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11/05/2016 | FRANCE | N°14/00877

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 11 mai 2016, 14/00877


Ch. civile A

ARRET No
du 11 MAI 2016
R. G : 14/ 00877 JD-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Octobre 2014, enregistrée sous le no 12/ 01397

SA MMA IARD
C/
X...Y...Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE MAI DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA MMA IARD agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège 14 boulevard Oyon 72030 LE MANS

ayant pour avocat Me Marie pierre FINALTERI

, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Mme Christiane X...née le 19 Août 1933 à Toulouse (31000) ...20222 BRAN...

Ch. civile A

ARRET No
du 11 MAI 2016
R. G : 14/ 00877 JD-R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Octobre 2014, enregistrée sous le no 12/ 01397

SA MMA IARD
C/
X...Y...Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE MAI DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA MMA IARD agissant par son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités audit siège 14 boulevard Oyon 72030 LE MANS

ayant pour avocat Me Marie pierre FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Mme Christiane X...née le 19 Août 1933 à Toulouse (31000) ...20222 BRANDO/ FRANCE

ayant pour avocat Me Jacques VACCAREZZA de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

M. Paul Y......31400 TOULOUSE

ayant pour avocat Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau D'AJACCIO

Me Pierre Paul Z...pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL TPM, désigné par jugement rendu par le Tribunal de Commerce de BASTIA, le 17 janvier 2012 ...20200 BASTIA

ayant pour avocat Me Claude VOITURIEZ, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE

Suivant contrat d'architecte du 10 septembre 2008, Mme Christiane X..., propriétaire d'une maison ..., commune de Brando, a confié à M. Paul Y...la maîtrise d'oeuvre de la mise en sécurité de cet immeuble suivant marché de travaux du 16 février 2009. Par ordonnance de référé du 14 septembre 2011, une expertise a été ordonnée sur requête de Mme X....

Alléguant des désordres, conséquences de malfaçons et d'un non-respect des règles de l'art, par acte du 30 juillet 2012, Mme Christiane X...a assigné M. Paul Y..., la S. A. R. L. TPM et son assureur les Mutuelles du Mans Assurances devant le Tribunal de grande instance de Bastia pour obtenir leur condamnation à réparer les désordres constatés par l'expert et les préjudices consécutifs.

Par jugement du 21 octobre 2014, le Tribunal de grande instance de Bastia a :

- dit l'action dirigée contre M. Paul Y...irrecevable,
- fixé la créance de travaux de Mme Christiane X...à l'encontre de la S. A. R. L. TPM à la somme de 48 562, 90 euros H. T. augmentée de la TVA au jour du jugement,
- fixé la créance de réparation du trouble de jouissance de Mme Christiane X...à l'encontre de la S. A. R. L. TPM à la somme de 1 650 euros,
- rejeté la demande Mme Christiane X...pour le surplus,
- condamné les Mutuelles du Mans Assurances à payer à Mme Christiane X...la somme de 48 562, 90 euros H. T. augmentée de la TVA applicable au jour du jugement au titre des travaux de réparation des désordres sous réserve du montant de la franchise opposable à la victime en matière d'assurance non obligatoire,
- condamné les Mutuelles du Mans Assurances à payer à Mme Christiane X...la somme de 1 650 euros en réparation du trouble de jouissance,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné les Mutuelles du Mans Assurances à payer à Mme Christiane X...la somme de 1 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les Mutuelles du Mans Assurances au paiement des dépens et des frais d'expertise.

Par déclaration reçue le 3 novembre 2014, les Mutuelles du Mans Assurances ont interjeté appel de la décision.

Par dernières conclusions communiquées le 15 mai 2015, les Mutuelles du Mans Assurances demandent :

au principal,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action dirigée contre M. Paul Y...irrecevable,
- de dire que l'entière responsabilité du sinistre incombe à M. Paul Y..., qui en sa qualité d'architecte chargé d'une maîtrise d'oeuvre complète, a failli à l'exécution de sa mission,
en conséquence, et vu l'acceptation sans réserves de l'ouvrage du 16 août 2010 alors que les désordres étaient visibles tant en cours de

chantier qu'au moment de la réception, de

-déclarer M. Paul Y...seul responsable de l'entier préjudice de Mme X...et le condamner à en supporter le coût et la réparation dans la limite de 75 %,
- prononcer la mise hors de cause de la S. A. R. L. TPM et de son assureur et les décharger de tous dépens,
subsidiairement, pour le cas où la cour retiendrait une part de responsabilité à la charge de la S. A. R. L. TPM, de
-dire que la non façon résultant du défaut de doublage de l'allège de la fenêtre, dès lors qu'elle ne compromet pas la solidité de l'ouvrage ni ne le rend impropre à sa destination, ne relève pas de la garantie décennale et incombe à la seule S. A. R. L. TPM au titre de sa responsabilité contractuelle de droit commun,
- dire que les autres désordres dès lors qu'ils étaient visibles lors de la réception de l'ouvrage ne peuvent mobiliser la garantie décennale de la compagnie d'assurance,
en tout état de cause, de
-dire qu'aucune des garanties souscrites par la S. A. R. L. TPM auprès d'elle ne trouve à s'appliquer,
- constater que la S. A. R. L. TPM n'a pas souscrit la garantie facultative des dommages intermédiaires visant à garantir le paiement des travaux de réparation des dommages matériels survenus après réception de sorte que la garantie de l'assurance ne peut être recherchée de ce chef,
- débouter, en conséquence, Mme X...de sa demande de condamnation solidaire contre elle-même et l'architecte au titre du préjudice de jouissance dont elle se prévaut,
en conséquence, de
-prononcer sa mise hors de cause et la décharger de tous dépens.

Elles exposent que l'action contre l'architecte est recevable, puisqu'elle se fonde sur la garantie décennale et non sur la responsabilité contractuelle. Elles ajoutent que tous les désordres étaient visibles lors de la réception, que l'état de vétusté a contribué à 25 % aux désordres, les manquements dans l'exécution et la conduite des travaux à 75 %, que l'architecte est responsable du sinistre, compte tenu de l'étendue de sa mission, et qu'il a manqué à ses devoirs de conseil et d'assistance et à son obligation de suivi du chantier. Elles estiment que les garanties n'étaient pas mobilisables puisque les désordres étaient visibles à la réception, que la non façon évaluée 3 250 euros ne porte pas atteinte à la solidité ou à la destination de l'ouvrage. Elles font valoir qu'elles ne garantissent pas le trouble de jouissance, dont le montant n'est nullement justifié et ne

pourrait excéder le temps prévu pour la remise en état, tel que fixé par le jugement.

Par conclusions communiquées le 26 janvier 2015 et le 11 février 2015, Mme X...demande, au visa de l'article 1792 du code civil, de :

- confirmer le jugement attaqué quant au principe de la condamnation des Mutuelles du Mans Assurances et à l'indemnité de 1 800 euros allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- recevoir son appel incident et le dire recevable et fondé,
- réformer le jugement sur le restant
et statuant à nouveau, de
-juger recevable son action à l'encontre de M. Y...,
- condamner in sodium les Mutuelles du Mans Assurances et M. Y...au paiement de 67 168, 89 euros avec intérêts de droit à compter du 30 juillet 2012, date de l'assignation et de 15 000 euros au titre du trouble de jouissance,
- condamner les Mutuelles du Mans Assurances et M. Y...au paiement des dépens, y compris les frais d'expertise et de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle expose que son action contre l'architecte est recevable, l'ouvrage ayant fait l'objet d'une réception le 16 août 2010, constatée par l'expert judiciaire et le premier juge. Elle ajoute que le rapport de l'expert démontre l'atteinte à la solidité et l'impropriété à destination, s'agissant des rives de toiture et de l'allège de la fenêtre, que l'effondrement du plafond relève de la garantie décennale et subsidiairement des accidents de chantier. Elle ajoute que l'expert a chiffré les travaux indispensables, que ce montant doit être retenu, que le trouble de jouissance a été calculé sans tenir compte du temps passé et du fait qu'elle n'a pas pu poursuivre la rénovation des pièces.

Par dernières conclusions communiquées le 27 février 2015, M. Y...demande, au visa des articles 1134, 1147, 1792 du code civil, de la clause de saisine préalable de l'Ordre des Architectes, de l'absence de procédure préalable auprès de l'Ordre des Architectes, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé irrecevable l'action engagée par Mme Christiane X...à son encontre,
subsidiairement, de
-dire qu'il n'a pas reçu, compte tenu de son éloignement, de mission de suivi régulier de chantier,
- dire qu'il n'a commis aucune faute dans la préconisation des travaux nécessaires à la réfection de la maison Fornelli,
- dire que les désordres résultent, selon l'expert judiciaire, à hauteur de 25 % de la vétusté de la toiture,
- dire que le désordre No2 est de la responsabilité de l'entreprise qui n'a pas pris les précautions suffisantes d'exécution en cours de chantier,
- dire que le montant des travaux de reprise est de 48 275, 85 euros,
si par l'impossible, la cour devait estimer sa responsabilité engagée, de
-dire qu'il y a lieu à un partage de responsabilité excluant toute condamnation in solidum,
- dire qu'il devra être relevé et garanti de toutes condamnations prononcées à son encontre par les Mutuelles du Mans Assurances, assureur de la S. A. R. L. TPM, responsable de la mauvaise exécution des travaux sollicités,
- condamner Mme Christiane X...et ou tout succombant au paiement des dépens et de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Il expose que l'action est irrecevable dès lors qu'il a été cité au titre de sa responsabilité contractuelle. Il fait valoir qu'il n'avait pas la charge d'un suivi régulier des opérations de reprise mais seulement la conception et la préconisation des travaux, dans le budget, qu'il a rappelé ses obligations à la S. A. R. L. TPM, que sa mission consistait à éviter la poursuite de la procédure d'arrêté de péril, qu'il a réduit ses honoraires en conséquence, qu'il a prescrit les travaux utiles, dont l'ampleur a été limitée par le maître d'ouvrage pour des question de coût. Il estime que la répartition des responsabilités par l'expert est empirique, que l'effondrement du plafond résulte d'un accident de chantier garanti par l'assureur, que le défaut de doublage ne cause pas de désordre et a donné lieu à une moins value au bénéfice du maître d'ouvrage. Il ajoute que l'entreprise est seule responsable, que les comptes restent à faire entre les parties, qu'il n'y a pas lieu à condamnation in solidum mais que les désordres sont de nature décennale.

Par dernières conclusions communiquées le 27 mars 2015, Me Pierre Paul Z...ès-qualités de liquidateur de la S. A. R. L. TPM demande, au visa notamment des articles 1792 et suivants du code de procédure civile :

- de recevoir son appel incident,
- d'infirmer le jugement,
statuant à nouveau,
- de constater que Mme X...ne peut prétendre à réparation qu'à hauteur de 75 % du coût des travaux de reprise des rives de toiture et des allèges, les infiltrations constatées ayant également pour origine la vétusté de la toiture,
- de réduire à une plus juste proportion son préjudice de jouissance,
- de dire qu'en l'état de la réception sans réserves du 16 août 2010, M. Y...est seul responsable de l'entier préjudice de Mme X...imputable aux malfaçons et non façons et le condamner à en supporter le coût et la réparation,
- d'accueillir sa demande reconventionnelle et
-de condamner Mme X...à payer le solde du chantier et la retenue de garantie devenue exigible le 16 août 2011, déduction faite des non façons, pour la somme de 5 261, 20 euros,
subsidiairement, et si la Cour retenait le droit à indemnisation de Mme X...à l'égard de la S. A. R. L. TPM, de
-constater la créance de Mme X...et dire que les Mutuelles du Mans Assurances doivent relever et garantir leur assurée pour toutes les sommes ainsi constatées au passif de la S. A. R. L. TPM,
- condamner en tant que de besoin la seule compagnie Mutuelles du Mans Assurances au paiement de ces sommes,
- statuer ce que de droit sur dépens.

Il expose que l'état de vétusté de la toiture a participé au dommage à hauteur de 25 %, que la mauvaise exécution affectant les rives de toiture a participé pour 75 % à la réalisation du dommage, que l'effondrement du plafond est un accident de chantier garanti par les Mutuelles du Mans Assurances, que le défaut de doublage de l'allège est une malfaçon qui n'a pas causé de dommage et qui a généré une moins value comptabilisée. Il estime qu'à défaut d'un procès verbal de réception, la date retenue doit être celle fixée par l'architecte, que l'indemnisation doit être limitée à 48 175, 85 euros et que les travaux n'avaient pas vocation à rendre l'immeuble habitable. Il soutient que M. Y...est intégralement responsable, la mauvaise exécution des travaux étant visible à la réception. Il ajoute que les comptes entre les parties doivent être effectués (solde 9 934, 10 euros-moins value de 4 726, 50 euros = 5 261, 20 euros), que le régime de l'article 1792 du code civil prévaut, quel que soit le fondement juridique de la demande et que les Mutuelles du Mans Assurances doivent leur garantie.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 septembre 2015.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 17 mars 2016. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application des dispositions des articles 1792 alinéa 1er et 1792-1 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; est réputé constructeur de l'ouvrage, notamment, tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. L'article 1792-2 du code civil, dispose que toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité prévue aux articles 1792, 1792-1, 1792-2, soit d'exclure les garanties prévues aux articles 1792-3 et 1792-2 ou d'en limiter la porter, soit d'écarter ou de limiter la solidarité prévue à l'article 1792-4 est réputée non écrite.

Si, en l'espèce, Mme X...a visé les dispositions des articles 1134 et 1147 du code civil, l'existence d'une réception et la garantie légale qui en découle, impliquent l'application des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, question soumise au débat contradictoire par l'application qu'en a faite le premier juge. Or, la clause, signée par les parties stipulant qu'en cas de litige portant sur l'exécution du contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes pour avis, ne peut porter que sur les obligations des parties au regard de l'article 1134 du code civil, et n'a pas vocation à s'appliquer lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du même code.

Le jugement doit être infirmé de ce chef.

Sur les désordres et les responsabilités

Mme X...a confié à M. Y...la maîtrise d'oeuvre de la mise en sécurité de l'immeuble ... commune de Brando, s'agissant d'un ouvrage objet d'un arrêté de péril de la mairie. Les travaux confiés à la S. A. R. L. TPM comprenaient des ravalements de façades, poses de gouttières, reprises des corniches et des rives, reprises des appuis de fenêtres et seuils de porte, réalisation de planchers sur les combles, réalisation d'une toiture terrasse outre des travaux supplémentaires sur les acrotères, les menuiseries, la cheminée.

L'expert a constaté des désordres dont la qualification est contestée par les parties, étant rappelé l'existence d'une réception sans réserve le 16 août 2010, sauf à préciser que les reprises de fenêtre doublage placoplâtre n'ont pas été réalisées, par accord entre les parties.

L'expert relève :

- un taux d'humidité important au niveau des parois du grenier ayant pour origine l'absence de feuille de plomb au niveau de la bordure de rive de toiture assurant l'étanchéité. Il s'agit d'un désordre de nature décennale en ce qu'il rend l'ouvrage impropre à sa destination et qu'il n'était pas visible à la réception ;
- un jour important visible entre la menuiserie et le linteau, il s'agit d'un désordre de nature décennale, mais dès lors qu'il est visible sur les photographies, que l'expert le qualifie de visible, il est apparent et couvert par une réception sans réserves ; Mme X...ne peut formuler à ce titre aucune demande en se fondant sur l'article 1792 du code civil ;
- d'importantes infiltrations au niveau de la deuxième baie vitrée dans la salle du deuxième étage trouvant leur origine dans l'absence de feuille de plomb au niveau de la bordure de rive de toiture assurant l'étanchéité ; il s'agit d'un désordre de nature décennale en ce qu'il rend l'ouvrage impropre à sa destination et qu'il n'était pas visible à la réception ;
- l'effondrement du faux plafond dans la chambre du deuxième étage est dû à des pénétrations d'eau importantes consécutives à un défaut de bâchage de la toiture de la tour lors de sa réfection. Il résulte des écritures et des pièces, que l'effondrement a eu lieu pendant le chantier, donc avant la réception, il ne s'agit donc pas d'un désordre pouvant relever de la garantie décennale ;
- l'absence de doublage de l'allège de la fenêtre de la deuxième chambre du second étage qui n'est à l'origine d'aucun désordre. Le doublage n'a pas été réalisée par accord entre l'architecte et l'entreprise, ainsi qu'il résulte du courrier du 26 janvier 2011 fixant la date de réception au 16 août 2010.

Mme X...a agi sur le fondement de la responsabilité contractuelle, le tribunal a statué sur le fondement de l'article 1792 du code civil, s'agissant d'une garantie légale à laquelle les parties ne peuvent déroger. Devant la cour, Mme X...fonde ses demandes sur les articles 1792 et suivants du code civil, tout en invoquant la faute de l'entreprise et de l'architecte.

M. Y...et l'entreprise TPM sont solidairement responsables et de plein droit des désordres caractérisés par l'humidité importante des parois du grenier et les importantes infiltrations au niveau de la deuxième baie vitrée dans la salle du deuxième étage ayant pour origine l'absence de feuille de plomb au niveau de la bordure de rive de toiture assurant l'étanchéité. Ils n'allèguent aucune cause étrangère. Ils sont solidairement tenus à réparation. Les Mutuelles du Mans Assurances, assureur décennal de l'entreprise TPM, ne contestent pas devoir leur garantie. L'expert a chiffré le coût de reprise de ces deux types de désordres à 60 417, 20 euros HT outre la TVA à 5, 5 % non critiquée. L'entreprise TPM in solidum avec les Mutuelles du Mans Assurances et M. Y...doivent donc être tenus solidairement du paiement à Mme X...de cette somme en réparation des désordres de nature décennale. Toutefois, la situation de la S. A. R. L. TPM justifie de fixer la créance au passif. Aucune franchise ne peut être opposée à Mme X...à ce titre. Même si l'expert considère que la vétusté de la toiture est intervenue pour 25 % dans la survenance des désordres, il appartenait tant à l'architecte chargé de l'assistance technique et de la direction des travaux, qu'à l'entreprise, tous deux parfaitement informés de la vétusté de l'ensemble, de ne pas y procéder s'ils étaient insuffisants ou inefficaces. Acceptant la réalisation des travaux, les constructeurs, ont accepté le risque qui pouvait découler de leur insuffisance. De même, acceptant la mission qui lui était confiée, M. Y...a accepté les conséquences de son éloignement, dont il ne peut arguer pour échapper à la responsabilité de plein droit des constructeurs. De surcroît, il résulte de l'article 8 du contrat, que les parties avaient convenu des conditions de la réception.

L'effondrement du plafond est un dommage survenu en cours de chantier, il relève de la responsabilité civile de la S. A. R. L. TPM. Elle doit en supporter le coût, une créance de ce montant sera fixée au passif. Les Mutuelles du Mans Assurances son assureur responsabilité civile seront condamnées au paiement de 3 250 euros augmenté de la TVA retenue par l'expert en réparation de ce désordre. Si Mme X...forme une demande à ce titre contre M. Y..., elle la fonde sur la responsabilité décennale, qui ne trouve pas à s'appliquer.

Sur la répartition des responsabilités

L'application de l'article 1792 du code civil implique une condamnation in solidum à l'égard du maître d'ouvrage, même si les intervenants à l'opération de construction peuvent former les uns contre les autres des appels en garantie.

Mme X...a confié à M. Y...des travaux de mise en sécurité de l'immeuble et non de transformation en vue de rendre l'habitation possible. La mission de l'architecte comprenait l'assistance technique dans le cadre de la procédure administrative d'arrêté de péril en présence d'un immeuble menaçant ruine, l'assistance à la passation des contrats, la direction de l'exécution du contrat de travaux. Il a été rémunéré 10 000 euros. L'entreprise TPM a été chargée de l'ensemble des travaux, elle a facturé ses interventions 198 216, 80 euros TTC compte tenu d'une TVA à 5, 5 %.

Dans leurs rapports entre eux, M. Y...peut être tenu à hauteur de 25 %, considérant qu'il a procédé à la réception, de son aveu même, sans véritable visite du chantier, étant relevé qu'il ne peut à la fois faire état de la réception dans son courrier adressé à l'entreprise le 26 avril 2011 et prétendre qu'il y est étranger dans ses écritures.

Sur les comptes entre les parties

La S. A. R. L. TPM n'a pas été payée de la retenue de garantie. Effectivement le litige a débuté dans la période de la garantie de parfait achèvement, mais le maître d'ouvrage n'a pas sollicité l'achèvement des travaux dans les conditions de l'article 1792-6 du code civil. L'existence du litige ne dispense pas le maître d'ouvrage du paiement du solde dû. Mme Christiane X...doit être condamnée au paiement du solde du chantier, 5 261, 20 euros déduction faite de la moins value de 4 762, 50 euros qui résulte du courrier de M. Y...et des décomptes.

Sur le préjudice de jouissance

Cette demande ressort de l'application de l'article 1382 du code civil.

Or, en l'espèce, comme indiqué, Mme X...n'avait confié à M. Y...et à l'entreprise que des travaux de mise en sécurité de l'immeuble. Elle ne justifie nullement du préjudice qu'elle allègue. Elle ne peut prétendre au paiement d'un préjudice de jouissance excédant celui qui résulte de " l'indisponibilité " de l'ouvrage pendant la durée des travaux, soit 30 jours ouvrables selon l'expert. Les préjudices immatériels ne sont pas garantis par l'assureur décennal, ce qui n'est contesté par aucune des parties au procès. En conséquence, M. Y...et la S. A. R. L. TPM seront tenus de payer à Mme X...la somme de 1 650 euros, l'évaluation retenue n'étant pas utilement critiquée. M. Y...devra être garanti à hauteur de 75 % par l'entreprise TPM, la créance sera inscrite au passif de la S. A. R. L. TPM.

Le jugement sera seulement confirmé en ce qu'il a statué sur les frais et dépens, disposition non contestée par les Mutuelles du Mans Assurances. Chacune des parties succombe pour une part en son appel, il y a lieu de faire masse des frais et dépens d'appel et de les répartir par tiers entre les parties. Mme X...sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement, en dernier ressort, par dispositions réformatives, substitutives et nouvelles,

Dit l'action dirigée contre M. Paul Y...recevable,
Déclare M. Paul Y...et l'entreprise TPM solidairement responsables et tenus à réparation des désordres de nature décennale caractérisés par l'humidité importante des parois du grenier et les infiltrations au niveau de la deuxième baie vitrée dans la salle du deuxième étage,
Fixe la créance de Mme Christiane X...à l'encontre de la S. A. R. L. TPM à la somme de SOIXANTE MILLE QUATRE CENT DIX SEPT EUROS ET VINGT CENTIMES (60 417, 20 euros) H. T. augmentée de la TVA au jour du jugement,
Condamne solidairement, M. Paul Y...et les Mutuelles du Mans Assurances, assureur de la S. A. R. L. TPM à payer à Mme Christine X...à l'encontre de la S. A. R. L. TPM à la somme de SOIXANTE MILLE QUATRE CENT DIX SEPT EUROS ET VINGT CENTIMES (60 417, 20 euros) H. T. augmentée de la TVA au jour du jugement,
Déclare M. Paul Y...et l'entreprise TPM solidairement responsables et tenus à réparation du trouble de jouissance subi,
Fixe la créance de réparation du trouble de jouissance de Mme Christiane X...à l'encontre de la S. A. R. L. TPM à la somme de MILLE SIX CENT CINQUANTE EUROS (1 650 euros),
Condamne M. Paul Y...à payer à Mme Christiane X..., la somme de MILLE SIX CENT CINQUANTE EUROS (1 650 euros) en réparation du trouble de jouissance,
Dit que dans leurs rapports entre eux, M. Paul Y...doit être garanti à hauteur de 75 % par la S. A. R. L. TPM des sommes mises à sa charge en réparation des désordres et du préjudice de jouissance,
Condamne Mme Christiane X...à payer à Maître Pierre Paul Z...ès-qualités de mandataire liquidateur de la S. A. R. L. TPM une somme de CINQ MILLE DEUX CENT SOIXANTE ET UN EUROS ET VINGT CENTIMES (5 261, 20 euros) au titre du solde restant dû,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, Condamne les Mutuelles du Mans Assurances au paiement des dépens de première instance et des frais d'expertise et à payer à Mme Christiane X...la somme de MILLE HUIT CENTS EUROS (1 800 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Fait masse des dépens d'appel et les répartit par tiers entre Mme Christiane X..., les Mutuelles du Mans Assurances et M. Paul Y...,
Déboute Mme Christiane X...de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00877
Date de la décision : 11/05/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-05-11;14.00877 ?
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