Ch. civile A
ARRET No
du 20 JANVIER 2016
R. G : 14/ 00447 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de Bastia, décision attaquée en date du 04 Mai 2009, enregistrée sous le no 07/ 00937 Arrêt Au fond, origine Cour d'Appel de Bastia, décision attaquée en date du 15 Juin 2011, enregistrée sous le no 09/ 00446 Arrêt Au fond, origine Cour de Cassation de Paris, décision attaquée en date du 30 Octobre 2012, enregistrée sous le no Y 1123019
X...Y... Z...
C/
Z... SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ÉTABLISSEMENT RURAL DE LA CORSE (SAFER)
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTES :
Mme Monique X......20137 PORTO VECCHIO
non représentée
Mme Marjorie Y... Z... ...20122 QUENZA
ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
M. Bertrand Z... Intervenant volontaire né le 07 Septembre 1981 à VILLEURBANNE (69100) ...69100 VILLEURBANNE
ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
SA SOCIETE D'AMENAGEMENT FONCIER ET D'ÉTABLISSEMENT R URAL DE LA CORSE (SAFER) poursuites et diligences de son représentant légal Maison de l'Agriculture 15 Avenue Jean Zuccarelli 20200 BASTIA
ayant pour avocat Me Angelise MAINETTI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 novembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Suivant courrier du 10 novembre 2006, complété par un courrier du 6 décembre 2006, Me B..., notaire, a adressé à la SAFER une notification valant offre de vente de parcelles agricoles cadastrées C 765 et C 764, appartenant à Mme Marjorie Y... Z..., dont l'acquisition devait être faite par Mme Monique X...aux termes d'une promesse de vente du 14 novembre 2006.
Le 6 février 2007 la SAFER a signifié au notaire une décision de préemption ; le 4 juin suivant, Mme Y...Z...a indiqué qu'elle renonçait à la vente.
Le tribunal de grande instance d'Ajaccio saisi par Mme Y...Z...et Mme X...a par jugement du 4 mai 2009 dit que la vente était parfaite à la date du 6 février 2007, débouté les demanderesses de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la SAFER, dit que celle-ci était propriétaire dudit bien, la condamnant à verser à la venderesse le montant du prix de vente.
La cour d'appel de Bastia, statuant le 15 juin 2012 sur l'appel interjeté par Mmes Y... Z... et X..., Bertrand Z... étant intervenu volontairement à l'instance au soutien de Mme Y...Z..., a infirmé le jugement et statuant à nouveau a déclaré irrecevable l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance soulevée par la SAFER, reçu Bertrand Z... en son intervention volontaire, déclaré nulle et de nul effet la promesse de vente du 14 novembre 2006 et la décision prise par la SAFER le 6 février 2007 d'exercer son droit de préemption sur les parcelles dont s'agit, condamné la SAFER aux entiers dépens d'appel et de première instance, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté toutes les autres demandes des parties.
La Cour de Cassation a cassé et annulé cet arrêt dans toutes ses dispositions le 30 octobre 2012 et renvoyé la cause et les parties devant la cour d'appel de Bastia.
Devant cette juridiction :
Le conseiller de la mise en état, saisi par la SAFER, a par ordonnance du 14 avril 2015 :
- rejeté les conclusions de nullité de l'assignation et d'irrecevabilité de l'intervention de M. Bertrand Z...,
- dit que l'affaire sera rappelée à l'audience de mise en état du 20 mai 2015 pour clôture et fixation,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux du fond,
- débouté la SAFER de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions au fond déposées le 17 juin 2014, Bertrand Z... et Marjorie Y... Z... demandent à la cour :
- de déclarer irrecevable l'exception de nullité de l'assignation introductive d'instance soulevée par la SAFER,
- de recevoir M. Bertrand Z... en son intervention volontaire,
- de déclarer nulle et de nul effet la promesse de vente du 14 novembre 2006 et la décision prise par la SAFER le 6 février 2007 d'exercer son droit de préemption,
- de dire irrecevable car tardif l'exercice du droit de préemption par la SAFER sur la parcelle C 765, fait hors délais,
- de condamner Mme X...et la SAFER à lui payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux dépens de première instance et d'appel.
Dans ses dernières conclusions déposées le 7 août 2014 la SAFER demande à la cour :
- de déclarer irrecevable l'action de Mme Y...Z...et de Mme X...,
- de déclarer irrecevable l'intervention volontaire de M. Bertrand Z...,
- en conséquence de rejeter toutes leurs demandes,
- subsidiairement, de confirmer le jugement du 4 mai 2009, les déboutant de toutes leurs demandes,
- et y ajoutant, en tout état de cause, de condamner Mme Y...Z...à payer à la SAFER la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel ainsi qu'en tous les dépens qui seront recouvrés par Me Angelise Maïnetti, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 mai 2015.
SUR CE :
La SAFER soulève l'irrecevabilité de l'action de Mme Y...Z...pour cause de forclusion, l'assignation introductive d'instance du 16 juillet 2007 étant nulle au regard de l'article 56 du code de procédure civile.
Mais c'est à juste titre que le conseiller de la mise en état a relevé que la SAFER, qui invoquait l'imprécision de l'acte, ne soutenait ni ne justifiait s'être trompé sur l'objet de la demande, de sorte qu'il n'existait aucun grief justifiant la nullité de l'assignation au regard de l'article 114 du code de procédure civile.
Les pièces versées aux débats, en particulier le procès-verbal de conseil de famille du 1er juillet 1985, la fiche individuelle d'état civil établie le 6 janvier 1995, font preuve de la filiation de Bertrand Z..., comme étant le fils de Lucien Y..., et par conséquent de sa qualité d'héritier du bien objet du litige, laquelle est encore reprise dans l'acte de notoriété de Me C... du 17 mai 2013.
M. Z... a donc un intérêt certain à intervenir en cause d'appel et son intervention est parfaitement recevable au regard de l'article 554 du code de procédure civile
Bertrand Z..., héritier de Lucien Y... comme Marjorie Y... Z..., était bien propriétaire des parcelles C 765 et C 764, que leur auteur avait acquises suivant acte authentique du 20 août 1965, acte dûment versé aux débats. Or, la déclaration d'intention d'aliéner établie par Me B...le 10 novembre 2006 n'indique comme vendeur que la seule Marjorie Z... Y..., sans qu'une quelconque référence à un mandat reçu de la part d'un autre indivisaire, en l'occurrence Bertrand Z..., pour procéder à la vente, n'y figure.
L'absence de mention, dans le document, de l'existence d'un autre propriétaire auquel Mme Y...Z...aurait pu donner mandat, empêche de considérer que la SAFER pouvait légitimement croire que le notaire était investi d'un mandat régulier pour engager tous les co-indivisaires.
C'est donc à tort que la SAFER soutient que le notaire bénéficiait d'un mandat apparent, rendant valide l'engagement de vente, alors même que le consentement exprès de l'un des propriétaires faisait défaut.
La notification du 10 novembre 2006, ainsi que la promesse de vente du 14 novembre 2006, sont donc frappées de nullité. En conséquence de quoi la décision de la SAFER d'exercer son droit de préemption est nulle et de nul effet
La question de la tardiveté de la préemption de la SAFER se trouve dès lors sans objet, celle-ci ne pouvant exercer aucun droit sur une notification invalidée.
L'équité n'impose pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront laissés à la charge de la SAFER, qui succombe.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré du 4 mai 2009 et statuant à nouveau :
Rejette l'exception de nullité de l'assignation du 16 juillet 2007,
Rejette en conséquence l'exception de forclusion de l'action de Mmes Y... Z... et X...,
Déclare nulle et de nul effet la promesse de vente du 14 novembre 2006 et la décision prise par la SAFER le 6 février 2007 d'exercer son droit de préemption sur la parcelle cadastrée section C 765 et le bâti cadastré C 764 sur la commune de Quenza,
Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAFER de Corse aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT