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06/04/2016 | FRANCE | N°15/00104

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 06 avril 2016, 15/00104


Ch. civile A

ARRET No
du 06 AVRIL 2016
R. G : 15/ 00104 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction de BASTIA, décision attaquée en date du 07 Janvier 2015, enregistrée sous le no 14/ 00041

X...Y...

C/
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS PENALES
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTES :
Mme Stéphanie X... née le 20 Avril 1970 à DRANCY (93700).

.. 20220 MONTICELLO

ayant pour avocat Me Marie Rose CITOLLEUX, avocat au barreau de BASTIA

Mme Stéphani...

Ch. civile A

ARRET No
du 06 AVRIL 2016
R. G : 15/ 00104 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction de BASTIA, décision attaquée en date du 07 Janvier 2015, enregistrée sous le no 14/ 00041

X...Y...

C/
FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS PENALES
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX AVRIL DEUX MILLE SEIZE
APPELANTES :
Mme Stéphanie X... née le 20 Avril 1970 à DRANCY (93700)... 20220 MONTICELLO

ayant pour avocat Me Marie Rose CITOLLEUX, avocat au barreau de BASTIA

Mme Stéphanie X... ès-qualités de « représentant légal » de sa fille mineure « Y... Marie-Antoinette » née le 21/ 09/ 2000 à BASTIA, Collégienne, demeurant..., 20220 MONTICELLO née le 20 Avril 1970 à DRANCY (93700)... 20220 MONTICELLO

ayant pour avocat Me Marie Rose CITOLLEUX, avocat au barreau de BASTIA

Melle Flora Lesia Y... née le 06 Juin 1984 à BASTIA (20200)... 20220 L'ILE ROUSSE

ayant pour avocat Me Marie Rose CITOLLEUX, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS PENALES article L. 422. 1 du code des assurances, géré par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) dont le siège social est 64 rue Defrance 94300 VINCENNES, pris en la personne de son Directeur général élisant domicile en sa délégation de MARSEILLE, 39 boulevard Vincent Delpuech, où est géré le dossier

64 Rue Defrance 94300 VINCENNES

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 18 février 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 06 avril 2016.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 16 septembre 2015 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

PROCEDURE :

Le 25 février 2010, vers 19h30, M. Benoît Y... a été abattu devant son domicile à Monticello, mortellement atteint de trois tirs de fusil de chasse. Une enquête a été ouverte et suivie par la juridiction inter-régionale spécialisée.

Par requête reçue le 10 juin 2014, Mmes Stéphanie X... veuve Y..., Marie Y..., sa fille née le 21 septembre 2000 et Flora Y... née le 6 juin 1984, issue d'une première union de feu Benoît Y... ont saisi la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance de Bastia.

Par jugement du 7 janvier 2015, la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance de Bastia a

-alloué à Mme Stéphanie X... en son nom personnel, la somme de 4 000 euros payable par le Fonds de garantie,
- alloué à Mme Stéphanie X... en qualité de représentante légale de sa fille mineure Marie Y..., la somme de 4 000 euros payable par le Fonds de garantie,
- alloué à Mme Flora Y... la somme de 4 000 euros payable par le Fonds de garantie,
- débouté les requérantes du surplus de leurs demandes,
- laissé les dépens à la charge de l'Etat.

Par déclaration reçue le 17 février 2015, Mmes Stéphanie X... veuve Y... en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Marie Y... et Flora Y... ont interjeté appel de la décision.

Par dernières conclusions communiquées le 1er septembre 2015, Mmes Stéphanie X... veuve Y... en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Marie Y... et Flora Y... demandaient, au visa des articles 706-3 et suivants du code de procédure pénale et de la jurisprudence,
- d'infirmer le jugement rendu le 7 janvier 2015 par la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions pénales de Bastia, en ce qu'il a limité le droit à indemnisation des ayants-droits de M. Y... au 8/ 10ème et débouté du surplus des demandes,
Statuant à nouveau, de
-les dire recevables et bien fondées en leur demande d'indemnisation,
Au principal, de
-dire n'y avoir lieu à exclusion ou à réduction du droit à indemnisation au sens de l'article 706-3 du code de procédure pénale,
- d'allouer à Mme Stéphanie Catherine, Céline X... veuve Y... la somme de 75 000 euros, à Mme Stéphanie Catherine, Céline X... ès-qualités de représentant légal de Marie Antoinette Y..., mineure, la

somme de 45 000 euros, à Mme Flora Lesia Y..., la somme de 25 000 euros, en réparation du préjudice moral et psychologique vécu du fait de l'assassinat de M. Benoît Y...,

Au subsidiaire, si l'indemnisation devait être réduite sur le fondement de l'article 706-3 du code de procédure pénale,
- de dire que l'indemnisation en pourra être réduite de plus de 2/ 10ème,
- d'allouer à chaque partie les 8/ 10 ème de la somme fixée par la cour,
- de condamner le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions au paiement des dépens avec distraction et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elles exposaient que la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions, n'avait pas prouvé une faute commise par la victime en lien avec l'assassinat, que si feu Benoît Y... a été incarcéré, ce n'était pas dans le cadre d'une condamnation, qu'il s'agissait d'éléments anciens, qu'il avait cessé toute relation avec des personnes ayant des liens avec le grand banditisme et que toutes les investigations se sont révélées infructueuses. Elles ajoutaient que l'utilisation d'une fusée de détresse pour couvrir la fuite est un modus operandi inhabituel, qu'il n'avait que des fusils de chasse à son domicile, avait une vie rangée centrée sur sa famille et ne se sentait pas menacé. Elles soutenaient que son train de vie était en concordance avec ses revenus locatifs déclarés et que l'existence d'une faute ayant concouru au moins pour partie à la réalisation du dommage n'est pas démontrée et qu'en tout état de cause, la Commission d'indemnisation des victimes d'infractions n'a pas voulu réduire de 8/ 10ème mais seulement de 2/ 10ème.

Par conclusions communiquées le 18 juin 2015, le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions a demandé

-de dire que M. Benoît Y... a commis une faute en lien direct avec son assassinat,
- d'exclure ses ayants droits de tout indemnisation.
Il exposait que l'intéressé avait conservé des liens avec les anciens de la " brise de mer " que sa présence à leurs obsèques le démontre, qu'il avait des liens avec le Cameroun et était proche de Robert B..., que son plus proche ami dans le milieu était Francis C... aujourd'hui décédé, que son affabilité à l'égard de ses proches ne l'empêchait pas de commettre des infractions et qu'il a été attendu par ses assassins qui connaissaient ses habitudes. Il ajoutait qu'il ne travaillait pas, mais roulait en 4x4 et avait fait construire une maison, que la solidarité nationale n'a pas vocation à supporter les conséquences financières d'activités délinquantes et que cette position est conforme à l'article 1er du titre I de la convention européenne relative au dédommagement des victimes d'infractions violentes.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 septembre 2015. Le dossier a été communiqué au Ministère public.

L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 18 février 2016 tenue en chambre du conseil. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition des parties le 6 avril 2016.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l'article 706-3 du code de procédure civile, la faute de la victime d'une infraction, tenant à sa participation en toute connaissance de cause à une activité délictueuse, même non concomitante à l'infraction, est de nature à exclure ou réduire toute indemnisation par la solidarité nationale au titre du régime d'indemnisation des victimes d'infractions.
En l'espèce, l'entier dossier pénal a été versé au débat. Il en ressort que feu Benoît Y... a été inscrit au Fichier des personnes recherchées en 1986 au titre de son appartenance à la Brise de mer et qu'il faisait l'objet d'une fiche d'attention en 2008, qu'il a acquis la S. A. R. L. Corsica, dont la location lui fournissait des revenus, suite à un attentat. Les témoins, ses amis, tel Antoine D..., confirment qu'il avait des liens avec le grand banditisme. Son passeport mettait en évidence des déplacements au Venezuela en 2003-2004, la carte SIM de son téléphone lors de son décès portait trace d'un appel de ce pays, tandis qu'un ancien passeport mettait en évidence des déplacements en Afrique, notamment au Cameroun ; ses proches disaient ignorer ces déplacements. Son ami Michel E..., se disant son protégé, suite à la mort de son père, à cause d'une balle perdue lors de l'assassinat de Marc F..., confirmait qu'il connaissait les personnes alors récemment assassinées. Selon Antoine D..., son ami, il avait des relations avec le grand banditisme. Son frère Augustin Y... indiquait qu'il n'avait plus d'activité au sein de la Brise de Mer, qu'il n'avait plus d'affaires avec ses anciens camarades, même s'il avait gardé le contact par amitié. Il ajoutait que celui dont il était le plus proche était Francis C..., assassiné le 15 novembre 2009, soit 3 mois avant lui. A propos de Francis C..., sa fille, Flora Y..., indiquait qu'il appartenait au " grand banditisme " et sa femme, Mme Stéphanie X... indiquait qu'il le fréquentait et qu'il le voyait de temps en temps " lorsqu'on descendait à Bastia ". S'il ne s'était pas rendu aux obsèques de Jacques G... assassiné également en novembre 2009 dans des circonstances qui devaient s'avérer exactement similaires à celles qui ont causé sa mort, selon M. Michel E..., il avait pu rendre service à des gens de la Brise de Mer, dont il connaissait les " membres historiques ". Il est établi qu'il s'est rendu aux obsèques de Francis C..., Jean Baptiste H... et de Robert I.... Enfin, il résulte de la procédure pénale, que les circonstances de sa mort, sont précisément celle d'un guet-apens, impliquant la connaissance de la victime et de ses habitudes, une investigation des lieux et une réelle expérience en la matière.
Sans qu'il soit nécessaire de suivre plus avant les parties dans le détail de leur argumentation, il est établi que la faute de M. Benoît Y... résultant de choix de vie, antérieurs à son assassinat, caractérisant sa participation en connaissance de cause à une activité délictueuse, même non concomitante à l'infraction, est en relation directe avec son assassinat, et de nature à justifier la suppression de son droit à indemnisation et consécutivement celui de ses ayants droits. En conséquence, Mmes Stéphanie X... veuve Y... en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Marie Y... et Flora Y... doivent être déboutées de l'ensemble de leurs demandes.
Les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infraction sont à la charge de l'Etat.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

- Réforme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,
- Dit que M. Benoît Y... a commis une faute en lien direct avec son assassinat, excluant tout droit à réparation en application de l'article 706-3 du code de procédure pénale,
- Déboute Mmes Stéphanie X... veuve Y... en son nom personnel et en qualité de représentante légale de sa fille mineure, Marie Y... et Flora Y... de leurs demandes,
- Laisse les frais exposés devant les juridictions de première instance et d'appel statuant en matière d'indemnisation des victimes d'infraction à la charge de l'Etat.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/00104
Date de la décision : 06/04/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-04-06;15.00104 ?
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