Ch. civile A
ARRET No
du 10 FEVRIER 2016
R. G : 12/ 00896 FL-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 16 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00752
SA ORANGE
C/
Consorts X...Société SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONIE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA ORANGE prise en la personne de son représentant légal faisant élection de domicile à la direction juridique Rhône Alpes Auvergne 141 Cours Gambetta 63214 LYON CEDEX 03 78 Rue Olivier de Serres 75015 PARIS
assistée de Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
INTIMES :
M. Jean Charles X...né le 07 Février 1962 à BASTIA ...20290 OLMO
assisté de Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 3941 du 24/ 01/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Mme Jacqueline X...née le 16 Novembre 1965 à BASTIA ... 20215 VESCOVATO
assistée de Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA
Mme Marie-Paule X...née le 27 Décembre 1963 à BASTIA ...20290 OLMO
assistée de Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA
SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONIE prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège Le Sulky 389 Avenue du Club Hippique 13084 AIX EN PROVENCE
assistée de Me Philippe JOBIN de la SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Xavier CLEDAT, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 décembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 février 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant acte sous seing privé du 15 juillet 1981, Pauline X...s'est engagée à vendre à l'Etat Français (Administration des Postes et Télécommunications) : une parcelle de terrain de 156 m2, numérotée 1033, située à Olmo, payable après accomplissement des formalités de publication, la venderesse s'engageant à maintenir sa promesse jusqu'au 31 décembre 1981. L'acte prévoyait que France Télécom pouvait commencer les travaux avant la fin des formalités administratives de cession.
Expliquant que la promesse était devenue caduque le 31 décembre 1980 du fait que la société France Télécom n'avait pas levé l'option, et constatant que la parcelle en cause comportait une construction, les consorts X..., héritiers de Pauline X..., ont fait assigner la société France Télécom ainsi que la société SFR devant le tribunal de grande instance de Bastia pour voir dire qu'ils sont seuls propriétaires, dans l'indivision, de la parcelle 1033, ordonner l'expulsion de ladite parcelle de la société France Télécom de tous occupants de son chef, ordonner la remise des lieux dans leur état initial et obtenir la condamnation solidaire de France Télécom et SFR à leur payer une indemnité d'occupation.
Suivant jugement contradictoire du 16 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Bastia a :
¿ déclaré la société France Télécom irrecevable à soulever les exceptions de procédure,
¿ rejeté la fin de non-recevoir tiré du défaut de qualité à agir des demandeurs,
¿ rejeté l'exception tirée de la prescription de l'action sur le fondement de l'article 1304 du code civil,
¿ constaté la caducité de la promesse unilatérale de vente du 15 juillet 1981,
¿ rejeté la demande tendant à voir juger que la société France Télécom a acquis la propriété de la parcelle 1033 en application de l'article 2272 alinéa 2 du code civil,
¿ ordonné l'expulsion de la société France Télécom et de la société SFR ainsi que de tous occupants de leur chef,
¿ accordé à ces deux sociétés un délai de 24 mois à compter de la signification du jugement pour délaisser la parcelle,
¿ ordonné aux deux sociétés la remise en état des lieux dans leur état initial, impliquant la démolition de tous ouvrages implantés sur la parcelle et leur enlèvement, et ce dans un délai de 24 mois à compter de la signification du jugement,
¿ dit que passé ce délai de 24 mois une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard sera due in solidum par les occupants,
¿ condamné in solidum la société France Télécom et la société SFR à payer aux consorts X...ensemble une indemnité d'occupation à compter du 1er avril 2006 jusqu'à la date de libération effective des lieux,
¿ fixé à titre provisionnel cette indemnité à 300 euros par mois,
¿ dit qu'entre les rapports entre les deux débiteurs la société France Télécom supportera l'intégralité de la dette née de l'indemnité d'occupation,
¿ ordonné l'exécution provisoire,
¿ débouté la société France Télécom de toutes ses demandes ainsi que de sa demande de donner acte,
¿ sursis à statuer sur la demande des consorts X...au titre de l'indemnité d'occupation et avant dire droit sur le montant de cette indemnité :
ordonné à la société France Télécom et à la société SFR de produire aux débats les conventions signées entre elles des 27 juillet 1998 et 11 juillet 2008, dans les huit jours suivant la signification du présent jugement,
ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur le montant de l'indemnité d'occupation,
¿ réservé les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société France Télécom a formé appel de cette décision le 19 novembre 2012.
Suivant ordonnance du 12 juin 2013 le conseiller de la mise en état a rejeté la requête en communication de pièces déposées par France Télécom et dit que la fin de non-recevoir, tirée du défaut de qualité pour agir soulevée par France Télécom, relève de la compétence exclusive de la juridiction du fond.
Suivant ordonnance du 2 juillet 2014 le même conseiller de la mise en état s'est déclaré incompétent pour connaître de l'exception d'incompétence d'attribution et de la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la société Orange (anciennement France Télécom.)
Dans ses dernières conclusions déposées le 15 juin 2015 la société Orange demande à la cour d'infirmer le jugement et :
- de renvoyer le litige à la connaissance des juridictions de l'ordre administratif, seules compétentes,
Sur les exceptions de procédure et fins de non-recevoir :
- de rejeter les demandes des consorts X...à défaut de justification de leur qualité pour agir,
- de dire irrecevable la demande nouvelle contenue aux conclusions de l'intimé du 15 avril 2015 de fixation d'une indemnité d'occupation d'un montant de 70 200 euros par an à compter de l'année 2006, de dire dans tous les cas que le tribunal a sursis à statuer sur cette demande, qu'il n'a pas été relevé appel des dispositions de ce jugement par les intimés,
Si la compétence judiciaire était reconnue :
- de dire prescrite l'action des consorts X...par application de l'article 1304 du code civil sinon par application de l'article 2265 du même code ; de dire qu'en ne formulant aucune demande de nullité du compromis entre le 31 décembre 1981 et le 8 décembre 2006, les consorts X...ont admis le caractère parfait de la vente,
Sur le fond :
- de dire la promesse de vente vente parfaite et en conséquence la société Orange propriétaire de la parcelle litigieuse,
Si la cour devait reconnaître le droit de propriété des consorts X...:
- de dire que ceux-ci seraient tenus de rembourser à la société Orange la valeur des constructions et installations ainsi que le préjudice résultant de la perte des contrats de baux aux opérateurs ; de désigner tel expert à l'effet de chiffrer le préjudice subi par la société Orange,
- de débouter les consorts X...de leurs demandes en fixation d'une indemnité d'occupation d'un montant de 3 000 euros par mois ainsi que de leur demande tendant à voir ordonner la communication des contrats passés entre la société Orange et ses cocontractants commerciaux,
- de dire sur la question du préjudice qu'il appartient aux consorts X...de rapporter la preuve du préjudice qu'ils prétendent avoir subi,
À titre infiniment subsidiaire :
- d'accorder la société Orange un délai de 24 mois pour quitter les lieux et dans tous les cas de condamner les consorts X...à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Dans ses dernières conclusions déposées le 11 mars 2013 la société SFR demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a :
- accordé à la société SFR des délais de grâce de 24 mois,
- rejeté la demande d'indemnisation supplémentaire de 10 000 euros formée par les consorts X...,
- jugé s'il était prononcé une condamnation pécuniaire que la société France Télécom serait condamnée à garantir la société SFR de toutes les condamnations prononcées à son encontre,
- condamné les consorts X...à payer à la société SFR une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les consorts X...aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 13 avril 2015 les consorts X...demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et intérêts et en conséquence :
- de dire la société Orange irrecevable en ses exceptions de nullité de l'assignation et d'incompétence du juge judiciaire ; subsidiairement de rejeter ces exceptions,
- de constater la caducité de la promesse unilatérale de vente du 15 juillet 1981,
- de dire les consorts X...seuls propriétaires de la parcelle litigieuse,
- d'ordonner l'expulsion de la société Orange de cette parcelle ainsi que de tous occupants de son chef,
- d'ordonner la remise des lieux en leur état initial, cette obligation impliquant, à la charge solidaire de la société Orange et de la société SFR (sauf à réserver l'hypothèse où la bonne foi de celle-ci serait retenue) la destruction du bâtiment édifié sur la parcelle,
- de dire n'y avoir lieu à application de l'article 555 alinéas 3 et 4 du code civil,
- de constater qu'il appartiendra au tribunal de statuer définitivement sur le montant de l'indemnité d'occupation revenant aux consorts X...,
- subsidiairement, s'il devait être fait application de l'article 555 alinéa 4 du code civil, de condamner la société Orange en tant que de besoin solidairement avec la société SFR à paiement aux consorts X...d'une somme équivalente aux loyers perçus depuis le mois d'avril 2007 jusqu'à la libération des lieux,
- d'ordonner la production des contrats de baux conclus par la société Orange,
- dans l'attente du chiffrage définitif, de condamner provisionnellement la société Orange et en tant que de besoin la société SFR à paiement d'une indemnité calculée sur la base d'une somme mensuelle de 3 000 euros à compter du mois d'avril 2007,
- très subsidiairement, de condamner la société Orange à paiement aux consorts X...d'une somme de 70 200 euros par an, à compter du mois d'avril 2006 jusqu'à la complète libération des lieux à titre d'indemnité d'occupation,
- d'allouer en tout état de cause aux consorts X...la somme supplémentaire de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- de condamner la société Orange aux dépens et au paiement aux consorts X...de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est du 17 juin 2015.
SUR CE :
Sur l'exception d'incompétence :
Ainsi que l'a rappelé le premier juge, en application de l'article 771 du code de procédure civile, les parties ne sont plus recevables à soulever les exceptions de procédure après le dessaisissement du juge de la mise en état, à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement à ce dessaisissement.
Or l'incompétence des juridictions judiciaires au profit des juridictions administratives est bien une exception de procédure, qui pouvait être soulevée dès l'introduction de l'instance. En application du texte susvisé la société Orange est irrecevable à soulever cette incompétence devant la cour.
Si, aux termes de l'article 92 du même code, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public, la cour n'est cependant pas tenue de relever cette incompétence.
Sur la qualité à agir :
La société Orange fait valoir que les consorts X...ne justifient ni de leurs titres de propriété ni de leurs qualités d'ayants droit de Pauline X....
Cependant la qualité d'ayants droit de Pauline X...ressort suffisamment :
du livret de famille de Charles X...et Pauline Y..., indiquant que leur fils Paul Antoine est né le 3 juillet 1936,
de l'acte de décès de ce dernier, dressé le 20 janvier 1983,
du livret de famille du même Paul Antoine X..., dans lequel figurent ses trois enfants : Jean-Charles, né le 7 février 1962, Marie Paule, née le 27 décembre 1963, Jacqueline née le 16 novembre 1965, qui sont les trois demandeurs à l'instance,
des certificats d'hérédité établis par la mairie d'Olmo les 27 et 28 février 2013.
La qualité d'héritier pouvant s'établir par tout moyen en vertu de l'article 730 du code civil, les consorts X...sont pas tenus de produire un document notarié, les successions de Paul Antoine X...et de Pauline X..., dont celui-ci était le fils unique, pouvant ne pas avoir été liquidées. Par ailleurs, même si Simone X..., épouse de Paul Antoine X..., avait des droits sur la parcelle litigieuse, les enfants auraient qualité pour agir en conservation de ce bien.
Enfin, le fichier central des dernières volontés étant librement accessible, il appartient à la partie qui met en doute la qualité d'héritier, ainsi établie par les consorts X..., d'apporter la preuve contraire.
Les consorts X...reconnaissent qu'ils n'ont pas de titre de propriété, mais produisent trois attestations de témoins, un extrait de la matrice cadastrale et un relevé de propriété où ils apparaissent comme les propriétaires de la parcelle 1033. Enfin, cette qualité de propriétaire est expressément admise par la société Orange dans les différents courriers échangés entre les parties ainsi que dans le projet de bail établi par cette société, bail qui n'a finalement pas été signé par les consorts X.... Dès lors, le fait que la société Orange, ou son prédécesseur, ait pu pendant quelque temps, payer la taxe foncière sur la parcelle litigieuse n'est pas de nature à altérer le caractère probant des pièces versées par les consorts X....
Sur la prescription :
En premier lieu la société Orange invoque la prescription quadriennale en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968. Cependant, comme le disent les intimés, cet article n'est applicable qu'aux créances ; or la présente action est une action en revendication immobilière, dont la demande en paiement d'une indemnité d'occupation n'est que l'accessoire, étant souligné qu'en tout cas le délai de prescription de cette créance ne pourra courir qu'à compter de sa fixation par la décision de justice.
En deuxième lieu la société Orange invoque l'article 1304 du code civil, qui prévoit que l'action en nullité ou en rescision d'une convention est en principe prescrite par cinq ans.
Mais comme l'a dit le premier juge l'action des consorts X...n'est pas une action en nullité ni en rescision d'une convention ; elle vise
à faire constater la caducité d'une promesse de vente et à les voir en conséquence déclarer seuls propriétaires de la parcelle 1033. L'article 1304 du code civil n'est donc pas applicable.
En troisième lieu l'appelante invoque la prescription de l'article 2265 (en réalité, 2272 nouveau) du code civil, prévoyant une prescription acquisitive de 10 ans en cas de juste titre et de bonne foi ; le premier juge a exactement analysé ce point comme étant un moyen de fond, et non pas une exception de procédure.
Sur le fond :
Sur la propriété de la parcelle :
L'acte signé le 15 juillet 1981 par Pauline X...constitue, ainsi que le reconnaissent les deux parties, une promesse unilatérale de vente, et non une promesse synallagmatique de vente ; il s'agit en effet du seul engagement de Madame X...de vendre la parcelle 1033, au prix de 40 francs le mètre carré, à l'Administration des Postes et Télécommunications, l'engagement étant valable jusqu'au 31 décembre 1981. Cette précision quant au terme de l'engagement signifie que pour valoir vente l'offre devra explicitement, avant le 31 décembre 1981, être acceptée par l'acquéreur, lequel n'est pas signataire de la promesse de vente. Tant que cette rencontre de volontés n'est pas intervenue le contrat de vente n'était pas formé. C'est donc à tort que l'appelante invoque l'article 1589 du code civil, applicable en cas d'engagement synallagmatique.
Si le 1er septembre 1981 la direction des services fiscaux a bien adressé au directeur opérationnel des télécommunications l'exemplaire de la promesse de vente où figure la mention des formalités d'acceptation et d'enregistrement, (- et ladite mention précise d'ailleurs clairement : « bon pour acceptation du délai de la présente promesse de vente sans levée de l'option qu'elle contient ¿ »-) et si le 15 septembre 1981 la direction opérationnelle des télécommunications d'Ajaccio a autorisé l'acquisition en question par une décision administrative en bonne et due forme, il convient de constater qu'aucune notification de cette acceptation, sous quelque forme que ce soit, n'a été adressée au promettant, de sorte qu'à défaut de connaissance de la volonté du bénéficiaire de la promesse de vente de réaliser celle-ci, les volontés des deux parties ne se sont pas rencontrées, et l'engagement de Pauline X...est devenu caduque au 31 décembre 1981.
L'appelante ne peut tirer du silence des consorts X...depuis 1981 la conviction que Mme Pauline X...avait « nécessairement » connaissance de l'acceptation de l'administration. Elle ne peut davantage tirer conséquence de l'absence de délivrance d'une mise en demeure, l'acte du 15 juillet 1981 ne prévoyant pas cette formalité.
Il est patent au contraire que la société Orange a reconnu le droit de propriété des consorts X...dans les courriers du 22 mars 2007 et 11 août 2008, lui proposant d'acheter la parcelle, ainsi que dans le projet de bail établi par ses soins, dans lequel elle apparaît comme « preneur » et les consorts X...comme « bailleur ».
L'appelante est enfin mal fondée à invoquer la prescription acquisitive abrégée en cas de « juste titre et bonne foi », laquelle s'applique au cas où le transfert de propriété aurait été consenti par celui qui n'est pas le véritable propriétaire du bien, et que sans cette circonstance le titre aurait été valable. Dans le cas présent le titre était valable puisque consenti par un véritable propriétaire ; il est simplement devenu caduque.
Sur l'expulsion :
En conséquence de ce qui précède, la société Orange et la société SFR, qui a conclu une convention d'occupation avec elle, sont occupantes sans droit ni titre de la parcelle 1033. Les parties sollicitent la confirmation du jugement en ce qu'il a accordé à la société Orange et à la société SFR un délai de 24 mois à compter de la signification du jugement pour délaisser la parcelle. Il y a lieu de faire droit à cette demande, en notant que ni l'appelante ni SFR ne sollicite de délai supplémentaire pour le délaissement des lieux.
Sur la remise en état des lieux :
C'est à tort que la société Orange invoque les dispositions de l'article 555 alinéa 4 du code civil pour prétendre à une indemnisation au titre des améliorations apportées au fonds et au titre du préjudice financier résultant de la perte du bénéfice des conventions passées avec les tiers pour l'utilisation des antennes relais. En effet, comme l'a dit le premier juge, cet article ne vise que celui qui possède comme propriétaire en vertu d'un titre translatif de propriété dont il ignore les vices, ce qui n'est pas le cas de la société France Télécom, titulaire d'une promesse unilatérale de vente n'ayant fait l'objet d'aucune acceptation notifiée au vendeur, et qui était donc dépourvue de tout titre de propriété. Pour le même motif, c'est à dire l'absence de bonne foi, l'article 549 du code civil, dont l'application est revendiquée par Orange, est inapplicable
En conséquence la société Orange et la société SFR devront remettre les lieux en leur état initial en démolissant tous les ouvrages implantés sur la parcelle.
Les dispositions du jugement qui accordent à Orange et SFR un délai de 24 mois pour remettre les lieux dans leur état initial et qui fixent une astreinte provisoire de 150 euros par jour de retard passé ce délai ne sont pas critiquées. La demande de report du point de départ du délai, formée par SFR, n'est pas acceptable puisqu'en l'état de l'exécution provisoire ordonnée par le jugement, cette société devait mettre en ¿ uvre cette exécution immédiatement.
La demande des consorts X..., en versement d'une somme équivalente aux loyers perçus depuis le mois d'avril 2007 jusqu'à la libération des lieux, n'étant formée qu'à titre subsidiaire, au cas où il serait fait application de l'article 555 alinéa 4 du code civil, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur l'indemnité d'occupation :
La société Orange, qui ne conteste pas le principe du versement d'une indemnité d'occupation au propriétaire, s'oppose à ce que cette indemnité soit fixée à la somme provisionnelle de 3 000 euros, réclamée en appel par les consorts X....
A titre provisionnel, le montant mensuel chiffré à 300 euros par le premier juge doit être retenu ; en effet, la question de l'incidence du contenu des conventions passées par la société Orange avec d'autres sociétés, et du projet de bail proposé aux consorts X..., ne pouvant être examinée que lors de la fixation de l'indemnité définitive et après communication des pièces visées par le jugement. La disposition qui ordonne cette communication mérite dès lors confirmation.
La demande des consorts X...en paiement d'une indemnité annuelle de 70 200 euros ne pourra être examinée que lors de l'évaluation de l'indemnité définitive, le tribunal ayant sursis à statuer sur ce point dans une disposition qui n'est pas contestée.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Comme l'a dit le tribunal les consorts X...ne démontrent pas l'existence d'un préjudice distinct de celui né de l'occupation des lieux, qui sera réparé par le paiement d'une indemnité d'occupation, et c'est donc à juste titre que leur demande sur ce point a été rejetée.
Sur la charge de la dette née de l'indemnité d'occupation :
C'est à juste titre que le tribunal a décidé que la société France Télécom (Orange) supportera l'intégralité de la dette puisque c'est elle qui a installé la société SFR sur les lieux, et ce depuis le 27 juillet 1998. Cette disposition du jugement n'est d'ailleurs pas critiquée par la société Orange.
En fin de compte le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
La société Orange sera en équité condamnée à payer aux consorts X...la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel. Elle sera condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société Orange à payer aux consorts X...la somme de trois mille euros (3 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Orange aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT