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20/04/2016 | FRANCE | N°14/00473

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 20 avril 2016, 14/00473


Ch. civile A

ARRET No
du 20 AVRIL 2016
R. G : 14/ 00473 FR-C
Décision déférée à la Cour : Décision Au fond, origine Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de, décision attaquée en date du 02 Avril 2014, enregistrée sous le no 5401 PTF B

Consorts X...

C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
Mme Rose X...agissant en sa qualité d'ayant droit de M. Antoine X..., son époux décédé ...20620 BIGUGLIA

assistée d

e Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Juliette MILLOT,...

Ch. civile A

ARRET No
du 20 AVRIL 2016
R. G : 14/ 00473 FR-C
Décision déférée à la Cour : Décision Au fond, origine Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de, décision attaquée en date du 02 Avril 2014, enregistrée sous le no 5401 PTF B

Consorts X...

C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
Mme Rose X...agissant en sa qualité d'ayant droit de M. Antoine X..., son époux décédé ...20620 BIGUGLIA

assistée de Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS

Mme Jeanne X...agissant en sa qualité d'ayant droit de M. Antoine X..., son père décédé ...20620 BIGUGLIA

assistée de Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS

M. Pascal X...agissant en sa qualité d'ayant droit de M. Antoine X..., son père décédé ... 84170 MONTEUX

assisté de Me Michel LEDOUX de la SCP MICHEL LEDOUX et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Juliette MILLOT, avocat au barreau de PARIS

INTIME :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE pris en la personne de son représentant légal Tour Gallièni II 36 Avenue du Général de Gaulle 93175 BAGNOLET CEDEX

assisté de Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 janvier 2016, devant M. François RACHOU, Premier président, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Aurélie CAPDEVILLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars prorogée par mention au plumitif au 20 avril 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par arrêt mixte du 28 janvier 2015 auxquels il convient de se reporter pour l'exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour d'appel de Bastia a :

- constaté l'accord des parties sur la fixation des taux d'IPP de M. X... à 70 % à compter du 9 février 2008 puis à 100 % à compter du 2 janvier 2008,
- sursis à statuer sur les préjudices extra-patrimoniaux subi par M. Antoine X...et avant dire droit sur ces derniers,

- ordonné une expertise médicale,

- commis pour y procéder le docteur Jean-Claude D...,
- réservé les dépens.

Par ordonnance du 17 février 2015 le docteur Jean-Claude D...a été remplacé par le docteur E....

Le docteur E...a déposé son rapport le 7 mai 2015.

Par conclusions reçues le 21 septembre 2015, auxquelles il sera expressément référé pour plus ample exposé, les consorts X...demandent à la cour de :

- dire et juger que les sommes complémentaires proposées par le Fiva dans son offre d'indemnisation du 10 avril 2014 au titre de l'aggravation des préjudices physique, moral, d'agrément subis par M. Antoine X...de son vivant sont insuffisantes,
- dire et juger que le rejet d'indemnisation du préjudice esthétique subi par M. X... n'est pas fondé,
- entériner les conclusions du rapport d'expertise du docteur E...,
en conséquence,
- fixer aux sommes suivantes l'indemnisation des préjudices subis par M. Antoine X...de son vivant :
. préjudice physique : 40 000 euros complémentaires. préjudice moral : 80 000 euros complémentaires. préjudice d'agrément : 40 000 euros complémentaires. préjudice esthétique : 10 000 euros

-dire et juger que l'ensemble des sommes allouées portera intérêt au taux légal à compter de la date de l'arrêt à intervenir,
- condamner le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante au paiement de somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé les conclusions du rapport d'expertise du Docteur E..., les consorts X...soutiennent que :

• Sur le préjudice physique
M. X... a subi de véritables souffrances physiques du fait de la dégradation de son état de santé.
• Sur le préjudice moral
Il a enduré de véritables violences morales pour les mêmes motifs et compte-tenu de sa rapide perte d'autonomie, selon les attestations de ses proches.
• Sur le préjudice d'agrément
M. X... a peu à peu perdu son autonomie et restait très souvent en position allongée, tous les actes de la vie courante lui étant impossibles.
• Sur l'indemnisation du préjudice esthétique
Il était très souvent sous assistance respiratoire, portait de larges cicatrices disgracieuses du fait de ses pleurotomies et avait dû raser sa barbe.

Par conclusions reçues le 12 janvier 2016, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif, le Fiva demande à la cour de :

- dire et juger que le docteur E...n'a que partiellement rempli la mission ordonnée par la cour en n'évaluant pas les séquelles de la seule pathologie liée à l'amiante.
• Sur les principes d'indemnisation du Fonds :
- dire et juger qu'il convient d'apprécier de manière globale l'état de santé de la victime,
- dire et juger que l'indemnisation de l'aggravation des préjudices subis par M. X... ne peut ouvrir droit qu'à un complément d'indemnité s'ajoutant à celles déjà octroyées par le Tass de Bastia dans son jugement du 23 juin 2008,
- dire et juger que M. X... souffrait d'un état antérieur et intercurrent particulièrement lourd ayant contribué à l'aggravation de son état de santé,
• Sur les taux d'incapacité et les dates de première constatation médicale des aggravations de la pathologie :
- constater l'accord des parties sur la fixation des taux d'IPP de M. X... à 70 % à compter du 9 février 2006 puis 100 % à compter du 2 janvier 2008,
• Sur les préjudices extra-patrimoniaux :
- confirmer l'offre d'indemnisation du 2 avril 2014, sur les préjudices extra-patrimoniaux subis par M. X... du fait des aggravations successives de son état de santé comme suit :

. préjudice physique : 5 100 euros complémentaires. préjudice moral : 10 000 euros complémentaires. préjudice d'agrément : 6 100 euro complémentaires

-confirmer l'absence de préjudice esthétique indemnisable,
En tout état de cause de :
- dire que les montants alloués par le Fiva au titre de la provision amiable viendront en déduction des sommes éventuellement allouées par la cour,
- débouter les consorts X...de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui, après avoir souligné que le docteur E...n'avait pas pris la peine de relever l'incidence éventuelle de l'état antérieur ou d'une pathologie intercurrente sur l'état de santé global de M. X..., le Fiva fait valoir sur les autres préjudices extra-patrimoniaux :
• Sur le préjudice physique :
La cotation retenue par l'expert (6/ 7) ne correspond pas à la réalité de la situation clinique de M. X... du seul fait de sa pathologie liée à l'amiante et que la dyspnée et l'essoufflement ne doivent être pris en compte dans l'appréciation du préjudice physique. Il souligne également la brièveté de la pathologie liée à l'amiante et qu'aucun traitement à visée antalgique majeure n'est mentionné ni prescrit en rapport avec les aggravations de la maladie liée à l'amiante.
• Sur le préjudice moral :
Il fait valoir qu'aucune pièce médicale n'est versée quant à l'existence d'un suivi spécialisé ni celui d'une thérapeutique anxio dépressive nécessaire à l'état de santé de M. X... et que les preuves produites ne reposent que sur les attestations des requérants.
• Sur le préjudice d'agrément :
Il soutient qu'aucune preuve d'une activité spécifique ni d'une diminution de celle-ci du fait de sa pathologie due à l'amiante n'est rapportée.
• Enfin, sur le préjudice esthétique :
Il estime que celui-ci n'est pas caractérisé, la cour ne pouvant se fonder sur les seules attestations des proches pour en apprécier l'existence et l'importance.

SUR CE

Il y a lieu de rappeler que l'article 53-1 de la loi du 23 décembre 2000 pose le principe de la réparation intégrale des préjudices résultant directement d'une exposition à l'amiante.

Il appartient à la victime ou à ses ayants droits de rapporter la preuve des souffrances causées par la maladie elle-même et par les traitements mis en œuvre pour la combattre.

• Sur le préjudice physique :
Les consorts X...réclament la somme de 40 000 euros alors que le Fiva offre la somme complémentaire de 5 100 euros.
Selon le rapport d'expertise, l'intensité des souffrances physiques peut être évaluée à six sur une échelle allant de un à sept, les éléments recueillis permettant d'appréhender les souffrances physiques et morales subies. Il est en effet précisé : « À savoir, sur le plan de la symptomatologie, au premier plan la dyspnée d'aggravation progressive jusqu'à en devenir paroxystique est très invalidante. Mais également les douleurs thoraciques et rachidiennes. Les différents actes invasifs répétés, les traitements contraignants, les difficultés à réaliser les actes courants de l'existence ». Par ailleurs, les consorts X...justifient de la dégradation de l'état de santé de M. Antoine X...et de ses différentes hospitalisations du fait de l'altération générale de sa santé, notamment de l'apparition de plaques pleurales est d'une asbestose.
Selon le rapport d'expertise M. X... souffrait d'une insuffisance respiratoire sévère par asbetose, maladie professionnelle liée à une exposition à l'amiante. Selon ce même rapport, l'expert a relevé sur le plan fonctionnel une insuffisance respiratoire de type restrictif sévère tout à fait en corrélation avec la pathologie asbestosique et l'existence d'autres étiologies possibles pour un déficit restrictif, les éléments du dossier donnant à penser que celles-ci sont au second plan. Concernant les comorbidités, l'expert en relève deux significatives mais il estime qu'elles sont toujours restées au second plan et qu'elles n'ont pas été la cause des cinq hospitalisations et non pas pesé dans l'état d'invalidité ni dans le décès de M. Antoine X....
Par ailleurs, comme le rappellent les appelants, la dyspnée et l'essoufflement de la victime constituent une véritable douleur et doivent être pris en considération au vu de ces éléments objectifs, des souffrances endurées et de la durée de ces dernières.
Il y a lieu d'allouer aux consorts X...à titre complémentaire la somme de 15 000 euros pour le préjudice physique.
• Sur le préjudice moral :
Les consorts X...réclament la somme de 80 000 euros en soulignant les souffrances morales subies par M. Antoine X... du fait de la rapidité de la dégradation de son état de santé et de celle de sa perte de d'autonomie, le Fiva offrant la somme de 10 000 euros.
Selon le rapport d'expertise, de nombreux éléments rapportés par la famille ou figurant dans les observations médicales font évoquer un changement du caractère avec apparition d'un état d'irritabilité prononcé, d'anxiété. Il est noté également un préjudice lié aux pathologies chroniques évoluant vers une lente détérioration et qui comporte à brève échéance à un risque d'apparition d'une mise en jeu du pronostic vital.

L'intensité des souffrances est évaluée à 5 sur une échelle allant de 1 à 7.

Au regard de ses conclusions et de l'âge de la victime au jour de la première aggravation et au moment de la seconde aggravation et de la durée des souffrances endurées il y a lieu d'allouer, à titre complémentaire la somme de 22 000 euros.
• Sur le préjudice d'agrément :
Les consorts X...réclament la somme de 40 000 euros à titre complémentaire alors que le Fiva offre à ce titre une somme de 6 100 euros.
Selon le rapport d'expertise, les troubles importants ressentis par M. Antoine X...justifient une indemnisation à ce titre le préjudice d'agrément étant qualifié d'important pour les activités ludiques outre la privation de chasse durant une douzaine d'années.
Comme le relève le Fiva et selon de jurisprudence, le préjudice d'agrément vise exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. En l'espèce, il n'est pas justifié d'une telle activité, les consorts X...indiquant seulement que M. Antoine X...ne pouvait plus à donner à des activités de loisirs-sans autre précision-ayant perdu son autonomie. Selon les attestations versées, M. X... ne pouvait plus recevoir de la visite, faire des projets de voyage, se promener autour de sa maison, profiter de son jardin et de ses petits-enfants et se livrer à la chasse ou à la pêche. Ces activités relèvent de l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent et ne peuvent être pris en compte au titre d'un préjudice d'agrément, celui-ci exigeant une activité spécifique antérieure à la maladie.
Au surplus, le docteur E...fait état d'un état antérieur sans rapport avec l'amiante, celui-ci ayant abouti à une limitation des activités de loisirs de M. Antoine X....
Au vu de ces éléments, il y a lieu de confirmer la somme complémentaire de 6 100 euros offerts par le Fiva en réparation du préjudice d'agrément de M. X....
• Sur le préjudice esthétique :
Les consorts X...réclament la somme de 10 000 euros.
A l'appui, ils font état des conclusions du docteur E..., celui-ci évoquant une image renvoyée à l'entourage, d'un malade grabataire alité en permanence sur le lit médicalisé avec sonde, couches et masques des différents traitement respiratoires, les masques devant conduire à faire raser sa barbe. Le préjudice esthétique est évalué à 4 dans une échelle de 1 à 7. De plus, ils font état du fait que M. X... était très souvent sous assistance respiratoire et portait des larges cicatrices disgracieuses du fait de ses pleurotomies.
Au vu de ces éléments, il ne peut être contesté la réalité d'un préjudice esthétique subi par M. Antoine X.... En conséquence, il y a lieu d'allouer à ce titre la somme de 5 000 euros.
• Sur les autres demandes :
L'équité commande qu'il soit alloué aux consorts X...la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme l'offre du Fiva pour le préjudice d'agrément (6 100 euros),

Réformant l'offre du Fiva pour le surplus,
et statuant à nouveau à ce titre,
Condamne le Fiva à payer à Mme Rose G...Veuve X..., Mme Jeanne X...et M. Pascal X...:
- la somme complémentaire de quinze mille euros (15 000 euros) au titre du préjudice physique,
- la somme complémentaire de vingt deux mille euros (22 000 euros) au titre du préjudice moral,
- la somme de cinq mille euros (5 000 euros) au titre du préjudice esthétique,
le tout avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne le Fiva a payer à Mme Rose G...Veuve X..., Mme Jeanne X...et M. Pascal X...la somme de cinq cents euros (500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens de la présente instance sont à la charge du Fiva par application de l'article 31 du décret du 23 octobre 2001.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00473
Date de la décision : 20/04/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-04-20;14.00473 ?
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