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10/02/2016 | FRANCE | N°14/00234

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 10 février 2016, 14/00234


Ch. civile A

ARRET No
du 10 FEVRIER 2016
R. G : 14/ 00234 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 17 Février 2014, enregistrée sous le no 12/ 00485

SA ALLIANZ IARD
C/
Consorts X...A...Consorts Y...CPAM de la CORSE DU SUD SA AXA FRANCE IARD

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant es-qualité audit sièg

e 87 Rue de Richelieu 75002 PARIS

assistée de Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me J...

Ch. civile A

ARRET No
du 10 FEVRIER 2016
R. G : 14/ 00234 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 17 Février 2014, enregistrée sous le no 12/ 00485

SA ALLIANZ IARD
C/
Consorts X...A...Consorts Y...CPAM de la CORSE DU SUD SA AXA FRANCE IARD

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant es-qualité audit siège 87 Rue de Richelieu 75002 PARIS

assistée de Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean-François ABEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

M. Raphaël X...né le 28 Mars 1972 ... 20167 SARROLA CARCOPINO

assisté de Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Magali Catherine A... épouse X...née le 05 Février 1979 à LILLE ... 20167 SARROLA CARCOPINO

assistée de Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Enzo X...représenté par ses parents Raphaël X...et Magali A...épouse X...né le 04 Octobre 1998 à AJACCIO (20000) ... 20167 SARROLA CARCOPINO

assisté de Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Alain X...Représenté par ses parents Raphaël X...et Magali A...épouse X...né le 20 Mars 2002 à AJACCIO (20000) ... 20167 MEZZAVIA

assisté de Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Léna X...Représentée par ses parents Raphaël X...et Magali A...épouse X...né le 18 Janvier 2006 à AJACCIO (20000) ... 20167 SARROLA CARCOPINO

assisté de Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Jean Louis Y...... 20167 SARROLA CARCOPINO

défaillant

M. Fernand Y...... 20167 SARROLA CARCOPINO

défaillant

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège Boulevard Abbée Recco- " Les Padules "- BP 910 20702 AJACCIO

défaillante

SA AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège

313 Terrasse de l'Arche 92727 NANTERRE

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Claudine LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 décembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la cour, faisant fonction de Président de chambre Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 février 2016

ARRET :

Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 15 juillet 2008, à Sarrola Carcopino, Raphaël X...était en train d'aider son ami Jean-Louis Y...à stabiliser un mobil home, lorsqu'il a été écrasé par cette construction. M. X...a été très gravement blessé.

Sur la base d'un rapport d'expertise judiciaire du docteur D..., Raphaël X...et son épouse Magali A... agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs Enzo X..., Alan X...et Lena X..., ont fait assigner Jean-Louis Y..., la SA Allianz, assureur de M. Y..., Fernand Y..., propriétaire du terrain sur lequel était installé le mobil home, et son assureur la compagnie AXA, la CPAM de Corse du Sud, pour obtenir la condamnation in solidum de Jean-Louis Y...et son assureur à indemniser le préjudice de Raphaël X..., outre celui de l'épouse et des enfants, et, à titre subsidiaire la condamnation de Fernand Y...et son assureur aux mêmes fins.

Par jugement réputé contradictoire du 17 février 2014 le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

¿ dit que Jean-Louis Y...est responsable du préjudice subi par Raphaël X...,
¿ dit que Jean-Louis Y...sera relevé et garanti par son assureur Allianz venant aux droits et obligations d'AGF,
¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer in solidum à Raphaël X...au titre de son préjudice la somme de 844 724, 59 euros déduction faite de la Caisse primaire d'assurance-maladie,
¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer in solidum à Raphaël X...la somme mensuelle de 2 184 euros au titre de l'assistance de la tierce personne,
¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer in solidum à Raphaël X...et à Magali A... en qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs la somme de 20 000 euros à chacun des enfants au titre de leur préjudice moral,
¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer in solidum à Magali A... la somme de 15 000 euros au titre de son préjudice sexuel et somme de 20 000 euros au titre de son préjudice moral,
¿ ordonné l'exécution provisoire du jugement à hauteur de la moitié des sommes allouées,
¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer à Raphaël X...et à Magali A... en leur nom propre et en leur qualité de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs la somme globale de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer in solidum à la CPAM de Corse du Sud :
- la somme totale de 1 011 583, 66 euros au titre de ses débours,
- la somme de 997 euros au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article 10 de l'ordonnance du 24 janvier 1996,
- la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront payer in solidum à la compagnie AXA la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

¿ dit que Jean-Louis Y...et Allianz devront prendre en charge in solidum les dépens.

La compagnie Allianz a formé appel de la décision le 17 mars 2014.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 novembre 2014 elle demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :

à titre principal :
vu l'article 1134 du code civil de constater que le sinistre n'est pas garanti par le contrat souscrit auprès de la concluante et de débouter en conséquence les consorts X...de toutes les demandes en tant qu'elles sont dirigées contre elle ; de les condamner à lui payer la somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre subsidiaire :
de dire que la faute commise par M. X...est à l'origine exclusive de son propre dommage, que par suite la responsabilité de Jean-Louis Y...n'est pas engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa premier du code civil, en conséquence de rejeter les demandes des consorts X...et de les condamner à lui verser une somme de 1 500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
à titre plus subsidiaire encore :
de constater que M. Fernand Y...avait la garde du mobil home en tant que propriétaire du terrain, qu'en conséquence sa responsabilité est engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa premier du code civil subsidiairement sur le fondement de l'article 1382 du même code ; de condamner solidairement celui-ci avec la compagnie AXA à prendre en charge les conséquences dommageables du sinistre et relever et garantir la concluante des éventuelles condamnations qui pourraient être mises à sa charge,
à titre infiniment subsidiaire :
de réduire les indemnités allouées par les premiers juges, de rejeter les chefs de demande infondés ; de réduire à la somme de 321 762 euros le recours de la CPAM de Corse du Sud ; de statuer ce que de droit pour ce qui concerne les demandes formulées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 2 octobre 2014 les consorts X...demandent à la cour de rejeter les demandes d'Allianz, de confirmer le jugement en ce qui concerne le principe de la condamnation in solidum de Jean-Louis Y...et son assureur ;
Formant appel incident Raphaël X...réclame pour lui-même les indemnités suivantes :
-82 971 euros au titre des frais divers,-215, 04 euros au titre des frais de téléviseur,-24 701, 52 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels,-165 555, 11 euros au titre des dépenses de santé futures,-324 728, 69 euros au titre des frais de logement adapté,- une rente mensuelle de 2 548 euros au titre des arrérages échus de la tierce personne à compter de la consolidation jusqu'à la décision à intervenir,- la même somme au titre des arrérages à échoir,-321 762 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,-300 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,-16 650 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,-90 000 euros au titre des souffrances endurées,-10 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,-150 000 euros au titre du préjudice d'agrément,-150 000 euros au titre du préjudice sexuel,-300 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,-60 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,-100 000 euros au titre du préjudice d'établissement.

Formant également appel incident son épouse et ses enfants réclament les sommes de :
-100 000 euros au profit de Magali A... au titre du préjudice sexuel par ricochet et 30 000 euros en réparation du préjudice moral,-30 000 euros pour chacun des enfants en réparation de leur préjudice moral.

Ils demandent la confirmation des condamnations prononcées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ils demandent, y ajoutant, la condamnation in solidum de Jean-Louis Y...et Allianz, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, au versement de la somme de 5 000 euros au profit de Raphaël X...et de celle de 1 500 euros au profit de chacun des autres requérants.
En outre, ils demandent à la cour de dire que si l'exécution forcée devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier le montant des sommes par lui retenu en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 devra être supporté par Jean-Louis Y...et Allianz ; enfin ils réclament la condamnation de ces derniers aux dépens.
À titre infiniment subsidiaire ils sollicitent la condamnation in solidum de Fernand Y...et son assureur aux mêmes fins.
Dans ses dernières conclusions déposées le 6 février 2015 la compagnie AXA sollicite la confirmation du jugement, le rejet des demandes de la société Allianz et des consorts X...formées contre elle et leur condamnation au paiement d'une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est du 17 juin 2015.

La déclaration d'appel a été signifiée à Jean-Louis Y...autrement qu'à personne.
Elle a été signifiée à la personne de Fernand Y..., et à personne habilitée en ce qui concerne la CPAM de Corse-du-Sud.
Jean-Louis Y..., Fernand Y...et la CPAM n'ont pas constitué avocat.
En application de l'article 473 du code de procédure civile la présente décision sera rendue par défaut.

SUR CE :

I-Sur la responsabilité :

Il n'est pas contesté que l'accident a été causé par la chute du mobil home de Jean-Louis Y...sur le corps de M. Raphaël X....

Ce mobil home, « chose » au sens de l'article 1384 du code civil, était alors placé sous la garde de son propriétaire qui, présent sur les lieux, avait accepté que la victime se glisse dessous pour le stabiliser, et qui en avait conservé par conséquent l'usage, la direction et le contrôle.
En application de l'article 1384 du code civil il est en principe bien responsable du dommage causé à M. X....
La compagnie Allianz, venant aux droits d'AGF, assureur de Jean-Louis Y...au titre de la responsabilité civile du particulier et du chef de famille, ne conteste pas à titre principal l'application de ce texte mais dénie sa garantie en opposant l'exclusion figurant à l'article 1. 4, paragraphe 9 des conditions générales, ainsi libellé : « nous ne couvrons jamais : ¿ Les dommages résultant de votre utilisation de véhicules terrestres à moteur ainsi que leurs remorques et semi-remorques, dont vous ou les personnes dont vous êtes civilement responsables, avez la propriété, la garde ou l'usage, lorsqu'ils sont soumis à l'obligation d'assurance automobile (articles L211-1 et suivants du code (des assurances)).
Pour Allianz, le mobil home est une « remorque » puisque pourvue d'équipements de mobilité, et non une habitation légère de loisirs.

L'exclusion, qui figure en caractères très apparents dans le contrat, est valable au regard de l'article L 112-4 du code des assurances.

Elle concerne les remorques qui peuvent être définies, à défaut de définition contractuelle opposable à l'assuré, comme des accessoires de véhicules terrestres à moteur, destinées à être tractées par celui-ci.
Les remorques sont, en vertu de l'article L211-1 du code des assurances, soumises à l'obligation d'assurance puisqu'elles ont vocation à circuler, tirées par un véhicule terrestre à moteur, et ce sans autorisation particulière.
Le mobil Home, destiné à l'habitation et non pas au transport d'objets, contrairement à la remorque, est comme l'a dit le premier juge une habitation légère de loisirs, même s'il est pourvu de roues qui permettent de le déplacer en cas de nécessité. Il n'est pas soumis à l'obligation d'assurance au même titre qu'une remorque tirée par une voiture, ne pouvant pas être déplacé sans autorisation spécifique, ni sans véhicule spécifique, de sorte que la clause d'exclusion ne s'applique pas à lui.
Enfin, il convient de noter que l'exclusion contractuelle concerne les véhicules terrestres ainsi que « leurs » remorques, dont « vous ou les personnes dont vous êtes civilement responsables avez la propriété, la garde ou l'usage ¿ » ; or il n'est pas soutenu ni démontré que le mobil home en question était affecté à un véhicule terrestre à moteur appartenant à Jean-Louis Y..., ou dont celui-ci aurait eu la garde ou l'usage.
À titre subsidiaire la compagnie Allianz soulève l'acceptation des risques par la victime.
Cependant, étant rappelé que Jean Louis Y...était présent au moment de l'accident, qu'il ne pouvait pas ignorer que le risque encouru sous ses yeux par la victime qui avait entrepris de se glisser sous le mobil home, alors soutenu par un simple cric, la faute d'imprudence de la victime, ni imprévisible ni irrésistible, ne pouvait pas avoir d'effet exonératoire, ainsi que l'a justement dit le premier juge.
En outre, comme le rappelle AXA, la convention d'assistance bénévole, conclue verbalement entre Jean-Louis Y...et Raphaël X..., emportait l'obligation pour M. Y...de le garantir d'un accident éventuel. Par ailleurs, c'est à tort qu'Allianz soutient que le mobil home, chose inerte, ne se trouvait pas en position anormale, puisqu'il est acquis au débat qu'il reposait sur un système de soutien dérisoire, ce avec l'assentiment au moins tacite de son propriétaire ; c'est également en vain, pour les mêmes raisons, qu'il avance que la faute de la victime a « absorbé » la causalité du fait reproché au gardien de la chose.

À titre subsidiaire l'appelante soulève la responsabilité du propriétaire du terrain ; mais comme l'explique l'assureur de celui-ci, c'est bien la manipulation du mobil home et non le terrain lui-même, dont aucune défectuosité n'est relevée, qui est à l'origine du dommage.
Fernand Y...n'avait aucunement la garde du mobil home, propriété de Jean-Louis Y..., qui était au moment des faits présent et en avait conservé l'usage, la direction et le contrôle.
M. Fernand Y...n'a pas non plus engagé sa responsabilité pour son fait personnel sur la base de l'article 1382 du code civil, aucune abstention fautive n'étant caractérisée à son encontre puisqu'il n'avait pas le pouvoir de s'opposer au travail envisagé par M. X...avec l'assentiment de Jean-Louis Y....
Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de Jean-Louis Y...et la garantie de son assureur.

II-En ce qui concerne l'indemnisation de Raphaël X... :

Le rapport d'expertise, dont l'essentiel est rappelé dans le jugement, n'est pas contesté par les parties ; il en ressort que l'accident a occasionné à M. X...une fracture luxation de T11- T12 avec paraplégie sensitivo moteur d'emblée sur luxation vertébrale avec section complète médullaire.

L'appel principal d'Allianz et l'appel incident des consorts X...portent sur les points suivants :
A-Préjudices patrimoniaux temporaires :
Tierce personne :
Le tarif horaire de 18 euros retenu par le premier juge apparaît adapté. La somme réclamée par la victime, d'ailleurs non justifiée, est excessive eu égard aux tarifs généralement pratiqués.
Au vu du rapport expertal 6 heures par jour sont nécessaires en dehors des périodes d'hospitalisation, et une heure par jour au cours des périodes d'hospitalisation ; les sommes suivantes seront donc allouées :
en dehors des périodes d'hospitalisation : six heures par jour du 23 septembre 2008 au 30 juin 2010 date de la consolidation sauf du 18 au 22 février 2010 soit 642 jours = 69 336 euros,
pendant les périodes d'hospitalisation : une heure par jour du 15 juillet 2008 au 22 septembre 2008 puis du 18 au 22 février 2010 soit 73 jours = 1 314 euros,
Total : 70 650 euros.
Les frais de téléviseur exposés au Centre de Rééducation Neurologique PROPARA de Montpellier :
Le principe de la réparation intégrale du préjudice permet de faire droit à la demande, la victime ayant le droit de prétendre à des conditions normales de confort au cours de son séjour.
La décision du premier juge sera confirmée sur ce point.
Perte de gains professionnels actuels :
Le calcul du premier juge, accepté par la victime, est exactement basé sur la rémunération mensuelle avant l'accident soit 1 029, 23 euros ; entre l'accident et la consolidation la perte de salaire est de 24 701, 52 euros-et non de 12 264, 99 euros comme le soutient Allianz-
La perte de salaires est donc de 24 701, 52 euros, moins les indemnités journalières versées par la CPAM soit 4 700, 37 euros (somme comprise dans l'état des débours) soit 20 001, 15 euros. Le jugement sera confirmé sur ce point.
B-Préjudices patrimoniaux permanents :
Dépenses de santé futures :
Les frais relatifs au lit médicalisé et au matelas anti-escarres :
Le premier juge a exactement retenu que compte tenu de la prise en charge partielle de l'organisme social l'ensemble coûte à la victime la somme de 3 456 euros ; cet équipement doit être changé tous les 10 ans. En considération de l'euro de rente viagère (26, 052) exactement retenu aussi par le jugement, l'indemnisation de 9 003, 57 euros sera confirmée.
Pour les mêmes motifs l'évaluation concernant le fauteuil avec coussin anti-escarres sera confirmée.
Les frais de logement adapté :
La victime vivait dans une caravane avant l'accident et a dû en raison de son handicap s'installer dans un appartement type HLM. S'il convient de lui accorder les sommes nécessaires à l'aménagement approprié de cet appartement, le principe de la réparation intégrale du préjudice ne saurait conduire à lui accorder la somme nécessaire à l'achat d'un bien immobilier comme il le réclame, dès lors qu'il n'est pas démontré que l'aménagement intérieur de l'appartement est impossible. Compte tenu des devis versés aux débats aux fins d'aménagement de la salle de bains, et de la proposition de la compagnie Allianz la somme de 180 000 euros allouée par le premier juge apparaît satisfactoire.
Les frais de véhicule :
L'évaluation du premier juge n'est pas critiquée.
L'assistance de la tierce personne :
Selon l'expert elle est nécessaire 4 heures par jour et 7 jours sur 7 ; la victime, qui souhaite voir fixer la rémunération à 21 euros de l'heure, et l'appelante, qui propose 11 euros de l'heure, ne produisent aucune pièce susceptible de remettre en question l'évaluation à 18 euros de l'heure retenue par le premier juge, laquelle sera en conséquence confirmée.

La perte de gains professionnels futurs :

La somme de 321 762 euros, retenue par le premier juge conformément au chiffrage de la victime, est absorbée par les débours de la CPAM (pension d'invalidité) soit 359 667, 15 euros et par conséquent le tiers responsable ne devra rien à M. X...de ce chef.
L'incidence professionnelle :
M. X...est dans l'impossibilité de reprendre une activité professionnelle quelconque, et est indemnisé à ce titre : il ne peut donc prétendre à aucune indemnité supplémentaire pour une perte de chance d'accéder à un emploi plus rémunérateur, dont il évalue la réparation à 300 000 euros.
Le jugement, qui rejette sa demande, sera confirmé.
C-Préjudices extra patrimoniaux temporaires :
Le déficit fonctionnel temporaire :
Selon l'expert il a été total du 15 juillet au 30 juin 2009, puis du 18 février 2010 au 22 février 2010 ; il a ensuite été partiel de classe 4 jusqu'à la date de consolidation.
L'évaluation du premier juge, sur la base de 600 euros par mois, apparaît adaptée.
Les souffrances endurées :
L'expert a chiffré ce poste à 6/ 7 en raison du fait traumatique initial, des longues périodes de rééducation, des deux interventions chirurgicales, de la symptomatologie douloureuse chronique et de la souffrance psychique.
Le chiffre de 35 000 euros retenu par le premier juge paraît conforme aux indemnités habituellement allouées en la matière et sera donc confirmé.
Le préjudice esthétique temporaire :
Là encore le chiffre du jugement mérite d'être confirmé, soit 5 000 euros.
D-Préjudices extra patrimoniaux permanents :
Le préjudice esthétique permanent :
L'expert l'a évalué à 5/ 7 en raison de la persistance de traces cicatricielles et d'amyotrophie importante. Le chiffre de 22 000 euros alloué par le tribunal peut être confirmé.
Le déficit fonctionnel permanent :
L'expert l'a estimé à 75 % en raison de la paraplégie au niveau T8 ainsi que du retentissement psychique dans le cadre d'un syndrome dépressif réactionnel marqué.
Compte tenu de l'âge de la victime (38 ans) au moment de la consolidation, la somme de 300 000 euros réclamée par celle-ci apparaît plus conforme aux indemnités habituellement allouées en la matière et le jugement qui fixe une somme de 268 500 euros sera réformé sur ce point.
Le préjudice sexuel :
Il est total selon l'expert, et la somme retenue par le premier juge, soit 50 000 euros, apparaît adaptée.
Le préjudice d'agrément :
Compte tenu de son lourd handicap M. X...souffre d'un préjudice d'agrément incontestable, qui peut faire l'objet d'une indemnisation à la hauteur de la somme de 15 000 euros allouée par le premier juge.
Le préjudice d'établissement :
Selon l'expert il est majeur puisque l'intéressé est incapable de reprendre une vie normale. La somme de 25 000 euros allouée par le premier juge apparaît adaptée.
Au total, réformant le jugement sur ce point, la cour fixera la créance de M. X...contre Jean-Louis Y...et son assureur in solidum, à la somme de 874 838, 59 euros, abstraction faite de la rente mensuelle pour la tierce personne.

III-En ce qui concerne la créance de la CPAM :

Le montant des débours de l'organisme social, justifié par l'attestation du 7 janvier 2013, n'est pas contesté ; il s'élève à 1 011 583, 66 euros, somme à laquelle s'ajoute l'indemnité forfaitaire de 997 euros. La disposition du jugement qui met ces sommes à la charge in solidum du responsable de l'accident et son assureur sera confirmée.

IV-En ce qui concerne l'indemnisation des victimes indirectes :

Le préjudice moral des trois enfants mineurs et de Magali A... a correctement été évalué par le premier juge a 20 000 euros pour chacun d'eux.

Le préjudice sexuel de Magali A... a exactement été chiffré à la somme de 15 000 euros.

V-En ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens :

L'appelant ne critique pas les dispositions du jugement concernant ces points, dont les consorts X...sollicitent la confirmation.

En cause d'appel les consorts X...peuvent prétendre à une indemnité supplémentaire d'un montant de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; la compagnie Axa est bien-fondée à solliciter sur ce même fondement une somme de 2 500 euros.
Il y a lieu en outre de faire droit à la demande concernant la prise en charge par le tiers responsable et son assureur des sommes retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1987.
Les dépens d'appel seront laissés à la charge de Jean-Louis Y...et la compagnie Allianz.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que Jean-Louis Y...et Allianz IARD devront payer in solidum à Raphaël X...au titre de son préjudice la somme de huit cent quarante quatre mille sept cent vingt quatre euros et cinquante neuf centimes (844 724, 59 euros) déduction faite des débours de la CPAM,

Statuant à nouveau de ce seul chef,
Condamne Jean-Louis Y...et Allianz IARD à payer in solidum à Raphaël X...en indemnisation de son préjudice la somme de huit cent soixante quatorze mille huit cent trente huit euros et cinquante neuf centimes (874 838, 59 euros),
Y ajoutant,
Condamne in solidum Jean-Louis Y...et Allianz IARD à payer à Raphaël X...et Magali A... en leur nom propre et es qualités de représentants légaux de leurs enfants mineurs la somme de trois mille cinq cents euros (3 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Jean-Louis Y...et Allianz IARD à payer à la compagnie AXA France IARD la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la présente décision l'exécution forcée
devait être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devra être supporté par Jean-Louis Y...et son assureur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Jean-Louis Y...et Allianz IARD aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00234
Date de la décision : 10/02/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-02-10;14.00234 ?
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