Ch. civile A
ARRET No
du 10 FEVRIER 2016
R. G : 14/ 00170 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Janvier 2014, enregistrée sous le no 11/ 00918
SCP MAITRE B... MARTHE, NOTAIRE ASSOCIE
C/
X... Y... SARL FONTANICCIA IMMOBILIER Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE 09 RUE CHANOINE LETTERON SCI MORANN
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SCP MAITRE B... MARTHE, NOTAIRE ASSOCIE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège... 20200 BASTIA
ayant pour avocat Me Frédérique GENISSIEUX, Me Alexandra BALESI-ROMANACCE, de la SCP GENISSIEUX BALESI-ROMANACCE, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
M. Charles X... né le 04 Avril 1959 à FORBACH (57600)... 13100 AIX EN PROVENCE
ayant pour avocat Me Jacques VACCAREZZA de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
Mme Paula Y... née le 08 Septembre 1958 à BASTIA (Haute Corse) (20200)... 13100 AIX EN PROVENCE
ayant pour avocat Me Jacques VACCAREZZA de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
SARL FONTANICCIA IMMOBILIER prise en la personne de son représentant légale domicilié es-qualité audit siège 2 Place Fontaine Neuve 20200 BASTIA
ayant pour avcat Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, la SCP SCAPEL et ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE,
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE 09 RUE CHANOINE LETTERON pris en la personne de son syndic en exercice la SARL KALLISTE elle-même pris en la personne de son représentant légal 40 Boulevard Paoli 20200 BASTIA
ayant pour avocat Me Florence BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA
SCI MORANN prise en la personne de son légal demeurant et domiciliée es qualités audit siège 4 Chemin de la Diligence 56510 SAINT PIERRE QUIBERON
ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 décembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 février 2016.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 17 juin 2015 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Suivant acte reçu par Me B..., le 21 décembre 2010, la S. C. I. Morann a vendu à M. Charles X... et Mme Paula Y... un appartement sis commune de Bastia d'une superficie de 115, 92m ² constituant le lot No30 de la copropriété 11 rue Chanoine Letteron moyennant le prix de 280 000 euros.
Alléguant avoir découvert que le bien vendu dépendait des deux copropriétés, le 9 et le 11 rue Chanoine Letteron, par actes des 3, 4 et 5 mai 2011, M. Charles X... et Mme Paula Y... ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bastia, la S. C. I. Morann, vendeur, la S. C. P. B..., notaire et la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier, agent immobilier, pour obtenir sa condamnation à leur payer 16 800 euros, la rectification des actes et la condamnation solidaire de l'ensemble des parties défenderesses au paiement des frais de gestion de la copropriété sous astreinte, de la somme de 30 000 euros outre celle de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par acte du 8 novembre 2012, M. Charles X... et Mme Paula Y... ont appelé à la procédure le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis 9 rue Chanoine Letteron.
Par jugement du 21 janvier 2014, le tribunal de grande instance de Bastia a
-dit que la SCP Marthe B... devra dans le délai de trois mois du jugement rectifier à ses frais l'acte de vente conclu le 21. 12. 2010 entre la société Morann, venderesse et M. Charles X... et Mme Paula Y..., acquéreurs, en ce que la désignation du bien vendu devra mentionner que les biens et droits immobiliers dépendent d'un ensemble immobilier situé sur le territoire de la commune de Bastia d'une part au 11 rue Chanoine Letteron figurant au cadastre sous la référence section AO numéro 93 et d'autre part au 9 rue Chanoine Letteron figurant au cadastre sous la référence section AO numéro 92 lieudit rue Chanoine Letteron,
- dit qu'à défaut la SCP Marthe B... sera redevable d'une astreinte de 80 euros par jour de retard,
- condamné solidairement la S. C. I. Morann, la SCP Marthe B... et la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier à payer à M. Charles X... et Mme Paula Y... la somme de 22 400 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation,
- rejeté le surplus de la demande,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné solidairement la S. C. I. Morann, la S. C. P. Marthe B... et la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier à payer à M. Charles X... et Mme Paula Y... la somme de la somme de 1 000 euros, au syndicat des copropriétaires de l'immeuble 9 rue chanoine Z... la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné solidairement la S. C. I. Morann, la SCP Marthe B... et la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier aux dépens.
La SCP Me Marthe B..., notaire associé a interjeté appel le 21 février 2014. Appel incident a été interjeté par les autres parties au litige.
Par ordonnance du 12 décembre 2014, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'expertise.
Par dernières conclusions communiquées le 6 février 2015, la SCP B... demande de
-la dire recevable en son appel,
- constater qu'elle a vérifié l'origine de propriété du bien vendu en se référant comme exigé par la jurisprudence aux actes de mutation précédents et à la chaîne des transmissions successives, avec de surcroît, le concours du notaire du vendeur,
- constater que l'acte a été instrumenté par elle au visa des renseignements et certificats d'urbanisme et techniques prévus par la loi,- constater que l'acte mentionne également l'ensemble des états descriptifs qui ont été dressés relativement au bien vendu et qu'il n'est pas établi l'existence de modifications qui auraient pu leur être apportées et qu'elle a omis de vérifier,
- constater que des éléments contenus dans l'acte, les acquéreurs ont eu connaissance ainsi de tous les éléments d'information nécessaires à leur acquisition de la même manière qu'ils connaissaient les lieux, toutes choses qu'ils ont expressément reconnu dans l'acte,
- constater qu'elle a été chargée de régulariser la vente telle qu'elle a été convenue sur la base d'un avant-contrat préalablement dressé par un intermédiaire professionnel supposé s'être assuré, sous sa responsabilité, que se trouvaient réunies les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de cette convention,
- constater qu'il n'est pas établi qu'en l'état de ces formalités, elle s'est trouvée en situation d'avoir connaissance du risque que la vente instrumentée encourait et par voie de conséquence de l'écarter,
- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a dit que le notaire a manqué, au cas d'espèce, à son obligation d'information et de conseil avec toutes conséquences,
- dire que le prix ou une partie du prix de vente ne peut être constitutif d'un préjudice réparable que l'officier ministériel est tenu de réparer, seul le vendeur pouvait être tenu le cas échéant d'en supporter la restitution en totalité ou en partie,
- constater qu'il n'est pas justifié d'un préjudice autre,
- constater que le notaire ne disposait pas d'éléments suffisants lui permettant de rectifier l'acte de vente à défaut de préciser le numéro de lot de la copropriété du 9 rue Chanoine Letteron auquel correspond l'appartement et de lever une fiche hypothécaire dudit lot et sous réserve de l'absence de toute mention,
- débouter les consorts X... Y... de leur demande en ce qu'elle est dirigée à son encontre,
- les condamner au paiement des dépens et de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle a repris l'exacte désignation figurant dans l'acte antérieur, que son obligation porte sur les actes de mutations antérieurs, qu'aucune erreur ne lui a été signalée et qu'un avant contrat avait été signé par l'agence immobilière, qu'elle n'avait aucune raison de douter de l'exactitude des éléments d'information en sa possession et que tous les éléments alarmants lui ont été communiqués après l'acte, le relevé du géomètre étant semblable au précédent.
Par dernières conclusions communiquées le 5 septembre 2014, M. X... et Mme Y... demandent de
-rejeter l'appel introduit car mal fondé,
- confirmer le jugement entrepris sur les responsabilités,
- recevoir leur rappel incident des époux X... sur le quantum du préjudice,
Statuant à nouveau, de
-condamner in solidum Me B..., la S. C. I. Morann et la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier au paiement de la somme de 40 000 euros,
- condamner in solidum Me B..., la S. C. I. Morann et la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier au paiement des honoraires et frais de gestion annuels de la copropriété du 9 rue Chanoine Letteron sur première présentation à l'un d'entre eux des justificatifs, dans un délai de quinze jours à compter de celle-ci, sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- condamner in solidum les requis au paiement des dépens et de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que le notaire a manqué à son obligation de conseil et de rédiger des actes valables en établissant un acte de vente comportant une description erronée, que la différence de surface aurait dû attirer son attention et qu'il a été alerté par le syndic le 7 janvier 2011 et par eux mêmes le 25 janvier 2011. Ils estiment que l'agent immobilier a manqué à ses obligations à leur égard, étant tiers pour ses fautes commises dans l'exécution de son mandat et ils réclament restitution des frais d'agence de 16 800 euros. Ils ajoutent que la S. C. I. Morann ne pouvait ignorer la situation eu égard à la surface, que Me D... était bien son avocat, qu'elle pouvait mettre en cause le géomètre. Ils considèrent que le notaire doit régulariser l'acte, qu'ils n'auraient pas pu assumer l'appartement dont les charges seraient réclamées par deux syndicats des copropriétaires, qu'ils avaient prévu 30 000 euros pour les travaux, que s'ils avaient été informés ils n'auraient pas conclu la vente et que les frais de gestion doivent être pris en charge par les fautifs.
Par dernières conclusions communiquées le 2 septembre 2015, la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier demande, vu les articles 1147, 1165, 1991, 1318 et suivants du code civil, de
-constater qu'elle n'a pas rédigé ni signé l'acte de vente du 21 décembre 2010,
- constater qu'aucun document ne permet de démontrer qu'elle a eu connaissance de l'appartenance à une seconde copropriété sise au 9 rue Chanoine Letteron,
- dire qu'elle n'a commis aucune faute à l'origine du préjudice allégué par M. X... et Mme Y...,
- dire que M. X... et Mme Y... ne démontrent pas l'existence d'un préjudice d'un montant de 30 000 euros,
- dire que M. X... et Mme Y... ne sauraient réclamer la restitution de la commission de 16 800 euros qu'ils n'ont pas réglée,
- débouter M. X... et Mme Y... de l'ensemble de leurs demandes et
-d'infirmer le jugement du 21 janvier 2014 en ce qu'il l'a condamnée à payer solidairement à M. X... et Mme Y... la somme de 22 400 euros,
- condamner M. X... et Mme Y... au paiement des dépens avec distraction au profit de la SCP Ribaut Battaglini et de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que le titre de propriété mentionne comme adresse 11 rue chanoine Z... et 7 rue du nouveau marché et que les époux X... Y... ne démontrent pas que le bien dépend effectivement de deux copropriétés puisque l'acte authentique fait foi. Elle ajoute qu'elle n'a aucun lien contractuel avec les acquéreurs, qui ont annoté les documents qu'ils produisent. Elle estime que Me B... a manqué à son obligation de renseignement. Elle ajoute qu'il n'existe pas de règlement de copropriété pour le 11 rue Chanoine Letteron, que les vérifications préconisées par le jugement n'auraient pas permis de déceler la difficulté et qu'elle n'était pas rédacteur de l'acte et que la preuve d'un manquement n'est pas rapportée. Elle soutient que la preuve d'un préjudice n'est pas rapportée, qu'avoir acquis un lot qui serait partagé entre deux copropriétés ne suffit pas et qu'ils ne peuvent obtenir restitution d'une somme qu'ils n'ont pas payée.
Par dernières conclusions communiquées le 30 juin 2014, la S. A. R. L. Le Kalliste demande
-de donner acte au syndicat des copropriétaires qu'il représente qu'il justifie de la propriété de M. X... et Mme Y... sur l'ensemble immobilier du 9 rue chanoine Z...,
- de confirmer le jugement,
- de condamner qui de droit au paiement des dépens et de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que l'appartement dépend de deux copropriétés, qu'un document mentionne Mme A..., représentant la S. C. I. Morann et qu'elle l'a adressé au notaire le 7 janvier 2011.
Par conclusions communiquées le 23 mai 2014, la S. C. I. Morann demande
-d'infirmer le jugement,
- de débouter les époux X... Y... au moins en ce que leurs demandes sont dirigées contre elle,
- de les condamner au paiement des dépens et de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle a vendu sans modifier la contenance, avec un agent immobilier, en ignorant le problème, avec un certificat de superficie sans annotation, que le tribunal ne pouvait se fonder sur le courrier d'un avocat, acheteur potentiel, qui n'était pas son avocat pour retenir sa responsabilité et que son gérant est sans compétence particulière. Elle ajoute que les demandes sont injustifiées, d'autant qu'elle a payé l'agent immobilier, qu'il n'existe pas de préjudice.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 17 décembre 2015. Elle a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 10 février 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La S. C. I. Morann a acquis le 19 décembre 2005 : dans un immeuble en copropriété 11 rue Chanoine Letteron et 7 rue du Nouveau Marché, un appartement cadastré AO93 ayant fait l'objet d'un état descriptif de division, le dernier publié datant du 13 mai 1997, d'une superficie Loi Carrez de 117, 19m ², comprenant 4 pièces principales, cuisine salle d'eau et WC. Le 18 février 2010, la S. C. I. Morann a donné mandat à la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier, de vendre deux appartements indépendants l'un de type et l'autre de type studio au 3ème étage du 11 rue Chanoine Letteron à Bastia No30 cadastré AO93. La publicité indiquait : " appartement 6 pièces 120m ² 117m ² loi Carrez " deux appartements rénovés, charges 63 euros par mois. Le certificat de superficie loi Carrez du 8 juillet 2009 de M. B... mentionne 115, 92m ², pour quatre pièces principales hors cuisine et sanitaires, comportant deux accès " face et droite en montant ". Par acte du 21 décembre 2010, reçu par Me Marthe B... avec la participation de Me C...notaire à La Ferté Satin Aubin, la S. C. I. Morann a vendu aux époux X... et Y..., un immeuble sis 11 rue Chanoine Letteron et 7 rue du Nouveau Marché section AO93, d'une superficie Loi Carrez de 115, 92m ² ayant fait l'objet d'un état descriptif de division, le dernier publié datant du 13 mai 1997 présentant des traces d'amiante et de plomb.
Le 7 janvier 2011, la S. A. R. L. Kalliste administrateur provisoire de la copropriété 9 rue Chanoine Letteron a transmis à Me B... un courrier de Mme A... pour la S. C. I. Morann indiquant qu'elle n'était plus propriétaire à cette adresse que les nouveaux propriétaires étaient les époux X..., l'administrateur indiquait que l'appartement se trouvait sur les deux copropriétés, il indiquait que si l'acte de vente ne concernait que le 11 rue Chanoine Letteron, la S. C. I. Morann était propriétaire du 9 rue Chanoine Letteron.
Il est établi que l'appartement relève des deux copropriétés, élément déjà évoqué au cours d'une réunion d'information de l'OPAH du 13 octobre 2009, qui relate qu'initialement les immeubles 9 et 11 rue Chanoine Letteron étaient gérés par un même syndic. Il existe des actes de vente concernant des appartements de l'immeuble qui comportent des lots sur les deux copropriétés 9 et 11 rue chanoine Z.... Une telle éventualité est connue des professionnels de l'immobilier exerçant dans les centres urbains anciens, notamment localement.
Cette chronologie met en évidence que tant l'agence immobilière que le notaire-et d'ailleurs les acquéreurs-pouvaient s'interroger sur l'existence de deux adresses, de deux entrées et sur la différence entre les 120m ² annoncés, les 115, 92m ² vendus et sur la répartition des tantièmes de copropriété. S'il n'est pas démontré qu'elle en a avisé l'agent immobilier et le notaire, la S. C. I. Morann avait parfaitement connaissance de cet état de fait puisqu'elle avait vocation à participer aux assemblées générales des deux copropriétés et que par un écrit du 2 janvier 2011, elle indiquait recevoir des lettres recommandées avec accusés de réception pour le 9 rue Chanoine Letteron et informait qu'elle n'en était plus propriétaire, que les nouveaux propriétaires étaient les époux X....
Sur la responsabilité du notaire
Le tribunal a statué, sans être critiqué, sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du code civil et de l'article 4 du décret du 17 mars 1967 pris pour l'application de la loi du 10 juillet 1965, suivant lequel, tout acte conventionnel réalisant ou constatant le transfert de propriété d'un lot ou d'une fraction de lot, ou la constitution sur ces derniers d'un droit réel, doit mentionner expressément que l'acquéreur ou le titulaire du droit a eu préalablement connaissance, s'ils ont été publiés dans les conditions prévues par l'article 13 de la loi du 10 juillet 1965, du règlement de copropriété ainsi que des actes qui l'ont modifié et qu'il en est de même en ce qui concerne l'état descriptif de division et des actes qui l'ont modifié.
Le notaire a non seulement l'obligation de vérifier le titre du vendeur, mais encore celle de vérifier la concordance entre la désignation du bien et celle du lot dans l'état descriptif de division et le règlement de copropriété. Si sa responsabilité relativement à la surface du bien vendu se limite à informer les parties sur les dispositions légales et les conséquences d'un mesurage inexact, il a l'obligation de vérifier la concordance entre la surface objet de l'acte de vente et le tableau des surfaces de l'immeuble. En l'espèce, celui du 25 février 2008 retenait une surface de 85, 62m ² ce qui ne correspond pas au mesurage effectué par l'expert. Il a également l'obligation de vérifier que toutes les pièces ont été remises par le vendeur notamment le règlement de copropriété, l'état descriptif de division et le certificat du syndic indiquant que l'immeuble est libre de toute obligation. Le notaire ne prouve pas avoir procédé à une quelconque vérification des états descriptifs de division et l'effectivité de cette vérification l'aurait alerté sur la situation de l'immeuble, lui donnant ainsi connaissance du risque encouru par l'acte de vente. Si les acquéreurs ont vu et visité l'appartement, ils ne pouvaient être informés de sa situation juridique que par le notaire, notamment en cas de silence des vendeurs. Aucune demande n'est formulée relativement au prix de vente, puisque l'annulation de la vente n'est pas réclamée. L'aveu de la S. C. I. Morann de ce qu'elle n'est plus propriétaire de la partie de l'appartement issue de la copropriété du 9 rue Chanoine Letteron, permet au notaire d'établir un titre conforme au profit des époux X... Y..., à charge pour lui de se renseigner auprès du syndic ou du syndicat des copropriétaires et de la S. C. I. Morann, contre qui il pourrait se retourner en présence de mention sur la fiche hypothécaire.
Sur la responsabilité de l'agent immobilier
L'agent immobilier, la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier, intermédiaire dans la transaction, n'avait, en effet, aucun lien contractuel avec les époux X... Y..., acquéreurs, cependant, il peut engager sa responsabilité en application de l'article 1382 du code civil à leur égard.
Sans empiéter sur le domaine de compétence du notaire, en rédigeant une promesse de vente en l'état des déclarations partielles des vendeurs, sur la consistance du bien, l'agent immobilier n'engage sa responsabilité que s'il est établi qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité ou de leur exactitude. S'il est tenu de vérifier, par toutes investigations utiles les déclarations faites par son mandant, qui conditionnent la validité ou l'efficacité de l'acte qu'il dresse, il n'est pas démontré qu'il disposait d'éléments de nature à faire douter de leur véracité. De plus, la responsabilité de l'agent immobilier découle de son domaine de compétence, à savoir les qualités et défauts du bien immobilier, voire les qualités et défaillances du vendeur ou du locataire qu'il présente mais non de la situation juridique de l'immeuble à l'égard de la copropriété A l'inverse du notaire, il n'a pas à solliciter un relevé cadastral de l'immeuble objet de la transaction. Des affirmations générales des époux X... Y..., ne résulte pas la démonstration d'une faute de l'agent immobilier qui leur aurait causé un préjudice. Le jugement sera réformé à ce titre.
Sur la responsabilité des vendeurs
La S. C. I. Morann avait parfaitement connaissance de l'appartenance de l'immeuble à deux copropriétés, puisque le calcul des millièmes établi le 25 février 2008, leur attribue 85, 62m ² alors qu'ils en ont acquis 117, 19 en Loi Carrez, que la liste des copropriétaires connue d'eux, les mentionne comme propriétaires et précise " à cheval sur 9 et 11 Z... ". De plus, ayant sollicité en 2006 la désignation d'un administrateur pour la copropriété du 11 rue chanoine Z... et démontrant ainsi son intérêt pour l'entretien de l'immeuble, elle a été avisée de la situation. De même, la S. C. I. Morann n'a pas écrit qu'elle n'avait jamais été propriétaire dans la copropriété du 9 rue chanoine Z... mais qu'elle n'était plus propriétaire. De plus, si elle conteste que Me D... ait été son avocat en novembre 2010, ce dernier a bien adressé à la S. A. R. L. Kalliste une liste des copropriétaires du 9 rue Chanoine Letteron sur laquelle la S. C. I. Morann figure sous le nom Dore, ce qui démontre que ce fait était connu.
Le jugement sera confirmé par substitution de motifs.
Sur le préjudice
Le premier juge a procédé à une juste analyse du préjudice, en ce qu'il s'agit de la perte de chance d'avoir un appartement sur une seule
copropriété. Cependant, la perte de chance suppose la disparition d'un événement positif ou la probabilité qu'un événement négatif ne se réalise pas. En achetant un appartement dans un immeuble, les époux X... Z... pouvaient espérer qu'il soit sur une seule copropriété. La réalisation de cette éventualité favorable qui a disparu par la faute conjointe de la S. C. I. Morann et du notaire a été correctement évaluée par le premier juge à 8 % du prix de vente de l'immeuble. La circonstance que des travaux soient à réaliser dans l'une ou l'autre ou les deux copropriétés est étrangère à l'évaluation de cette perte de chance, puisque, à titre d'exemple, le nombre des façades à rénover aurait été le même si l'appartement avait fait partie d'une seule copropriété. Pour le même motif, ils ne peuvent réclamer le remboursement des charges de copropriété, calculées en fonction des tantièmes occupés ou le paiement des frais de gestion.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de remboursement des frais d'agence que les époux X... Y... n'ont pas payé, cette demande n'étant fondée ni en fait ni en droit. Ils seront déboutés de leurs demandes plus amples.
Le jugement étant confirmé, les appelants Me B... et la S. C. I. Morann qui succombent seront condamnés solidairement au paiement des dépens, avec distraction pour ceux des frais dont avance aurait été faite sans avoir reçu provision, au profit de la SCP Ribaut Battaglini. Ils seront condamnés sous la même solidarité au paiement de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des époux X... Y.... Ces derniers seront condamnés à payer à la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier, la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
- Réforme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier,
Statuant à nouveau de ce chef,
- Déboute M. Charles X... et Mme Paula Y... de leurs demandes à l'encontre de la S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier,
- Confirme pour le surplus le jugement entrepris par substitution de motifs,
Y ajoutant,
- Déboute Me B... et la S. C. I. Morann de leurs demandes contraires,
- Déboute M. Charles X... et Mme Paula Y... de leurs demandes plus amples ou contraires,
- Condamne solidairement Me B... et la S. C. I. Morann au paiement des dépens, avec distraction au profit de la SCP Ribaut Battaglini,
- Condamne solidairement Me B... et la S. C. I. Morann à payer à M. Charles X... et Mme Paula Y..., ensemble, une somme de mille euros (1 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne M. Charles X... et Mme Paula Y... à payer à S. A. R. L. Fontaniccia Immobilier la somme de cinq cents euros (500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT