Ch. civile A
ARRET No
du 06 JUILLET 2016
R. G : 13/ 00057 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction d'AJACCIO, décision attaquée en date du 14 Janvier 2013, enregistrée sous le no 12/ 00051
X...
C/
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUILLET DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Rémy X...né le 16 Juin 1980 ... 20137 PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMEE :
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS art. L. 422. 1 du code des assurances, géré par le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES (FGAO), pris en la personne de son Directeur Général élisant domicile en sa délégation de MARSEILLE, 39, Boulevard Vincent Delpuech 64, Rue Defrance 94682 VINCENNES CEDEX
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 19 mai 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 juillet 2016.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 25 novembre 2015 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Nadège ERND, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Victime de violences volontaires le 30 août 2010, Rémy X... a saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'Ajaccio d'une demande d'expertise médicale et de versement d'une provision.
Cette juridiction a rejeté ses demandes par jugement du 14 janvier 2013.
Par arrêt du 19 mars 2014, la cour d'appel de Bastia a ordonné une mesure d'expertise et alloué à M. X... une provision de 8 000 euros.
L'expert, le Docteur B..., a déposé son rapport le 17 avril 2015.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 novembre 2015 M. X... demande l'allocation des sommes suivantes :
- au titre des frais divers : réserver la demande-au titre des pertes de gains professionnels actuels : 56 264, 26 euros-déficit fonctionnel temporaire total : 1 040 euros-déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % : 2 550 euros-déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 6 200 euros-souffrances endurées : 12 000 euros-préjudice esthétique temporaire : 5 000 euros
-préjudice d'agrément : 15 000 euros-déficit fonctionnel permanent : 28 000 euros-préjudice esthétique permanent : 10 000 euros-préjudice d'établissement : 15 000 euros.
Dans ses dernières conclusions déposées le 24 novembre 2015 le Fonds de Garantie des Victimes des Actes de Terrorisme et Autres Infractions propose les sommes suivantes :
- déficit fonctionnel temporaire total : 631, 60 euros-déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 % : 985, 50 euros-déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 % : 3 788 euros-souffrances endurées : 7 000 euros-préjudice esthétique : 2 000 euros-déficit fonctionnel permanent : 22 000 euros.
Il demande à la cour de rejeter tous les autres postes de préjudice et de laisser les dépens à la charge de l'État.
Le ministère public a fait connaître le 26 novembre 2015 qu'il n'avait pas d'observations à formuler.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 novembre 2015.
SUR CE :
L'agression dont M. X... a été victime le 30 août 2010 a entraîné un traumatisme crânio facial, une fracture des os propres du nez avec déplacement de la pyramide nasale, une ecchymose palpébrale, un hématome péri-orbitaire et une fracture du plancher de l'orbite gauche, un épistaxis bilatéral, une otorragie gauche, des contusions, des troubles de la vigilance.
Lors de l'expertise l'intéressé présentait une légère lenteur d'idéation, des troubles de la concentration et de l'attention, des troubles post commotionnels marqués avec troubles de l'humeur, une légère déformation de l'hémiface gauche, une déformation de la pyramide nasale vers la droite, une diminution du flux narinaire gauche, une hypersensibilité des incisives supérieures aux chocs, une légère raideur du rachis cervical, toutes ces séquelles étant selon l'expert en liaison avec l'agression. Au vu de cette expertise, en considération de l'âge et de l'activité de la victime au moment des faits, en tenant compte de la date de consolidation fixée au 30 août 2013, l'indemnisation peut être fixée comme suit :
Préjudices patrimoniaux :
• Préjudices patrimoniaux temporaires :
- Frais divers : la demande est réservée.
- Perte de gains professionnels actuels : du 30 août 2010 au 25 janvier 2011 : M. X... justifie qu'il a été inscrit au répertoire des métiers pour une activité d'installation électrique, climatisation et chaufferie, le 3 mai 2010, et qu'il a été radié le 31 mars 2011.
Selon l'expert il a dû arrêter ses activités professionnelles du 30 août 2010 au 25 janvier 2011. En l'absence de tout justificatif de revenus concernant la période antérieure à l'accident, mais au vu de l'activité déclarée, il convient d'évaluer la perte de gains professionnels actuels à la somme de 6 000 euros.
• Préjudices patrimoniaux permanents :
Aucune demande n'est formée sur ce point.
Préjudices extra patrimoniaux :
• Préjudices extra patrimoniaux temporaires :
- Déficit fonctionnel total : du 30 août 2010 au 15 septembre 2010 et du 16 septembre 2010 au 24 septembre 2010 : 26 jours : 631, 80 euros.
- Déficit fonctionnel partiel de classe IV du 25 octobre 2010 au 17 décembre 2010 : 54 jours : 985, 50 euros.
- Déficit fonctionnel partiel de classe II du 18 décembre 2010 au 29 août 2012 : 621 jours : 3 788 euros,
- Préjudice esthétique temporaire : le traumatisme facial, les ecchymoses, les dermabrasions, les hématomes, la fracture du nez avec déplacement de la pyramide nasale, l'exotropie et l'hypertropie de l'œil gauche, objectivés avant la consolidation, justifie l'allocation d'une somme de 5 000 euros.
- Souffrances endurées : 3, 5/ 7 : l'expert a retenu le fait traumatique, la prise en charge par les pompiers, les soins, la sédation, l'intubation, les bilans paracliniques, l'hospitalisation en service de neurologie, le transfert par ambulance et avion, l'hospitalisation en CRRRF, la rééducation psycho neurologique et fonctionnelle, le suivi médical, le suivi chirurgical, le bilan psycho neurologique, les bilans ophtalmologiques, les soins orthoptiques ; une somme de 12 000 euros sera allouée à la victime.
• Préjudices extra patrimoniaux permanents :
- AIPP 14 % : M. X... présentait au jour de l'expertise des troubles post commotionnels, une légère lenteur d'idéation, des troubles de la ventilation narinaire gauche, un léger syndrome cervical, ce qui justifie le versement d'une somme de 28000 euros.
- Dommage esthétique permanent : 1, 5/ 7 : l'expert a retenu la cicatrice frontale gauche, la déviation nasale et le léger enfoncement du malaire gauche ; ce poste de préjudice peut être chiffré à 2 000 euros.
- Préjudice d'agrément : les troubles post commotionnels et la lenteur d'idéation évoqués par M. X... font partie des séquelles indemnisées dans le cadre du déficit fonctionnel permanent. Faute de démonstration que celui-ci se livrait avant l'accident à des activités ludiques ou sportives spécifiques sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'agrément sera rejetée.
- Préjudice d'établissement : celui-ci peut se définir comme l'impossibilité de réaliser tout projet personnel de vie, notamment de fonder une famille, en raison de la gravité d'un handicap.
En fait, M. X... a eu avec sa compagne, deux enfants, nés en mars 2008 et juin 2010, et il ne peut donc pas soutenir avoir perdu l'espoir de fonder une famille ; d'autre part, s'il est acquis médicalement que le comportement de celui-ci a pu changer à la suite de l'accident, il n'est pas certain, même au vu des deux attestations versées aux débats, que la séparation du couple ne soit imputable qu'à l'accident. Au demeurant la situation de M. X... ne peut être assimilée à celle d'un grand handicapé privé de toute possibilité de vie familiale normale. Sa demande d'indemnisation sur ce point sera en conséquence rejetée.
L'équité permet de faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 000 euros. Les dépens seront laissés à la charge de l'État.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Alloue à M. X... les sommes de :
- six mille euros (6 000 euros) au titre de la perte de gains professionnels actuels,
- six cent trente et un euros et quatre vingt centimes (631, 80 euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire total,
- neuf cent quatre vingt cinq euros et cinquante centimes (985, 50 euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 75 %,
- trois mille sept cent quatre vingt huit euros (3 788 euros) au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 25 %,
- cinq mille euros (5 000 euros) au titre du préjudice esthétique temporaire,
- douze mille euros (12 000 euros) au titre des souffrances endurées,
- vingt huit mille euros (28 000 euros) au titre du déficit fonctionnel permanent,
- deux mille euros (2 000 euros) au titre du préjudice esthétique permanent,
Rejette les demandes formées au titre du préjudice d'agrément et du préjudice d'établissement,
Réserve la demande au titre des frais divers,
Alloue à M. X... la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Laisse les dépens à la charge de l'État.
LE GREFFIERLE PRESIDENT