2012. L'échéancier de paiement est donc relatif, non pas à la collection printemps été, mais à la collection été, contrairement à ce que soutient l'intimée ; en outre la SA Barbara Bui ne verse pas aux débats le plan de financement qui aurait été conclu pour la saison automne hiver 2011, évoqué dans ses écritures, qui n'aurait pas été respecté, et qui justifierait selon elle sa décision de ne pas livrer la collection printemps été 2012 au vu d'une dette de M. X... au 31 décembre 2011 de 34 319, 68 euros. La seule production de factures n'est par ailleurs pas suffisante à établir l'existence de cette dette.
Le fait pour le fournisseur de s'être abstenu de livrer la collection printemps été 2012, alors qu'il n'est pas justifié de l'existence d'une dette au 31 décembre 2011, apparaît dès lors comme injustifié et fautif ; cette abstention est à l'origine du manque de trésorerie de M. X..., dont la société intimée est le fournisseur principal. En effet, M. X... n'a pas reçu entre le 1er décembre 2011 et le 28 février 2012 les marchandises dont la vente lui aurait permis de respecter les échéances prévues pour la collection suivante c'est-à-dire celle de l'été 2012 ; de fait, le chèque du 7 mai 2012 a été rejeté pour défaut de provision.
Les comptes annuels établis par l'expert-comptable de M. X... ainsi que son attestation du 30 mai 2013 démontrent que les chiffres d'affaires de l'année 2012, et spécialement pour les mois de mars, avril, mai et juin, ont été inférieurs à ceux de l'année précédente, mais il n'est pas démontré que cette baisse n'est imputable qu'à l'attitude de la SA Barbara Bui. Dans ces conditions, la cour fixera l'indemnisation du préjudice subi par M. X... à la somme de 15 000 euros. En l'état de la procédure de redressement judiciaire de M. X... la cour n'ordonnera pas la compensation.
La demande de dommages et intérêts formée par la SA Barbara Bui sera rejetée en l'état de la faute commise par cette société.
Eu égard au montant de la dette et de la situation de règlement judiciaire de l'appelant les dispositions qui octroient des délais de paiement seront infirmées.
L'équité n'exige pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront partagés.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme la décision déférée et statuant à nouveau :
Fixe la créance de la SA Barbara Bui envers M. X... à la somme de vingt trois mille huit euros et soixante cinq centimes (23 008, 65 euros), avec intérêts de retard au taux légal à compter du 7 août 2012 et avec application du taux conventionnel mentionné sur les factures à savoir une pénalité égale à une fois et demie le taux d'intérêt légal,
Condamne la SA Barbara Bui à payer à Me Y... es qualités de mandataire judiciaire de M. X... la somme de quinze mille euros (15 000 euros) à titre de dommages et intérêts,
Dit n'y avoir lieu à prononcer la compensation,
Rejette la demande de dommages et intérêts de la SA Barbara Bui,
Rejette la demande de délais de paiement,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera sa propre part des dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT