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18/05/2016 | FRANCE | N°14/00705

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 18 mai 2016, 14/00705


Ch. civile A

ARRET No
du 18 MAI 2016
R. G : 14/ 00705 FL-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Autorité de la concurrence d'Ajaccio, décision attaquée en date du 17 Juillet 2014, enregistrée sous le no 12/ 00268

X...
C/
AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX HUIT MAI DEUX MILLE SEIZE

APPELANT :

M. François X... né le 01 Octobre 1935 à Ajaccio...... 20090 AJACCIO

assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CA

RAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR Direction des affaires juridiques Sous...

Ch. civile A

ARRET No
du 18 MAI 2016
R. G : 14/ 00705 FL-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Autorité de la concurrence d'Ajaccio, décision attaquée en date du 17 Juillet 2014, enregistrée sous le no 12/ 00268

X...
C/
AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX HUIT MAI DEUX MILLE SEIZE

APPELANT :

M. François X... né le 01 Octobre 1935 à Ajaccio...... 20090 AJACCIO

assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

AGENT JUDICIAIRE DU TRESOR Direction des affaires juridiques Sous-direction du droit privé 6 rue Louise Weiss Bât Condorcet 75703 PARIS CEDEX 13

assisté de Me Josette CASABIANCA CROCE, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 mai 2016

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 05 octobre 2015 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
François X... a été mis en examen le 22 juillet 1998 dans le cadre de l'enquête dite « du Crédit Agricole », des chefs de recel de détournement de fonds publics, abus de confiance, recel et complicité d'abus de biens sociaux. Il a été incarcéré en vertu d'une ordonnance de mise en détention le même jour. Il a été remis en liberté et placé sous contrôle judiciaire par arrêt de la chambre d'accusation de Bastia du 12 août 1998. Une ordonnance de non-lieu a été prise à son égard le 9 janvier 2009.

Il a fait assigner l'Agent judiciaire du Trésor pris en sa qualité de représentant de l'État devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir la somme de 200 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre du fonctionnement défectueux du service de la justice, en raison de la longueur anormale de la procédure.

Suivant jugement contradictoire du 17 juillet 2014 le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

- dit que la durée de l'instruction menée entre le 22 juillet 1998 et le 9 janvier 2009 n'est pas, eu égard à la complexité de l'affaire, constitutive d'un fonctionnement défectueux du service de la justice,
- débouté en conséquence M. X... de ses demandes,

- l'a condamné à payer à l'Agent Judiciaire de l'État la somme de 650 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- l'a condamné à supporter les dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.

M. X... a formé appel de la décision le 13 août 2014.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 avril 2015 il demande à la cour d'infirmer le jugement et de condamner l'État à lui payer la somme de 200 000 euros en application de l'article L 141 du code de l'organisation judiciaire toutes sortes de préjudices confondues, ainsi qu'au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, de le condamner en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 22 juin 2015, l'agent judiciaire de l'État sollicite la confirmation du jugement et la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel.

Le parquet général a conclu le 12 octobre 2015 à la confirmation du jugement.

L'ordonnance de clôture est du 16 octobre 2015.

SUR CE :

M. X... a été poursuivi pour avoir frauduleusement et indûment bénéficié de soutiens financiers du Crédit Agricole, normalement destinés aux agriculteurs, entre mai 1995 et 1998.

Il s'agissait plus particulièrement des prêts accordés dans le cadre des mesures « Balladu », instaurées par une circulaire ministérielle du 26 octobre 1994.

Le réquisitoire définitif, dont l'ordonnance de non-lieu adopte les motifs, indique que M. X... avait été déclaré éligible à la mesure Balladur alors qu'il n'était agriculteur qu'à titre secondaire ; que toutefois la prescription était acquise pour les détournements commis avant le 4 avril 1995 (soit 3 ans avant le réquisitoire) puisque le point de départ du délai de prescription se situait au jour de la présentation à l'encaissement du chèque ; Qu'à défaut, l'infraction n'est pas constituée faute d'élément matériel. Les faits reprochés à M. X... étaient ainsi atteints par la prescription.

La décision de non-lieu prise à l'égard de M. X... a été prise en considération d'éléments qui pouvaient apparaître dès le début de l'enquête ; ni l'ampleur des investigations, ni le nombre d'auditions, d'expertises, ni le volume « physique » du dossier, ni les changements de juge d'instruction, ni les requêtes-précisément aux fins de non lieu-déposées par M. X... en 2001 et 2002, n'expliquent et justifient que le non-lieu, prononcé pour des motifs d'ordre purement juridique, ne soit intervenu que 11 ans après la mise en examen, et 5 ans après la notification de la fin de l'information par le juge d'instruction.

La chronologie de l'information, telle que relatée dans les écritures de l'Agent Judiciaire de l'Etat, ne révèle pas qu'entre 2004 et 2009 des investigations essentielles aient été menées concernant M. X..., ayant permis d'aboutir à la décision finale.

Dans ces conditions, la tardiveté de la décision de non-lieu équivaut à un déni de justice, sanctionné par l'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire et l'article 6 de la CEDH.

Le préjudice subi par M. X... du fait de cette inertie est caractérisé non seulement par l'impossibilité de solliciter une inscription en qualité d'expert, mais également par l'incertitude éprouvée par l'intéressé pendant toutes ces années sur le fait de savoir s'il allait ou non être soumis à des sanctions judiciaires, par l'opprobre persistant, véhiculé par les médias ; ce préjudice est encore établi par les deux certificats médicaux versés aux débats, faisant état du syndrome dépressif de M. X....

La cour trouve dans les explications et pièces versées aux débats les éléments suffisants pour évaluer à 50 000 euros le préjudice subi par l'appelant.

L'équité permet de condamner l'Agent Judiciaire de l'Etat, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à verser en outre à M. X... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,

Condamne l'Agent Judiciaire de l'État à payer à M. X... la somme de CINQUANTE MILLE EUROS (50 000 euros) au titre de l'article L 141-1 du code de l'organisation judiciaire,
Condamne en outre l'Agent Judiciaire de l'État à payer à M. X... la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'Agent Judiciaire de l'État aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00705
Date de la décision : 18/05/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-05-18;14.00705 ?
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