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24/02/2016 | FRANCE | N°13/00698

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 24 février 2016, 13/00698


Ch. civile A

ARRET No
du 24 FEVRIER 2016
R. G : 13/ 00698 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 20 Juin 2013, enregistrée sous le no 11/ 00426

X...Société civile LE SOU MEDICAL

C/
Y... A... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
M. Jean-Pierre X......... 20358 PORTO VECCHIO

assisté de Me Jean-Pierre RIBAUT-PA

SQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Marie-France SANTELLI-PINNA de la SCP MORELLI...

Ch. civile A

ARRET No
du 24 FEVRIER 2016
R. G : 13/ 00698 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 20 Juin 2013, enregistrée sous le no 11/ 00426

X...Société civile LE SOU MEDICAL

C/
Y... A... CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTS :
M. Jean-Pierre X......... 20358 PORTO VECCHIO

assisté de Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Marie-France SANTELLI-PINNA de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence

Société civile LE SOU MEDICAL prise en la personne de son représentant légal 10 Cours du Triangle de l'Arche-TSA 40100 92919 LA DEFENSE CEDEX

assistée de Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Marie-France SANTELLI-PINNA de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence
INTIMES :
M. Mohamed Y... né le 10 Octobre 1951 à LE KRIB (TUNISIE)... 20137 LECCI DE PORTO-VECCHIO

assisté de Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Denis REBUFAT de la SCP CABINET REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE

Mme Sihem A... épouse Y... née le 05 Janvier 1974 à GHARDIMAOU (TUNISIE)... 20137 LECCI DE PORTO-VECCHIO

assistée de Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Denis REBUFAT de la SCP CABINET REBUFAT, avocat au barreau de MARSEILLE

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD prise en la personne de son directeur demeurant es-qualité audit siège Boulevard Abbé Recco " Les Padules "- BP 910 20702 AJACCIO CEDEX 9

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 décembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 février 2016.

ARRET :

Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme Sihem A... épouse Y... a eu recours à une fécondation in vitro début février 2008 à l'hôpital de Marseille.

Elle a été hospitalisée en urgence le 14 mai 2008 à la clinique de l'Ospedale de Porto-Vecchio pour un « syndrome douloureux lombaire gauche d'irradiation basse sans signe urinaire évoluant dans un contexte apyrétique ».

Le Docteur Jean-Pierre X... a pratiqué une c ¿ lioscopie en urgence, qui a abouti à une résection majeure des deux ovaires, et dont les conséquences ont été une fausse couche, une ménopause et une stérilité définitive.
La commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux a dans son avis daté du 17 avril 2009 estimé que les comportements fautifs du docteur X... dont Mme Y... a été victime engagent sa responsabilité et ouvrent droit à l'entière réparation des préjudices qui en découlent. Elle a ainsi évalué les différents chefs de préjudice :
- un déficit fonctionnel permanent : 35 %- des dépenses de santés actuelles et futures-un déficit fonctionnel temporaire du 14 mai 2008 au 20 novembre 2008- un préjudice d'agrément important-un préjudice d'établissement constitué par l'impossibilité de fonder une famille.

M. et Mme Y... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio le docteur X..., le « Sou Médical », et la Caisse primaire d'assurance-maladie d'Ajaccio aux fins de réparation de leur préjudice.

Par jugement réputé contradictoire du 20 juin 2013 cette juridiction a :

¿ fixé l'indemnisation de Mme Y... à la somme de 155 500 euros,
¿ condamné in solidum le Docteur X... et le Sou Médical à payer à Mme Y... la somme de 33 150 euros provision déduite,
¿ condamné in solidum le Docteur X... et le Sou Médical à payer à M. Y... la somme de 20 000 euros,
¿ condamné le Docteur X... et le Sou Médical à payer aux demandeurs la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
¿ condamné le docteur X... et le Sou Médical aux dépens.

Jean-Pierre X... et le Sou Médical ont fait appel de cette décision par déclarations des 20 août et 25 octobre 2013. Les deux procédures ont été jointes.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 4 février 2014 les appelants demandent à la cour :

En ce qui concerne les préjudices de Mme Y... :
- d'infirmer la décision en ce qui concerne :
. le déficit fonctionnel permanent, qu'ils demandent à la cour de chiffrer à 75 000 euros,
. le préjudice d'établissement, qu'ils demandent à la cour de rejeter et subsidiairement de le chiffrer à 1 500 euros,
. le préjudice moral, qu'ils demandent à la cour de rejeter,
. le préjudice sexuel, qu'ils demandent à la cour de chiffrer à 3 000 euros,
- de confirmer la décision en ce qui concerne le préjudice d'agrément et le pretium doloris.
En ce qui concerne les préjudices de M. Y... :
- de rejeter la demande sur le préjudice moral et le préjudice d'établissement et de rejeter l'ensemble de ses demandes ; de le débouter de sa demande d'expertise,
- et de condamner les intimés aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 16 janvier 2014, les époux Y... demandent à la cour de confirmer la décision déférée quant à son principe et reconventionnellement :
En ce qui concerne Mme Y... :
- de fixer à :
. 122 500 euros le déficit fonctionnel permanent,. 50 000 euros le préjudice d'établissement,. 50 000 euros le préjudice d'agrément,. 50 000 euros le préjudice sexuel,. 10 000 euros le pretium doloris,. 50 000 euros le préjudice moral,

- et de condamner les appelants à la somme de 30 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive.
En ce qui concerne M. Y... :
- de fixer le préjudice moral à 50 000 euros et le préjudice d'établissement conformément à la décision ; de condamner les appelants à la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts pour résistance abusive.

En outre ils sollicitent la condamnation des appelants solidairement à la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et leur condamnation solidaire aux dépens.

Il n'est pas justifié de la signification de la déclaration d'appel à la Caisse primaire d'assurance maladie de la Corse du Sud. En application de l'article 473 du code de procédure civile, le présent arrêt sera rendu par défaut.

L'ordonnance de clôture est datée du 3 décembre 2014.

SUR CE :

Le principe de la responsabilité du docteur X..., de son obligation de réparer le préjudice subi par les époux Y..., et la garantie du Sou Médical, ne sont pas contestés.

Sur la base du rapport d'expertise du docteur B... du 28 février 2009, les différents chefs de préjudice de Mme Y... peuvent être chiffrés comme suit :
Déficit fonctionnel permanent :
Selon l'expert, avant les faits, Mme Y... ne présentait aucun trouble de la fonction de reproduction, le problème venant uniquement d'une oligo teratospermie chez M. Y... pour laquelle une FIV ICSI a été proposée.
L'intervention réalisée par le docteur X... a consisté en une castration chirurgicale définitive ; en raison du fait qu'il persiste une ménopause et une stérilité complète « inaccessible aux techniques de procréation médicalement assistée », l'expert évalue le déficit fonctionnel permanent à 35 %. Compte tenu de l'âge de Mme Y... au moment des faits, (34 ans) l'indemnisation de ce chef de préjudice peut être chiffrée à 112 000 euros ; le jugement sera réformé sur ce point.
Préjudice d'établissement :
Il s'agit du préjudice résultant de la perte de l'espoir de fonder une famille, élever des enfants, réaliser un projet personnel de vie.
Pour s'opposer à la demande formée de ce chef et subsidiairement obtenir la diminution de la somme allouée par le tribunal les appelants font valoir que les époux Y... ont eu un enfant le 9 décembre 2011, à la suite d'une fécondation avec don d'ovocyte.
Si sur un plan génétique l'enfant né le 9 décembre 2011 n'est pas celui de Mme Y..., qui l'a cependant porté pendant près de 9 mois-le transfert embryonnaire ayant été effectué, ainsi que cela ressort des pièces versées aux débats, le 14 mars 2011- il est aux yeux de la loi française l'enfant légitime du couple Y.... Dès lors, Mme Y... a certes perdu la
possibilité de donner naissance à un enfant de son sang, mais selon son propre souhait et par suite de l'accomplissement de nombreuses et lourdes démarches, tant médicales qu'administratives, elle a accueilli à son foyer l'enfant d'une autre, et a entendu lui donner le statut légal d'un enfant légitime.
Elle ne peut donc soutenir avoir perdu la possibilité de fonder une famille. L'indemnisation du préjudice d'établissement sera rejetée et le jugement sera réformé de ce chef.
Préjudice d'agrément :
Selon Mme Y... il est constitué par la ménopause précoce, les bouffées de chaleur, une sécheresse vaginale et cutanée, des risques d'ostéoporose et de maladie cardio-vasculaire. Cependant l'ensemble de ces troubles ne peut être indemnisé dans le cadre du préjudice d'agrément, qui vise seulement à réparer un préjudice particulier lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs. C'est donc à juste titre que le premier juge a écarté cette demande.
Préjudice sexuel :
En raison de la ménopause précoce, de la sécheresse vaginale, le préjudice sexuel de Mme Y..., non contesté sur le principe par les appelants, peut être chiffré à 10 000 euros comme l'a fait le premier juge.
Le pretium doloris :
Ce poste a été à juste titre écarté par le premier juge, puisque l'expert ne l'a pas retenu et que d'autre part les douleurs ressenties par Mme Y... provenaient des causes de l'hospitalisation et non pas de l'hospitalisation et de l'intervention chirurgicale elle-même.
Le préjudice moral :
Mme Y... fait valoir le préjudice découlant de la perte d'un enfant à naître, et de la perte de la chance d'en avoir un autre.
Il est certain, ainsi que le soulignent les appelants, que la fécondation in vitro avait eu lieu seulement 14 jours avant l'intervention du docteur X.... Pour autant, même s'il ne peut être affirmé que cette grossesse aurait été sûrement menée à son terme, la souffrance morale éprouvée par une jeune femme perdant un enfant en début de gestation ne peut être déniée ; en outre, la perte définitive de toute possibilité de procréation personnelle doit être indemnisée.
Le chiffre de 8 000 euros retenu par le premier juge semble adéquat.
La résistance abusive :
Mme Y... reproche au Docteur X... son attitude méprisante au long de la procédure, mais elle n'établit pas l'existence d'un préjudice,

en lien avec cette attitude, qui devrait être indemnisé à hauteur de 30 000 euros ; c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande.

Le préjudice moral de M. Y... :
Celui-ci fait plaider que le geste du docteur X... lui a définitivement fait perdre la possibilité d'avoir un enfant de son épouse, même s'il n'est pas certain que la grossesse de celle-ci aurait sûrement été menée à son terme. Ce poste de préjudice peut être indemnisé par la somme de 5 000 euros retenue par le premier juge.
Le préjudice d'établissement de M. Y... :
Il sera rejeté pour les mêmes raisons que celui de son épouse.
La résistance abusive :
La demande sera rejetée pour les mêmes raisons que celle de son épouse.
Enfin, la demande d'expertise formée par M. Y..., rejetée dans les motifs du jugement, n'a pas été rejetée explicitement dans le dispositif. La demande n'est pas reprise devant la cour.
Au total, Mme Y... doit percevoir la somme de 130 000 euros, dont il convient de déduire la provision de 122 350 euros. Un solde de 7 650 euros sera mis à la charge du docteur X... et le Sou Médical.
M. Y... percevra au total la somme de 5 000 euros.
Les dispositions relatives à l'article 700 et aux dépens seront confirmées.
En cause d'appel l'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les appelants seront condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné le docteur X... et le Sou Médical à payer au demandeur la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il a condamné le docteur X... et le Sou Médical aux dépens.

Statuant à nouveau sur les autres chefs :
Fixe l'indemnisation de Mme Y... à la somme de cent trente mille euros (130 000 euros)

Condamne in solidum le docteur X... et le Sou Médical à payer à Mme Y... la somme de sept mille six cent cinquante euros (7 650 euros), provision déduite,

Condamne in solidum le docteur X... et le Sou Médical à payer à M. Y... la somme de cinq mille euros (5 000 euros),
Y ajoutant :
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le docteur X... et le Sou Médical in solidum aux dépens.
LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00698
Date de la décision : 24/02/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-02-24;13.00698 ?
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