Ch. civile A
ARRET No
du 23 MARS 2016
R. G : 14/ 00980 JD-R
Décision déférée à la Cour : Ordonnance, origine Juge de la mise en état d'AJACCIO, décision attaquée en date du 28 Novembre 2014, enregistrée sous le no 13/ 00064
X...
C/
CONSORTS Y...Z...A...B...CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT TROIS MARS DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
M. César X......... 20137 PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Brigitte NICOLAI, avocat au barreau D'AJACCIO
INTIMES :
M. Mohamed A...pris en sa qualité de père de la victime...... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Fadma Y...prise en sa qualité de mère de la victime...... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Nacera Z...prise en sa qualité de veuve de la victime...... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mlle Nouzha Y...mineure représentée par sa mère Mme Nacera Z...prise en sa qualité de fille de la victime...... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. Hadile Y...pris en sa qualité de fils de la victime... 20137 PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Tamimount A...prise en sa qualité de soeur de la victime... ESPAGNE
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Jemaa A...pris en sa qualité de soeur de la victime...... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Magnia A...pris en sa qualité de soeur de la victime... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
Mme Mout A...pris en sa qualité de soeur de la victime... 12540 MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. Amar Y...pris en sa qualité de frère de la victime... 30900 NIMES
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. Mustapha Y...pris en sa qualité de frère de la victime... 1070 Anderlech BELGIQUE
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. Hammadi A...pris en sa qualité de frère de la victime... 30128 GARONS
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. Boujemah A...pris en sa qualité de frère de la victime...... MAROC
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. Abdelali A...pris en sa qualité de frère de la victime... 20137 PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Robert DUCOS de la SCP LENTALI PIETRI DUCOS, avocat au barreau D'AJACCIO
M. François Marie B...... 20137 PORTO VECCHIO
ayant pour avocat Me Valérie GUISEPPI, avocat au barreau D'AJACCIO
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD Boulevard Abbé Recco Les Padules 20000 AJACCIO
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 21 janvier 2016, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 mars 2016
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
La S. A. R. L. X...dont le siège est à Porto Vecchio, gérée par M. César X...exploite le camping .... M. Abdellah Y...y était employé en qualité d'ouvrier d'entretien. La S. A. R. L. X...a acquis le 14 septembre 2010, de M. François-Marie B...un camion destiné à assurer la sécurité du camping contre les incendies.
Le 17 septembre 2010, alors que M. Abdellah Y...passager et M. César X..., conducteur, utilisaient le véhicule, sur une forte pente les freins n'ont pas fonctionné, le véhicule a pris de la vitesse, M. Abdellah Y...a tenté de sauter du véhicule, il a été écrasé par la roue arrière. Il est décédé des suites de l'accident. M. X...a été grièvement blessé. Le camion a fini sa course dans la piscine du camping.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a reconnu le caractère professionnel de l'accident.
Par acte du 17 décembre 2012, les consorts Y...ont assigné M. César X...et M. François-Marie B..., devant le Tribunal de grande instance d'Ajaccio pour obtenir leur condamnation à réparer les préjudices consécutifs au décès de Feu Abdellah Y....
Sur exception soulevée in limine litis par M. César X..., le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance d'Ajaccio, par ordonnance du 28 novembre 2014, au visa de la loi 85-677 du 5 juillet 1985, a rejeté les demandes et condamné M. César X...à payer aux consorts Y...la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et renvoyé à la mise en état.
M. César X...a interjeté appel le 11 décembre 2014.
Par dernières conclusions communiquées le 26 juin 2015, M. X...demande, au visa des dispositions des articles 74 et 75 du code de procédure civile, L 451-1 du code de la sécurité sociale :
- d'infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge de la mise en état du Tribunal de grande instance d'Ajaccio,
statuant à nouveau, si la Cour se considérait insuffisamment informée sur le caractère professionnel de l'accident dont a été victime Feu Abdellah Y...le 17 septembre 2010,
- d'enjoindre à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Corse du Sud de lui communiquer le dossier relatif à l'accident dont il a été victime,
- de dire que le Tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Corse du Sud est seul compétent pour connaître de la demande formée par les consorts Y...tendant à obtenir réparation des préjudices consécutifs à l'accident du travail mortel dont a été victime Feu Abdellah Y...le 17 septembre 2010, à l'exclusion du Tribunal de grande instance d'Ajaccio,
- déclarer le Tribunal de grande instance d'Ajaccio incompétent pour connaître de l'action engagée par les consorts Y....
Il expose que l'accident survenu au temps et au lieu du travail est professionnel, que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie l'a reconnu de manière définitive, que le juge civil n'a pas compétence pour statuer, puisque la victime d'un accident du travail ou ses ayants droit ne peuvent exercer aucune action en réparation conformément au droit commun sous réserve des exceptions, visées par l'article L451-1 du code de la sécurité sociale, qui ne s'appliquent pas à l'espèce. Il ajoute que la notion de voie ouverte à la circulation est définie par les textes, que seule l'action en reconnaissance de faute inexcusable reste ouverte aux consorts Y...et qu'elle doit s'exercer devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale.
Par conclusions communiquées le 3 avril 2014, M. François B...demande :
- d'infirmer la décision,
- de faire droit à la demande de M. X...,
- de renvoyer les parties devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ajaccio,
- statuer sur les dépens.
Il expose que le véhicule litigieux a été immatriculé en 1971, qu'il l'a cédé le 14 septembre 2010, qu'il est étranger à l'accident, que M. Y...a tenté de le réparer et qu'il s'agit d'un accident du travail sur une voie qui n'était pas ouverte à la circulation publique.
Par dernières conclusions communiquées le 13 avril 2015, les consorts Y...demandent :
- de dire qu'il n'est pas démontré que l'accident s'est produit pendant et dans le cadre du travail de la victime,
- de dire que cette affaire nécessite pour le juge du fond de déterminer l'imputabilité des responsabilités de l'accident entre des personnes qui ne sont pas l'employeur,
- de confirmer la décision rendue le 28 novembre 2014 par le juge de la mise en état du Tribunal de grande instance d'Ajaccio,
- de condamner l'appelant au paiement des dépens et de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que l'affirmation selon laquelle l'accident serait un accident du travail résulte de la seule déclaration de M. César X..., puisque M. Y...habitait et travaillait au camping de longue date mais que ses foncions ne justifiaient pas qu'il se trouve dans un camion et que l'avis de la Caisse primaire d'assurance maladie ne lie pas le juge. Ils estiment que les circonstances de l'accident ne peuvent être examinées par le Tribunal des affaires de sécurité sociale, s'agissant de l'acquisition du véhicule par M. X...à M. B...et de l'obligation d'entretien qui pèse sur tout propriétaire de véhicule et notamment l'absence de liquide de frein. Ils ajoutent qu'ils n'ont pas mis en cause la S. A. R. L. X...et que l'affaire doit être jugée suivant le droit commun.
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie a été régulièrement assignée à personne habilitée, par acte du 9 février 2015.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 1er juillet 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 21 janvier 2016. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 23 mars 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Caisse Primaire d'Assurance Maladie, régulièrement assignée, n'a pas constitué avocat, la décision sera réputée contradictoire.
La recevabilité de l'appel n'est pas contestée, pas plus que la compétence du juge de la mise en état pour statuer sur l'exception d'incompétence soulevée. En effet, les décisions du juge de la mise en état statuant sur la compétence ne sont pas susceptibles de contredit.
Suivant les dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
En l'espèce, il résulte de l'exposé concordant effectué par les parties que Feu Abdellah Y...était employé de la S. A. R. L. X..., comme agent d'entretien, que l'accident a eu lieu au temps et au lieu du travail, ainsi que confirmé, autant que de besoin et sans qu'une autre mesure d'instruction soit nécessaire, par le rapport de gendarmerie. Il précise que le corps de la victime a été trouvé dans la contre-allée, face à l'emplacement No20 (plan) dans l'enceinte du camping, que Feu Abdellah Y..., employé (contrat de travail) avait pris place dans le véhicule conduit par M. César X..., qu'il a sauté en marche alors que le véhicule ne parvenait pas à freiner et a été écrasé par une roue arrière, le camion ayant fini sa course dans la piscine. Il s'agit d'un accident du travail qui relève comme tel de la compétence du Tribunal des affaires de sécurité sociale. Les intimés ne rapportent pas la preuve que l'accident mortel a une cause étrangère au travail, ou qu'il résulte d'un état pathologique préexistant sans relation avec le travail, de sorte qu'il est nécessairement considéré comme accident du travail, ce que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie a retenu.
En application de l'article L451-1 du code de la sécurité sociale, sous réserve des dispositions des articles L452-1 à L452-5, L454-1, L455-1, L455-1-1 et L455-2, aucune action en réparation des accidents du travail et maladies professionnelles ne peut être exercée conformément au droit commun par la victime ou ses ayants droit. Les circonstances de l'accident mortel ne relèvent pas des exceptions mentionnées : le fait d'un tiers, la faute intentionnelle de l'employeur ou d'un préposé, l'accident de trajet, l'accident sur la voie publique impliquant un véhicule terrestre conduit par l'employeur ou un préposé, la faute inexcusable de l'employeur, de sorte que les consorts Y...ne peuvent agir conformément au droit commun donc devant le Tribunal de grande instance. Il n'y a pas lieu de suivre les consorts Y...dans leur argumentation relative à l'entretien du véhicule qui relève du fond et qu'il n'est pas nécessaire d'examiner pour trancher la question de la compétence. L'exception d'incompétence est fondée. L'ordonnance critiquée sera infirmée.
Le choix des consorts Y...de ne pas attraire la S. A. R. L. X...leur appartient, tout comme l'éventuel recours entre les propriétaires successifs du véhicule, appartient à ces derniers lorsque le Tribunal des affaires de sécurité sociale aura statué, le cas échéant, sur l'action des consorts Y....
Il y a lieu par application de l'article 79 du code de procédure civile, infirmant du chef de la compétence, de renvoyer la cause et les parties devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ajaccio.
Chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.
L'équité n'exige pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des consorts Y...qui seront déboutés de leur demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme l'ordonnance critiquée en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Reçoit l'exception d'incompétence soulevée,
Renvoie la cause et les parties devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale d'Ajaccio,
Déboute les consorts Y...de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT