Ch. civile A
ARRET No
du 11 MAI 2016
R. G : 14/ 00351 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 20 Février 2014, enregistrée sous le no 13/ 00547
SA SOGECAP
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
ONZE MAI DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA SOGECAP prise en la personne de son représentant légal domicilié audit siège 50 Avenue du Général de Gaulle 92800 Puteaux
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Marie-Annette TATU-CUVELLIER, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE :
Mme Marie-Jeanne X... née le 25 Septembre 1953 à MONTPELLIER ......20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Joëlle GUIDERDONI, avocat au barreau d'AJACCIO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 1374 du 22/ 05/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant l'existence de deux prêts souscrits, garantis par une assurance groupe, par acte du 10 mai 2013, Mme Marie Jeanne X... a fait assigner la SA Sogecap devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir sa condamnation au paiement des échéances de prêt.
Par jugement du 20 février 2014, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a, au visa des contrats,
- condamné la société Sogecap à garantir Mme X... et à lui rembourser les échéances des deux prêts restant dus à compter du mois de février 2012 soit les sommes de avec intérêts au taux légal à dater du 10 mai 2013 :
. 1 287, 26 euros concernant le prêt à la consommation Alterna,. 24 390, 90 euros concernant le prêt à la consommation Expresso,. 2 000 euros pour frais non taxables,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté les demandes plus amples ou contraires,
- laissé les dépens à la charge de la société Sogecap.
La SA Sogecap a interjeté appel le 24 avril 2014.
Par dernières conclusions communiquées le 19 mai 2015, la SA Sogecap demandait, de
-réformer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande au titre de la prise en charge des prêts,
- dire nulles les adhésions du 2 juin 2009 sur le fondement de l'article L113-8 du code des assurances,
A titre subsidiaire, de
-dire qu'elle ne saurait être tenue au-delà des garanties souscrites,
- dire opposables à l'assurée les notices d'information relatives aux contrats d'assurances souscrits,
- dire que le montant des échéances à régler au titre de la garantie ressort à la somme de 4 312, 26 euros pour le prêt Expresso,
- dire que le montant des échéances à régler au titre la garantie ressort à la somme de 905, 58 euros pour le prêt Alterna,
Avant dire droit, sur la prise en charge au titre de l'invalidité permanente totale,
- d'ordonner une expertise,
En tout état de cause, de
-débouter Mme X... de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande de dommages et intérêts,
- condamner Mme X... au paiement des dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Jobin et de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle exposait en substance que les dispositions légales relatives à la fausse déclaration intentionnelle étaient d'ordre public, que Mme X... avait dissimulé des antécédents chirurgicaux alors qu'elle était parfaitement informée des conséquences d'une fausse déclaration et que les items de la déclaration de santé étaient clairs. Elle faisait valoir qu'elle avait omis non seulement les tumeurs mais encore les interventions chirurgicales et le suivi médical consécutifs, faussant l'appréciation de l'assureur qui aurait pu lui proposer un questionnaire et une protection adaptée, peu important l'absence de liens entre les lésions actuelles et les interventions omises. Elle ajoutait qu'elle ne pouvait être tenue au-delà des garanties souscrites, qu'elle avait versé des sommes par provision dans l'attente de l'expertise, qu'une expertise est nécessaire à défaut de consolidation et que l'assurée avait attesté avoir reçu la notice d'informations.
Par conclusions communiquées le 10 mars 2015, Mme X... demandait
-de condamner la société Sogecap à la garantir et à lui rembourser les échéances des deux prêts restants dus à compter du mois de février 2012 soit les sommes de
. 1 287, 26 euros au titre du prêt Alterna,. 24 390, 90 euros au titre du prêt Expresso,
- de condamner la société Sogecap à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- de condamner la société Sogecap au paiement des dépens et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle exposait que les tumeurs soignées en 2001 et 2004 étaient bénignes et sans conséquence sur son état de santé, n'ayant pas entraîné d'arrêt de travail prolongé, que le médecin a commis une erreur en indiquant qu'il avait existé une tumeur maligne, qu'elle était de bonne foi, n'ayant jamais eu l'intention de tromper l'assureur, ayant seulement omis ces interventions. Elle estimait qu'il n'y avait pas eu de modification de l'appréciation du risque, que la cour devait rechercher en quoi la fausse déclaration intentionnelle avait changé l'objet du risque ou modifié l'opinion qu'en avait l'assureur et que les tumeurs non déclarées sont sans lien avec les lésions de l'épaule consécutives à un accident du travail. Elle ajoutait que les deux notices d'information n'avaient pas été paraphées ou signées par elle, qu'elles ne lui avaient même pas été remises et que son état n'étant pas consolidé, Sogecap avait manqué à ses obligations, à défaut d'avoir poursuivi la procédure de prise en charge.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 septembre 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 17 mars 2016, mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 11 mai 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la nullité
Suivant l'article L113-8 du code des assurances, indépendamment des causes ordinaires de nullité, et sous réserve des dispositions de l'article L. 132-26, le contrat d'assurance est nul en cas de réticence ou de fausse déclaration intentionnelle de la part de l'assuré, quand cette réticence ou cette fausse déclaration change l'objet du risque ou en diminue l'opinion pour l'assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l'assuré a été sans influence sur le sinistre ; les primes payées demeurent alors acquises à l'assureur, qui a droit au paiement de toutes les primes échues à titre de dommages et intérêts. Au terme de l'article L113-2 du code des assurances, l'assuré est obligé notamment de répondre exactement aux questions posées par l'assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l'assureur l'interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l'assureur les risques qu'il prend en charge.
En l'espèce, Mme X... a certifié le 2 juin 2009, sur l'offre de prêt Expresso qu'elle n'était pas et n'avait pas été atteinte au cours de 10 dernières années d'une tumeur, qu'elle n'avait pas subi d'intervention chirurgicale et ne pas devoir en subir une dans les 6 prochains mois, qu'elle n'avait pas été atteinte d'une maladie grave c'est-à-dire ayant provoqué des arrêts de travail, ou des traitements, ou les deux d'une durée supérieure à 30 jours. Or, il résulte de l'expertise du docteur Z...qu'elle a subi une tumeur bénigne du sein droit en 2004, l'exérèse d'une tumeur maligne cutanée dans la région frontale droite en 2001 et une fracture du coccyx en 2009. Le 9 mars 2004 après l'intervention de février 2004, une surveillance et un contrôle dans les 6 mois lui ont été prescrits. Mme X... ne peut sérieusement soutenir avoir " oublié " de citer ces tumeurs puisque le terme figurait expressément dans le questionnaire et qu'elle a été atteinte par deux fois d'une tumeur, le questionnaire ne distinguant pas tumeur maligne ou bénigne, de sorte que la question de la traduction ne se pose pas. En conséquence, elle a également subi deux interventions chirurgicales ayant nécessité au moins un suivi. Elle ne pouvait répondre en ces termes au questionnaire de santé Expresso, cinq ans après une intervention chirurgicale en vue de l'exérèse d'une tumeur du sein. Le silence conservé par Mme X... sur son état de santé, caractérise sa réticence et modifie l'appréciation du risque par l'assureur. En effet, la simple mention d'une tumeur ou d'une intervention chirurgicale justifiait qu'elle remplisse un questionnaire de santé complémentaire, pour une adhésion à des conditions adaptées à sa situation. L'assureur démontre quant à lui que la mention de cet état de fait aurait limité sa garantie à la garantie décès.
Le questionnaire est clair, il ne comporte pas de termes médicaux ambigus ou techniques, il n'est pas susceptible d'interprétation, il précise même les interventions ne donnant pas lieu à déclaration (fractures des membres, ablations des dents de sagesse ou des amygdales...). Si, comme soutenu, Mme X... était en bonne santé lors de la souscription des assurances, ce qui n'est pas contredit, les dispositions d'ordre public de l'article L113-8 du code des assurances, lui imposaient de répondre exactement aux questions posées par l'assureur dans le formulaire l'interrogeant sur son état de santé et ses antécédents médicaux. L'absence de lien entre les antécédents de santé laissés sous silence et l'événement ayant donné lieu à la demande de garantie, expressément prévue par le texte, ne permet pas d'échapper à la sanction de la nullité.
Il existe une différence notable entre les deux contrats d'adhésion, seul celui concernant le prêt Expresso comporte les mentions auxquelles Mme X... n'a pas répondu. En revanche, celui concernant le prêt Alterna indique seulement qu'elle n'a pas plus de 70 ans, qu'elle n'est pas en arrêt de travail ou bénéficiaire d'une pension d'invalidité, qu'elle n'a pas été atteinte d'une maladie grave ayant provoqué des arrêts de travail et/ ou des traitements d'une durée supérieure à 30 jours, qu'elle n'a pas subi de dépistage VIH positif, qu'elle n'a pas essuyé une décision de refus, de surprime, de réduction de garantie de la part d'un assureur, tous éléments dont l'inexactitude n'est pas démontrée.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a retenu la garantie de l'assureur pour le prêt Expresso. En revanche, s'agissant du contrat Alterna la garantie est due. Le jugement sera confirmé mais par substitution de motifs.
Sur l'étendue de la garantie
La garantie dont peut se prévaloir l'adhérent d'un contrat d'assurance de groupe est celle définie par les documents qui lui ont été remis lors de l'adhésion.
S'agissant du contrat Expresso, Mme X... a non seulement reconnu avoir reçu la notice d'information, mais encore l'a produite aux débats. En revanche s'agissant du contrat Alterna cette notice n'est pas produite aux débats, l'assureur n'établit ni la limitation de garantie ni la notification de cette notice à l'assuré. La garantie est donc intégralement due, Mme X... qui a supporté le remboursement de ce prêt normalement garanti peut prétendre au remboursement par l'assureur des sommes versées. Le jugement sera confirmé mais par substitution de motifs à ce titre.
Sur les autres demandes
A défaut de preuve de la notification de la notice d'information relative à la garantie du prêt Alterna, l'expertise n'est pas nécessaire.
Mme X... succombe en partie, elle ne démontre ni l'existence d'une résistance abusive de l'appelante ni un préjudice consécutif. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande de sa demande de dommages et intérêts.
Le jugement doit être également infirmé en ce qu'il a statué sur les frais et dépens. Chacune des parties succombe pour une part chacune supportera ses frais et dépens, de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
- Confirme par substitution de motifs le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sogecap à garantir Mme X... au titre du prêt Alterna et à lui rembourser les échéances de ce prêt à compter du mois de février 2012 soit la somme de mille deux cent quatre vingt sept euros et vingt six centimes (1 287, 26 euros) au titre du prêt à la consommation Alterna et débouté Mme Marie Jeanne X... de sa demande de dommages et intérêts,
- Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- Dit nulle l'adhésion du 2 juin 2009 au contrat d'assurance au titre du prêt personnel Expresso sur le fondement de l'article L113-8 du code des assurances,
- Dit que la SA Sogecap ne doit pas sa garantie au titre du prêt Expresso,
- Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens de première instance et d'appel,
- Dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
LE GREFFIERLE PRESIDENT