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13/04/2016 | FRANCE | N°15/00127

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 13 avril 2016, 15/00127


Ch. civile A

ARRET No
du 13 AVRIL 2016
R. G : 15/ 00127 MBE-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 03 Novembre 2014, enregistrée sous le no 14/ 167

X...
C/
LE DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
Mme Béatrice X...née le 07 Août 1958 à AJACCIO (20000) ...... 20090 AJACCIO

ayant pour avocat Me Stéphanie SALDUCCI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéf

icie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 446 du 19/ 02/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionne...

Ch. civile A

ARRET No
du 13 AVRIL 2016
R. G : 15/ 00127 MBE-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 03 Novembre 2014, enregistrée sous le no 14/ 167

X...
C/
LE DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
Mme Béatrice X...née le 07 Août 1958 à AJACCIO (20000) ...... 20090 AJACCIO

ayant pour avocat Me Stéphanie SALDUCCI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/ 446 du 19/ 02/ 2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMEE :

LE DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS agissant poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de la Corse et du Département de la Corse du Sud 6 Parc Cunéo-BP 409 20195 AJACCIO CEDEX 1

ayant pour avocat Me Pierre Dominique DE LA FOATA, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 février 2016, devant la Cour composée de :
M. François RACHOU, Premier président Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Melle Cécile BORCKHOLZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 13 avril 2016.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 16 septembre 2015 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. François RACHOU, Premier président, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

M. Thomas A...est décédé le 13 septembre 2010, à l'âge de 84 ans en l'état d'un testament authentique du 22 septembre 2008, instituant Mmes Béatrice et Marie Antoinette X..., légataires universelles des biens et droits mobiliers et immobiliers dépendant de sa succession.

La déclaration de succession après ce décès a été déposée, le 15 novembre 2011, au pôle enregistrement du Service des Impôts des Entreprises-SIE-d'Ajaccio.
Cette déclaration a fait l'objet d'une vérification par l'admnistration fiscale et le contrôle des pièces a révélé l'existence de quatre chèques de 20 000 euros chacun émis par le défunt sur son compte bancaire établis à son profit, respectivement le 30 juin 2010, le 05 juillet 2010, le 08 juillet 2010 et le 22 juillet 2010.
Dans le cadre de la procédure de rectification contradicoire prévue à l'article L 55 du livre des procédures fiscales, par lettre du 11 octobre 2012, l'administration des finances publiques a proposé à Mme Béatrice X...une rectification sur les droits de mutation par décès établis à la suite du décès de M. A..., portant sur la réintégration à l'actif net taxable de la somme de 80 000 euros, correspondant au montant total des quatre chèques de 20 000 euros sus-visés.
Par décision du 09 novembre 2012, l'administration fiscale a maintenu les rectifications proposées et a, par avis du 16 janvier 2013, mis en recouvrement les droits de mutation correspondants.

Par décision du 21 février 2013, l'administration des finances publiques a rejeté la demande présentée par Mme Béatrice X...de décharge totale des droits mis à sa charge.

Par acte d'huissier du 18 avril 2013, cette dernière a assigné le directeur général des impôts, pris en la personne de M. le directeur régional des finances publiques de la Corse et du département de la Corse du sud, devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, en vue d'obtenir la décharge des droits et accessoires mis en recouvrement le 16 janvier 2013, ainsi que la condamnation de la partie adverse au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement contradictoire du 03 novembre 2014, le tribunal a :

- débouté Mme Béatrice X...de toutes ses demandes,
- confirmé la décision de rejet de la réclamation formulée par Mme Béatrice X...,
- condamné Mme Béatrice X...aux dépens.

Par déclaration reçue le 23 février 2015, Mme Béatrice X...a interjeté appel de cette décision.

Par ses conclusions reçues le 18 mai 2015, l'appelante demande à la cour, au visa des articles L 195 A du Livre des Procédures Fiscale et 1729 du code général des impôts, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire et juger que l'Administration ne rapporte pas la preuve de la conservation des sommes litigieuses par M. A...dans son patrimoine jusqu'à son décès ;
- dire et juger que les légataires ou le défunt n'ont pas tenté délibérément de se soustraire à l'impôt ;
En conséquence :
A titre principal :
- ordonner que soit prononcée la décharge totale des droits et accessoires mis en recouvrement le 16 janvier 2013 ;
A titre subsidiaire :
- ordonner que soit prononcée la décharge de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré ;
En tout état de cause :
- condamner l'intimée à la somme de 3 000, 00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, distraits au profit de Me Salducci, avocat au Barreau de Bastia, ainsi qu'aux entiers dépens de l'article 696 du même code.

Par ses conclusions, reçues le 06 juillet 2015, le directeur général des finances publiques demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de condamner Mme X...aux entiers dépens et de rejeter l'intégralité des conclusions de l'appelante, notamment en ses prétentions au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 septembre 2015.

Pour un plus ample expose des faits, de la procédure et des moyens respectifs des parties, la cour se réfère à leurs conclusions sus-visées et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la réintégration de la somme de 80 000 euros dans l'actif successoral

Le tribunal a relevé qu'il appartenait à l'administration fiscale de démontrer que les sommes retirées avaient été conservées par le défunt jusqu'à son décès, cette preuve pouvant se faire par tous moyens et notamment par présomptions.

Il a retenu que parmi ses présomptions figuraient les dates de retraits et du décès ainsi que l'importance des sommes retirées par rapport au train de vie habituel du défunt.
Il a considéré, qu'en l'espèce, les sommes litigieuses ayant été retirées des comptes entre le 30 juin et le 22 juillet 2010 et que le décès étant intervenu le 13 septembre 2010, soit moins de huit semaines avant le dernier retrait, ce court délai laissait présumer que ces sommes n'avaient pas été dépensées ou utilisées par le défunt.
S'agissant de l'utilisation de ces fonds, le tribunal a souligné que les retraits en cause représentaient près de la moitié des liquidités et avoirs bancaires de M. A..., et ne pouvaient correspondre de par leur importance au financement de besoins de la vie courante de ce dernier.
Il a estimé que les hypothèses de remploi de ces sommes invoquées par la demanderesse et portant sur un déménagement et des travaux immobiliers ainsi que des achats mobiliers ne sauraient prospérer, des travaux d'un tel montant-80. 000 euros-ne pouvant être raisonnablement financés par paiements en espèces.

En cause d'appel, Mme X...reprend ses moyens et arguments de première instance, soutenant que son hypothèse de remploi des sommes mérite toute sa crédibilité.

L'appelante fait valoir qu'il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve de la conservation par le défunt des sommes retirées et qu'elle n'a donc pas à démontrer l'absence de conservation des sommes par M. A...ou encore leur éventuel remploi.
Elle réfute les indices de présomptions invoqués par l'administration, tant le court laps de temps écoulé entre les dates du retrait et la date du décès, que l'importance du montant de ces retraits bancaires et l'absence de justification quant à l'usage éventuel fait des sommes litigieuses.
Elle dit tenter d'apporter une justification possible du remploi des sommes, en reprenant les différentes hypothèses présentées en première instance, à savoir, la remise en et l'aménagement de l'appartement du défunt pour y son emménager, la gratification d'une ou de plusieurs personnes par des libéralités, la passion du défunt pour le jeu de cartes.
Mme X...souligne que le défunt est décédé de façon soudaine et imprévisible, d'un cancer foudroyant et qu'il ne connaissait pas l'existence de sa maladie, de même que son médecin traitant.
De son côté, le directeur général des finances publiques relève, à titre préliminaire, que l'appelante ne produit aucune facture ou justification de dépenses pouvant être rattachée à la somme litigieuse, les arguments développés par celle-ci n'étant donc qu'hypothétiques.
L'intimé soutient, sur le fondement de l'article 750 du code général des impôts et de la jurisprudence de la Cour de Cassation, réplique qu'il lui convient de démontrer la conservation des sommes litigieuses par le défunt.
Il invoque à nouveau les présomptions présentées en première instance, à savoir, le court laps de temps écoulé entre les dates du retrait et la date du décès, l'importance du montant de ces retraits bancaires et l'absence de justification quant à l'usage éventuel fait des sommes.
Il relève que les sommes retirées dépassent largement les besoins courants de M. A..., alors âgé de 84 ans, qu'il est impensable d'imaginer un paiement uniquement en espèces pour le paiement des frais occasionnés par les travaux dans l'appartement du défunt pour son emménagement et que ce dernier n'était pas entièrement autonome, ayant eu recours à une tierce personne pour la rédaction de ses chèques.
Enfin, l'intimé fait valoir que l'absence d'emploi des sommes retirées figure parmi les présomptions propres à établir la conservation de ces sommes.
En l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties.

En effet, il est constant que pour que l'administration réintègre dans l'actif successoral une somme provenant d'un retrait d'un compte du défunt, il suffit qu'elle rapporte, par des présomptions de fait, la preuve que les fonds ont été conservés par le défunt jusqu'au jour du décès.

De même, l'administration est tenue d'établir, par des éléments concrets et précis, tirés du dossier de l'espèce, la conservation des sommes retirées.
Par ailleurs, les redevables n'ont pas l'obligation de justifier l'utilisation qui a pu en être faite et peuvent se borner à critiquer la valeur du faisceau de présomptions réuni par le service, cependant, dans ce cas, le juge peut, sans inverser la charge de la preuve, conforter son appréciation des présomptions en cause par le constat qu'aucune circonstance les contredisant ou permettant de faire douter de leur force probante n'est établie.
En outre, si les redevables entendent alléguer de faits concrets et précis démontrant, selon eux, le défaut de conservation des sommes en cause, il leur appartient de prouver ceux-ci conformément à la loi.
En l'espèce, les faisceaux de présomptions sur lesquels se fonde l'administration fiscale reposent sur des éléments précis du dossier, ils sont pertinents et suffisamment probants pour être retenues.
Les allégations présentées par Mme X...pour contredire les présomptions invoquées par l'administration fiscale, ne sont que des hypothèses de diverses utilisations possibles des fonds litigieux par le défunt et celles-ci ne sont corroborées par la production d'aucune pièce justificative, permettant valablement de les envisager.
Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement querellé en ses dispositions sur ce point.

Sur la majoration de 40 %

Le tribunal a, au visa des dispositions de l'article 1729 du code général des impôts, a rappelé que l'application de la majoration de 40 % en cas de manquement délibéré, prévue par ce texte, supposait que soit démontrée l'intention délibérée de se soustraire à l'impôt et a relevé que la preuve de l'appréhension des fonds par les héritiers ou les légataires n'était pas demandée.

Il a retenu qu'en l'espèce le manquement délibéré résultait de l'importance des sommes retirées-près de 50 % des avoirs disponibles-de leur nature-80. 000 euros retirés en espèce, ainsi que de la proximité des dates de retraits avec celle du décès de M. A..., moins de huit semaines.
Il a considéré que ces opérations avaient eu pour conséquence directe une minoration importante des droits de mutation et, pour tous ces motifs, a estimé que la preuve de l'intention délibérée de se soustraire à l'impôt était rapportée.

L'appelante soutient que la mise en oeuvre de la pénalité de 40 % implique pour la qualification de manquement délibéré, le critère de l'élément intentionnel et oblige l'Administration, d'une part, à apprécier le comportement du contribuable et, d'autre part à se placer au moment de la déclaration de succession.

Mme X...fait valoir que sa soeur et elle-même ignoraient totalement la consistance du patrimoine du défunt et les opérations effectuées sur son compte et invoque leurs bonne foi à toutes les deux.
Elle soutient que les indices invoqués par l'administration ne permettent pas de démontrer l'existence d'un manquement libéré, ni de caractériser l'intentionnalité.
De son côté, l'intimé conclut que la qualification des retraits d'espèces en manquement libéré est, notamment, motivée par la réunion de trois indices que constituent l'importance des sommes retirées, la proximité de leur retrait avec la date du décès et la nature des prélèvements (retraits d'espèces).
Il fait valoir que ces éléments démontrent le caractère surprenant et difficilement explicable de telles opérations de la part d'une personne âgée et malgré tout diminuée puisque recourant à un tiers pour rédiger ses chèques, subodorant une volonté d'extraire les sommes litigieuses d'une déclaration de succession.
Il affirme que ces opérations ont eu pour seule et unique conséquence directe une minoration importante des droits de mutation.
La cour relève que l'appelante tente de justifier l'utilisation en moins de trois mois, de la somme de 80. 000 eruos en espèces par le défunt, âgé de 84 ans par des allégations non justifiées et, au demeurant, peu crédibles.
Par ailleurs, au sens de l'article 1729 du code général des impôts, au vu des éléments et pièces versés aux débats, il existe un faisceau suffisant d'indices établissant la preuve de l'intention délibéré de l'appelante, de se soustraire à l'impôt, cette dernière, au demeurant, exprimant des affirmations sans toutefois, les justifier et permettre ainsi à la cour d'être en mesure d'apprécier leur véracité et de pouvoir constater, notamment quant aux conditions dans lesquelles ces quatre retraits de 20. 000 euros chacun ont été effectuées, ainsi que les démarches et les conditions d'établissement de la déclaration de succession.
Les premiers juges ayant fait une juste apprécitation de faits de la cause, le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

L'appelante succombant en son recours, il convient de la débouter de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,
Déboute Mme Béatrice X...de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de tous autres chefs de demandes ;
Condamne Mme Béatrice X...aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Publications
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Origine de la décision
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Date de la décision : 13/04/2016
Date de l'import : 28/11/2023

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15/00127
Numéro NOR : JURITEXT000032422448 ?
Numéro d'affaire : 15/00127
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-04-13;15.00127 ?
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