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25/05/2016 | FRANCE | N°15/00143

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale, 25 mai 2016, 15/00143


ARRET No-----------------------25 Mai 2016-----------------------15/ 00143----------------------- Alain X... C/ SARL CODIPRAL---------------------- Décision déférée à la Cour du : 16 avril 2015 Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'AJACCIO 14/ 00086------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT CINQ MAI DEUX MILLE SEIZE

APPELANT :

Monsieur Alain X... ......20167 MEZZAVIA Représenté par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI de la SCP LANFRANCHI PANCRAZI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence depuis AJ

ACCIO,

INTIMEE :
SARL CODIPRAL prise en la personne de son représentant légal No SI...

ARRET No-----------------------25 Mai 2016-----------------------15/ 00143----------------------- Alain X... C/ SARL CODIPRAL---------------------- Décision déférée à la Cour du : 16 avril 2015 Conseil de Prud'hommes-Formation paritaire d'AJACCIO 14/ 00086------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT CINQ MAI DEUX MILLE SEIZE

APPELANT :

Monsieur Alain X... ......20167 MEZZAVIA Représenté par Me Cécile PANCRAZI-LANFRANCHI de la SCP LANFRANCHI PANCRAZI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence depuis AJACCIO,

INTIMEE :
SARL CODIPRAL prise en la personne de son représentant légal No SIRET : 451 818 173 00010 Valle di Casetta-Ogliastrone 20167 AFA Représentée par Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence depuis AJACCIO,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2016 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BESSONE, Conseiller, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire, Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme BESSONE, Conseiller, faisant fonction de président, Mme ROUY-FAZI, Conseiller Mme BENJAMIN, Conseiller

GREFFIER :
Melle BORCKHOLZ, Greffier lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mai 2016

ARRET

Contradictoire Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe. Signé par Mme BESSONE, Conseiller faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
M. Alain X... a été embauché par la société COFADIS devenue ensuite CODIPRAL, en qualité de chauffeur poids-lourds suivant CDI en date du 4 mai 1992.
Sa rémunération était fixée à 5 500 francs par mois.
Le 1er mars 2004, les parties ont signé un nouveau contrat de travail reprenant l'ancienneté du salarié, et mentionnant au titre des fonctions exercées, celle d'approvisionneur.
Sa rémunération était fixée à 1 460, 58 euros, outre une prime d'entretien et une indemnité de repas.
Le 2 mai 2010, un nouveau contrat était signé, fixant la rémunération à 2 480, 44 euros.
Le 17 décembre 2011, l'employeur soumettait au salarié un nouveau contrat de chef de secteur commercial itinérant, avec un salaire de base de 2 480 euros, une prime d'objectifs sur encaissement du chiffre d'affaires, et une prime mensuelle d'objectifs sur marge.
M. X... commençait à exercer ces fonctions.
Les 17 et 20 août 2012, il faisait l'objet de deux avertissements, et par courrier du 23 novembre 2012, il faisait l'objet d'un licenciement.
Par jugement du 16 avril 2015, le Conseil de Prud'Hommes de Bastia a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, et a condamné la SARL
CODIPRAL à payer à M. X... la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 1 000 euros en réparation de son préjudice moral, et celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le Conseil de Prud'Hommes a par ailleurs rejeté le surplus des demandes du salarié.
Par lettre recommandée expédiée le 26 mai 2015, M. X... a interjeté appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 1er juin 2015.
M. X... Alain demande à la cour :- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement, et le préjudice moral subi,- de l'infirmer pour le surplus, et de condamner la SARL CODIPRAL à lui payer la somme de 100 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle de 50 000 euros en réparation de son préjudice moral, celle de 10 000 euros pour violation de son obligation de formation, et celle de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande dans le corps de ses conclusions écrites, d'annuler comme injustifiés, les avertissements écrits dont il a fait l'objet le 17 août 2012, et le 20 août 2012.
Il fait valoir que le licenciement est fondé sur le non-respect d'objectifs commerciaux contractuels qu'il aurait librement acceptés, alors qu'il n'a pas signé le contrat de travail daté du 1er janvier 2011, que ses nouvelles fonctions de chef de secteur commercial itinérant lui ont été imposées à son retour de congés en décembre 2011, sans aucune concertation préalable, qu'il a été mis devant le fait accompli puisque son employeur lui a indiqué que le poste d'approvisionneur n'était plus disponible, et que les pressions dont il a été victime justifient en application des articles 1111 et 1112 du Code Civil, la nullité du contrat.
Il ajoute que la clause d'objectifs commerciaux insérée dans le contrat est léonine, et doit à ce titre être considérée comme non écrite, et plus particulièrement que l'objectif de maintenir le chiffre d'affaires 2011 était impossible à atteindre compte tenu de sa totale inexpérience en la matière, de la présence de deux commerciaux sur son secteur géographique, et de la perte de clientèle intervenue.
Il rappelle en outre que la jurisprudence considère comme non écrites les clauses du contrat de travail qui font d'une circonstance particulière, une cause de licenciement.
M. X... souligne par ailleurs qu'il ne pouvait être exigé de lui qu'il ait atteint au 30 septembre, les résultats de l'année précédente en son entier, que si l'on compare aux résultats atteints au 30 septembre 2011, l'écart n'est que de 5, 08 %, ce qui ne permet pas de caractériser l'insuffisance professionnelle.
Les objectifs contractuels doivent selon lui être réalisables tant dans leur étendue que dans la durée de réalisation, a fortiori alors qu'aucune formation ne lui a été dispensée, l'intervention de M. Y...s'étant limitée à une simple présentation des clients, alors que l'article L6321-1 du Code du Travail obligeait l'employeur a assurer son adaptation à son nouveau poste de travail.
La perte de 28 clients à Ajaccio ville, et de 12 clients à Porticcio au cours de l'année 2011/ 2012 s'explique selon M. X..., par la conjoncture économique difficile, et aucune insuffisance professionnelle ou faute de sa part n'est démontrée.
Le licenciement lui apparaît comme programmé, sous couvert d'une " évolution de carrière " de façade.
En l'état de son arrêt maladie qui suspendait le contrat de travail, le licenciement ne pouvait par ailleurs être prononcé par l'employeur, sauf pour celui-ci à établir une faute grave, ou une désorganisation de l'entreprise.
En ce qui concerne son préjudice, il rappelle qu'il avait une ancienneté de 21 ans, qu'il n'avait jamais fait la moindre sanction disciplinaire, ni la moindre remontrance jusqu'au 17 août 2012, qu'il est âgé de 49 ans, qu'il n'a toujours pas retrouvé d'emploi, qu'il a la charge d'un enfant mineur, que ses droits à la retraite seront minorés.
Il ajoute que le caractère brutal et injuste du licenciement lui a causé un préjudice moral et psychologique, qui a nécessité un suivi médical spécialisé, et que la violation de l'obligation de formation, qui lui cause un préjudice distinct, est patente.
La SARL CODIPRAL demande à la cour de :- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes du salarié relatives aux vices du consentement, et à l'annulation des avertissements-infirmer la décision en toutes ses autres dispositions,- dire et juger que le licenciement pour faute professionnelle est justifié-débouter M. X... de toutes ses demandes-le condamner à lui payer la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile-subsidiairement, dire et juger que les faits reprochés à M. X... sont constitutifs d'une cause réelle et sérieuse de licenciement-dire et juger qu'il a déjà perçu son indemnité légale de licenciement, et son indemnité de préavis-le débouter de ses autres demandes-plus subsidiairement encore, infirmer le jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 35. 000 euros l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse due, et la réduire à de plus justes proportions.

Elle fait valoir en premier lieu que le salarié a paraphé et signé la dernière page du contrat de travail, avant de l'exécuter pendant près d'une année, et que dès lors l'inexistence du contrat ne saurait valablement être soutenue.
Elle écarte toute idée de violence ou de pression sur le salarié pour la conclusion de ce contrat, dans la mesure où c'est le salarié qui fin 2011 a sollicité son employeur pour obtenir un avancement, dans la mesure où le poste de chef de secteur commercial allait se libérer, et qu'il a été considéré que compte tenu de son ancienneté, il méritait cette promotion interne.
Elle ajoute que M. X... a bénéficié d'une formation à son nouveau poste et d'un encadrement interne, et qu'il a été tenu compte de son inexpérience, puisque les objectifs de chiffre d'affaires ont été fixés à ceux de l'année précédente, dans un secteur géographique porteur.
Les violences ou pressions alléguées ne sont, selon la SARL CODIPRAL, pas étayées par le moindre élément probant, alors même qu'il incombe à celui qui invoque un vice du consentement, de le prouver.
Sur les motifs du licenciement, elle rappelle en premier lieu que l'article 7. 4 du contrat de travail, qui est clair et précis, et qu'il n'appartenait pas au Conseil de Prud'Hommes de dénaturer ou de modifier, faisait du respect des objectifs assignés en chiffre d'affaires et en marge, un élément déterminant de la conclusion du contrat, et que la non-réalisation de ces objectifs, sauf cas de force majeure, pourrait entraîner la rupture du contrat pour cause réelle et sérieuse.
L'article 5. 4 du contrat imposait par ailleurs au salarié une polyvalence verticale et horizontale, en cas de nécessité objective de service.
Elle indique avoir relevé périodiquement et au fur et à mesure de l'avancement de l'année civile, un non-respect de ces objectifs, d'autant plus dommageable que l'activité de l'entreprise est exclusivement saisonnière, alors que contrairement à ce qu'affirme le salarié le secteur qui lui a été confié n'était pas concurrentiel, mais à forte potentialité, et que cette absence des résultats attendus s'explique par le manque de professionnalisme et d'implication de M. X... dans le travail de prospection, son inertie, et son désintérêt pour ses fonctions.
L'insuffisance des résultats est selon la SARL CODIPRAL objectivable par comparaison avec le chiffre d'affaires de l'année précédente, ou le rendement des collègues placés dans les mêmes conditions, ou celui du prédécesseur.
Elle rappelle que M. X... n'a pas été licencié que pour un non-respect de ses objectifs commerciaux contractuels, mais aussi pour des négligences, et une insuffisance professionnelle, qui ont fait l'objet de deux avertissements motivés par des faits dont le salarié n'a jamais contesté la réalité.
A l'audience du 22 mars 2016, les parties ont repris les termes de leurs conclusions écrites.

MOTIFS

-Sur l'existence du contrat de travail
La SARL CODIPRAL produit un contrat de travail daté du " 1er janvier 2011 " mais dont les autres pièces du dossier permettent de comprendre qu'il date du 1er janvier 2012, qui porte le paraphe de M. X... en bas de chaque page, et sa signature sur la dernière page.

Le salarié ne prétend pas qu'on a signé et paraphé à sa place.

Ce contrat de travail a par ailleurs été exécuté par les parties de janvier à octobre 2012, jusqu'au licenciement.
Il existe bel et bien.

- Sur la validité du contrat et de ses clauses

* Sur la contrainte économique
Par application de l'article 1111 du Code Civil, une convention est nulle lorsque le consentement de l'un des cocontractants a été extorqué par la violence.
Si la contrainte économique peut constituer la violence au sens de ces dispositions, l'article 1112 du même code exige qu'elle soit " de nature à faire impression sur une personne raisonnable ", et qu'elle puisse " lui inspirer la crainte d'exposer sa personne ou sa fortune à un mal considérable et présent ".
Par ailleurs la violence doit s'apprécier à date de conclusion du contrat, les éléments postérieurs à celle-ci étant indifférents.
Or M. X... ne produit aucune pièce établissant qu'il a subi des pressions qui l'ont contraint à conclure le contrat de travail du 1er janvier 2012, pour un poste de " chef de secteur commercial ".
Il indiquait seulement dans un courrier du 9 octobre 2012, c'est-à-dire à une date où il encourait déjà des reproches de son employeur et où les relations des parties avaient déjà pris une tournure contentieuse " Afin de récompenser un travail toujours satisfaisant, vous m'avez proposé dans le cadre d'une évolution de carrière un poste de commercial, qui consistait selon vos dires à assurer le suivi, les prises de commandes et les encaissements de vos clients d'Ajaccio ville et Porticcio, chose qui n'était plus faite auparavant sur le secteur. Je vous ai informé que je n'avais aucune qualification pour cette nouvelle fonction, vous m'avez rétorqué et précisé que vous me jugiez capable de remplir cette fonction, par ce fait vous m'avez imposé cette nouvelle fonction, car en rentrant de congé le 17. 11. 2011, mon poste d'approvisionneur avait été attribué à un autre de vos salariés ".

Ce seul courrier, adressé à l'employeur plus de 9 mois après la conclusion du contrat, ne saurait suffire à établir que celui-ci a été imposé par la contrainte.
L'employeur admettait dans un courrier du 30. 08. 12 avoir proposé ce nouveau poste commercial à M. X..., porteur d'évolution professionnelle, et impliquant une augmentation de rémunération. Le salarié l'a accepté.
Il n'y a dès lors pas lieu de constater la nullité du contrat de travail.

* Sur la validité de la clause dite d'objectifs

L'article 7. 4 du contrat de travail est ainsi rédigé : " La réalisation des objectifs assignés en chiffre d'affaires et marge constitue un élément déterminant de la signature et de l'exécution du présent contrat. En conséquence, la non-réalisation de ceux-ci, sauf cas de force majeure telle que définie par la jurisprudence, pourra entraîner la rupture du présent contrat de travail pour cause réelle et sérieuse. L'employeur assigne au salarié notamment, l'objectif de maintenir le niveau de chiffre d'affaires et de marge de l'exercice 2011. Des objectifs plus précis pourront être définis soit par avenant, soit par décision unilatérale de l'employeur ".

L'appelant indique dans ses conclusions que cette clause du contrat de travail doit être considérée comme " léonine ", et donc " nulle ", dans la mesure où elle " attribue à l'employeur des droits disproportionnés par rapport à ses obligations ", qu'elle " autorise l'employeur à procéder au licenciement " et que par ailleurs, " aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance particulière constituera une cause de licenciement ".
Si l'appelant ne vise pas le fondement textuel de cette action en nullité, il fait référence à la condition impossible, mais aussi en ce qu'elle laisse la cause de licenciement à la discrétion de l'employeur, à la condition potestative.
Or les conditions potestatives, qui font dépendre l'exécution de la convention d'un événement qu'il est dans le pouvoir de l'une ou de l'autre des parties contractantes de faire arriver ou d'empêcher, sont réputées non écrites.
L'obligation du juge de ne pas dénaturer les clauses d'un contrat est sans effet à cet égard.
En définissant comme cause réelle et sérieuse de licenciement, " notamment " le non-respect de l'objectif de maintien du chiffre d'affaires au niveau de l'année précédente, et en ajoutant que " des objectifs plus précis pourront être définis par avenant ou pas décision unilatérale de l'employeur ", le contrat de travail donne au seul employeur la possibilité de définir les causes de licenciement. Cette clause doit être réputée non écrite.
Par ailleurs, dans son appréciation du caractère réel et sérieux de la cause de licenciement, le juge n'est jamais lié par les qualifications conventionnelles données à certains faits. Il n'y aurait eu dès lors pas lieu, en tout état de cause, d'appliquer la clause critiquée.
Il n'en demeure pas moins qu'il reste à apprécier s'il existe en l'espèce des causes réelles et sérieuses de licenciement.

- Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement

La lettre de licenciement du 23. 11. 2012 est ainsi motivée : " Vous n'avez pas réalisé les objectifs commerciaux que vous avez librement contractés. L'objectif de chiffre d'affaires était de 709. 000 euros HT pour la période du 01. 01. 2012 au 30. 09. 2012, soit un objectif égal au CA de 2011 sur la même période. Vous avez réalisé un CA de 673. 000 euros du 01. 01. 12 au 30. 09. 12 soit un écart de-36. 000 euros. Nous avions convenu de fixer un objectif sans augmentation de chiffre d'affaires pour être en cohérence avec votre niveau d'expérience alors que ce n'était absolument pas le cas pour vos collègues. L'objectif ainsi défini était sérieux et réalisable. Il tenait compte non seulement de votre compétence et de votre expérience sur votre zone géographique, des produits commercialisés, mais aussi du potentiel important de cette même zone géographique, des moyens marketing mis en place par la société, et enfin de l'excellent rapport qualité prix des produits de la société. Le volume de travail nécessaire à la réalisation de cet objectif état compatible avec vos capacités physiologiques et morales.

La réalisation de cet objectif constituait un élément déterminant de votre contrat. Pour la prise en main du poste, vous avez subi une formation en doublure avec votre prédécesseur M. Y.... Il vous a accompagné et vous a fait rencontrer chaque client. Il vous a décrit leurs besoins et leurs attentes. Il vous a également indiqué le potentiel de votre secteur géographique en termes de prospection. J'ai ensuite pris le relais personnellement, par une formation en doublure sur la fonction prospection. J'ai réalisé en votre présence, des démarches commerciales qui ont abouti à la récupération des clients suivants :- Hôtel Isolella-Best Western-Duo gourmand-Funcky Porcini Afin de vous encourager et pour vous être agréable, j'ai affecté ces clients dans votre portefeuille. Ainsi leur chiffre d'affaires a contribué à la réalisation de vos objectifs.

A l'issue de ce cursus d'intégration, vous n'avez jamais fait état d'un quelconque problème dans la maîtrise de vos fonctions, et n'avez jamais sollicité une quelconque aide particulière. Vous ne pouvez donc raisonnablement invoquer un manque de formation et d'information.

Cette insuffisance de résultats n'est pas due à un cas de force majeure, mais à une insuffisance professionnelle et à une carence fautive.
Au cours de la saison, anticipant un risque d'insuffisance de résultats, j'ai donc été contraint de faire un point avec vous. A cette occasion, je me suis aperçu que vous n'agissiez pas avec diligence dans l'exécution de votre travail, à savoir notamment un mauvais suivi des contacts des prospects, une mauvaise exploitation des fichiers prospects et un nombre insuffisant de démarchage. Je vous ai donc d'avantage encadré, dans le seul but de vous apporter un soutien technique, en prenant soin de vous indiquer les tâches à effectuer pour parvenir à vos fins, et surtout le travail de prospection. Vous avez persisté dans votre mauvaise volonté délibérée à ne pas accomplir les différentes tâches, dignes d'un commercial, et notamment la prospection.

J'ai d'ailleurs dû vous rappeler à l'ordre à plusieurs reprises notamment pour vous demander de remettre les fiches de prospection dûment remplies, et les apports journaliers de travail sur lesquels doivent figurer les prises de commande et les encaissements clients. Devant votre inertie, j'ai moi-même été contraint de vous sanctionner pour inexécution de votre travail. L'ensemble des faits traduisent un désintérêt et un manque d'implication dans vos fonctions.

Je considère que l'ensemble des faits décrits ci-dessus constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. "
Le licenciement est donc fondé sur la non-réalisation des résultats commerciaux fixés, et plus particulièrement un chiffre d'affaires au 30. 09. 2012 inférieur au chiffre 2011, mais aussi sur un désintérêt pour ses fonctions, un manque de diligence et d'implication, notamment dans la prospection de nouveaux clients.
La rupture du contrat n'est en revanche pas motivée sur l'absence injustifiée de M. X... le 15 août 2012, ni sur son refus du 17 août 2012 d'aller livrer en urgence un client à l'aéroport de Bastia-Poretta, qui ont fait l'objet des avertissements des 17 et 20 août 2012.
Par ailleurs, l'employeur n'a jamais fait état d'une faute grave mais seulement d'une cause réelle et sérieuse, ce qui l'a amené à verser au salarié son indemnité légale de licenciement et son indemnité de préavis.
L'insuffisance de résultats ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, que si elle s'explique par une insuffisance professionnelle du salarié, ou par une faute de celui-ci.
La baisse des résultats était de 5 % (-2 % pour le secteur Ajaccio ville, et-14 % pour le secteur Porticcio) sur l'exercice comptable allant du 01. 10. 2011 au 30. 09. 2012, par rapport à l'année précédente.
Cependant, sur cet exercice, seuls les mois de janvier à septembre sont imputables à M. X... puisque jusque fin décembre 2011, il occupait d'autres fonctions.

Or on constate que par rapport à l'exercice précédent, le chiffre d'affaires mensuel a progressé entre janvier et mars (+ 8 % en janvier, + 10 % en février, + 1 % en mars), puis a baissé entre avril et septembre (-5 % en avril,-14 % en mai,-2 % en juin,-4 % en juillet,-10 % en août, et-11 % en septembre).

Globalement, sur les 6 premiers mois de l'année, le chiffre d'affaire a baissé en moyenne de 3 % par rapport à l'exercice précédent.
L'insuffisance de résultats, alors même que M. X... manquait d'expérience, n'est donc pas fortement caractérisée.
Par ailleurs, l'employeur ne justifie pas de façon suffisante avoir assuré à son salarié la formation nécessaire pour lui permettre de s'adapter à l'évolution de son emploi, puisqu'il ne produit pas d'éléments objectifs et précis sur ce point. En effet, dans une courte attestation M. Y...indique avoir " formé et accompagné M. X... Alain sur le poste de commercial durant toute la période nécessaire à sa formation ". Ce document ne permet pas de savoir ce qui lui a été enseigné sur les techniques de prospection et de démarchage des clients. Or M. X... n'avait jamais auparavant exercé de fonctions commerciales, lesquelles nécessitent des connaissances, mais au-delà une attitude vis-à-vis de la clientèle qui, si elle n'est pas innée, s'acquiert par l'apprentissage.
On constate également, que l'employeur n'a commencé à adresser des notes de service et rappels d'objectifs au salarié qu'à compter du 31 juillet 2012, attirant son attention sur le fait que sa prime d'objectif ne lui était payée qu'à titre exceptionnel pour juin, malgré ses résultats, puis lui demandant le 20 août 2012 de réagir concernant le volume de ses ventes par rapport à l'année précédente, le 31 août d'effectuer des prospections de clients, et de déposer chaque jour un rapport de prospections, le 10 septembre 2012 de ne pas consacrer plus de 3 quarts d'heures le soir à ses tâches administratives, le 14 septembre 2012 de remplir précisément les fiches individuelles de prospections clients.
Ces exigences fortes et concentrées dans le temps ne s'accompagnaient pas d'une interrogation sur l'adaptation de M. X... à son emploi.
Il convient également de relever qu'au cours de ses 20 premières années de présence dans l'entreprise, l'attitude de M. X... n'avait jamais suscité de reproches de la part de l'employeur, ce qui conduit à envisager que ses résultats médiocres s'expliquent autant par son inadaptation à son nouveau poste, que par un manque d'investissement personnel.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il existe un doute sur le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement, qui doit, en application de l'article L1235-1 du Code Civil profiter au salarié.
Il convient en conséquence de confirmer sur ce point, la décision du Conseil de Prud'Hommes.

- Sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. X... avait 47 ans et une ancienneté de 20 ans au moment du licenciement.
Il justifie être resté en arrêt maladie pour un syndrome dépressif d'octobre 2012 jusqu'en avril 2014, et percevoir depuis les allocations chômage.
Il a une formation professionnelle et une expérience de chauffeur routier et d'approvisionneur à faire valoir sur le marché du travail.
L'évaluation faite par le Conseil de Prud'Hommes de l'indemnité due par l'employeur à la somme de 35 000 euros, qui représente environ 15 mois de salaires bruts, correspond à une appréciation justifiée du préjudice, et sera confirmée.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour préjudice moral

M. X... ne justifie pas d'un préjudice moral distinct de celui qui lui a été causé par le licenciement injustifié, et la perte de son emploi.
Il n'a notamment fait l'objet d'aucune mesure vexatoire ou humiliante, d'aucune accusation infamante, d'aucun acte de l'employeur qui lui cause un dommage supplémentaire.
Il convient de réformer de ce chef le jugement entrepris, et de le débouter de cette demande.

- Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation

Par application de l'article L6321-1 du Code du Travail, l'employeur a l'obligation d'assurer l'adaptation des salariés à leur poste de travail. Il veille notamment à leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies, des organisations.
Ainsi qu'il a été exposé précédemment, l'employeur a en l'espèce proposé à M. X... un nouveau poste de chef de secteur commercial, avec des objectifs commerciaux précis, alors que le salarié ne disposait d'aucune formation, et d'aucune expérience en la matière.
Il ne justifie pas avoir fait dispenser à l'appelant une formation adaptée : Il ne produit qu'une brève attestation de M. Y..., dont le poste et les compétences ne sont pas précisées, aux termes de laquelle il a assuré à M. X... la formation " nécessaire ", alors qu'un tel changement de poste nécessitait une formation théorique et pratique.
Ce défaut de respect de l'obligation de formation cause au salarié un préjudice distinct de celui de la rupture, qu'il convient d'évaluer à la somme de 5 000 euros.

- Sur la demande d'annulation des avertissements des 17 et 20 août 2012

Dans ses courriers adressés à l'employeur, M. Alain X... n'a pas contesté la matérialité des faits qui ont motivé ces deux avertissements.
Il n'y a donc pas lieu d'annuler ces sanctions disciplinaires.

- Sur les frais et dépens

Partie perdante, la SARL CODIPRAL devra supporter les dépens.
Il convient de confirmer la décision du Conseil de Prud'Hommes de condamner l'entreprise à payer à M. X... en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros pour la procédure de première instance.
Il n'est pas inéquitable de condamner la SARL CODIPRAL, qui succombe également en ses prétentions en cause d'appel, à payer à M. X... la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
- DEBOUTE M. X... Alain de ses demandes tendant à voir constater l'inexistence et la nullité de son contrat de travail ;
- DIT ET JUGE que la clause dite d'objectifs, no 7, du contrat de travail liant les parties doit être considérée comme non écrite ;
- DIT ET JUGE que le licenciement de M. Alain X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
- CONFIRME le jugement du 16 avril 2015 du Conseil de Prud'Hommes d'AJACCIO, en ce qu'il a condamné la SARL CODIPRAL à payer à M. Alain X... la somme de 35 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- L'INFIRME en ce qu'il a condamné la SARL CODIPRAL à payer à M. X... la somme de 1 000 euros à titre de préjudice moral ;
- CONDAMNE la SARL CODIPRAL à payer à M. Alain X... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation ;
- DEBOUTE M. X... de sa demande d'annulation des deux avertissements ;
- CONDAMNE la SARL CODIPRAL à payer à M. Alain X... la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNE la SARL CODIPRAL aux dépens de première instance, et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 15/00143
Date de la décision : 25/05/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-05-25;15.00143 ?
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