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13/01/2016 | FRANCE | N°14/00846

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 13 janvier 2016, 14/00846


Ch. civile A

ARRET No
du 13 JANVIER 2016
R. G : 14/ 00846 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 02 Octobre 2014, enregistrée sous le no 11/ 01050

SA CLINIQUES D'AJACCIO
C/
X... A...Consorts X...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA CLINIQUES D'AJACCIO Prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège 12 Avenue Napoléon III 20000 Ajaccio

a

ssistée de Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean LUISI, a...

Ch. civile A

ARRET No
du 13 JANVIER 2016
R. G : 14/ 00846 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 02 Octobre 2014, enregistrée sous le no 11/ 01050

SA CLINIQUES D'AJACCIO
C/
X... A...Consorts X...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANTE :
SA CLINIQUES D'AJACCIO Prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège 12 Avenue Napoléon III 20000 Ajaccio

assistée de Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me Jean LUISI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Mme Yvonne X... épouse Y...née le 18 Janvier 1942 à AJACCIO ...38240 MEYLAN

ayant pour avocat Me Antoine VINIER ORSETTI, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Bernard RAPP, avocat au barreau de LILLE

Mme Michèle Suzanne A... veuve X... née le 07 Octobre 1947 à AJACCIO ...20166 PIETROSELLA

assistée de Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO

Mme Carole Cécile X... née le 01 Octobre 1978 à AJACCIO ...13005 MARSEILLE

assistée de Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO
M. Stéphane Paul X... né le 01 Octobre 1971 à AJACCIO ...20000 AJACCIO

assisté de Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO

M. Thomas François X... né le 07 Décembre 1974 à AJACCIO ...13004 MARSEILLE

assisté de Me Anne Marie LEANDRI de la SCP LEANDRI LEANDRI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 novembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2016.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suivant acte sous seing prive en date du 28 décembre 1988, Mme Yvonne X... épouse Y...et Mme Michele A... veuve X..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal sous contrôle judiciaire de ses enfants mineurs Thomas, Carole et Stephane X..., ont donné à bail commercial à la S. A. R. L. Clinique X... des locaux à usage de bureaux dans un immeuble situé boulevard Lantivy à Ajaccio, lequel bail, prenant effet le 1er janvier 1989, prévoyait un loyer annuel de 240 000 francs (36 587, 76 euros) et une clause d'indexation triennale en fonction de l'indice INSEE du coût de la construction (indice de référence 912).

Dans le cadre de la procédure collective ouverte au bénéfice de la S. A. R. L. Clinique X..., ledit bail commercial a été cédé avec le fonds dc commerce de cette dernière à la S. A. Cliniques d'Ajaccio, enseigne " Clinique du Golfe ", le 10 août 1999, et s'est poursuivi jusqu'à un congé avec offre de renouvellement délivré le 31 juillet 2008 pour le 15 février 2009, et accepté par le cessionnaire sous réserve de la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative du bien.
Par acte d'huissier de justice du 03 août 2009, Mme Yvonne X..., Mme Michèle A..., M. Thomas X..., Mme Carole X..., et M. Stéphane X..., ont fait délivrer à la S. A. Cliniques d'Ajaccio un commandement de payer la somme principale de 37 904, 13 euros au titre d'un arriéré de loyers échus de septembre 2007 à août 2009, outre les frais, ledit commandement visant la clause résolutoire insérée au bail commercial.
Par acte d'huissier de justice du 18 août 2009, la S. A. Cliniques d'Ajaccio a fait assigner les consorts Y...-X... devant le Juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins d'annulation du commandement précité.
Par jugement du 21 septembre 2011, 1e juge de l'éxécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio s'est déclaré matériellement incompétent au profit du tribunal de grande instance d'Ajaccio, au motif que la contestation de la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire insérée an bail commercial liant les parties n'était pas apparue à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée.
La SA Cliniques d'Ajaccio a alors poursuivi l'instance précitée devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio, conformément aux dispositions de l'article 97 du code de procédure civile, par conclusions signifiées le 24 janvier 2012.
Par ordonnance du juge de la mise en état en date du 06 juillet 2012, M. Jacky E...a été désigné en qualité d'expert aux fins, notamment, de fixer la valeur locative des lieux en cause au 03 août 2009.
Le rapport définitif d'expertise judiciaire, rédigé le 25 mars 2013, a été déposé le 03 avril 2013.

Par jugement du 2 octobre 2014, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

- dit que la délivrance, par Mme Yvonne Y... née X..., Mme Michèle A... veuve X..., Mme Carole X..., M. Stéphane X... et M. Thomas X..., du congé avec offre de renouvellement suivant exploit d'huissier de justice du 31 juillet 2008 a emporté renouvellement du bail commercial signé le 28 décembre 1988, ayant pris effet le 1er janvier 1989, et cédé le 10 août 1999 à la S. A. Cliniques d'Ajaccio, à compter du 15 février 2009,
- dit que la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail commercial précité le 03 août 2009 n'a eu aucun effet sur le renouvellement dudit bail au 15 février 2009 aux clauses et conditions antérieures à cette dernière date,
- rejeté la demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 03 août 2009,
- condamné la S. A. Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne Y... née X..., Mme Michèle A... veuve X..., Mme Carole X..., M. Stéphane X... et M. Thomas X... la somme de 48 570, 18 euros au titre de l'arriéré de loyers compris entre le 1er janvier 2007 et le 31 juil1et 2009, avec intérêts au taux légal à compter du 03 août 2009,
- condamné la SA. Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne X..., Mme Michèle A..., Mme Carole X... M. Stéphane X... et M. Thomas X... la somme de 36 976, 32 euros au titre de l'arriéré de loyers compris entre le 1er août 2009 et le 31 juillet 2012, et ce dans la limite de 36 975, 33 euros si le paiement intervient entre les mains de Mme Michèle A... veuve X..., Mme Carole X..., M. Stéphane X... et M. Thomas X..., avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
- fixé le montant du loyer du bail commercial précité à la somme mensuelle de 4 107, 04 euros à compter du 1er août 2012,
- condamné en conséquence la S. A. Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne X..., Mme Michèle A..., Mme Carole X..., M. Stéphane X... et M. Thomas X... la somme de 1 107, 04 euros par loyer échu à compter du 1er août 2012 et réglé à hauteur de 3 000 euros jusqu'au présent jugement,
- rappelé qu'il ne lui appartient pas de condamner la S. A. Cliniques d'Ajaccio au titre de loyers non encore échus,
- condamné la S. A. Cliniques d'Ajaccio à payer d'une part à Mme Yvonne X... la somme de 1 500 euros, et d'autre part à Mme Michèle A..., Mme Carole X..., M. Stéphane X... et M. Thomas X... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SA. Cliniques d'Ajaccio aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, et à l'exception des frais du commandement de payer délivré le 03 août 2009, dont distraction pour Mme Yvonne Y... née X... au profit de Me Vinier Orsetti, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration du 22 octobre 2014, la SA Cliniques d'Ajaccio a interjeté appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 19 janvier 2015, la SA Cliniques d'Ajaccio demande :

- à titre principal, de dire et juger que la clause d'échelle mobile du bail est réputée non écrite, et qu'en conséquence, les demandes formulées dans le commandement sont irrecevables,
- dire et juger que l'inaction du bailleur dans les deux ans qui ont suivi le congé du 31 juillet 2008 a entraîné le renouvellement du bail aux clauses et conditions antérieures à compter de son échéance, soit à compter du 15 février 2009,
- déclarer nul et de nul effet le commandement de payer en raison de son imprécision, au motif qu'il a pour objet l'application rétroactive, tardive et déloyale, de la clause d'échelle mobile,
- à titre subsidiaire, faire application de l'article L145-39 du code de commerce, et fixer le prix du bail à compter du 15 février 2009 à la valeur locative des lieux telle que fixée par l'expert à savoir 4 027, 12 euros par mois,
- lui accorder des délais de paiement sur 24 mois,
- en toute hypothèse, condamner les bailleurs à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que la circonstance selon laquelle initialement, les consorts X... se louaient les locaux à eux-même, sous la forme de la SARL Clinique X... explique le montant très important du loyer.
Elle affirme que la clause de révision triennale du bail n'emporte pas révision automatique de celui-ci, mais qu'elle doit expressément être mise en jeu par une initiative du bailleur, et à la date anniversaire de prise du bail, c'est-à-dire au premier janvier de chaque année. Elle estime que le premier juge a dénaturé cette clause, et que l'inaction du bailleur pendant près de 20 ans pour en demander l'application, y compris lors de la cession du bail en 1999 dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la SARL Clinique X..., équivaut à un renoncement au bénéfice de cette clause.
A cet égard elle rappelle qu'en application de l'article 1162 du code civil, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, et que la jurisprudence n'écarte la présomption de renonciation du bailleur au bénéfice de la clause que lorsque celle-ci est qualifiée d'automatique dans le contrat.
La SA Cliniques d'Ajaccio considère qu'une clause d'indexation triennale qui ne stipule pas qu'elle est automatique ne constitue qu'une clause de style qui renvoie à la révision légale tous les trois ans, et que c'est ainsi qu'elle doit être comprise en l'espèce, considérant que lorsqu'elle a été stipulée, bailleur et locataires étaient les mêmes personnes.
Selon l'appelante, le commandement encourt la nullité, en vertu d'une jurisprudence bien établie, dès lors qu'il n'indique ni le détail ni le mode de calcul de la somme sur laquelle il porte, et qu'il ne permet dès lors pas au locataire de savoir ce qui lui est réclamé, et qu'il ne vise que des " loyers impayés ".
Elle ajoute que le premier juge, qui a considéré qu'en l'état de l'inaction des parties suite au congé avec offre de renouvellement du 31 juillet 2008, a emporté renouvellement du bail aux conditions antérieures, n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, puisque ce sont les conditions du bail et le montant du loyer payé à la date de délivrance du congé c'est-à-dire 3 000 euros par mois, qui devaient s'appliquer. Elle estime que le commandement ne pouvait porter sur une indexation conventionnelle antérieure au congé.
Le commandement de payer contrevient selon l'appelante aux dispositions de l'article L145-39 du code de commerce, et constitue par ailleurs un procédé déloyal et brutal puisque c'est parce que les bailleurs savaient que le loyer était bien supérieur à la valeur locative du bien, et que celle-ci leur serait défavorable dans le cadre du congé, qu'ils ont délivré un commandement visant l'application rétroactive sur 20 ans de la clause d'indexation.
Subsidiairement, si le commandement devait ne pas être annulé, et si la clause d'échelle mobile devait être appliquée, la SA Cliniques d'Ajaccio arguant de ce qu'elle représentait une augmentation de plus de 25 % du loyer, sollicite l'application de l'article L145-39 du code de commerce, et d'appliquer la valeur locative proposée par l'expert E..., à savoir 4 027, 12 euros par mois.

Par conclusions déposées le 16 mars 2015, Mme Yvonne X... sollicite la confirmation pure et simple du jugement entrepris, et la condamnation de la SA Cliniques d'Ajaccio à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter tous les dépens, y compris le coût de l'expertise et celui du commandement, dont distraction au profit de Me Vinier-Orsetti avocat.

Elle rappelle qu'elle a réclamé les montants afférents à la réévaluation des loyers antérieurement au 1er janvier 2007 à plusieurs reprises, et que la preneuse ne lui a pas répondu.

Elle fait valoir qu'à compter de la réclamation du montant révisé du loyer par les indivisaires, c'est-à-dire à compter du 1er janvier 2007, la SA Cliniques d'Ajaccio aurait du payer un loyer de 4 566, 78 euros HT par mois, soit un total de 141 570, 57 euros pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 juillet 2009, alors qu'elle n'a réglé que la somme de 93 000 euros, de sorte qu'elle reste devoir sur cette période la somme de 48 570, 57 euros, qu'elle devra être condamnée à régler avec les intérêts au taux légal à compter du commandement du 3 août 2009.
Elle ajoute qu'elle accepte le montant de la valeur locative telle que fixée par l'expert à compter du 1er août 2009, mais qu'elle entend que lui soit appliquée la clause de révision triennale et qu'à ce titre, la société locataire lui doit encore la somme de 36 976, 32 euros pour la période allant du 1er août 2009 au 31 juillet 2012, la somme de 11 070, 43 euros pour la période allant du 1er août 2012 au 1er mai 2013, et une somme de 1 107, 04 euros par mois pour la période postérieure.
Mme X... considère que la clause d'indexation est parfaitement claire, et que c'est avec mauvaise foi que la SA Cliniques d'Ajaccio tente aujourd'hui de la présenter comme obscure ou inopérante, et qu'il s'agit ainsi que l'a retenu le premier juge, d'une clause d'échelle mobile ayant pour effet de modifier automatiquement et de plein droit le loyer à l'échéance de chaque période d'indexation fixée, et non à compter de la demande comme dans le cas d'une révision triennale, puisque dans sa rédaction même, la clause stipule qu'elle est indépendante de la révision légale prévue par les articles 26 et 27 du décret du 30 septembre 1953.
Elle rappelle que le fait que le bailleur n'ait pas pendant plusieurs années, demandé l'application de la clause ne saurait s'analyser en une renonciation au bénéfice de celle-ci.
Elle estime que la SA Cliniques d'Ajaccio rajoute à la loi des conditions qu'elle ne contient pas en ce qui concerne la validité du commandement de payer.

Par conclusions déposées le 19 mars 2015 Mme Michèle Suzanne A..., Melle Carole X..., M. Stéphane X..., M. Thomas X... demandent à la cour de confirmer le jugement appelé, sauf sur le calcul des sommes dues par la SA Cliniques d'Ajaccio, et sollicitent la condamnation de cette dernière à leur payer les sommes suivantes :

-48 570, 57 euros pour la période allant du 1er janvier 2007 au 31 juillet 2009,
-36 975, 33 euros pour la période allant du 1er août 2009 au 31 juillet 2012,

-22 653, 69 euros pour la période allant du 1er août 2013 au 31 janvier 2014,

- la somme de 4 332, 57 euros par mois à compter du 1er février 2014.
Les consorts X... entendent que la SA Cliniques d'Ajaccio soit déboutée de l'ensemble de ses prétentions, et condamnée à leur payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.
La clause d'échelle mobile stipulée au bail, est selon eux bien distincte de la révision triennale du loyer prévu par l'article L145-38 du code de commerce, ainsi que l'a retenu le premier juge.
Elle souligne que l'appelante, qui se plaint d'une application déloyale du bail par les bailleurs, sous-loue les locaux à de nombreux médecins, pour une somme bien supérieure au montant du loyer.

La clôture de la procédure a été prononcée le 15 avril 2015, et l'affaire fixée pour être plaidée au 09 novembre 2015.

MOTIFS

-Sur la clause de révision du loyer

Les parties sont liées par un bail commercial ayant pris effet le 1er janvier 1989, fixant le loyer à 240 000 francs HT par an, et comprenant une clause de révision ainsi rédigée : " Il sera révisable en plus ou en moins, à l'initiative du bailleur tous les trois ans à la date anniversaire de la prise d'effet du bail, telle que définie ci-dessus et pour la première fois le 1er janvier 1992, en fonction du taux de variation de l'indice officiel du coût national de la construction publié par l'INSEE et ce, conformément aux dispositions des articles 26 et 17 du décret du 30 septembre 1953. L'indice de référence est celui du 2ème trimestre 1988, s'levant à 912. Les clauses qui précèdent constituent une indexation conventionnelle et ne se réfèrent pas à la révision triennale prévue par les articles 26 et 27 du décret du 30 septembre 1953 et qui est de droit ".

Ainsi il résulte de la rédaction de cette clause que si le loyer est révisable tous les trois ans, à la date anniversaire de prise d'effet du bail, en fonction de l'indice du coût de la construction, comme le prévoient les articles 26 et 27 du décret du 30 septembre 1953 aujourd'hui codifiés, les parties ont entendu soustraire cette clause à ces mêmes dispositions en ce qui concerne ses modalités de mise en oeuvre.
C'est le sens et l'objet du deuxième paragraphe de la clause, qui exprime clairement une dérogation à ces dispositions, mais aussi des indications aux termes desquelles la révision est " conventionnelle ", et se fait " à l'initiative du bailleur ". La révision peut donc être effectuée à la demande et sur la seule volonté de ce dernier, et sans avoir à respecter les formes et conditions exigées par l'article 26 du décret, à savoir la nécessité d'un acte extra-judiciaire ou d'une lettre recommandée, mais surtout la nécessité de l'accord de l'autre partie, à défaut duquel c'est le juge qui aurait du fixer le montant du loyer révisé.
C'est donc bien une clause d'échelle mobile, conférant à la révision triennale du loyer un caractère automatique dès lors que le bailleur en réclame l'application, qui a été stipulée au bail.
L'absence de doute dans la nature de la clause rend inopérant en l'espèce l'article 1162 du code civil, sur l'interprétation des conventions.
Ces stipulations contractuelles ont, en application de l'article 1134 du code civil, force de loi pour les parties, et le fait que l'indivision X... n'en n'ait pas demandé l'application avant sa lettre recommandée du 13 avril 2007 ne saurait être considéré comme une renonciation au bénéfice de la clause.
Le 31 juillet 2008, l'indivision a fait délivrer à la SA Cliniques d'Ajaccio en application des dispositions de l'article L145-11 du code de commerce un congé pour le 15 février 2009, avec offre de renouvellement, afin de voir conclure un nouveau bail entre les parties, avec un loyer de 92 000 euros par an, hors taxes et hors charges.
Le preneur a répondu par acte d'huissier qu'il acceptait le renouvellement du bail, mais proposait un loyer de 2 840 euros par mois, ou 34 080 euros par an.
En l'absence de réponse des bailleurs à cette proposition, et de convention ou de décision judiciaire fixant un nouveau loyer, il doit être considéré que le bail a bien été renouvelé au 15 février 2009 mais aux clauses et conditions antérieures, y compris la clause d'échelle mobile, qui a conservé sa force contraignante.

- Sur la validité du commandement de payer

Un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 3 août 2009 à la SA Cliniques d'Ajaccio, et porte sur la somme totale de " 37. 904, 13 euros représentant le solde des loyers impayés de septembre 2007 à août 2009, pour un loyer mensuel de 4. 556, 78 euros " se décomposant comme suit : "- solde loyers impayés septembre 2007 à décembre 2007 : 6. 267, 12 euros-solde loyers impayés janvier 2008 à décembre 2008 : 18. 801, 36 euros-solde loyers impayés janvier 2009 à août 2009 : 12. 534, 24 euros-coût de l'acte : 280, 97 euros-droit proportionnel : 20, 44 euros. "

La lecture de l'acte permettait de constater que ce n'était pas le montant initial du loyer qui était réclamé, mais le montant du loyer révisé, après indexation, de 4 556, 78 euros par mois.

La SA Cliniques d'Ajaccio ayant toujours payé un loyer de 3 000 euros par mois, ce qu'elle ne pouvait ignorer, c'est donc la différence de 1 556, 78 euros par mois qui était réclamée.
Le solde de loyers impayés était détaillé année par année.
Aucune disposition légale n'impose par ailleurs au bailleur d'indiquer dans le commandement l'indice du coût de la construction retenu chaque année pour calculer le montant de la révision. Cet indice est publié.
Par des courriers recommandés des 13 avril 2007, puis 17 août 2007, Mme X... avait réclamé à la SA Cliniques d'Ajaccio le montant des indexations pour les années précédentes, sans succès.
Le commandement était suffisamment précis et permettait au locataire de connaître les sommes qui lui étaient réclamées.
Il n'y a donc pas lieu d'en prononcer la nullité, et la décision du premier juge sera sur ce deuxième point également confirmée.

- Sur les sommes dûes, et l'adaptation du jeu de la clause d'échelle mobile à la valeur locative des locaux

Par application de l'article L 145-39 du code de commerce, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que par le jeu de la clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé, ce qui est le cas en l'espèce.

Dans cette hypothèse, il appartient au juge de fixer le montant du loyer révisé au jour de la demande, soit en l'espèce au jour du commandement de payer visant la clause résolutoire, soit en l'espèce le 3 août 2009, à la valeur locative des lieux loués.
M. E...expert judiciaire, a évalué dans son rapport du 25 mars 2013, la valeur locative des lieux loués par la SA Cliniques d'Ajaccio, à la somme mensuelle de 4 027, 12 euros HT pour le troisième trimestre 2009.
Par ailleurs, il n'est pas contesté que la SA Cliniques d'Ajaccio n'a jamais payé que 3 000 euros de loyer par mois.
Pour la période allant du 1er janvier 2007 date de la dernière révision triennale possible avant le commandement du 3 août 2009, et le 31 juillet 2009, date de l'évaluation judiciaire du loyer après expertise, le

loyer révisé doit être fixé comme l'a fait le premier juge à la somme 4 566, 78 euros par mois (soit loyer mensuel initial : 3 048, 98 euros X indice INSEE du coût de la construction au 1er janvier 2007 : 1. 366/ indice de référence dans le bail : 912).

La somme totale du par la SA Cliniques d'Ajaccio pour cette période est donc de 48 570, 18 euros (1 566, 78 euros X 31 mois), somme que l'appelante sera condamnée à payer aux intimés.
Pour la période allant du 1er août 2009 au 31 juillet 2012, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a fixé à juste titre le solde de loyers dûs sur la base d'une valeur locative estimée par l'expert à 4 027, 12 euros par mois, à la somme totale de 36 976, 32 euros (soit 1 027, 12 euros d'impayé mensuel X 36 mois) qui sera cependant limitée à la somme de 36 975, 33 euros à l'égard de Mme Michèle A... veuve X..., Stéphane X..., Carole X..., et Thomas X..., ce qui correspond au montant de leur demande.
Pour la période postérieure au 1er août 2012 il convient de fixer le loyer révisé, sur la base de cette même valeur locative de 4 027, 12 euros, après indexation en fonction de l'indice INSEE du coût de la construction (1 617 au 1er août 2012/ 1. 503 au 1er août 2009), à la somme de 4 332, 57 euros par mois (et non de 4 526, 22 euros comme l'a retenu par erreur le premier juge, sur la base d'un loyer au premier août de " 4 207, 12 euros ", au lieu des 4 027, 12 euros retenus par l'expert).
L'arriéré mensuel est donc 1 332, 57 euros, comme l'indiquent Mme Michèle A... veuve X..., Stéphane X..., Carole X..., et Thomas X... dans leurs dernières conclusions.
Cet arriéré représente une somme de 22 653, 69 euros (1 332, 57 euros X 17 mois) pour la période allant du 1er août 2012 au 31 janvier 2014.
En conséquence, à compter du 1er août 2012 jusqu'au jour du prononcé du présente arrêt, la SA Cliniques d'Ajaccio sera condamnée à payer aux bailleurs la somme de 1 332, 57 euros par mois, mais non pas la somme de 4 332, 57 euros dans la mesure où les intimés n'indiquent pas que sur cette période, la société locataire a complètement cessé de payer le loyer.
En ce qui concerne Mme Y..., elle sollicite dans ses dernières écritures la confirmation pure et simple du jugement, sans réactualiser le montant de ses demandes, notamment au regard des calculs effectués par le tribunal de grande instance d'Ajaccio.
Dans la mesure où dès lors, sa demande reste limitée comme en première instance à 1 107, 04 euros par mois, ce que confirme la page 7 de ses écritures du 16 mars 2015, la condamnation sera limitée à cette somme en ce qui la concerne, entre le 1er août 2012 jusqu'au prononcé du présent arrêt.
Compte tenu des distorsions entre les demandes des intimés dans les montants et les dates de leurs créances, il apparaît préférable, pour une plus grande clarté du dispositif de la présente décision, de ne pas liquider ces créances sur la dernières période, et de ne prononcer la condamnation que pour la somme mensuelle de 1 332, 57 euros à compter du 1er août 2012.

- Sur la demande de délais de paiement

La SA Cliniques d'Ajaccio ne produit aucune pièce permettant de connaître sa situation financière ou de trésorerie, et ne justifie donc pas de la nécessité de délais de paiement.

Par ailleurs, il convient de rappeler que le commandement a été délivré en août 2009, que le litige dure depuis cette date, et que l'appelante qui sous-loue les locaux à des sociétés professionnelles médicales, a disposé du temps nécessaire pour provisionner d'éventuels arriérés de loyers.
Il convient de rejeter sa demande de délais de paiement.

- Sur la demande d'exécution provisoire

La cour statuant en dernier ressort, cette demande est sans objet.

- Sur les frais et dépens.

Partie perdante, la SA Cliniques d'Ajaccio devra supporter les dépens de première instance, et d'appel.

La décision de première instance en ce qui concerne les frais irrépétibles sera confirmée.
Il n'est pas inéquitable de condamner la SA Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme X... d'une part, et à Mme Michèle A..., Stéphane X..., Carole X..., et Thomas X... d'autre part, la somme de 2 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 02 octobre 2014 en ce qu'il a :

. dit que la délivrance le 31 juillet 2008, d'un congé avec offre de renouvellement du bail, a emporté renouvellement du bail commercial liant les parties,
. dit que la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail n'avait eu aucun effet sur le renouvellement de ce bail au clauses et conditions antérieures au 15 février 2009,
. rejeté la demande de nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire du bail, délivré le 03 août 2009,
. condamné la SA Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne Y... née X..., Mme Michèle A... veuve X..., M. Stéphane X..., Mme Carole X..., et M. Thomas X... la somme de 48 570, 18 euros au titre de l'arriéré de loyers compris entre le 1er janvier 2007 et le 31 juillet 2009 avec intérêts au taux légal à compter du 03 août 2009,
. condamné la SA Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne Y... née X..., Mme Michèle A... veuve X..., M. Stéphane X..., Mme Carole X..., et M. Thomas X... la somme de 36 976, 32 euros au titre de l'arriéré de loyers compris entre le 1er août 2009 et le 31 juillet 2012, et ce dans la limite de 36 975, 33 euros si la paiement intervient entre les mains de Mme Michèle A... veuve X..., M. Stéphane X..., Mme Carole X..., et M. Thomas X..., avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
. condamné la SA Cliniques d'Ajaccio aux dépens de première instance, y compris les frais d'expertise, et au paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme Y... née X... d'une part, à Mme Michèle A... veuve X..., M. Stéphane X..., Mme Carole X..., M. Thomas X... d'autre part,
- REFORME pour le surplus le jugement,
- FIXE le montant du loyer commercial à la somme mensuelle de quatre mille trois cent trente deux euros et cinquante sept centimes (4 332, 57 euros) par mois à compter du 1er août 2012,
- CONDAMNE en conséquence la SA Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne Y..., Mme Michèle A... veuve X..., M. Stéphane X..., Mme Carole X..., et M. Thomas X... la somme de mille trois cent trente deux euros et cinquante sept centimes (1 332, 57 euros) par mois à compter du 1er août 2012, jusqu'au jour du prononcé du présent arrêt, pour chaque loyer mensuel échu réglé à hauteur de trois mille euros (3 000 euros), le paiement devant être limité à mille cent sept euros et quatre centimes (1 107, 04 euros) par mois s'il est effectué entre les mains de Mme Y... Yvonne,
- DEBOUTE la SA Cliniques d'Ajaccio de sa demande de délais de paiement,
- CONDAMNE la SA Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Yvonne Y... née X... la somme de deux mille euros (2 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- CONDAMNE la SA Cliniques d'Ajaccio à payer à Mme Michèle A... veuve X..., M. Stéphane X..., Mme Carole X..., et M. Thomas X... la somme de deux mille euros (2 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- DECLARE sans objet la demande d'exécution provisoire,
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- CONDAMNE la SA Cliniques d'Ajaccio aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00846
Date de la décision : 13/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-01-13;14.00846 ?
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