Ch. civile A
ARRET No
du 06 JUILLET 2016
R. G : 14/ 00491 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal d'Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 16 Mai 2014, enregistrée sous le no 13/ 000621
X...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Thierry X... né le 02 Mars 1964 à LYON (69000) ...20137 PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
Melle Alicia X... née le 12 Août 1986 à PORTO-VECCHIO (20137) Chez Mr Y...François ...20137 PORTO-VECCHIO
ayant pour avocat Me Pascale CHIRON, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mai 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Nadège ERND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Mme Alicia X... est propriétaire d'une maison d'habitation sise lieu-dit ..., qui fut un bien propre de sa mère décédée, occupé par M. Thierry X..., son père.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 17 novembre 2011, Mme Alicia X... a manifesté à M. Thierry X... son intention de reprendre possession de la maison à compter du 31 août 2012. Par acte du 4 novembre 2013, Mme Alicia X... assignait M. Thierry X... devant le tribunal d'instance d'Ajaccio statuant en audience foraine à Porto-Vecchio notamment pour qu'il constate la fin du prêt à usage sur la maison et l'occupation sans droit ni titre à compter du 1er juin 2012, pour qu'il ordonne son expulsion et le condamne au paiement d'une indemnité d'occupation, des frais et dépens et de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 16 mai 2014, le tribunal d'instance d'Ajaccio a, notamment
-constaté qu'à compter du 1er juin 2012 M. Thierry X... était occupant sans droit ni titre de la propriété sise lieu-dit ..., ..., ...à Porto-Vecchio appartenant à Mme Alicia X...,
- autorisé Mme Alicia X... après signification de la décision et après commandement d'avoir à quitter les lieux à faire procéder à l'expulsion de M. Thierry X... ainsi qu'à celle de tout bien et de toute personne se trouvant dans les lieux au besoin avec le concours de la force publique,
- dit qu'il serait procédé au transport des meubles laissés dans les lieux au frais de la personne expulsée dans tel garde-meuble désigné par celle-ci ou à défaut par le bailleur,
- condamné Thierry X... à payer à Mme Alicia X... une indemnité mensuelle d'occupation fixée à 1. 000 euros à compter du 1er juin 2012, réglable à terme au plus tard le cinq du mois suivant, jusqu'à libération effective des lieux avec intérêts au taux légal à compter de chaque date d'échéance,
- condamné M. Thierry X... au paiement des dépens et d'une somme de 800 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- rejeté toutes autres demandes.
M. Thierry X... a interjeté appel par déclaration reçue le 10 juin 2014.
Par conclusions communiquées le 4 septembre 2014, M. Thierry X... demandait de :
- réformer toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 mai 2014,
- dire qu'il rapporte la preuve de l'existence d'une relation onéreuse avec sa fille portant sur l'occupation de la maison dont elle demande qu'il soit expulsé,
- dire qu'il ne peut y avoir de prêt à usage qui est une convention gratuite,
- dire qu'il n'est pas occupant sans droit ni titre,
- rejeter la demande d'expulsion et de fixation d'une indemnité d'occupation.
Il relatait avoir acquis les matériaux et réalisé les travaux de construction de la maison, étant exploitant d'une entreprise individuelle de bâtiment. Il estimait que le premier juge avait fait une analyse erronée des pièces et des accords entre les parties, puisque les travaux réalisés pour 65. 000 euros venaient en contre partie d'un loyer, qui, pour une telle habitation ne pouvait excéder 800 euros par mois. Il considérait démontrer le caractère onéreux de leur accord, excluant l'existence d'un prêt à usage et que la somme de 1. 000 euros à titre d'indemnité d'occupation était disproportionnée, la somme de 65. 000 euros affectée aux travaux représentant 80 mois de location à 800 euros. Il contestait toute influence sur les témoignages.
Par conclusions communiquées le 3 novembre 2014, Mme Alicia X... demandait, au visa des articles 875 et suivants du code civil, de
-confirmer en toutes ses dispositions la décision entreprise,
- débouter M. X... de toutes ses demandes plus amples contraire,
Y ajoutant de,
- condamner M. X... à lui payer une somme de 5. 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- dire que la restitution des lieux se fera en présence d'un huissier de justice qui procédera à la reprise des clés et à un état des lieux,
- dire que les honoraires d'huissier seront supportés par M. X...,
- condamner M. X... au paiement des dépens et d'une somme de 3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire en cas de défaut de règlement spontané des condamnations, l'exécution forcée devrait être réalisée par un huissier et que le montant des sommes retenues par cet huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996, serait supporté par le débiteur en sus de application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle faisait valoir une mise à disposition du bien, sans contrepartie. Elle estimait que les factures n'étaient pas probantes, que la réalisation des travaux n'était pas démontrée et que les attestations étaient de pure complaisance. Elle ajoutait que s'ils avaient voulu conclure un bail, ils auraient prévu les travaux à réaliser et la durée d'occupation, qu'elle n'avait jamais demandé les travaux allégués et que son père était de mauvaise foi. Elle soutenait que la résistance de son père était abusive et l'avait contrainte à être hébergée dans l'attente de la libération des lieux ;
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 novembre 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 19 mai 2016. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 6 juillet 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des articles 1875 et 1876 du code civil, le prêt à usage ou commodat est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi ; ce prêt est essentiellement gratuit.
Hors les déclarations des parties, il est établi que Feue Jeanne B..., décédée le 16 septembre 1999, a laissé pour lui succéder sa fille, Alicia X..., née le 12 août 1986. Parmi les immeubles dépendant de la succession figurait la maison litigieuse.
S'agissant d'un bien appartenant en propre à Feue Jeanne B..., M. X... ne démontre pas l'avoir bâti. Si tel n'était pas le cas et si sa participation avait excédé une contribution aux charges du couple, cet état de fait figurerait dans l'acte notarié. Cette maison a été louée à compter de 2004 au moins jusque novembre 2007, à charge pour le locataire d'exécuter des travaux, moyennant minoration du loyer à 304, 90 euros. M. X... ne justifie donc pas avoir réalisé des travaux sur cette maison pendant cette période.
Etant entré dans la maison en 2008, toutes les pièces antérieures, à l'exception de celles datant de sa vie commune avec feue Jeanne B...ne sont pas de nature à démontrer qu'il a exécuté des travaux sur la maison. Les factures postérieures à 2008, à l'en-tête Comar, concernant des chantiers extérieurs, ne sont pas probantes. En effet, certaines factures correspondent à des travaux de confort de l'occupant (moustiquaire, porte-torchons, tablettes), d'autres (22 décembre 2008 et 29 décembre 2010) établies par l'entreprise Comar au nom de X..., sont insuffisantes. En tout état de cause, la production de factures ne prouve ni la réalisation des travaux qui est contestée, ni leur paiement.
S'agissant des attestations, M. X... ne conteste pas que celles de Mmes X..., C...et D...émanent de ses proches. Celle de Mme Alicia X... produite dans un autre litige n'est pas conforme aux dispositions du code de procédure civile. L'écrit de Mme E...n'est pas une attestation. Les attestations de MM. F...et G...ne suffisent à démontrer ni l'existence d'un bail ni la réalisation de travaux excédant ceux de garde et conservation de l'immeuble et ceux nécessaires à son usage. Enfin les travaux de réfection de l'électricité et de la salle de bains, de création d'une chambre et d'une cheminée que M. X... revendique avoir effectués sont aussi ceux que M. H...de l'entreprise Corebat prétend avoir réalisés en contre partie d'une baisse de loyer.
Il résulte de ces éléments que M. X... ne prouve pas l'existence d'un bail verbal, au terme duquel il aurait pu occuper le logement propriété de Mme X..., en contrepartie de la réalisation de travaux, sans accord sur leur importance, ni sur la durée d'occupation. Dès lors, qu'il est démontré que Mme X... est propriétaire de la maison, que M. X... ne prouve ni l'existence d'un bail ni pouvoir l'occuper à un autre titre, l'existence d'un prêt à usage est démontrée.
Mme X... a réclamé la restitution de l'immeuble et son délaissement par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 novembre 2011. En l'état d'un prêt à usage et d'un maintien dans les lieux, une indemnité d'occupation à caractère forfaitaire est due, destinée à compenser les pertes de loyers et le préjudice issu de l'indisponibilité du bien, justement fixée à 1. 000 euros par mois par le premier juge, d'autant que le loyer de 2004 était de 838 euros par mois.
Le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions y compris celles relatives au paiement des dépens et M. X... doit être débouté de ses prétentions contraires.
La demande de dommages et intérêts de Mme X... figure dans le procès verbal d'audience, elle n'est pas nouvelle en appel, mais son
montant est porté de 1. 000 à 5. 000 euros et se fonde sur la résistance de son père à sa demande et son obligation d'être hébergée.
L'attestation de Mme I...qui n'est pas contestée, relate qu'elle a hébergé Mme X... dans l'attente de la restitution de la maison, qu'elle a entendu M. X... dire " qu'il partirait à condition qu'Alicia lui donne la moitié du terrain d'AFA [pour] qu'il puisse construire lui-même sa propre maison ". Cet élément caractérise la résistance de M. X... à la demande, cependant Mme X... ne prouve pas un préjudice consécutif. Elle sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
La demande de restitution du bien en présence d'un huissier de justice constitue l'accessoire et le complément de la demande d'expulsion. L'emprunteur est tenu, par application de l'article 1880 du code civil applicable à l'espèce, de veiller à la garde et la conservation de la chose, tant qu'il n'a pas remis les clefs, il reste tenu du paiement des indemnités d'occupation et des dégradations causées à la chose. Si le prêteur peut désigner un huissier de justice pour réaliser un état des lieux de sortie et récupérer les clefs, cette désignation ne peut être aux frais de l'emprunteur. En l'état, les frais d'exécution forcée, qui sont virtuels, ne peuvent pas être mis à la charge de M. X..., l'intimée sera déboutée de cette demande.
M. X... qui succombe sera condamné au paiement des dépens d'appel et d'une somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
- Confirme le jugement du tribunal d'instance d'Ajaccio du 16 mai 2014, en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
- Déboute M. Thierry X... de ses demandes,
- Déboute Mme Alicia X... du surplus de ses demandes,
- Condamne M. X... au paiement des dépens d'appel,
- Condamne M. Thierry X... à payer à Mme Alicia X... une somme de mille cinq cents euros (1. 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT