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18/05/2016 | FRANCE | N°12/00844

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 18 mai 2016, 12/00844


Ch. civile A
ARRET No
du 18 MAI 2016
R. G : 12/ 00844 FL-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 01 Octobre 2012, enregistrée sous le no 12/ 00211

CONSORTS X... SARL MURTOLI Société VADINELLA SARL EXPLOITATION DU GRAND HOTEL DE CALA ROSSA GROUPEMENT FONCIER DE X...

C/
CONSORTS DE Y... X... D'Z... A...

M... B... C... I... H... D... SCI CAU CONSERVATOIRE DU LITTORAL ET DES RIVAGES LACUSTRES SCI PETRU PAN SCI D'Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE C

IVILE
ARRET DU
DIX HUIT MAI DEUX MILLE SEIZE
MIXTE
APPELANTS :
M. Jean Toussaint X...... 20137...

Ch. civile A
ARRET No
du 18 MAI 2016
R. G : 12/ 00844 FL-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 01 Octobre 2012, enregistrée sous le no 12/ 00211

CONSORTS X... SARL MURTOLI Société VADINELLA SARL EXPLOITATION DU GRAND HOTEL DE CALA ROSSA GROUPEMENT FONCIER DE X...

C/
CONSORTS DE Y... X... D'Z... A...

M... B... C... I... H... D... SCI CAU CONSERVATOIRE DU LITTORAL ET DES RIVAGES LACUSTRES SCI PETRU PAN SCI D'Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX HUIT MAI DEUX MILLE SEIZE
MIXTE
APPELANTS :
M. Jean Toussaint X...... 20137 LECCI

assisté de Me Antoine Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Jean Pierre BLATTER de la SCP BLATTER-SENAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
M. Paul Marie X... né le 12 Août 1967... 20100 SARTENE

assisté de Me Antoine Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Jean Pierre BLATTER de la SCP BLATTER-SENAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
SARL MURTOLI prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié ès qualités audit siège Lieudit Murtoli 20100 SARTENE

assisté de Me Antoine Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Jean Pierre BLATTER de la SCP BLATTER-SENAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
Société VADINELLA prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié ès qualités audit siège Lieudit Franzicone 20100 SARTENE

assisté de Me Antoine Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Jean Pierre BLATTER de la SCP BLATTER-SENAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
SARL EXPLOITATION DU GRAND HOTEL DE CALA ROSSA prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié ès qualités audit siège Lieu dit de Cala Rossa 20137 LECCI

assisté de Me Antoine Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Jean Pierre BLATTER de la SCP BLATTER-SENAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
GROUPEMENT FONCIER DE X... pris en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié ès qualités audit siège Tarabucetta 20114 FIGARI

assisté de Me Antoine Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Jean Pierre BLATTER de la SCP BLATTER-SENAEVE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, et Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO,
INTIMES :
Mme Anne DE Y... épouse E... née le 26 Juillet 1968 à New York (99)... 20121 MILANO-ITALIE

assistée de Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, de Me Marc MAROSELLI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO, et de Me Jean Pierre VERSINI-CAMPINCHI de la SCP VERSINI CAMPINCHI et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
Mme Antoinette X... épouse F... née le 19 Mars 1937 à Figari... 20137 PORTO VECCHIO

défaillante
M. Daniel X...... 20114 FIGARI

défaillant
M. Jean Mathieu X...... 20114 FIGARI

défaillant
Mme Noëllie X... épouse G... née le 11 Janvier 1933 à Figari (20144)... 13008 MARSEILLE CEDEX 08

défaillante
M. Antoine Pierre Georges D'Z... né le 10 Février 1931... 13330 PELISSANNE

défaillant
M. Paul Alfonse Pierre D'Z... né le 30 Octobre 1948 à Sartene (20100)... 20100 SARTENE

assisté de Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, de Me Gilbert COLLARD de la SELARL COLLARD et ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, et de Me Nathalie DIVAL, avocat au barreau de PARIS
M. Christophe A... né le 20 Novembre 1969 à Ajaccio (2000)... 20100 SARTENE

défaillant
M. David Laurent M... né le 12 Avril 1978 à Paris (75000)... 75019 PARIS

défaillant
Mlle Pauline M... née le 02 Juin 1975 à Paris (75000)... 75020 PARIS

défaillante
M. Antoine François Christina B... né le 28 Mars 1947 à Marseille (13000)... 97600 MAMOUDZOU-MAYOTTE

défaillant
M. Noël Olivier B... né le 12 Novembre 1959 à Paris (75000)...... 20090 AJACCIO

défaillant
M. André Gaston C... né le 03 Décembre 1925 à Nogent sur Marne... 77220 FAVIERES

défaillant
M. Bernard Eugène André C... né le 09 Mars 1954 à Fontenay sous Bois... 77220 FAVIERES

défaillant
Mme Josette I... épouse X...... 20114 FIGARI

défaillante
Mme Andrée Gilberte H... épouse C... née le 10 Avril 1926 à Paris... 77220 FAVIERES

défaillante
M. Pascal Joseph D... né le 19 Novembre 1962 à Ajaccio (20000)... 20000 AJACCIO

défaillant
M. Paul Pascal Jean Marie D... né le 16 Avril 1954 à Sartene (20100)... 20100 SARTENE

défaillant
SCI CAU prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié ès qualités audit siège 99 Chemins des Miroires 13330 PELISSANNE

défaillante
CONSERVATOIRE DU LITTORAL ET DES RIVAGES LACUSTRES représenté par son directeur en application des dispositions de l'article R 322-37 du code de l'environnement Corderie Royale BP 10137 17306 ROCHEFORT CEDEX

ayant pour avocat Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocat au barreau de BASTIA, et Me Catherine MUSSO, avocat au barreau de PARIS,
SCI PETRU PAN Prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualités audit siège... 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA
SCI D'Z... Prise en la personne de son gérant en exercice domicilié ès-qualités audit siège... 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 mai 2016
ARRET :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant acte authentique du 5 octobre 2001, la société civile immobilière d'Z... était constituée entre Paul d'Z... et Anne de Y... épouse E.... Cette dernière apportait la somme de 1 000 francs en numéraire, représentant une part sociale. Les 4000 autres parts sociales étaient détenues par Paul d'Z..., qui apportait un bien immobilier non bâti cadastré C 998, d'une superficie de 22 ares 3 centiares et une propriété bâtie cadastrée C 506, d'une superficie de 53 centiares. Ces deux biens sont situés au lieu-dit « Murtoli », commune de Sartène (Corse du Sud). L'acte précisait que l'accès aux biens résultait d'un droit de passage non publié mais existant depuis plusieurs décennies sans contestation, consistant en une voie carrossable de 5 mètres de large environ ayant son point de départ route nationaleAjaccio-Sartène, empruntant successivement des parcelles numérotées ; il était ajouté que le droit de passage résultait d'un jugement rendu par le tribunal de paix de Sartène du 8 novembre 1869, et d'un partage reçu par Me N..., alors notaire à Sartène, le 17 juillet 1908.
Le même jour et toujours par acte authentique Paul d'Z... a cédé toutes les parts qu'il détenait dans la SCI d'Z... à la société civile immobilière Petru Pan au sein de laquelle Mme de Y... est associée majoritaire, son époux étant associé.
Puis, suivant acte authentique du 6 décembre 2005, Paul d'Z... a vendu à la SCI Petru Pan la nue propriété de diverses parcelles de terre situées à Sartène, lieu-dit « Ferrola », cadastrées section C nos 490, 491, 493, 494, 1025 et 1026, représentant une surface totale de 49 ha 31 ares et 56 centiares. L'acte précisait qu'il existait une servitude de passage, telle que mentionnée dans l'acte de constitution de la SCI d'Z... du 5 octobre 2001, dont il reprenait les termes.
Se plaignant de ce que depuis la fin juin 2005 Paul Marie X..., gérant de la SARL Murtoli qui exerce une activité d'hôtellerie et de tourisme dans les maisons qu'il possède sur le même domaine, a pris possession des lieux et les a empêchés de jouir de leur maison dénommée « tour de Murtoli » ou « fortin » (cadastrée C 506), en se livrant à des voies de fait et des menaces, la SCI d'Z... et Mme de Y... ont saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Ajaccio ; la procédure s'est terminée par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2010 rejetant le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 28 janvier 2009, qui avait ordonné à Paul X... et la SARL Murtoli de remettre les lieux en leur état antérieur, et permettre l'accès de son bien à Mme de Y.... Entre temps, la SCI d'Z... et Mme de Y... avaient saisi le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour solliciter la libération de leurs propriétés et l'expulsion de M. X... et de tous occupants de son chef ainsi que le rétablissement d'un libre accès aux dites propriétés. Elles sollicitaient également des dommages et intérêts et la nomination d'un expert pour déterminer le coût des travaux de remise des lieux en leur état initial, ainsi que le paiement d'une indemnité d'occupation.
La SCI Petru Pan est intervenue volontairement à l'instance le 15 mai 2009. Avec la SCI d'Z... et Mme de Y... elle a le même jour appelé en intervention forcée Jean Toussaint X..., la société Vadinella, le Groupement Foncier de X..., ces derniers leur ayant, par voie d'huissier, notifié de ne plus passer sur leurs parcelles.
La SARL Grand Hôtel de Cala Rossa est intervenue volontairement le 17 mars 2010 au soutien des intérêts des défendeurs.
Les 8, 10, 12, 16, 19, 22, 23 novembre 2010 la SCI Petru Pan, la SCI d'Z... et Mme de Y... ont appelé en intervention forcée Antoinette X..., Noëllie X... épouse G..., Josette I... épouse X..., Daniel X..., Jean Mathieu X..., Antoine B..., Noël B..., Pauline M..., David M..., Paul D..., Pascal D..., Antoine d'Z..., Paul d'Z..., André C..., Bernard C..., Andrée H... épouse C... et le Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres, tous propriétaires des parcelles traversées par la voie carrossable dont les demandeurs sollicitent qu'elle constitue l'assiette de leur droit de passage.
Les demandeurs ont ensuite appelé en intervention forcée la société civile immobilière Cau prise en la personne de ses gérants Olivier d'Z... et Marie Hélène d'Z..., pour les mêmes motifs.
Le Conservatoire du Littoral et des Cités Lacustres est intervenu volontairement à l'instance.
Suivant jugement réputé contradictoire du 1er octobre 2012 le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- rejeté la demande de sursis à statuer,
- rejeté les nullités et fins de non-recevoir excipées par le défendeur,
- rejeté les prétentions de M. Paul d'Z..., Paul Marie X... et de la SARL Murtoli ainsi que de la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa quant à l'existence d'un bail commercial,
- dit que la propriété bâtie située à Sartène sous les références cadastrales C 506, lieu-dit Murtoli, d'une contenance de 53 centiares, est en état d'enclave ; et que ce bien bénéficie ainsi que les immeubles non bâtis sis à Sartène sous les références cadastrales C 998, lieudit Murtoli, d'une contenance de 22 ares et 3 centiares C 490, C 491, C 493, C 494, C 1025, C 1026 lieudit Ferrola, d'un droit de passage matérialisé par la route tracée au travers du domaine de l'Ortolo,
- dit que ce chemin carrossable traverse outre les propriétés du demandeur les parcelles M 628 lieudit Stazzi, M 619 lieudit Stazzi, M 854 lieudit Stazzi, M 547 lieudit Cau, C 559 lieudit Erbajo, C552 lieudit Erbajo, C 553 lieudit Erbajo, C 485 lieudit Ferrola, C 764 lieudit Ferrola et AH 6 lieudit Erbajo, C 560, C 561 et C 564 toutes lieudit Erbajo AH 8, lieudit Erbajo AH 13 lieudit AH 12et AH 16 lieudit Erbajo, AH 26 lieudit Franzicone, M 421 lieudit Cau, M 855 lieudit Stazzi, AK 3 lieudit Roccapina,
- dit que la SARL Murtoli et M. Paul Marie X... devront :
remettre cinq cartes magnétiques permettant l'ouverture du portail d'accès à la route conduisant à la propriété de la SCI d'Z...,
libérer, en tant que de besoin, les propriétés de la SCI d'Z... de toute occupation de quelque nature qu'elle soit faute de quoi il y aura lieu à leur expulsion ainsi que celle de tous occupants des chefs de la SARL Murtoli ainsi que de M. Paul Marie X...,
laisser libre accès permanent à la propriété des SCI d'Z... et SCI Petru Pan, à Mme de Y... et toutes autres personnes autorisées par celle-ci, en remettant à Mme de Y... un moyen d'accès permanent à la route qui amène à toutes ces propriétés de la SCI d'Z...,
dit que la SARL de Murtoli et M. Paul Marie X... devront exécuter ces obligations dans le mois de la signification du jugement et dit que passé ce délai ils y seront contraints sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard,
dit n'y avoir lieu à la publication du dispositif du jugement dans un journal aux frais de la SARL de Murtoli et M. Paul Marie X...,
dit qu'en outre au cas de maintien dans les lieux par M. Paul Marie X..., la SARL Murtoli ou tous occupants de leur chef, la SARL Murtoli et M. Paul Marie X... devront payer à la SCI d'Z..., à la SCI Petru Pan et à Mme de Y... une indemnité d'occupation de 10 000 euros mensuels dans le mois de la signification du jugement,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné solidairement la SARL Murtoli et M. Paul Marie X... à payer à la SCI d'Z..., à la SCI Petru Pan et à Mme de Y... les sommes de :
300 000 euros au titre du préjudice de jouissance,
100 000 euros au titre du préjudice moral,
15 000 euros pour frais non taxables,
- déclaré M. Antoine Pierre Georges d'Z... hors de cause,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- avant dire droit sur l'indemnité résultant de l'enclave, ordonné une mesure d'expertise,
- avant dire droit sur le coût de la remise en état du Fortin, ordonné une mesure d'expertise,
- laissé les dépens solidairement à la charge de M. Paul Marie X... et la SARL Murtoli.
La SARL Murtoli, la société Vadinella, la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, Jean Toussaint X..., Paul Marie X... et le Groupement Foncier de X... ont formé appel de cette décision le 31 octobre 2012 et le 26 mars 2013.
Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du 22 mai 2013.
Par ordonnance du 28 avril 2015 le conseiller de la mise en état a débouté Paul Marie X..., la SARL Murtoli et la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa de leur demande de déféré de serment décisoire à l'égard de M. Paul d'Z....
Dans leurs dernières conclusions déposées le 19 mai 2015, Paul Marie X..., la SARL Murtoli et la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa demandent à la cour :
- d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive statuant sur la demande de nullité de la vente et de la cession de parts au profit de la SCI d'Z..., telle que formulée par la SAFER,
- de dire que M. X... et la SARL Murtoli sont recevables à déférer à M. Paul d'Z... le serment suivant, en ses trois composantes indivisibles : « jurez-vous que les sommes que vous avez perçues depuis le 1er juillet 1999 en numéraire et les prestations en nature dont vous avez bénéficié pour la mise à disposition de la tour de Murtoli n'étaient pas des loyers ? Jurez-vous que les sommes payées entre vos mains par la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa ne l'ont pas été pour le compte de la SARL Murtoli ? Jurez-vous que la SARL Murtoli n'est pas titulaire d'un bail commercial dont le cours est actuellement suspendu ? ».

à défaut,
- de réformer la décision déférée en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
- de déclarer l'action prescrite en application de l'article 1264 du code de procédure civile,
- de constater la nullité de la SCI d'Z... faute d'affectio societatis et pour fictivité, par voie de conséquence de dire que la SCI d'Z... est irrecevable en ses demandes et actions,
- de dire que Mme de Y... est irrecevable faute de qualité à agir,
- de dire que l'action dirigée contre M. X... en son nom personnel est irrecevable,
subsidiairement,
sur le fond,
- de prononcer le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive statuant sur la demande de la SAFER en nullité des ventes,
incidemment/ reconventionnellement,
- de constater que la SARL Murtoli est locataire de la maison d'habitation sise lieu-dit Murtoli telle que figurant au cadastre de la commune de Sartène sous le numéro C 506 et du terrain attenant et bénéficie d'un bail commercial à compter du 1er juillet 1999,
- de constater le droit au maintien dans les lieux de la SARL Murtoli et l'opposabilité de son bail à la SCI d'Z..., le bail étant antérieur à l'acte d'apport,
- d'ordonner à la SCI d'Z... de restituer les clés à la SARL Murtoli sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- de constater l'inopposabilité du titre de la SCI d'Z... jusqu'au mois d'avril 2008,
- de donner acte à la SARL Murtoli de ce qu'elle a offert de payer le loyer convenu à la SCI d'Z... et qu'elle a consigné le montant du loyer auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations,
- de constater l'absence de titre constitutif de servitude,
- de constater l'absence de menaces proférées à l'encontre de la SCI d'Z... ou de ses associés,
- de rejeter les demandes de la SCI d'Z...,
reconventionnellement,
- d'ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer le préjudice de la SARL Murtoli tel que résultant de la privation de
jouissance de la maison louée du 1er janvier 2002 au mois de décembre 2005,
à titre provisionnel et sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- de condamner la SCI d'Z... au paiement de la somme de 30 000 euros à valoir sur son indemnisation définitive,
- d'annuler l'acte du 5 octobre 2001 par lequel M. d'Z... a apporté en nature à la SCI d'Z... les biens immobiliers ci-après relatés :
un immeuble non bâti situé à Sartène, sous les références cadastrales C998, lieu-dit « Murtoli » d'une contenance de 22 a et 300 ca,
une propriété bâtie située à Sartène, sous les références cadastrales C 506, lieu-dit « Murtoli » d'une contenance de 53 ca,
- d'annuler consécutivement l'acte de cession du 5 octobre 2001 par lequel les parts sociales de M. d'Z... ont été cédées à la SCI Petru Pan pour un montant de 609 796, 07 euros,
à titre subsidiaire, la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa demande à la cour, si elle ne reconnaissait pas l'existence et l'opposabilité du bail commercial au profit de la SARL Murtoli,
- de dire et juger qu'elle est locataire de la maison d'habitation sise lieu-dit Murtoli telle que figurant au cadastre de la commune de Sartène sous le numéro C 506 et du terrain attenant, et bénéficie d'un bail commercial à compter du 1er juillet 1999 opposable à la SCI d'Z...,
- d'ordonner une expertise judiciaire aux fins de déterminer son préjudice tel que résultant de la privation de la jouissance de la maison louée du 1er janvier 2002 au mois de septembre 2005,
- de condamner la SCI d'Z... au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
à titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où le bail commercial de la SARL Murtoli ne serait pas reconnu,
- d'ordonner à la SCI d'Z... et à tous occupants de son chef de ne pas utiliser l'eau et l'électricité dont les consommations sont honorées par la SARL Murtoli, et ce sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 17 août 2015, la SCI d'Z..., Mme de Y... et la SCI Petru Pan demandent à la cour :
- de débouter la SARL Murtoli, M. Paul Marie X..., M. Jean Toussaint X..., la SCI Vadinella, le Groupement Foncier X..., la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa de l'ensemble de leurs demandes,
- de confirmer le jugement en tous les termes de son dispositif à la seule exception du quantum des dommages-intérêts alloués aux intimés, sur ce point appelants incidents,
- de condamner conjointement et solidairement M. X... et la SARL Murtoli à la réparation du préjudice moral subi par Mme de Y... dont le montant ne saurait être inférieur à 1 million d'euros,
- de condamner conjointement et solidairement M. X... et la SARL Murtoli à la réparation du préjudice de jouissance subi par la SCI d'Z... à hauteur de 2 250 800 euros,
- de les condamner conjointement et solidairement au paiement d'une somme de 100 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de les condamner conjointement et solidairement aux entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 17 mai 2013 Paul d'Z... demande à la cour :
- de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la procédure engagée par la SAFER,
- de dire l'action fondée sur un trouble possessoire prescrite pour ne pas avoir été intentée dans l'année du trouble allégué,
- de donner acte à M. d'Z... de ce qu'il a donné une information précise tant sur le droit de passage que sur la situation locative du bien apporté à la SCI d'Z...,
- de dire et juger qu'il ne saurait être responsable du contenu de la clause de servitude, laquelle est totalement discordante avec les documents qu'il a remis au notaire,
- de lui donner acte de ses protestations quant à l'action introduite par Mme de Y... tendant à faire reconnaître une servitude qui ne trouve pas son origine dans une réalité factuelle ni même juridique,
- de dire qu'il a donné toutes informations utiles sur la situation locative du bien litigieux,
- de lui donner acte de ce qu'il a loué la maison litigieuse trois années de suite aux consorts X... moyennant un loyer,
- de statuer ce que de droit sur la qualification juridique de cette situation locative et ses conséquences,
- de condamner la SCI d'Z... et Mme de Y... solidairement à lui restituer les biens lui appartenant à savoir :
une bibliothèque (servant de vaisselier),
un lit corse deux places,
une table de nuit,
une coiffeuse,
deux chaises rustiques recouvertes de tissu bleu et blanc,
une paire de chenets,
et surtout une planche de l'épave du Tasmania, bateau britannique qui s'échoua près des côtes corses, datant du XIXe siècle,
et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 20 mars 2013, le Conservatoire de l'Espace Littoral et des Rivages Lacustres demande à la cour :
- d'infirmer le jugement mais seulement en tant qu'il institue un droit de passage sur la parcelle située sur la commune de Sartène cadastrée AK no3,
statuant à nouveau sur le chef infirmé,
- de dire que la piste traversant la propriété du conservatoire du littoral et des rivages lacustres figurant au cadastre de la commune de Sartène, section AK no3, est un chemin d'exploitation régi par les dispositions des articles L 162-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime,
- de donner acte au conservatoire du littoral et des rivages lacustres qu'il s'en rapporte à justice en ce qui concerne le surplus des dispositions du jugement,
- de condamner toute partie défaillante à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner toute partie défaillante aux dépens de première instance et d'appel.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 25 janvier 2013, Jean Toussaint X..., la société civile Vadinella et le Groupement Foncier
Agricole X... demandent à la cour :
- de prononcer le sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive statuant sur la procédure engagée par la SAFER,
- de constater l'absence de titre récognitif de servitude,
- de constater l'absence de modification conventionnelle d'assiette de constater l'absence de preuve d'enclavement,
- de constater l'absence de recherche du chemin le plus court et le moins dommageable,
- d'infirmer la décision déférée,
- subsidiairement, si la cour désignait aux frais de la SCI d'Z... un expert judiciaire, lui confier notamment la mission de déterminer le chemin le plus court et le moins dommageable après avoir déterminé si les propriétés des parties proviennent de l'indivision d'un même fonds, évaluer le montant de l'indemnité attribuée aux propriétaires des fonds susvisés et sur lesquels la voie devra être établie en réparation du dommage qu'ils subiront de ce fait, et proposer les modalités de répartition des frais,
- de condamner solidairement la SCI d'Z..., la SCI Petru Pan et Mme de Y... au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance.
Il est justifié de la signification de la déclaration d'appel à tous les autres intimés par voie d'huissier. Ceux-ci n'ont pas constitué avocat.
Plusieurs d'entre eux n'ayant pas été touchés à personne, en application de l'article 473 du code de procédure civile le présent arrêt sera rendu par défaut.
SUR CE :
- Les interventions volontaires de la SCI Petru Pan, de la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, du Conservatoire du Littoral et des Cités Lacustres, sont recevables en vertu des articles 328 et suivants du code de procédure civile. Il sera ajouté au jugement sur ce point, étant relevé qu'aucune partie n'a formulé d'observation sur la recevabilité.
- Sur la demande de sursis à statuer formée par les appelants :
Il n'est pas justifié de la poursuite d'une procédure devant la Cour
de cassation à l'encontre de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Bastia le 16 avril 2014 dans l'affaire intéressant la SAFER de la Corse ; la demande de sursis à statuer n'est donc pas fondée.
- Sur l'irrecevabilité des demandes de la SCI d'Z... pour défaut de fondement et tardiveté de l'action :
Les appelants invoquent l'article 1264 du code de procédure civile prévoyant que les actions possessoires doivent être ouvertes dans l'année du trouble.
Cependant l'action engagée par la SCI d'Z... et Mme de Y... tend non pas à la protection de leur possession mais au respect de leur droit de propriété, par conséquent le texte invoqué est inopérant.
- Sur l'exception de nullité de la SCI d'Z... pour défaut d'affectio societatis et fictivité, qui entraînerait l'irrecevabilité des demandes :
La prescription de trois ans des actions en nullité de la société, édictée par l'article 1844-14 du code civil, court à compter du jour ou la nullité est encourue ; en l'espèce le défaut de volonté de s'associer, l'absence d'apport réel de Mme de Y..., le défaut de fonctionnement entre le moment de la constitution de la société et l'acte de cession, le défaut d'autonomie financière, reprochés par les appelants, datent de la constitution de la société ou de la cession des parts de M. Paul d'Z..., intervenue le même jour, et l'action en nullité est donc largement prescrite.
- Sur l'irrecevabilité de la demande de Mme de Y..., formée en son nom personnel :
Contrairement à ce que plaident les appelants Mme de Y... possède un intérêt personnel à l'action, au sens de l'article 31 du code de procédure civile puisque c'est elle qui habite, au moins une partie de l'année, le bien litigieux.
- Sur l'irrecevabilité des demandes dirigées à l'encontre de M. X... :
Selon les appelants l'action dirigée contre le gérant de la SARL Murtoli serait irrecevable en l'absence de faute personnelle et intentionnelle séparable de ses fonctions, ou incompatible avec l'exercice de celles-ci.
C'est oublier que la cour d'appel de Bastia, dans son arrêt du 28 janvier 2009 confirmé par l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2010, a relevé et stigmatisé l'illicéité manifeste dans les procédés relevant d'une justice privée utilisés par Paul Marie X... et la SARL Murtoli, constitutifs d'un trouble manifestement illicite ; il ne peut décemment être soutenu que de tels comportements sont compatibles avec l'exercice des fonctions de gérant d'une société.
L'irrecevabilité sera écartée.
- Sur le serment décisoire :
La demande de déféré de serment à l'encontre de M. Paul d'Z... se heurte tout d'abord à la règle selon laquelle nul ne peut être appelé à prêter le serment que si une décision est susceptible d'être rendue contre lui. En l'espèce et ainsi que l'a relevé le conseiller de la mise en état aucune demande n'est formée contre l'intéressé. Sur ce point les appelants font valoir que le serment pourrait avoir des conséquences dans ses rapports avec Paul Marie X..., la SCI d'Z... ou Mme de Y..., qui seraient susceptibles d'agir en garantie, mais il ne s'agit que de conséquences éventuelles, aucune demande de ce type n'étant formée même à titre subsidiaire contre M. Paul d'Z....
Ensuite et contrairement à ce que soutiennent Paul Marie X..., la SARL Murtoli et la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, le serment, s'il était déféré, n'aurait pas pour effet de terminer le litige de façon définitive et absolue puisque les revendications des intimés, demandeurs en première instance, ont trait non seulement à l'existence d'un bail souscrit en faveur de Paul Marie X... et la SARL Murtoli, mais également à son opposabilité, à l'existence d'un état d'enclave, d'une servitude de passage ainsi que de son assiette.
Au surplus les nombreuses pièces communiquées par les parties, au nombre desquelles figurent des déclarations de Paul d'Z..., ainsi que leurs conclusions particulièrement développées, suffisent à résoudre le litige sans avoir recours à une mesure dont le caractère essentiel et la pertinence n'avaient pas apparu au cours des débats en première instance.
- Sur l'existence d'un bail commercial :
Il est indéniable, au vu des déclarations de M. X... et de Paul d'Z..., que ces personnes ont dans le courant de l'année 1999 conclu une convention verbale, à durée indéterminée, portant sur l'exploitation commerciale de la tour de Murtoli ; cette convention s'est concrétisée par la prise de possession des lieux par M. X..., aux fins de location à des particuliers, contre le versement d'un loyer annuel à M. d'Z....
Les pièces versées aux débats établissent en effet, que M. X..., agissant soit en son nom personnel soit en sa qualité de gérant de la SARL Murtoli, et par l'intermédiaire de la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa qui assurait la gestion du domaine, notamment en s'occupant des réservations, a donné en location la tour de Murtoli entre 1999 et 2001. Ce fait n'est d'ailleurs contesté par aucune des parties en cause.
Les photocopies des chèques démontrent que la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, dont le gérant est le père de Paul X..., a versé à Paul d'Z... une somme de 250 000 francs par an au cours de cette période.
En définitive, Paul d'Z... a accepté que l'exploitation de la tour de Murtoli soit incluse dans une exploitation globale du domaine de Murtoli, par la SARL Murtoli, entre 1999 et 2001 ; il n'est pas contesté que cette dernière assumait la charge globale de l'électricité sur tout le domaine, la tour ne disposant pas de compteur individuel ; les parties avaient parallèlement conclu un accord concernant la consommation d'eau.
La mise à disposition des lieux moyennant le versement régulier d'une somme d'argent entre les mains du propriétaire, même si ce versement émane d'un autre que le co-contractant, s'analyse comme un contrat de location ; mais il s'agissait, dans l'esprit des parties comme dans l'exécution effective du contrat, d'une location commerciale à caractère saisonnier. En effet, il ne ressort pas des éléments produits aux débats qu'au cours de la période considérée (de 1999 à 2001) l'exploitation commerciale du domaine de Murtoli et en particulier de la tour devait se faire toute l'année. De par sa situation dans une zone particulièrement sauvage, destinée davantage aux plaisirs de la mer, la location de la tour pendant la saison hivernale ne pouvait être que « sporadique » ainsi que l'a déclaré d'ailleurs Paul d'Z... dans son audition du 4 juillet 2008. De fait, hormis les attestations de MM. O... et P..., qui font état, l'une de la présence de locataires un jour d'hiver de 1999 ou 2000, l'autre de la présence de locataires pour le réveillon de l'an 2000, rien ne démontre que la tour était constamment offerte à la location par la SARL Murtoli de 1999 à 2001. En particulier, les extraits de journaux ne constituent pas à cet égard une preuve suffisante, ce d'autant que certains ne sont pas datés. L'attestation de M. Robert Q..., produite par les appelants, indique clairement que M. X... avait envisagé des travaux de rénovation au cours de l'hiver 2000 ou 2001, mais qu'il voulait « être opérationnel pour la saison à venir », ce qui signifie à l'évidence qu'il n'entendait pas exploiter les lieux pendant l'hiver.
Seule la photocopie du journal « Kalliste » de l'été 2000 évoque une ouverture pour la saison de la chasse d'octobre à février et une ouverture pour l'été en mai. Outre que ce document ne constitue pas un engagement commercial, il est démenti par les tarifs de la saison 2001 du domaine de Murtoli, incluant « la maison sur les rochers », c'est-à-dire la tour, pièce produite par les appelants eux-mêmes, où figurent les tarifs de mai, juin, septembre, juillet et août seulement.
Le montant annuel du loyer n'est pas significatif d'une location à l'année, eu égard aux tarifs particulièrement élevés des immeubles offerts à la location.
Enfin, les appelants reconnaissent dans leurs écritures que le propriétaire avait conservé un double des clés ; c'est donc qu'il gardait les lieux à sa disposition.
Les appelants, qui revendiquent l'application du statut des baux commerciaux à leur profit et contestent le caractère saisonnier du bail, ne produisent aucun justificatif de l'exploitation commerciale de la tour au cours des hivers 1999 à 2001 et notamment aucune facture relative à cette période, celles qu'ils versent aux débats-au nombre de six-ne concernant que le mois de septembre 2001 ; cette convention de location saisonnière, restée précaire selon le souhait des parties, et cela bien que M. X... soit au fait des affaires puisque exploitant la SARL Murtoli depuis le 1er septembre 1996, mettant en jeu des sommes très importantes, représentant des prestations hôtelières de luxe, avec le concours de la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, a pris fin selon les propres déclarations des intéressés à la fin de l'année 2001, époque à laquelle Paul d'Z... aurait exprimé le désir de reprendre les lieux afin de « s'y reposer ». M. X... déclare avoir alors accepté cette reprise.
Cet accord sur la fin des relations commerciales est resté verbal, tout comme l'accord initial sur le principe de la location saisonnière.
Force est de constater qu'entre la fin de l'année 2001 et juin 2005, ni la SARL Murtoli ni M. X..., ni la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, n'ont repris possession des lieux ni n'ont versé un quelconque loyer à Paul d'Z... ; à cet égard la simple preuve d'un retrait en espèces d'une somme de 29 000 euros le 28 février 2002 par la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa sans que le destinataire des fonds puisse être identifié ne saurait valoir démonstration d'une quelconque avance sur loyer.
M. d'Z... a bien reconnu, dans une lettre du 26 août 2007, avoir reçu des chèques de la SARL Murtoli, mais avoir refusé de les encaisser, en raison de la vente intervenue entre temps.
Le contrat commercial de location saisonnière, conclu en 1999, non soumis au statut des baux commerciaux, a pris fin d'un commun accord entre les parties en 2001 sans que le preneur n'ait invoqué un quelconque droit au renouvellement ni un droit au maintien dans les lieux.
C'est à tort que les appelants invoquent une suspension du contrat, puisque comme analysé ci-dessus il s'agissait d'une rupture concertée des relations contractuelles ; la suspension des effets d'un contrat ne pourrait en effet se concevoir que si la reprise de l'exécution était soumise à une condition de durée, un terme, un évènement ou la cessation d'une situation, non formulés en l'espèce, en tout cas subordonnée à un événement qui ne dépendrait pas que de la volonté d'une seule des parties, en l'occurrence le bailleur.
A l'évidence, suspendre un contrat de bail pendant le temps nécessaire au repos du bailleur est une notion étrangère au langage juridique, et c'est bien de la fin de leurs relations contractuelles que les parties ont convenu en 2001. Il est significatif que M. X... n'ait rien réclamé à M. d'Z..., au moins jusqu'à l'introduction de l'instance et qu'il ne se soit ému de la présence de Mme de Y... sur les lieux qu'en 2005.
C'est ensuite à tort que les appelants soutiennent que les statuts de la SCI d'Z... contiendraient la reconnaissance de l'existence d'un bail : l'acte ne comporte à l'évidence qu'une clause de style, faisant référence à « la situation locative éventuelle des biens apportés », et aucune indication précise quant à l'existence certaine d'un bail en vigueur.
En définitive, au jour de l'acquisition par la SCI Petru Pan des parts sociales détenues par Paul d'Z... dans la SCI d'Z..., aucun bail commercial n'était en vigueur, ni à l'égard de la SARL Murtoli, ni à l'égard de la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa. Les appelants ne peuvent donc revendiquer aucun droit au maintien dans les lieux lié à leur qualité de locataire au jour de ladite cession. Les demandes relatives à l'opposabilité du bail à la SCI d'Z... et à Mme de Y..., occupante des lieux depuis 2005, sont donc sans objet. La demande de restitution des clés sera rejetée. Les lieux devront être libérés sous astreinte comme l'a dit le premier juge ; la fixation d'une indemnité d'occupation de 10 000 euros mensuels est également justifiée.
- Sur la demande de la SARL Murtoli tendant à l'indemnisation de son préjudice de jouissance :
La SARL Murtoli soutient que Mme de Y... a imaginé, de concert avec Paul d'Z..., un montage juridique destiné à évincer le locataire ; que celui-ci a sciemment été laissé dans l'ignorance des transactions intervenues entre Paul d'Z... et Mme de Y..., et que ces fautes sont à l'origine de la privation de jouissance de la tour de janvier 2002 à septembre 2005 ; une telle demande se heurte au fait que le contrat conclu entre la SARL Murtoli et Paul d'Z... a pris fin d'un commun accord fin 2001 et que la SARL Murtoli ne pouvait prétendre à aucun droit au maintien dans les lieux entre 2002 et 2005 ; aucune faute de la SCI d'Z..., tiers au contrat, n'est à l'origine de cette rupture.
La demande sera donc rejetée.
- Sur la demande d'annulation de l'acte d'apport par Paul d'Z... à la SCI d'Z... et de l'acte de cession de parts, datés du 5 octobre 2001 :
Les appelants sollicitent l'annulation de ces actes pour vileté du prix ; mais ainsi que le soutiennent la SCI d'Z..., Mme de Y... et la SCI Petru Pan, les appelants, tiers à ces actes, n'ont pas qualité pour agir en ce sens. Cette demande est irrecevable en application de l'article 31 du code de procédure civile.
- Sur le droit de passage :
Contrairement à ce que soutient M. Paul d'Z..., la prescription prévue pour les actions possessoires n'est pas applicable, les propriétaires du Fortin ne prétendant pas avoir été dépossédés de la servitude telle que définie par leur titre.
Aux termes de l'article 691 du code civil, le droit de passage, servitude discontinue et apparente ne peut s'établir que par titre.
En l'espèce la SCI d'Z... est en possession d'un titre, à savoir l'acte notarié du 5 octobre 2001 qui en reçoit les statuts, lequel précise que le droit de passage, consistant en une voie carrossable de 5 mètres de large, ayant pour point de départ la route nationale Ajaccio-Sartène, résulte d'un jugement rendu par le tribunal de paix du canton de Sartène du 8 novembre 1869 ainsi que d'un partage reçu le 17 juillet 1908 par Me François N..., notaire à Sartène.
Or, l'acte du 8 novembre 1869 n'est pas un titre constitutif de servitude, mais plutôt un procès-verbal d'audition, et n'indique d'ailleurs pas de façon précise le chemin qu'il concerne ; l'acte du 17 juillet 1908 mentionne un passage qui va de la tour de Murtoli, au ruisseau de Ferrola en longeant la mer mais qui n'aboutit pas à la route nationale. Ces deux actes ne mentionnent aucun numero de parcelle.
Aucune des parties ne soutient qu'ils permettent de définir l'assiette d'une voie carrossable accédant à la route nationale.
Mieux encore, l'acte du 5 octobre 2001 énumère les parcelles sur lesquelles est sensée s'exercer la servitude de passage, mais le tracé ainsi défini, appliqué sur le plan cadastral, n'aboutit pas à la route nationale, décrit des courbes aussi importantes qu'incompréhensibles, mentionne une parcelle qui n'existe pas, apparaît discontinu ; il ne correspond pas à une route de 5 mètres de large, comme cela ressort de l'examen de la photographie IGN versée aux débats.
Enfin, aucun plan n'est annexé à l'acte, contrairement aux énonciations de celui-ci ; aucun lien de cohérence ne peut être fait avec les titres sur lesquels la servitude est sensée se fonder.
La SCI d'Z..., Mme de Y... et la SCI Petru Pan invoquent les dispositions de l'article 701 alinéa 3 du code civil prévoyant la possibilité du transport de l'exercice d'une servitude. Cependant, ce texte ne peut s'appliquer que si l'emplacement primitif était devenu plus onéreux au propriétaire du fonds assujetti ou s'il l'empêchait d'y faire des réparations avantageuses, circonstances qui ne sont pas réunies en l'espèce. Par conséquent la cour ne peut juger que la servitude contenue au titre de 2001 a été transportée, comme le voudraient les intimés, sur la route desservant le fonds X....
Les parties constituées reconnaissent toutes, en définitive, que la servitude telle que décrite à l'acte de 2001 est inapplicable sur le terrain. Pour autant, le titre authentique instaurant la servitude de passage, si incohérent qu'il soit, existe ; par conséquent la cour ne peut considérer que les intimées se trouvent en état d'enclave. Elle missionnera un expert aux fins de définir l'assiette de la servitude.
M. d'Z... ayant déclaré devant notaire, dans le cadre de l'acte constitutif de la SCI d'Z... du 5 octobre 2001, qu'en cas de contestation à venir sur l'existence ou l'exercice du droit de passage, il fera son affaire personnelle du règlement du litige dans ses conséquences tant juridiques que techniques et financières, il fera l'avance des frais d'expertise.
Dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise les dispositions du jugement qui ordonnent à M. X... de remettre cinq cartes magnétiques permettant l'ouverture du portail d'accès à la route conduisant à la propriété de la SCI d'Z..., de laisser libre accès permanent à la propriété de la SCI d'Z... et de la SCI Petru Pan et autres personnes autorisées par celle-ci en remettant à Mme de Y... un moyen d'accès permanent à la route qui amènent à toutes ces propriétés de la SCI d'Z..., dispositions d'ailleurs revêtues de l'exécution provisoire, recevront application.
- Sur les préjudices subis :
La disposition du jugement qui désigne un expert aux fins de chiffrer les travaux de remise en état des lieux n'est pas critiquée.
En ce qui concerne le préjudice de jouissance : les parties intimées sollicitent la confirmation du jugement accordant réparation de ce préjudice, sauf à en modifier le montant ; la SARL Murtoli et M. Paul d'Z... n'ignoraient pas que M. Paul d'Z... avait entendu reprendre son bien et mettre fin à la location saisonnière consentie en leur faveur à la fin de l'année 2001. Il n'est pas contesté que jusqu'en juin 2005 Mme de Y... a pu bénéficier d'un libre accès aux lieux.
Depuis juin 2005, et jusqu'à la remise de la carte d'accès au chemin menant à la tour ainsi que des clés, intervenue le 6 mars 2009, la SCI Petru Pan, propriétaire du Fortin, ainsi que Mme de Y..., sensée l'occuper, ont été privées de la jouissance des lieux du fait de M. Paul X... et la SARL Murtoli, qui ne bénéficiaient d'aucun droit sur la tour, ainsi qu'il est jugé par la cour. Le caractère illicite de cette privation ressort aussi de l'arrêt de la cour d'appel de Bastia du 28 janvier 2009 et de l'arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2010. Les intimés sont donc bien fondées à réclamer l'indemnisation de leur préjudice de jouissance.
Les demanderesses à l'indemnisation ne démontrent pas que le bien était destiné à être loué pendant cette période, et qu'elles ont ainsi été privées d'un revenu équivalent au prix de la location de la tour, alors que leurs propres écritures indiquent que Mme de Y... et sa famille n'ont pu y séjourner en raison de l'attitude de M. X... ; dans ces conditions la somme forfaitaire de 300 000 euros accordée par le premier juge apparaît satisfactoire.
Le préjudice moral subi par Mme de Y... est constitué par le fait qu'elle n'a pas pu profiter de la tour de Murtoli, propriété de la SCI Petru Pan dont elle est la gérante, entre juin 2005 et mars 2009, en raison des voies de fait perpétrées par M. X..., qu'elle n'a pu reprendre son bien qu'au prix d'une longue procédure judiciaire, pour constater que celui-ci avait été transformé sans le moindre accord de sa part. Ce préjudice a exactement été chiffré par le premier juge à la somme de 100 000 euros.
- Sur la demande de restitution d'objets personnels de M. Paul d'Z... :
Le premier juge a exactement estimé que faute pour M. Paul d'Z... de démontrer que la SCI d'Z... et Mme de Y... se
seraient appropriés des objets lui appartenant, et dont il a fourni la liste, la demande ne pouvait qu'être rejetée.
- Sur la demande « infiniment subsidiaire » de M. Paul X..., la SARL Murtoli et la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa :
Ceux-ci demandent d'ordonner à la SCI d'Z... et tous occupants de son chef de ne pas utiliser l'eau et l'électricité, au motif que les consommations en sont payées par la SARL Murtoli. Mais il n'est pas démontré qu'au jour où la cour statue, la consommation d'eau et d'électricité des occupants de la tour de Murtoli est financée par la SARL Murtoli ; il appartient par ailleurs aux parties de faire le nécessaire auprès des services compétents afin d'établir des compteurs séparés. Le premier juge a à bon droit rejeté cette demande.
- La mise hors de cause d'Antoine Pierre Georges d'Z..., justifiée par le fait qu'il n'est pas propriétaire de la parcelle cadastrée M 421 lieu-dit « Cau » n'est pas critiquée.
- La demande de publication du dispositif de la décision dans un journal aux frais de la SARL Murtoli n'est pas reprise en cause d'appel et la disposition du jugement qui rejette cette demande n'est pas critiquée.
- En ce qui concerne l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
La charge des frais irrépétibles et des dépens sera réservée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a :
- dit que la propriété bâtie située à Sartène sous les références cadastrales C 506, lieu-dit Murtoli, d'une contenance de 53 centiares est en état d'enclave ; et que ce bien bénéficie ainsi que les immeubles non bâtis sis à Sartène, sous les références cadastrales C 998, lieu-dit Murtoli, d'une contenance de 22 ares et 3 centiares C 490, C 491, C 493, C 494, C 1025, C 1026 lieu-dit Ferrola, d'un droit de passage matérialisé par la route tracée au travers du domaine de l'Ortolo,
- dit que ce chemin carrossable traverse outre les propriétés du demandeur les parcelles M 628 lieudit Stazzi, M 619 lieudit Stazzi, M 854 lieudit Stazzi, M 547 lieudit Cau, C 559 lieudit Erbajo, C 552 lieudit Erbajo, C 553 lieudit Erbajo, C 485 lieudit Ferrola, C 764 lieudit Ferrola
et AH 6 lieudit Erbajo, C 560, C 561 et C 564 toutes lieudit Erbajo AH8, lieudit Erbajo AH 13 lieudit AH 12 et AH 16 lieudit Erbajo, AH 26 lieudit Franzicone, M 421 lieudit Cau, M 855 lieudit Stazzi, AK 3 lieudit Roccapina,
- avant dire droit sur l'indemnité résultant de l'enclave, ordonné une expertise et désigné M. R... pour y procéder,
- condamné solidairement la SARL Murtoli et M. Paul X... à payer à la SCI d'Z..., la SCI Petru Pan et Mme de Y... la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Constate que l'assiette de la servitude de passage dont bénéficient la SCI Petru Pan, la SCI d'Z... et Mme de Y... n'est pas définie par leur titre,
Avant dire droit sur l'assiette de la servitude de passage, ainsi que sur les demandes du Conservatoire de L'espace Littoral et des Rivages Lacustres,
Ordonne une mesure d'expertise,
Désigne en qualité d'expert Mme Josiane S...,... di Rostino (Tél :...) avec pour mission de :
- prendre connaissance des pièces du dossier et de tout document relatif à la situation des lieux litigieux,
- se rendre sur les lieux au contradictoire des parties,
- déterminer le passage le plus court et le moins dommageable eu égard à la configuration des lieux, aux contraintes résultant des lois et règlements, notamment le code de l'environnement, en vigueur dans le secteur concerné,
- donner son avis sur l'établissement d'un passage conforme aux dispositions des articles 682 et suivants du code civil,
- déterminer les indemnités dues à chaque propriétaire dont les parcelles seraient traversées par ce passage,
- dit que l'expert déposera son rapport au greffe en double original au plus tard le 1er septembre 2016 au greffe de la cour d'appel,
- dit que Mme de Y..., la SCI d'Z... et la SCI Petru Pan consigneront au greffe de la cour la somme de TROIS MILLE EUROS (3 000 euros) à valoir sur la rémunération de l'expert, au plus tard le 15 juin 2016.
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai prescrit, il sera procédé comme il est dit à l'article 271 du code de procédure civile,
- désigne Mme Luciani, conseiller, pour surveiller les opérations d'expertise,
- dit que jusqu'à nouvelle décision concernant la servitude de passage les dispositions du jugement relatives à la remise des cartes magnétiques permettant l'ouverture du portail d'accès à la route conduisant à la propriété de la SCI d'Z... et au libre accès permanent à la propriété de la SCI d'Z..., la SCI Petru Pan à Mme de Y... et toutes autres personnes autorisées par celle-ci seront exécutoires,
Y ajoutant,
Reçoit les interventions volontaires de la SCI Petru Pan, de la SARL Grand Hôtel de Cala Rossa, du Conservatoire du Littoral et des Cités Lacustres,
Réserve les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Réserve les dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00844
Date de la décision : 18/05/2016
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-05-18;12.00844 ?
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