Ch. civile A
ARRET No
du 13 AVRIL 2016
R. G : 15/ 00293 MBE-R
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Grande Instance de bastia, décision attaquée en date du 08 Avril 2015, enregistrée sous le no 15/ 00011
X...
C/
SCI ELE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. Jean Luc X... né le 26 Août 1967 à Bastia (20200)... 20200 VILLE DI PETRABUGNO
assisté de Me Stéphanie LEONETTI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 1182 du 13/ 05/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
SCI ELE Poursuites et diligences de son gérant domicilié ès-qualités audit siège Quartier Monte Carlo 20600 FURIANI
assistée de Me Antoine MERIDJEN, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me BENEDETTI, avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 février 2016, devant la Cour composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mlle Cécile BORCKHOLZ.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 avril 2016
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous seing privé en date du 25 mars 2010, la SCI Ele a consenti à M. Jean-Luc X... un bail professionnel portant sur des locaux situés Maison Meyer Valpajo Quartier Monte Carlo à Furianí, pour l'exercice d'une activité de plomberie chauffagiste.
Ce bail a été conclu pour une durée de 6 années à competer du 25 mars 2010 et moyennant un loyer mensuel indexé de 800 euros payable d'avance.
Constatant le non-paiement de loyers par le locataire, la SCI " Ele ", a par acte d'huissier du 31 décembre 2014, assigné M. X... devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Bastia, sur le fondement des articles R. 145-23 du code de commerce et 809 du code de procédure civile, en vue de faire constater la résiliation de plein droit du bail par 1'effet de la clause résolutoire figurant au bail, d'obtenir l'expulsion de ce dernier et celle de tous occupants de son chef de l'immeuble loué, ainsi que sa condamnation au paiement de différentes sommes provisionnelles, à titre de loyers et charges impayés, d'indemnité d'occupation.
Par ordonnance de référé, réputée contradictoire, du 08 avril 2015, le président du tribunal a :
au principal,
- renvoyé les parties à se pourvoir,
- constaté la résiliation de plein droit du bail commercial liant la SCI " Ele " à M. Jean-Luc X... portant sur les locaux ci-dessus désignés, par l'effet de la clause résolutoire insérée au contrat de location, à compter du 12 octobre 2014,
- dit que faute pour M. Jean-Luc X... de libérer intégralement les lieux visés au bail, de tous meubles et de tous occupants et ce dans le délai d'un mois à compter de la signification de sa décision, il pourra être procédé à son expulsion avec le concours de la force publique si besoin est,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte,
- condamné M. Jean-Luc X... à payer à SCI « Ele » une provision de 13 600 euros arrêtée au 30 octobre 2014 à valoir sur le montant des loyers et des charges échus impayés après imputation d'une somme de 800 euros versée le 14 décembre 2014,
- débouté M. Jean-Luc X... de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles en suppression des loyers, en dommages et intérêts et en délais de paiement,
- condamné M. Jean-Luc X... à verser à SCI « Ele » une indemnité d'occupation de 800 euros par mois à compter du 1er novembre 2014 et jusqu'à son départ effectif des lieux,
- condamné M. Jean-Luc X... à verser à SCI Ele, 1a somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. Jean-Luc X... aux dépens.
Par déclaration reçue le 22 avril 2015, M. X... a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ses dernières conclusions reçues le 25 juin 2015, l'appelant demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions et au visa des articles L1 45-1 et suivants du code de commerce et 1244-1 du code civil, de :
- dire et juger qu'il est propriétaire d'un fonds artisanal,
- requalifier le bail existant entre la SCI Ele et lui-même en bail commercial tel que régi par les articles du code de commerce,
- constater la nullité du commandement en date du 12 septembre 2014, en ce qu'il ne respecte pas les conditions essentielles de résiliation du bail commercial,
- constater le paiement du loyer du mois de décembre 2013,
- constater qu'il a quitté le local litigieux en mars 2015,
- constater que la SCI Ele a agi en toute illégalité par l'installation de barres de fer rendant impossible l'accès au local de M. X... et par l'enlèvement de la boite aux lettres,
en conséquence,
au principal,
- débouter la SCI Ele de l'ensemble de ses demandes,
- constater que celui-ci a valablement donné congé pour le 31 mars 2015,
- dire et juger qu'il ne peut être pas tenu au paiement des loyers de septembre 2014 a mars 2015,
- dire et juger que la SCI sera tenue responsable du préjudice subi par M. X... du fait de l'impossibilité d'exercer son activité de septembre 2014 à février 2015,
- condamner la SCI Ele au paiement de 11 914, 56 euros pour les travaux qu'il a effectués,
- condamner la SCI Ele au paiement de la somme provisionnelle de 10 000, 00 euros au titre du préjudice dû à la perte d'exploitation,
- ordonner la compensation entre la condamnation pécuniaire de la SCI Ele et ses loyers impayés pour la somme de 15 200, 00 euros,
subsidiairement,
- débouter la SCI Ele de l'ensemble de ses demandes,
- constater que le congé a été valablement donné par lui pour le 31 mars 2015,
- dire et juger qu'il ne peut être tenu au paiement des loyers de septembre 2014 à mars 2015,
- dire et juger que la SCI Ele sera tenue responsable du préjudice subi par lui du fait de l'impossibilité d'exercer, son activité de septembre 2014 à février 2015,
- dire et juger qu'il pourra se libérer de sa dette locative, au moyen de 24 versements 633, 33 euros,
en tout etat de cause,
- condamner la SCI Ele au paiement 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer ce que de droit sur les dépens.
Par ses conclusions reçues le 17 août 2015, la SCI Ele demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
- condamner M. Jean-Luc X... au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'indemnité d'occupation compte tenu de sa libération des lieux au 31 mars 2015,
- condamner M. X... à payer à la SCI Ele, la somme de 2 000, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 16 septembre 2015 par le président de la conférence, dans le cadre des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions sus-visées et à l'ordonnance déférée.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En cause d'appel, M. X... réitère ses prétentions, moyens et arguments formulés en défense, devant le tribunal et demande, en outre, de constater qu'il a quitté le local litigieux en mars 2015.
Sur la demande de requalification du bail
Le juge des référés a estimé que s'il n'était pas de sa compétence pour trancher les litiges dont la solution dépend de l'interprétation ou de la requalification d'une convention, il pouvait néanmoins procéder de manière incidente à toutes vérifications destinées à s'assurer du caractère sérieux de la contestation qui lui est soumise.
Il a relevé que l'action en requalification du bail dérogatoire en un bail soumis au statut du bail commercial est enfermé dans le délai de prescription biennale fixé à l'article L 145-60 du code commerce, qui court à compter de la conclusion du dernier bail.
Il a estimé que l'action en requalification du bail souscrit le 25 mars 2010 par M. X... était manifestement d'ores et déjà prescrite et que la contestation soulevée par M. X... était dépourvue du caractère sérieux nécessaire à faire obstacle à l'intervention du juge des référés.
L'appelant soutient qu'il est fondé à solliciter la requalification du bail par voie d'exception devant la cour.
M. X... fait valoir, d'une part, que le bail professionnel ne peut s'appliquer que pour un locataire ayant une activité non commerciale ou artisanale, alors qu'il est détendeur d'un fonds artisanal, et, d'autre part, que la SCI lui oppose l'acquisition de la clause résolutoire d'un bail professionnel tout en mentionnant dans le commandement qu'il s'agit d'un bail d'un local à usage commercial.
Il soutient que le commandement délivré le 12 septembre 2014 est nul par application de l'article L 145 du code de commerce, en ce qu'il vise la clause résolutoire d'un bail à usage exclusivement professionnel.
De son côté, la SCI Ele conclut à nouveau que la requalification sollicitée par voie reconventionnelle se heurte à l'exception d'incompétence suivant laquelle la présente juridiction statuant en matière de référés ne peut trancher une telle revendication et oppose à l'appelant, la prescription biennale de l'article L 145-60 du code de commerce.
Elle fait valoir, à titre superfétatoire, qu'une telle demande dirigée à l'encontre de la société bailleresse ne peut être reçue car celle-ci se trouve frappée par la prescription.
L'intimée affirme que le contrat ayant été signé le 25 mars 2010 avec effet prise d'effet à la même date, dès lors, M. X... ne saurait valablement opposer une telle demande en requalification, car plus de deux années se sont écoulées entre la prise d'effet du bail et le moment où il sollicite cette requalification par voie de conclusions.
Sur l'inopérance de la voie d'exception soulevée par l'appelant devant la cour, l'intimée réplique que M. X... opère une confusion certaine entre l'action en requalification et l'action reconventionnelle en nullité.
Elle relève qu'il est exact que la prescription biennale ne fait pas obstacle au droit d'opposer la nullité d'une clause du contrat par la voie de l'exception en défense à une demande principale, mais en espèce, M. X... n'a pas sollicité la nullité du contrat ou d'une clause, mais bien la requalification en bail statutaire.
La cour relève qu'il est de jurisprudence constante que l'action aux fins d'établir la qualification exacte du contrat peut être opposée en défense par le locataire qui a laissé s'écouler le délai de deux ans, par la voie de l'exception.
Il est obsevré qu'en première instance M. X... a, en défense, exercé une action en requalification de son bail professionnel en un bail commercial en invoquant le statut des baux commerciaux, cette action étant comme retenue à juste titre, par le juge des référés, soumise à la prescription biennale, tandis que devant la cour, celui-ci invoque la nouvelle qualification par voie d'exception, laquelle n'est pas soumise à ce délai.
Toutefois, s'agissant d'un appel d'une ordonnance de référé, la cour est saisie dans les limites des pouvoirs du juge des référés, or ce dernier est incompétent pour statuer sur la question de la requalification du contrat de location litigieux.
Dans ces conditions, d'une part, la SCI Ele ne peut, devant la cour, valablement se prévaloir de la prescription biennale et, d'autre part, n'étant pas compétente en l'espèce, la cour ne peut faire droit à la demande de requalification sollicitée par l'appelant.
Il convient, en conséquence, au regard de la nouvelle action de M. X... par voie d'exception, d'infirmer l'ordonnance querellée, de débouter les parties de l'ensemble de leurs demandes respectives et de les renvoyer à mieux se pourvoir devant les juges du fond.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile, toutefois il n'y a pas lieu de faire application de ce texte pour la procédure d'appel.
Les parties seront donc déboutées de leurs demandes respectives sur ce même fondement, pour la procédure d'appel.
L'appelant, succombant en son recours, supportera les entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Constate que M. Jean-Luc X... oppose devant la cour, la requalification du contrat de location litigieux, par la voie de l'exception,
En conséquence,
Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne ses dispositions au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Renvoie les parties à mieux se pouvoir devant les juges du fond,
déboute les parties de l'ensemble de leurs demandes respectives,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure, pour la procédure d'appel ;
Condamne M. Jean-Luc X... aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT