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13/01/2016 | FRANCE | N°14/00675

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 13 janvier 2016, 14/00675


Ch. civile A

ARRET No
du 13 JANVIER 2016
R. G : 14/ 00675 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge de l'exécution d'AJACCIO, décision attaquée en date du 31 Juillet 2014, enregistrée sous le no 14/ 00092

COMMUNE D'OTA
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
COMMUNE D'OTA prise en la personne de son Maire, Monsieur Pierre Paul Y...demeurant et domicilié en l'Hôtel de ville de la Commune Mairie 20150 PORTO

ayant pour avocat Me Richard ALEXAN

DRE, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

M. Léon X...né le 12 Décembre 1948 à OTA (20150) ... 20150 FRAN...

Ch. civile A

ARRET No
du 13 JANVIER 2016
R. G : 14/ 00675 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Juge de l'exécution d'AJACCIO, décision attaquée en date du 31 Juillet 2014, enregistrée sous le no 14/ 00092

COMMUNE D'OTA
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
TREIZE JANVIER DEUX MILLE SEIZE
APPELANT :
COMMUNE D'OTA prise en la personne de son Maire, Monsieur Pierre Paul Y...demeurant et domicilié en l'Hôtel de ville de la Commune Mairie 20150 PORTO

ayant pour avocat Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

M. Léon X...né le 12 Décembre 1948 à OTA (20150) ... 20150 FRANCE

assisté de Me Michèle RICHARD LENTALI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 novembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2016.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. Léon X... est propriétaire sur la commune d'Ota, d'une parcelle cadastrée section C no 959.

En 1986, la commune a installé sur cette parcelle un détendeur de pression et des canalisations d'eau, pour réguler la pression du nouveau château réservoir d'eau installé sur la parcelle surplombant celle de M. X....
Se plaignant de cette situation, M. X... a saisi le tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins d'indemnisation.
En cours d'instance, il a signé avec la commune d'Ota un accord transactionnel aux termes duquel la commune s'engageait " à enlever ces ouvrages dans un délai de deux ans soit avant le 31 décembre 2010, selon les modalités suivantes :
- Réservoir : démolition partielle à hauteur du parking existant, avec remplissage de terre pour aplanir la surface,
- Canalisations : enlèvement des canalisations aériennes (celles souterraines pourront rester en place pour éviter le boulversement des lieux,
- Réducteur de pression : supression pure et simple.
Tous ces travaux seront réalisés intégralement aux frais de la commune qui s'y engage.
L'enlèvement des canalisations aura pour conséquence la nécessité pour M. X...Léon de disposer d'une nouvelle prise d'eau et d'un nouveau compteur. Leur installation lorsqu'elle devra intervenir sera donc à la charge de la commune.
En contre partie de cet engagement définitif de la commune, M. X...Léon renonce à demander à celle-ci quelque indemnité que ce soit pour ces emprises, et se désiste d'instance et d'action à ce titre.

M. X... renonçant à toute indemnisation pour la présence de ces ouvrages, la commune s'engage à ne plus implanter d'ouvrage de même nature sur les propriétés X... ".

Par ordonnance du 16 janvier 2009 du juge de la mise en état, ce protocole d'accord signé entre les parties a été homologué.

Le 21 mars 2014, l'enlèvement des ouvrages n'ayant toujours pas été réalisé par la commune, M. Léon X... a saisi le juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'Ajaccio, afin qu'il assortisse l'obligation de la commune d'une astreinte.

Par jugement du 31 juillet 2014, le juge de l'exécution du tribunal de grand instance d'Ajaccio a :

- assorti l'obligation d'enlèvement des canalisations et du réducteur de pression édictée à l'article 1 du protocole d'accord signé le 16 janvier 2009, et homologué par le juge de la mise en état du tribunal de grande instance d'Ajaccio par ordonnance du 19 août 2009, d'une astreinte de 750 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la signification du jugement,
- condamné la commune d'Ota à payer à M. X... la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.

Par déclaration du 1er août 2014, la commune d'Ota a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du 31 mars 2015, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande en caducité de la déclaration d'appel, et imparti des délais aux parties pour conclure.

Par conclusions récapitulatives déposées le 20 avril 2015, la commune d'Ota demande à la cour de :

- infirmer totalement le jugement entrepris,
- dire et juger que la commune rapporte la preuve que l'exécution de son obligation dépens d'un tiers qui dispose de la maîtrise d'ouvrage publique, et qui échappe à sa compétence communale,
- dire et juge que M. X... ne rapporte pas la preuve de risques d'inexécution,
- dire et juge que la commune justifie de ses bonnes intentions et d'une cause étrangère,
- rejeter les demandes de M. X...,

- déclarer irrecevable la demande de fixation d'une astreinte provisoire,

- condamner M. X... à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens.
Elle fait valoir :
- qu'il résulte du rapport du cabinet A...de 2008, que par leur objet et leur importance, les travaux sollicités doivent être inscrits au plan exceptionnel d'investissement, et financés par plusieurs collectivités, dont le Conseil général de Corse du Sud,
- que ces travaux nécessitent la réalisation préalable d'un nouveau réseau d'adduction d'eau contournant la parcelle, les nouvelles canalisations devant obligatoirement être enfouies,
- que le Conseil général, suite aux inondations de 2009, a décidé d'intervenir sur les canalisations de ruissellement des eaux pluviales en modernisant et en améliorant l'intégralité du réseau traversant la commune, et passant notamment le long de la route départementale,
- qu'elle a prouvé sa bonne foi en répondant aux mises en demeure de l'appelant,
- qu'elle a, au cours de l'été 2013, réalisé des travaux d'un coût de 32 000 euros, pour faire cesser le bruit lié aux réducteurs de pression,
- qu'elle s'est vue interdire l'accès à la parcelle par la fille de l'intimé, qui y exploite un camping, par courrier du 11 avril 2013,
- qu'elle a mis en service de nouvelles canalisations, qui contournent la parcelle de M. X...,
- qu'elle a donc respecté son obligation.

Par conclusions déposées le 12 mai 2015, M. Léon X... demande à la cour de :

- constater que l'appelante ne rapporte pas la preuve que l'exécution de son obligation dépend d'un tiers,
- constater qu'à la date du jugement entrepris, elle n'avait pas mis en oeuvre les travaux prévus au protocole de mauvaise foi, et qu'elle a fait réaliser elle même après un appel d'offre du 28 décembre 2014, pour une durée d'exécution prévue de deux mois,
- constater qu'elle a de fait réalisé les travaux pendant la durée du recours qu'elle a formé,
- dire n'y avoir lieu à prononcer une astreinte, mais sur appel incident, condamner la commune à lui payer une somme de 180 000 euros à titre de dommages-intérêts, pour résistance abusive,
- la condamner à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens, y compris le coût du constat d'huissier dressé le 22 avril 2015 par Me B....
Il rappelle qu'avant de signer le protocole transactionnel la commune avait pesé les termes de son engagement, provoqué une comparution personnelle des parties, et réuni le conseil municipal pour qu'il autorise le maire à engager la dépense nécessaire.
Il souligne qu'il n'a lui même montré aucune précipitation excessive à réclamer l'exécution des obligations de la commune, puisque sa première mise en demeure a été adressée à celle-ci le 27 février 1012, soit plus d'un an après la date butoir retenue dans le protocole.
Il doute de la réalité des travaux prétendument programmés par le Conseil général, puisque celui-ci n'a jamais répondu à ses interrogations, et que la partie adverse ne produit qu'en 2015 un courrier du conseil général, manuscritement daté du 22 mai 2013, qui indique simplement qu'il est d'accord pour un projet commun, dont le dossier de consultation des entreprises devra être prêt pour " l'année prochaine ".
La commune n'a selon M. X..., jamais démontré qu'elle était dans l'impossibilité de réaliser les travaux dans le délai qu'elle s'était elle-même imposé, mais qu'au contraire elle a souhaité profiter de la situation de M. X... pour faire réaliser des travaux de plus grande ampleur.
M. X... souligne que l'appel d'offres opportunément lancé par la commune pendant l'instance en appel, pour " la réalisation du renforcement et de la sécurisation de l'alimentation en eau potable entre les carrefours d'Ota, et de Porto " n'a d'autre but que de tenter de croire à des travaux de grande ampleur, pour justifier son attentisme.
Il précise que le 22 avril 2015, malgré l'annonce par la commune de l'intervention d'une entreprise pour le 6 avril 2015, les travaux n'étaient toujours pas réalisés, même si le réseau avait été désactivé.

La clôture de la procédure a été prononcée le 20 mai 2015, et l'affaire fixée pour être plaidée au 09 novembre 2015.

MOTIFS

Il convient de constater que M. X... renonce à sa demande de fixation d'une astreinte, pour ne réclamer plus que des dommages-intérêts pour résistance abusive.

Par application de l'article L121-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.
Dans le protocole d'accord du 16 janvier 2009, la commune d'Ota s'était donné deux ans, soit jusqu'au 31 décembre 2010 pour réaliser les travaux d'enlèvement des installations d'alimentation en eau.
Force est de constater qu'elle ne justifie d'aucune démarche ni d'aucune action d'exécution dans ce délai, qui était pourtant long.
Il n'y a pas lieu de tenir compte pour évaluer les éventuelles difficultés d'exécution qu'a pu rencontrer la commune, de l'avant projet de sécurisation des réseaux qu'elle avait fait réaliser en 2008 par le cabinet A..., puisque cette étude est antérieure à son engagement du 16 octobre 2009 et qu'elle a l'a donc nécessairement intégrée dans l'appréciation du délai qui lui était nécessaire.
Suite à une première mise en demeure de M. X... en date du 27 février 2012, la commune indiquait à celui-ci par courrier du 24 avril 2012, qu'une " réunion de travail décisive " avait eu lieu le 3 avril 2012, et qu'il en ressortait que la réalisation des travaux dépendait de travaux plus importants d'un coût estimé de 400 000 euros, d'enfouissement des canalisations d'eaux entre le carrefour d'Ota et celui de Porto Marine, avec la participation financière du conseil général. Cependant, on pouvait légitimement douter du caractère nouveau de cette situation, puisque le cabinet A...était celui qui avait été chargé de l'étude en 2008, et qu'aucun justificatif émanant du conseil général n'était produit malgré la relance du conseil de M. X... du 30 mai 2012.
Les courriers échangés en juin et juillet 2011 entre la mairie d'Ota et le Conseil général concernent le renforcement de l'assainissement des eaux pluviales, et non le réseau implanté sur le terrain de M. X..., qui est raccordé à un réservoir communal.
Le 11 avril 2013, Mme X... informait par courrier le maire de ce qu'elle refusait l'accès à la propriété pour que les travaux tels qu'ils étaient alors envisagés soient effectués, dans la mesure où sans en être avertie préalablement, elle avait constaté le 09 avril 2013 que des travaux avaient commencé devant son camping afin d'implanter le nouveau détendeur de pression à cheval sur la voie d'accès très pentue, et le caniveau de récolte des eaux de ruissellement.
La commune d'Ota produisait après cet incident, un courrier du Conseil général portant une datation manuscrite du 22 mai 2013, et reçu à la mairie le 27 mai 2013, annonçant l'enfouissement du réseau AEP sur la route départementale 81, qui coïncidait avec l'aménagement de la traversée de Porto, que ces deux projets devraient donc faire l'objet d'une maîtrise d'ouvrage unique, et que la consultation des entreprises devrait être prête " pour l'année prochaine ".
Ce courrier aux termes flous, tant dans les délais que dans le contenu, ne permet pas de considérer que les projets du conseil général
empêchaient la commune d'Ota d'accomplir ses obligations de retrait des canalisation, sur la parcelle de M. X....
Les travaux de contournement de la parcelle, et de désactivation du réseau qui gênait M. X... ont finalement été effectués en avril 2015, puisque le 22 avril 2015, Me B...huissier de justice constatait que le détendeur et les canalisations aériennes étaient toujours présentes sur la parcelle, mais ne relevait plus les bruits produits par la pression qui gênaient auparavant les propriétaires et les occupants du camping.
Cette réalisation de travaux en cours d'instance confirme que l'intervention du Conseil Général n'était pas nécessaire.
Compte tenu du caractère injustifié et particulièrement long de la carence de la commune dans l'exécution de ses obligations, sa résistance doit être qualifiée d'abusive.
M. X... a subi un préjudice consistant dans l'occupation de sa propriété par d'importantes et disgracieuses canalisation aériennes, et surtout dans l'émission par le détendeur, d'un bruit permanent et pénible, constaté par procès-verbaux d'huissier des 19 septembre 2012, 7 août 2013, et 13 août 2014, qui gênait son activité commerciale de camping.
Sur ce point, M. X... produit les attestations de deux occupants du camping qui décrivent la gêne occasionnée par le bruit produit par l'installation, de jour comme de nuit, et les mesures de décibels effectuées par Me B...huissier de justice : le 19 septembre 2012, le niveau sonore se situait entre 78 et 80 décibels juste à côté de l'installation alors que le bruit ambiant du camping est compris entre 44 et 58 décibels. Ce bruit était audible jusqu'à une cinquantaine de mètres alentours.
Le 7 août 2013, le bruit produit par l'installation était toujours de 73 décibels.
En revanche, M. X... ne produit pas d'éléments comptables permettant de chiffrer de façon précise le préjudice commercial.
La cour dispose d'éléments suffisants pour évaluer le préjudice global à la somme de 20 000 euros.
Le jugement du juge de l'exécution d'Ajaccio sera donc infirmé, uniquement en raison de l'évolution du litige en cause d'appel.
Partie perdante, la commune d'Ota devra supporter les dépens.
Il n'est pas inéquitable de condamner la commune, partie tenue aux dépens, à payer à M. X...Léon, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

- CONSTATE que M. Léon X... ne présente plus de demande de fixation d'une astreinte ;

- En conséquence, INFIRME le jugement du juge de l'exécution d'Ajaccio du 31 juillet 2014, en ce qui concerne la fixation d'une l'astreinte ;
- CONFIRME ce jugement concernant les frais irrépétibles et dépens de première instance ;
Pour le surplus, statuant à nouveau :
- CONSTATE que les travaux de contournement de la parcelle cadastrée section C no959 à Ota par le réseau communale d'eau, ont été réalisés par la commune d'Ota, mais qu'à la date du 22 avril 2015, le réseau était toujours présent sur cette parcelle ;
- CONDAMNE la commune d'Ota à payer à M. X...Léon la somme de vingt mille euros (20 000 euros) à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;
- DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- CONDAMNE la commune d'Ota à payer à M. X...Léon la somme de deux mille euros (2 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE la commune d'Ota aux entiers dépens, d'appel, y compris le coût du constat de Me B..., huissier de Justice, en date du 22 avril 2015.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00675
Date de la décision : 13/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2016-01-13;14.00675 ?
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