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25/05/2016 | FRANCE | N°14/00622

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 25 mai 2016, 14/00622


Ch. civile A
ARRET No
du 25 MAI 2016
R. G : 14/ 00622 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 01 Juillet 2014, enregistrée sous le no 12/ 02078

Y...
C/
A...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ MAI DEUX MILLE SEIZE

APPELANTE :

Mme Marie Bernadette Y... épouse Z...née le 02 Août 1944 à LIMOGES (87000) ...75008 PARIS

assistée de Me Jean Pierre SEFFAR, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

M.

Philippe A... né le 19 Décembre 1964 à SURESNES (92150) ... 94160 SAINT MANDE

assisté de Me Caroline GOEURY-GIAMARCHI, avoc...

Ch. civile A
ARRET No
du 25 MAI 2016
R. G : 14/ 00622 FR-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 01 Juillet 2014, enregistrée sous le no 12/ 02078

Y...
C/
A...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ MAI DEUX MILLE SEIZE

APPELANTE :

Mme Marie Bernadette Y... épouse Z...née le 02 Août 1944 à LIMOGES (87000) ...75008 PARIS

assistée de Me Jean Pierre SEFFAR, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

M. Philippe A... né le 19 Décembre 1964 à SURESNES (92150) ... 94160 SAINT MANDE

assisté de Me Caroline GOEURY-GIAMARCHI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 mars 2016, devant Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 mai 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par acte d'huissier en date du 19 novembre 2012 Mme Marie Bernadette Y... épouse Z..., propriétaire sur la commune de Tomino (Haute Corse) de plusieurs parcelles, a assigné devant le tribunal de grande instance de Bastia M. Philippe A..., propriétaire d'une parcelle limitrophe, pour qu'il soit condamné sous astreinte de 500 euros par jour de retard à supprimer une ouverture donnant directement sur sa terrasse, et à lui payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts outre 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement en date du 1er juillet 2014 le tribunal de grande instance de Bastia a débouté Mme Marie Bernadette Y... de l'ensemble de ses demandes, dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, l'a condamnée à payer à M. Philippe A...la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Mme Marie Bernadette Y... a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 18 juillet 2014.

Dans ses dernières conclusions en date du 13 mai 2015 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé complet de ses moyens et prétentions Mme Marie Bernadette Y... demande à la cour :
- d'infirmer le jugement déféré,
- débouter M. Philippe A...de sa demande de passage au titre de l'article 682 du code civil,
- condamner M. Philippe A...à supprimer l'ouverture sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai d'un mois,
- subsidiairement dire que M. Philippe A...a aggravé la servitude et le condamner à supprimer l'ouverture sous la même astreinte ainsi qu'à payer à Mme Marie Bernadette Y... la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les troubles anormaux de voisinage, plus subsidiairement ordonner la remise en l'état d'origine,

- encore plus subsidiairement ordonner la suppression des vues sous la même astreinte et condamner M. Philippe A...à payer la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- au besoin désigner un huissier de justice aux fins de mesurer les distances conformément aux articles 678 et 679 du code civil,
- condamner M. Philippe A...à payer à Mme Marie Bernadette Y... la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Marie Bernadette Y... expose qu'elle est propriétaire sur la commune de Tomino de parcelles bâties cadastrées E 1474 (provenant de la division de la parcelle 1094 en 2 parcelles 1474 et 1475), E1095 et E1096 ainsi que d'une parcelle non bâtie cadastrée E 1540 (ex 1091) ; que M. Philippe A..., propriétaire limitrophe de la parcelle 1475, ou son auteur, a réalisé dans sa maison une ouverture donnant directement sur la terrasse de Mme Marie Bernadette Y... et pénètre donc chez elle pour accéder à sa maison ; que cet accès litigieux n'est pas le seul accès à la parcelle 1475 et 1093 car une porte d'entrée créée en 1935 se situe sur la façade Sud de la maison de M. Philippe A..., avant la passerelle au dessus de la voie publique en venant de l'est, et qu'en outre on accède à l'ensemble de la maison et du jardin par un escalier qui ouvre sur la voie publique ;
Qu'il ne peut y avoir servitude par destination du père de famille car aux termes de l'article 693 du code civil il faut que le propriétaire originaire ait mis les choses dans l'état duquel résulte la servitude ; qu'il appartient en outre à celui qui invoque ce type de servitude de produire l'acte de division et d'établir qu'il ne contient aucune disposition contraire à l'existence de cette servitude ; que l'aménagement a été réalisé postérieurement à la division par M. Philippe A...qui a construit à la fin des années 1980 un nouveau bâtiment sur la parcelle 1475 comme en atteste le titre de propriété qui indique que la parcelle était en état de terrasse ; qu'à supposer qu'il ait existé une servitude celle-ci aurait été aggravée par la nouvelle construction, en violation de l'article 702 du code civil ;
Que la distance de l'ouverture par rapport au fonds de Mme Marie Bernadette Y... ne respecte pas les dispositions de l'article 678 du code civil.

Par ses écritures en date du 24 novembre 2014 auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses prétentions et moyens M. Philippe A...demande à la cour :

- de dire qu'en sollicitant sur la base de l'article 682 du code civil que soit constatée l'absence d'enclave, l'appelante présente une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- condamner Mme Marie Bernadette Y...à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. Philippe A...soutient que l'appelante n'établit toujours pas être propriétaire de la petite parcelle située devant sa nouvelle construction ; qu'elle produit en effet un acte en date du 14 août 2002 d'acquisition de la parcelle 1474 qui n'inclut pas la partie non bâtie de cette parcelle ;
Qu'il ne prétend pas être enclavé ; qu'il tire son droit de passer sur la parcelle 1474 de la servitude par destination du père de famille dont il est bénéficiaire ; qu'il produit une photo de son auteur prise en 1978 où l'on voit la façade de la maison cadastrée 1093 avant qu'elle ne soit agrandie sur l'espace actuellement cadastré 1475, ainsi que la porte qui donnait l'unique accès à la maison ; qu'il produit le permis de construire délivré le 12 juin 1978 ainsi qu'une photographie montrant l'aspect de la maison après les travaux, à savoir le rajout d'un petit bâtiment sur l'emplacement 1475 et le rapport sur la parcelle 1474 de la porte qui donnait sur 1475 ; que la passerelle est le seul accès à la maison cadastrée 1167 de l'autre côté de la route ; que la parcelle 1474 permet depuis toujours de desservir aussi l'ancienne cave appartenant à Mme Marie Bernadette Y... et l'ancienne maison cadastrée 1093 ;
Que l'ouverture récente sur la façade est n'est pas une porte mais une porte-fenêtre qui n'est pas destinée à servir d'accès principal ; que la porte sur la façade sud permet seulement d'accéder à une ancienne cave qui n'est pas reliée aux autres pièces ;
Que la servitude de vue s'acquiert par prescription ; que la porte litigieuse existait en 1978 et a simplement été transférée sur le mur séparant la nouvelle construction ; que l'action de l'appelante engagée en 2012 se heurte à la prescription trentenaire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2015 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 7 mars 2016.

SUR QUOI LA COUR

L'article 563 du code de procédure civile dispose que pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux. En l'espèce l'appelante est recevable à invoquer l'absence d'enclavement pour justifier de sa demande de suppression de l'ouverture.

La fin de non recevoir tirée de l'article 564 du code de procédure civile sera dès lors rejetée. Par ailleurs M. Philippe A...ne fonde pas sa défense sur l'état d'enclavement. La fin de non-recevoir est donc sans objet.
Il n'est pas contesté que la parcelle E 1094 sur la commune de Tomino (Haute-Corse) a été divisée par son propriétaire Ange F...en deux parcelles cadastrées E 1474 et E 1475 préalablement à la vente le 22 févier 1978 par celui-ci à M. et Mme G...de la maison d'habitation cadastrée E 1093 et de la parcelle E 1475, « terrasse attenante à la maison » ; qu'à la fin des années 1980 M. et Mme G...ont procédé à l'extension de leur maison sur la terrasse de sorte que la parcelle E 1475 s'est trouvée entièrement bâtie ; qu'avant ces travaux un accès à la maison originelle était possible par une porte située sur la terrasse ; qu'une nouvelle porte a été placée sur le mur ouest de la nouvelle construction, en limite avec la parcelle 1474.
Par acte en date du 14 août 2002 Mme Marie Bernadette Y... a acquis la parcelle E 1474 d'une superficie de 57 centiares. Par acte de partage en date du 13 juillet 2005 M. Philippe A...est devenu propriétaire des parcelles E 1093 et E 1475.
L'article 678 du code civil dispose qu'on ne peut avoir de vues droites ou fenêtres d'aspect, ni balcons ou autres semblables saillies sur l'héritage clos ou non clos de son voisin s'il n'y a dix neuf décimètres de distance entre le mur où on les pratique et ledit héritage, à moins que le fonds ou la partie du fonds sur lequel s'exerce la vue ne soit déjà grevé, au profit du fonds qui en bénéficie, d'une servitude de passage faisant obstacle à l'édification de construction.
M. Philippe A...soutient que la porte existait en 1978 et que l'action de Mme Marie Bernadette Y... est prescrite. C'est cependant à bon droit que le premier juge a relevé que M. Philippe A...ne peut se prévaloir d'une possession antérieure à février 1978 car jusqu'à la fin des années 1980, selon l'attestation de M. H...produite par l'intimé, la servitude de vue bénéficiait à la parcelle 1093 et portait sur la parcelle 1094, alors que les travaux en déplaçant la porte ont créé à compter de la fin des années 1980 une vue de la parcelle 1475 sur la parcelle 1474 qui ne peut donc être prescrite à la date de l'acte introductif d'instance.
L'article 692 du code civil dispose que la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes continues et apparentes.
L'article 693 dispose qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire et que c'est par lui que les choses ont été mises dans l'état duquel résulte la servitude.
L'article 694 dispose que si le propriétaire de deux héritages entre lesquels il existe un signe apparent de servitude dispose de l'un des héritages sans que le contrat contienne aucune convention relative à la servitude, elle continue d'exister activement ou passivement en faveur du fonds aliéné ou sur le fonds aliéné.
Il résulte de l'article 693 que lorsque les parties disposent d'un écrit la preuve de la destination du père de famille est admise pour les servitudes discontinues telles les servitudes de passage.
M. Philippe A...produit un titre, l'acte de partage de la succession des époux G...en date du 13 juillet 2005 qui mentionne l'acte de vente du 22 février 1978, qui est lui-même produit et indique que la parcelle 1475 provient de la division de la parcelle 1094 préalable à l'aliénation, et qui par ailleurs ne contient aucune convention relative à une servitude. La division a été inscrite au service de la publicité foncière selon l'état versé aux débats.
Il n'est pas contesté qu'avant la division qui a précédé la vente du bien la maison possédait déjà une porte sur son côté ouest qui permettait d'accéder à la voie publique par la terrasse cadastrée 1094. Par ailleurs il est établi par l'attestation de M. H...qui a effectué les travaux d'extension ainsi que par la photo no6 versée aux débats que l'ancienne bâtisse n'avait à l'époque de l'aliénation par l'auteur commun que ce seul accès à la voie publique.
Dès lors lorsque l'auteur commun a disposé d'une partie de son héritage il existait au sens de l'article 694 du code civil un signe apparent de servitude, à savoir un droit de passage qui n'a pas fait l'objet d'une convention contraire et qui en conséquence en application de l'article susmentionné continue à exister sur le fonds aliéné, c'est à dire la parcelle 1475.
C'est donc à bon droit qu'ayant relevé l'existence de cette servitude de passage le premier juge a pu en déduire que Mme Marie Bernadette Y... ne pouvait se prévaloir des distances imposées par les articles 678 et 679 du code civil et qu'il l'a déboutée de sa demande principale et ensuite de l'ensemble de ses demandes.
Le jugement déféré sera dès lors confirmé en toutes ses dispositions.
Il serait inéquitable de laisser à M. Philippe A...la totalité des fais irrépétibles qu'il a dû exposer en appel. Mme Y... sera condamnée à lui payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Y... sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,
Condamne Mme Marie Bernadette Y... à payer à M. Philippe A...la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme Marie Bernadette Y... aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00622
Date de la décision : 25/05/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-05-25;14.00622 ?
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