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20/01/2016 | FRANCE | N°12/00837

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 20 janvier 2016, 12/00837


Ch. civile A
ARRET No
du 20 JANVIER 2016
R. G : 12/ 00837 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 23 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00634

SA BCI
C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA BCI Venant aux droits de la Société ACR 1 Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice 8 Rue du Chastaing 45110 CHATEAUNEUF SUR LOIRE

assistée de Me Jean

Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Merouane BRAHIMI, avocat au barreau de NICE
INTIME :
M...

Ch. civile A
ARRET No
du 20 JANVIER 2016
R. G : 12/ 00837 JD-C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 23 Octobre 2012, enregistrée sous le no 11/ 00634

SA BCI
C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA BCI Venant aux droits de la Société ACR 1 Agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice 8 Rue du Chastaing 45110 CHATEAUNEUF SUR LOIRE

assistée de Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Merouane BRAHIMI, avocat au barreau de NICE
INTIME :
M. Didier Z...mandataire judiciaire ...06110 LE CANNET

assisté de Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean-Pierre FABRE, avocat au barreau de PARIS, Me Christophe BERARD, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 octobre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, magistrat du siège présent le plus ancien dans l'ordre des nominations à la Cour, faisant fonction de président de chambre, Mme Judith DELTOUR, Conseiller Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller

qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Aurélie CAPDEVILLE.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et par Mme Aurélie CAPDEVILLE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
PROCÉDURE
Alléguant la condamnation de la S. A. R. L. La Pinède au profit de la National Westminster Bank au paiement d'1 347 603 francs soit 205 440, 75 euros, la cession de la créance par la National Westminster Bank à la société ACR1, la production par cette dernière entre les mains de Me Didier Z...ès-qualités de liquidateur de la S. A. R. L. La Pinède, par acte en date du 23 mars 2009, la SA B. C. I venant aux droits de la société ACR1 a assigné Me Didier Z..., mandataire judiciaire, au visa de l'article 1382 du code civil, devant le tribunal de grande instance de Bastia, pour obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 216 840, 29 euros.

Par ordonnance en date du 28 janvier 2010, le juge de la mise en état a ordonné la production par la SA BCI des deux cessions de créance invoquées à 1'appui de sa demande en original pour la cession du 30 novembre 2005 et en copie pour celle du 13 mars 1998 et par arrêt du 8 novembre 2010, la cour d'appel a déclaré l'appel de cette ordonnance irrecevable.
Par jugement du 23 octobre 2012, le tribunal de grande instance de Bastia a déclaré irrecevable l'action intentée par la SA B. C. I à l'encontre de Me Z...et condamné la SA BCI au paiement des dépens et de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration reçue le 30 octobre 2012, la SA BCI a interjeté appel de la décision.
Par dernières conclusions communiquées le 17 février 2015, la SA BCI demande de
-dire son appel recevable et fondé,
- réformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- dire qu'elle avait parfaitement qualité pour agir,
- constater qu'elle a régulièrement produit devant le premier juge les différentes cessions de créances intervenues et que sa créance est établie,
- constater que le 18 décembre 1997 est intervenue une cession de créances entre la Banque NWB et la société FTI,
- constater que le 2 février 1998, aux termes d'un protocole, la société ACR1 a acquis les créances de la société FTI,
- constater que cette cession de créances a été régulièrement signifiée le 27 avril 1998,
- constater que ce n'est qu'après avoir été admise au passif de la S. A. R. L. La Pinède que la société ACR1 a régulièrement cédé à la société BCI sa créance, le 30 novembre 2005,
- constater que cette cession de créances a été régulièrement signifiée à Me Z...le 6 juillet 2006,
- réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia en ce qu'il a déclaré irrecevable son action à l'encontre de Me Z...,
- recevoir son action en responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- dire que la responsabilité civile de Me Z...est bien établie,
- condamner Me Z...à lui payer la somme de 216 840, 29 euros en principal, majoré des intérêts, frais et accessoires en réparation du préjudice subi, à compter de l'assignation introductive d'instance,
- constater que Me Z..., dans ses conclusions déposées le 11 mars 2013, fait état d'un passif d'environ 2 420 604, 24 euros pour lequel il n'est produit ni le détail et les justificatifs de la déclaration de créance de la Société Fabricimmo pour 531. 224, 51 euros ni le détail et les justificatifs de la déclaration de créance de la Caisse de Crédit Mutuel, à titre privilégié et à titre chirographaire,
- constater que Me Z..., à la suite de la procédure ouverte à l'encontre de M. X..., en violation des dispositions de l'article 51 du décret du 27 décembre 1985, n'a procédé à aucun inventaire des actifs détenus par les époux X..., dont ceux détenus au travers de S. C. I.,
- constater que Me Z...devait, conformément aux dispositions du décret du 27 décembre 1985 et l'article 54-1- II (4. 6. 4) conserver par devers lui l'ensemble de ses archives,
- constater en absence de production des déclarations de créances de la société Fabricimmo et de la Caisse du Crédit Mutuel et en absence de production de l'inventaire qui aurait dû être établi par Me Z..., des actifs détenus par les époux X..., dont ceux détenus au travers de S. C. I., que les prétentions de Me Z...ne sauraient être accueillies,
- constater que venant aux droits de la National Westminster Bank, elle est le seul créancier de la S. A. R. L. La Pinède,
- constater qu'elle justifie d'un préjudice spécifique distinct dont elle est fondée à demander réparation, dire que ce préjudice s'établit à hauteur de la somme de 216 840, 29 euros sauf à diminuer,
- condamner Me Z...au paiement des entiers dépens avec distraction et de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle a régulièrement communiqué les pièces justifiant de sa créance, que la société ACR1 de qui elle tient ses droits a produit entre les mains du liquidateur sa créance chirographaire, qu'elle a alerté le mandataire judiciaire sur les agissements frauduleux de la S. A. R. L. La Pinède, par courrier du 10 mai 1999 et début 2001, qu'elle lui a signifié son accord pour faire l'avance des frais de procédure en vue d'extension de la procédure contre le gérant, que la veille de la prescription Me Z...a confié la procédure à un avocat. Elle ajoute qu'elle n'a pas été tenue informée des décisions même si elle a fait l'avance des frais, que le 21 septembre 2004 Me Z...l'a assurée de la vente des actifs immobiliers détenus par M. X..., que l'examen des pièces de comptabilité détenues par Me Z...permettait de constater qu'il disposait des éléments nécessaires à contrer M. X..., qu'elle l'a donc mis en demeure de l'indemniser. Elle fait valoir qu'il était avisé dès mai 1999 des conditions dans lesquelles M. X... avait mis fin aux activités de la S. A. R. L. La Pinède en s'immatriculant comme commerçant pour exercer les mêmes activités, que le tribunal de commerce l'a constaté et l'a condamné, que cependant Me Z...n'a effectué aucune diligence pour obtenir la remise des documents comptables et que lors de l'extension de la procédure à M. X..., Me Z...s'est abstenu de rapporter la preuve dont il disposait pourtant de ce que la S. A. R. L. La Pinède avait poursuivi ses activités jusqu'à ce que M. X... détourne ses activités, ce qui ressortait des mentions de l'exercice comptable 1994 et du grand livre des comptes au 31 décembre 1995. Elle invoque la carence de Me Z..., en possession des écritures de M. X... contestant la poursuite de ses activités, qui a permis à ce dernier d'échapper aux poursuites, alors que la preuve d'un détournement d'actif y figurait. Elle ajoute qu'en omettant de relever l'assèchement des comptes de la S. A. R. L. La Pinède et le transfert frauduleux du fonds de commerce, seul gage des créanciers, qu'en ne déposant pas plainte pour abus de biens sociaux, Me Z...a manqué à ses obligations et ce faisant lui a fait perdre toute chance de recouvrer sa créance, lui causant un préjudice personnel distinct. Elle expose que Me Z...ne démontre nullement ses allégations relativement au passif allégué de M. X..., qu'elle a procédé aux recherches omises par le liquidateur, qui démontrent que M. X... dispose d'un patrimoine immobilier de grande valeur, que Me Z...n'a pas assuré la conservation des pièces qui lui étaient remises et n'a pas fait dresser inventaire des biens du débiteur.
Par dernières conclusions communiquées le 13 mars 2015, M. Didier Z...demande, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 46 de la loi du 25 janvier 1985 et 1382 du code civil, de
-dire la SA BCI irrecevable, faute de qualité et d'intérêt, en ses action et demandes,
- confirmer le jugement entrepris,
Subsidiairement, de
-dire que la SA BCI ne fait pas la preuve d'un préjudice en lien causal avec une faute qu'il aurait commise, qu'il n'a commis aucune faute,
- la débouter de ses prétentions,
- la condamner au paiement des dépens, avec distraction pour les dépens d'appel et de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il expose que la demande est irrecevable à défaut de preuve des cessions de créances successives, et notamment de la première cession entre National Westminster Bank et ACR1 le 13 mars 1998, que la production à hauteur d'appel n'est pas suffisante et que la signification de cession de créance le 6 juillet 2006 ne dénonce qu'une attestation notariée sans acte de cession de créance. Il ajoute qu'à supposer démontré que la SA BCI vient aux droits de la National Westminster Bank au titre de la créance alléguée, il s'agirait d'une créance chirographaire, déclarée par un créancier au passif de la liquidation de la S. A. R. L. La Pinède, elle ne peut démontrer un préjudice personnel et distinct du non règlement d'une créance déclarée au passif, solution opposable au créancier et au mandataire, avant et après clôture pour insuffisance d'actif. Il ajoute qu'elle n'est pas seule créancière, qu'il existe une créance fiscale privilégiée et qu'indépendamment des arguments développés elle est dépourvue de qualité à agir. A titre subsidiaire, il estime que la SA BCI ne démontre pas la faute qu'elle allègue tenant à sa négligence à verser des pièces et à l'informer du déroulement de la procédure et qu'il n'a été destinataire d'aucun des documents de nature à établir la confusion des patrimoines. Il ajoute qu'il a engagé deux actions judiciaires en annulation de cession de fonds en période suspecte et en extension sanction, que cette dernière a été accueillie favorablement par le tribunal de commerce mais rejetée par la cour d'appel qui a considéré qu'il lui appartenait de démontrer la poursuite d'activité, qu'il ne peut répondre de l'aléa judiciaire au lieu et place des professionnels qui l'assistaient. Il fait valoir que la SA BCI supporte seule la charge de la preuve du préjudice qu'elle allègue et du lien de causalité avec la faute invoquée, qu'il n'a plus qualité et ne dispose plus du dossier de la liquidation judiciaire de la S. A. R. L. La Pinède, que le délai de conservation des pièces est de 5 ans, qu'il peut seulement produire ce qu'il a trouvé, sur les créances du Crédit Mutuel et de Fabricimo, que la loi ne lui impose pas un inventaire des actifs immobiliers, qu'il s'est heurté au refus de M. X... et qu'il a été en fonction pendant 13 mois. Il considère que la SA BCI ne justifie pas l'intérêt d'un report de la date de cessation des paiements, qu'alléguant une perte de chance, elle ne peut réclamer l'intégralité de la créance, ni le paiement d'une créance déclarée au passif donc ayant un caractère collectif et qu'elle omet le passif personnel de M. X... et ne démontre pas que la masse des actifs aurait permis de payer l'intégralité du passif, que la perte de chance est nulle. Il ajoute que le préjudice allégué ne saurait excéder 22 867, 35 euros montant du prix de la cession de créance, que cette opération est aléatoire, que le risque accepté par la National Westminster Bank qui a laissé se créer un solde débiteur de 916 710, 05 francs outre les intérêts, est opposable à la demanderesse qui vient à ses droits, de même qu'elle a laissé s'écouler un délai anormalement long entre la réclamation en paiement des découverts et l'obtention du titre exécutoire. Il estime que l'assignation en redressement judiciaire n'est pas un mode de recouvrement des créances, que l'appelante répond des négligences et des erreurs de ses prétendus auteurs successifs, qu'elle doit assumer le risque d'avoir acquis une créance ancienne déjà cédée sur une société en liquidation judiciaire, ne détenant aucun actif.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 avril 2015.
L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 22 octobre 2015.
L'affaire a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2016.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité
En application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En l'espèce, l'appelante justifie de la cession par la National Westminster Bank de son portefeuille de créances échues dont le remboursement est incertain à FTI par un contrat cadre par acte sous seing privé 18 décembre 1997, de la cession par FTI le 2 février 1998 de cette cession à ACR1 le 2 février 1998, à charge pour cette dernière d'établir chaque acte distinct de cession de créance par acte sous seing privé. Elle démontre que le portefeuille cédé comprenait le 17 décembre
1997, les dettes de la S. A. R. L. La Pinède pour 848 290 60 et 499 125, 33 francs. Elle justifie de la signification le 27 avril 1998 à la S. A. R. L. La Pinède de la cession de créance de la National Westminster Bank à la société ACR1, pour un montant d'1 347 603, 90 et de l'admission de sa créance au passif de la S. A. R. L. La Pinède le 15 mai 2001 pour 1 717 559, 73 francs. Elle établit que la société ACR1 lui a cédé sa créance par acte sous seing privé du 30 novembre 2005 dans un portefeuille de créances bancaires compromises. Cette cession de créance a été signifiée par acte du 6 juillet 2006 à Me Z...ès-qualités de liquidateur de la S. A. R. L. La Pinède, avec de surcroît une attestation notariée rappelant les actes sous seing privé portant cession de créance. Ces pièces suffisent à démontrer l'intérêt à agir de la société BCI et l'information suffisante du débiteur cédé, d'autant que l'acte de cession de créance n'est pas obligatoirement joint à la signification. Me Z...ne démontre pas l'insuffisance de l'information, dont il avait parfaitement connaissance, puisque la S. A. R. L. La Pinède avait été assignée en liquidation judiciaire par la société ACR1 venant aux droits de la National Westminster Bank, ainsi qu'établi par le jugement du tribunal de commerce du 19 mars 1999, le désignant mandataire liquidateur. La cession de créance transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant, attachés à la créance cédée et notamment sauf stipulation contraire, l'action en responsabilité contractuelle ou délictuelle, fondée sur la faute antérieure d'un tiers dont est résultée la perte ou la diminution de la créance, à l'exclusion des actions extra-patrimoniales, des créances incessibles ou strictement personnelles au cédant.
Sans qu'il soit besoin de procéder aux constats sollicités, la SA BCI doit être déclarée recevable en son action et le jugement infirmé en ses dispositions contraires.
Sur le fond
La responsabilité civile professionnelle du mandataire de justice peut être recherchée dans les conditions de l'article 1382 du code civil, qui dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, devant le tribunal de grande instance, dans les conditions de cette disposition légale, qui imposent de démontrer une faute, un préjudice et un lien de causalité.
Outre les obligations déontologiques rappelées par l'arrêté du 14 janvier 2009, le mandataire judiciaire désigné par le jugement du 19 mars 1999 avait l'obligation de procéder à l'inventaire précis des biens du débiteur et de déposer la liste des créances. Il avait également les obligations usuelles de dresser les comptes annuels s'ils n'avaient pas été établis, de procéder à l'estimation chiffrée de tous les biens détenus par le débiteur. En l'espèce, Me Z...a requis de M. X... gérant de la S. A. R. L. La Pinède, le 22 mars 1999, le 22 septembre 1999 et le 6 octobre 1999 les pièces et documents relatifs à l'activité et au patrimoine de la société. Me Z...a envisagé de concert avec la ACR1 l'extension de la procédure collective à M. X... (courriers mars 2001), cette société, admise au passif, faisant même l'avance des frais notamment d'avocat pour ce faire. Le 19 septembre 2003, le tribunal de commerce d'Antibes a ouvert une procédure de liquidation judiciaire contre M. X... à raison des faits commis en sa qualité de dirigent de la S. A. R. L. La Pinède, mise en liquidation, considérant que ce dernier s'était approprié le fonds de commerce de la S. A. R. L. en 1994 et qu'il en avait revendu certains éléments en 1997 pour 1 240 000 francs, qu'il s'était installé à la même adresse ayant repris la même enseigne, ainsi qu'établi par les extraits Kbis. La date de cessation des paiements étant fixée eu 19 septembre 1997, par acte déposé le 31 décembre 1997 entre les mains de Me Blaringhem notaire, mais supposé établi le 8 septembre 1997, en un seul exemplaire, M. Charles X... a cédé à M. Y...agent immobilier, des éléments du fonds de commerce pour 1 240 000 francs sous conditions suspensive de l'obtention d'un prêt et par suite usant de la faculté de substitution, la S. A. R. L. Fabricimmo, ayant la même adresse, la même activité que la S. A. R. L. La Pinède, s'est substituée à M. Y....
Me Z...qui ne disposait pas des comptes de la société et qui ne disposait pas des documents compte tenu de la carence et de la réticence de M. X..., devait faire établir un inventaire précis et une estimation chiffrée des biens du débiteur. En s'abstenant de ce faire dès qu'il avait constaté la rétention de ces informations par M. X..., c'est-à-dire dès 1999, il a laissé à ce dernier toute latitude pour priver la société et consécutivement ses créanciers, de partie des biens corporels et incorporels, notamment en reprenant la même activité dans des conditions trompeuses pour les tiers. Si l'arrêt du 27 octobre 2004 n'a pas retenu l'existence d'une confusion de patrimoines entre M. X... et la S. A. R. L. La Pinède, ce dernier avait expressément demandé de juger et donc reconnu l'existence d'une cession gratuite à son seul profit du fonds de commerce de la S. A. R. L. La Pinède et la cession résultant de l'acte entre lui et Fabricimmo, alors que cette dernière exerçait les mêmes activités à la même adresse que la S. A. R. L. La Pinède, suivant l'attestation de la préfecture du 7 septembre 2004.
Le relevé hypothécaire et l'enquête de patrimoine établie le 28 novembre 1994, mettent en évidence que M. X... disposait d'un patrimoine immobilier important, tant à Arras qu'à Antibes, à l'adresse d'ailleurs de la S. A. R. L. La Pinède et dirigeait de nombreuses sociétés, agences immobilières ou sociétés de location de biens immobiliers. De plus, le compte rendu d'entretien du 22 décembre 1993 met en évidence que M. X... évaluait son patrimoine à 14 millions de francs en France et 1 million de francs en Suisse, comprenant des S. C. I., l'agence immobilière, l'activité de marchand de biens, un voilier et un anneau, des studios en résidence étudiante. Une investigation en 2013 mettait en évidence que les époux X... avaient chacun une agence immobilière à Antibes, qu'ils étaient propriétaires de biens en leur nom propre ou en qualité d'associés dans la S. C. I. La Colombière et la S. C. I. Julie, gérées par Caroline et Julie X..., portant sur des immeubles à Paris et Arras notamment.
Autrement dit, malgré l'endettement dont M. X... faisait état lors de l'entretien du 22 décembre 1993 et malgré la procédure de liquidation judiciaire de la S. A. R. L. La Pinède, son gérant M. X... a poursuivi ses activités sur le marché immobilier et constitué un patrimoine immobilier pour lui et ses proches.
La liquidation judiciaire a été clôturée le 14 mars 2008 pour insuffisance d'actif. La situation du passif produite du 11 mars 2010 n'est pas probante à défaut d'être accompagnée des déclarations de créances, d'autant que celle du 22 mars 2000 ne comportait que la créance du trésor public et celle litigieuse. En tous cas, les créances " familiales " des consorts X... ont été inscrites en vertu de relevé de forclusion de juillet 2004 et la créance du Crédit Mutuel n'est pas plus justifiée que celle de Fabricimmo. Me Z...reconnaît expressément que l'activité de la S. A. R. L. La Pinède n'a pas cessé mais s'est poursuivie par l'activité de son dirigeant et il est établi par l'attestation de la préfecture de la S. A. R. L. Fabricimmo a exercé la même activité dans les mêmes locaux à compter du 10 avril 1998.
La faute de Me Z..., à savoir son manquement à l'obligation de dresser inventaire précis et une estimation chiffrée des biens du débiteur, a permis au débiteur, en la personne de son gérant d'en modifier la consistance au détriment des créanciers et au bénéfice du gérant à titre personnel et d'une autre société. Me Z...aurait dû, en application des articles L 631-8 du code de commerce et compte tenu de la chronologie des événements et de la production de l'acte déposé le 31 décembre 1997 entre les mains de Me Blaringhem notaire, mais supposé établi le 8 septembre 1997, solliciter un report de la date de cessation de paiements fixée au 19 septembre 1997. En effet, en considération de cet " acte ", la liquidation devient inévitable puisque la S. A. R. L. La Pinède se trouve privée, par son gérant et au bénéfice de son gérant d'ailleurs, d'une partie de son patrimoine, d'autant que les actes " gratuits " sont susceptibles d'être annulés. Malgré l'aléa judiciaire et l'aléa lié au rachat de créances douteuses, c'est le manquement de Me Z...qui est à l'origine de la perte de chance de la société BCI de recouvrer tout ou partie de sa créance, qui lui a causé un préjudice personnel.
En revanche, cette perte de chance se liquide en dommages et intérêts et ne permet pas de substituer un débiteur à un autre, puisqu'elle a déclaré une créance à la liquidation et réclame l'indemnisation d'une perte de chance au liquidateur. Me Z...qui a manqué à ses obligations et qui a été payé par priorité, ne peut reprocher aucune négligence à la SA BCI dans le recouvrement de sa créance. A l'inverse, elle a agi sur la base d'un titre de condamnation, elle se trouve à l'origine de l'ouverture de la procédure collective et elle a financé la procédure judiciaire contre M. X.... Me Z...estime que le préjudice allégué ne saurait excéder 22 867, 35 euros montant du prix de la cession de créance, compte tenu de l'aléa et du risque inhérent au rachat de créances douteuses. L'éventuelle faute du créancier originaire, la NationalWestminster Bank n'est ni démontrée ni opposable à la SA BCI. Il peut d'autant moins invoquer une carence du créancier qu'il connaissait sa créance, qu'il savait qu'elle était à l'origine de la liquidation, qu'il a été spécialement averti dès mai 1999 des agissements frauduleux du gérant et que le créancier a agi en justice en finançant la procédure contre ce dernier. Compte tenu de ces éléments, de la faute de Me Z..., du préjudice subi par l'appelante et du lien de causalité entre ces deux éléments, Me Z...sera condamné à payer à la SA BCI la somme de 22 867, 35 euros de dommages et intérêts. La SA BCI sera déboutée du surplus de ses demandes.

Me Z..., mandataire judiciaire, qui succombe sera condamné au paiement des dépens de première instance et d'appel et d'une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Me Canarelli sera autorisé par application de l'article 699 du code de procédure civile à recouvrer prioritairement les sommes dont avance aurait été faite sans avoir reçu provision, en application de l'article 699 du code de procédure civile. Les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires de ce chef.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Constate la qualité à agir de la SA BCI et déclare l'action recevable,
- Constate, en application de l'article 1382 du code civil, la faute de Me Z...liquidateur désigné par jugement du tribunal de commerce d'Antibes du 19 mars 1999 mandataire à la procédure collective de la S. A. R. L. La Pinède, dans l'exécution de sa mission,
- Condamne Me Didier Z...à payer à la SA BCI une somme de vingt deux mille huit cent soixante sept euros et trente cinq centimes (22 867, 35 euros) de dommages et intérêts en réparation de son préjudice issu de la perte de chance de recouvrer tout ou partie de sa créance dans le cadre de la procédure collective,
- Condamne Me Didier Z...au paiement des dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de Me Canarelli, en application des articles 696 et 699 du code de procédure civile,
- Condamne Me Didier Z...à payer à la SA BCI une somme de deux mille euros (2 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00837
Date de la décision : 20/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-01-20;12.00837 ?
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