Ch. civile A
ARRET No
du 09 DECEMBRE 2015
R. G : 14/ 00254 R
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 06 Février 2014, enregistrée sous le no 12/ 00730
SCI PILICIA
C/
SCI LA CRIQUE MAGIQUE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
NEUF DECEMBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
SCI PILICIA représentée par son gérant M. Bernard X...Division de Puyricard Bastide d'Antonelle 13090 AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Nathalie SABIANI, avocat au barreau de BASTIA et de Me Gilles MATHIEU, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMEE :
SCI LA CRIQUE MAGIQUE prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités au siège social 48 Rue Manuel 13100 AIX EN PROVENCE
assistée de Me Jean Michel ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, et de la SELARL HORUS, avocats au barreau de PARIS, agissant par Me Frédérique FERRAND, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 novembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 09 décembre 2015
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller, pour le président de chambre empêché, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par acte authentique du 18 septembre 1992, reçu par Me Letrosne Notaire à Aix-en-Provence, la SCI Pilicia a acquis le lot no6 du lotissement Village Marin de Cippili à Bonifacio figurant au cadastre de cette commune section L no843 lieudit Ciappili, pour 6 a 20 ca, sur lequel est édifié une maison.
M. et Mme A... étaient propriétaires du lot no2 dudit lotissement pour une superficie de 5 a 21 ca, sur lequel était édifiée une villa.
Les époux A..., faisaient construire en 1992, une piscine, et un mur de soutènement.
En 1993, les époux A... mandataient M. B...géomètre, aux fins de bornage amiable, mais aucun bornage n'était été signé entre les parties.
La SCI Picilia saisissait le 26 février 2002, le Tribunal d'Instance de Sartène d'une action tendant au bornage des propriétés, et à la condamnation des époux A... à effectuer les travaux de nature à faire cesser l'écoulement des eaux de piscine et des eaux usées en contrebas de leur fonds. Un jugement avant-dire droit était rendu le 23 mai 2002, désignant M. C...en qualité d'expert.
Les conclusions de ce dernier étant contestées, le tribunal d'instance ordonnait une nouvelle expertise, confiée à M. D..., qui déposait son rapport le 11 août 2007.
Par jugement du 4 décembre 2007, le Tribunal d'Instance de Sartène ordonnait le bornage des parcelles conformément à ce rapport d'expertise, et condamnait les époux A... à réaliser les travaux nécessaires pour supprimer toutes les infiltrations d'eaux usées sur le fonds voisin.
Ces derniers interjetaient appel de cette décision, et par un arrêt mixte du 15 décembre 2010, la Cour d'Appel de Bastia confirmait ce jugement en ce qui concerne le bornage, mais ordonnait une expertise pour être éclairée sur les écoulements, tant de la piscine que de la fosse sceptique.
La SCI Picilia ne consignait cependant pas le montant de l'avance sur les frais d'expertise.
La SCI la Crique Magique qui avait acheté le lot des époux A... par acte notarié du 21 mai 2008, était condamnée par arrêt du 25 avril 2012 à régler la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par la propriété voisine, pour les dysfonctionnements passés du réseau d'assainissement.
Le 25 juillet 2012, la SCI Pilicia assignait la SCI Crique Magique devant le Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, en démolition de la piscine de la défenderesse, et du mur édifié sur sa propriété, sous astreinte, et en paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Par jugement du 6 février 2014, le Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, saisi par la SCI Picilia, :
- déclarait recevable l'action introduite le 25 juillet 2012 par la SCI Pilicia tendant à la démolition de la piscine construite sur le lot no2,
- rejetait la demande d'expertise formée aux fins de déterminer l'existence ou l'absence de préjudice de vue causé à la SCI Pilicia en raison de la piscine,
- déboutait la SCI Pilicia de ses demandes de démolition et de mise en conformité sous astreinte de la piscine construite sur le lot de la SCI Crique Magique
-ordonnait avant dire droit, sur les demandes relatives au mur, une expertise et commettait pour y procéder M. E..., afin notamment de décrire précisément le mur de soutènement litigieux, de dire à quelle époque ont été construites ses éventuelles différentes parties, de dire s'il existe un moyen de le supprimer sans danger, d'évaluer la valeur représentée par la perte de la bande de terrain comprise entre le mur, et la limite séparative,
- ordonnait l'exécution provisoire du jugement.
Par déclaration du 26 mars 2014, la SCI Pilicia interjetait appel partiel de cette décision, cet appel étant cantonné à " la demande de démolition et de mise en conformité ".
Par ordonnance du 25 février 2015, le conseiller de la mise en état ordonnait à la SCI Pilicia de communiquer sans délais les pièces no11, 12, 13 et 18, ainsi que ses conclusions dans leur intégralité.
Par conclusions récapitulatives déposées le 19 février 2015, la SCI Pilicia demande à la cour de :
- constater que l'implantation de la piscine de la SCI Crique Magique contrevient aux dispositions du règlement du lotissement, qui a valeur contractuelle entre les colotis,
- subsidiairement, de constater que cette piscine contrevient aux règles d'urbanisme applicables sur la distance minimum avec la limite de propriété,
- dans les deux cas, ordonner la démolition de la piscine et de tout ce qui fait corps avec elle (en ce compris le mur de soutènement), sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- déclarer irrecevable comme nouvelle et formulée pour la première fois en cause d'appel, la demande formulée par la SCI Crique Magique tendant à la démolition du bien de la SCI Pilicia, en application de l'article 564 du code de procédure civile,
- déclarer également cette demande irrecevable comme prescrite, en application de l'article 2224 du code civil,
- condamner la SCI Crique Magique à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens, distraits au profit de Me Sabiani.
La SCI Pilicia conteste que sa demande en démolition de la piscine se heurte à la prescription, dans la mesure où elle n'a pu la présenter qu'après le bornage, définitivement homologué par l'arrêt du 15 décembre 2010, et qu'avant cette date, elle ne pouvait déterminer ni la distance entre la ligne séparative et la piscine, ni l'assiette de l'empiétement.
Elle souligne que c'est en ce sens qu'a statué le premier juge.
Elle ajoute que le cahier des charges du lotissement et les statuts de l'association syndicale libre des colotis confèrent au règlement dudit lotissement, un caractère contractuel, contraignant pour chaque propriétaire de lot, qui doit en respecter les dispositions, lesquelles sont rappelées dans chaque acte d'acquisition, et notamment dans le titre de propriété de la SCI Crique Magique.
Elle rappelle que l'article 5. 4 du règlement du lotissement interdit les constructions à une distance inférieure à 4 mètres de la limite séparative de la propriété voisine, et que la violation du règlement et du cahier des charges lui permettent de solliciter la démolition des ouvrages irrégulièrement implantés, sans avoir à justifier d'un préjudice.
Subsidiairement, elle fait valoir que l'article 7 du plan local d'urbanisme interdit l'implantation de constructions à moins de trois mètres de la limite séparative, et le POS de Bonifacio à moins de 4 mètres de la limite.
Cette violation des règles d'urbanisme porte selon la SCI Pilicia, nécessairement atteinte à son droit de jouissance paisible de sa propriété.
Elle relève que l'autorisation de construire produite par la partie adverse porte sur le lot no2 du lotissement de Falatte, et non sur celui de CIAPILLI et que cette autorisation ne comporte aucune indication quant à la superficie du terrain, ni mention de la référence cadastrale.
Par conclusions déposées le 27 avril 2015, la SCI Crique Magique demande à la cour de :
- débouter la SCI Pilicia de toutes ses demandes, fins et prétentions,
- dire et juger que la SCI Pilicia a limité son appel aux chefs du jugement relatifs à la piscine, et rejeter en conséquence la demande de démolition de " ce qui fait corps avec la piscine, en ce compris le mur de soutènement ",
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Pilicia de sa demande de démolition, et de mise en conformité sous astreinte,
- rejeter cette demande de démolition, en ce qu'elle est fondée sur la responsabilité contractuelle,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a admis la recevabilité de la demande de démolition fondée sur l'article 1382 du code civil,
- rejeter la demande de démolition fondée sur la responsabilité délictuelle comme prescrite, et mal fondée,
- reconventionnellement, dire et juger que la construction édifiée par la SCI Pilicia sur le lot no6 du lotissement viole l'article 9. 3 du règlement du lotissement, et subsidiairement méconnaît le permis de construire, et qu'elle lui cause un préjudice de vue,
- en conséquence, ordonner la démolition de la construction édifiée sur ce lot, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,
- en tout état de cause, condamner la SCI Pilicia à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les dépens, dont distraction au profit de Me Albertini.
La SCI Crique Magique fait valoir qu'en application de l'article 901 du code de procédure civile, un appel qui a été limité à la " demande de démolition et de mise en conformité ", c'est-à-dire à la piscine, à l'exclusion du mur de soutènement qui a fait l'objet d'une expertise, ne peut ensuite être étendu à d'autres chefs de la décision.
Elle rappelle qu'un règlement de lotissement a en principe un caractère réglementaire, à la différence du cahier des charges qui lui, a un caractère contractuel.
Seule la troisième chambre civile de la Cour de cassation a pu développer une jurisprudence admettant que le règlement de lotissement puisse être qualifié d'acte contractuel, à condition toutefois que cela ressorte expressément de la volonté des colotis, ce que la simple reproduction dudit règlement dans les actes de vente ne suffit pas à prouver.
La SCI Crique Magique affirme que la SCI Pilicia opère une confusion entre le règlement de lotissement, et le règlement syndical, et que c'est seulement le respect de ce dernier que l'association syndicale libre a pour objet de contrôler.
Elle ajoute que la loi ALUR du 24 mars 2014 a modifié l'article L 442-9 du code de l'urbanisme, et que désormais, les règles d'urbanisme contenues dans un règlement de lotissement deviennent caduques au terme d'un délai de 10 ans à compter de la délivrance de l'autorisation de lotir, si, à cette date, le lotissement est couvert par un plan local d'urbanisme ou un document en tenant lieu.
Le règlement du lotissement Ciappili de Bonifacio est donc selon elle à ce jour caduc, et ne peut être appliqué.
Elle ajoute que même si un caractère contractuel devait être reconnu aux dispositions du règlement de lotissement, celles-ci ne s'appliqueraient pas en l'espèce, puisque ce sont les " constructions principales à usage d'habitation " qu'il est interdit d'implanter à une distance de moins de 4 mètres de la limite, et qu'une piscine n'entre pas dans cette catégorie.
Une action fondée sur la responsabilité délictuelle lui apparaît prescrite en application de l'article 2224 du code civil, puisque le délai de prescription applicable est, avant la réforme intervenue par la loi du 17 juin 2008, de 10 ans à compter de la réalisation du dommage, que la SCI Pilicia savait depuis 1992 que la piscine était implantée à moins de 3 mètres de la limite, et qu'en conséquence, l'action aurait du être introduite avant 2003.
La prescription lui paraît acquise même si l'on considère que les différentes actions en bornage en ont suspendu le cours, puisque la demande en bornage a été introduite devant le Tribunal d'Instance de Sartène le 26 février 2002, soit 9 ans et 6 mois après la déclaration de travaux, que l'instance en bornage s'est achevée par l'arrêt de la Cour d'Appel de Bastia du 15 octobre 2010, et que la demande de démolition a été formée le 25 juillet 2012, soit bien plus de 6 mois plus tard.
Au demeurant, l'action en bornage est selon l'intimée, sans lien avec l'action en démolition.
Sur le fond en ce qui concerne la responsabilité délictuelle, elle invoque d'abord l'absence de faute, dans la mesure où rien n'établit que la piscine a été édifiée en méconnaissance du plan d'occupation des sols de Bonifacio, approuvé le 16 juin 1986 et modifié le 8 décembre 1987, sur le fondement duquel a été délivrée la déclaration de travaux l'autorisant, et que le PLU actuel en son article 7. 1 n'impose aucun retrait aux " parties de construction enterrées ou ayant une hauteur inférieure à 60 cm par rapport au sol existant avant travaux ", ce qui est le cas des piscines.
Elle soutient ensuite qu'il n'existe aucun préjudice personnel, condition pourtant requise pour obtenir une démolition, puisque les problèmes d'écoulement ont cessé, et qu'ils étaient sans lien avec l'implantation de la piscine, et qu'il n'est démontré par aucune pièce ni préjudice sonore, ni préjudice de vue.
Elle se plaint d'un acharnement procédural de la SCI Pilicia à con encontre, qui justifie sa demande reconventionnelle en démolition de la construction implantée sur le lot no6.
Sur ce point, elle rappelle que l'article 567 du code de procédure civil autorise les demandes reconventionnelles en appel, dès lors qu'elles se rattachent aux prétentions initiales par un lien suffisant.
Elle estime que sa demande reconventionnelle devra être déclarée recevable au regard de la prescription dès lors que la demande initiale l'a été, et interrompu le cours de la prescription.
L'implantation de la villa de la SCI Pilicia engage selon l'intimée la responsabilité de cette dernière, principalement à titre contractuel au regard du règlement de lotissement, puisqu'elle se situe à 3, 31 mètres seulement de la limite de propriété, et subsidiairement à titre délictuel dans la mesure où elle ne respecte pas les prescriptions du permis de construire, et qu'elle obstrue en partie la vue sur la mer du fond situé au dessus d'elle.
La clôture de la procédure a été prononcée le 20 mai 2015, et l'affaire fixée pour être plaidée le 09 novembre 2015.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la demande de démolition du mur de soutènement
L'article 901 du code de procédure civile impose à l'appelant d'indiquer dans sa déclaration d'appel, les chefs du jugement auxquels l'appel est limité.
Seul l'acte d'appel opère dévolution.
Le jugement entrepris a :
- déclaré recevable l'action en démolition de la piscine construite sur le lot 2,
- rejeté la demande d'expertise formée aux fins de déterminer l'existence ou l'absence de préjudice de vue causé à la SCI Pilicia en raison de la piscine,
- débouté la SCI Pilicia de ses demandes de démolition et de mise en conformité sous astreinte, de la piscine,
- ordonné avant-dire-droit sur les demandes relatives au mur, une expertise, l'expert ayant notamment pour mission de dire à quelle époque ont été construites les différentes parties éventuelles du mur, de dire si sa démolition présenterait un danger pour les personnes et les biens, et s'il existe un moyen de le supprimer sans créer une situation de danger, et d'évaluer la valeur de la bande de terrain perdue par la SCI Pilicia.
Dans la déclaration d'appel, il est indiqué que l'appel est partiel, et qu'il est " cantonné à la demande de démolition et de mise en conformité ".
Cette désignation se rapporte au troisième point du dispositif du jugement, qui concerne uniquement la piscine.
Le mur de soutènement fait l'objet d'autres dispositions du jugement, clairement distinctes puisqu'il s'agit d'une expertise. Le tribunal n'entendait pas, en tout cas à ce stade de la procédure, ordonner la démolition du mur de soutènement, puisqu'il ne s'estimait pas suffisamment renseigné à cet égard.
Si la SCI Pilicia souhaiter contester ce point de la décision, au motif qu'une expertise n'était pas nécessaire, et que le tribunal disposait des éléments suffisants pour ordonner immédiatement la démolition du mur, il fallait qu'elle en interjette appel également.
Elle n'est plus recevable aujourd'hui à solliciter, comme elle le fait dans ses dernières conclusions, la démolition immédiate et sous astreinte du mur de soutènement, en ce qu'il " fait corps avec la piscine ".
Une expertise a été ordonnée sur ce point, elle devra être menée jusqu'à son terme.
Sur la recevabilité de la demande de démolition et de mise en conformité de la piscine
Sur la responsabilité contractuelle
La SCI Pilicia invoque à titre principal la responsabilité contractuelle de la partie adverse, pour violation des dispositions du règlement du lotissement.
Le règlement du lotissement prévoit en son article 9. 3 que " l'implantation des constructions (devra se faire) (...) en limites séparatives à compter de l'alignement ou en retrait de D = 4 mètres, sauf cas particuliers dus à la topographie des lots ou à leur végétation (d étant la distance d'un point du bâtiment au point le plus prêt de la limite séparative) ".
Cependant, ce règlement, qui a pour objet de " fixer les règles et servitudes d'intérêt général imposées dans le lotissement ", et qui a été approuvé par l'autorité préfectorale a en principe valeur réglementaire, sauf à prouver que les co-lotis ont entendu lui donner un caractère contractuel.
L'article L111-5 du code de l'urbanisme, devenu L115-1 du même code, dispose que : " La seule reproduction ou mention d'un document d'urbanisme ou d'un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel ".
En l'espèce le cahier des charges, qui constitue un document contractuel, ne reproduit ni ne contient en annexe, le règlement du lotissement.
Il stipule seulement en son article 16 que tout propriétaire d'un lot, a le droit d'exiger de tous autres propriétaires l'exécution des conditions réciproques et d'intérêt général imposées par les " règlements officiels ", ou par le cahier des charges auquel il aurait été contrevenu.
Il ne fait donc pas de référence précise au règlement du lotissement, mais aux " règlements officiels " en général.
Les statuts de l'association syndicale libre n'ont pas valeur contractuelle.
Le titre de propriété de la SCI Crique Magique à qui les dispositions du règlement de lotissement sont opposées, n'a pas été produit de façon contradictoire (cette pièce ayant été transmise en délibéré et n'est pas visée dans la liste des pièces communiquées annexée aux conclusions).
En annexe du rapport du géomètre C..., en date du 27 avril 2002, on trouve la page 4 d'un " acte d'origine " sans autre précision, qui mentionne à la rubrique " Conditions du lotissement ", que sont annexés à l'acte les arrêtés préfectoraux d'autorisation du lotissement, le programme des travaux, le règlement du lotissement, le cahier des charges, le règlement syndical, et les statuts de l'association syndicale, ainsi que le plan " de piquetage " de M. F.... Il est ensuite mentionné " L'acquéreur s'oblige à faire son affaire personnelle des conditions du lotissement ci-dessus rappelées ".
Cependant si l'on peut deviner qu'il pourrait s'agir du titre de propriété des époux A..., auteurs de la SCI Crique Magique, dans la mesure où il porte le cachet d'un notaire parisien, cela n'est pas certain, et la cour ne peut fonder sa décision sur des suppositions.
En outre, le fait que l'acquéreur s'engage à respecter à la fois le règlement du lotissement et le cahier des charges n'implique pas pour autant que ces deux documents aient la même nature juridique.
En résumé, il n'est pas établi par les pièces du dossier que lors de son établissement, les colotis ont entendu conférer au règlement de lotissement une valeur contractuelle et non pas réglementaire.
En conséquence, il convient de rejeter l'action en démolition fondée sur l'article 1143 du code civil.
Sur la responsabilité quasi-délictuelle
La SCI Pilicia se plaint de ce que la piscine de la SCI Crique Magique soit implantée à moins de 3 mètres ou de 4 mètres de la limite séparative des propriétés, selon qu'elle se réfère au POS de Bonifacio (3 mètres) ou au PLU (4 mètres).
La SCI Crique Magique considère cette action.
L'article 2224 du code civil, fixe comme point de départ du délai de prescription, le jour où le titulaire du droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant de l'exercer.
La SCI Pilicia a acheté son lot le 18 septembre 1992. Elle pouvait alors constater que la piscine que venaient de construire les époux A... alors propriétaires du lot no2 (selon déclaration de travaux du 26 août 1992), était implantée très près de son fonds, quasiment contre celui-ci.
Les photographies versées aux débats permettent de le constater.
Le 20 septembre 1993, M. André B...établissait un premier plan de bornage, et traçait en s'efforçant de se conformer au plan d'arpentage de M. F...une limite de propriété ABC qui passait " au raz de la piscine " des époux A... (selon la note explicative de M. G..., géomètre désigné en 2004, et qui a repris les plans établis par M. B...), et qui faisait même apparaître un empiétement.
L'expert D...avec une démarche différente, allait établir 14 ans plus tard, le 12 août 2007 un nouveau plan faisant apparaître une ligne séparative MN, passant à 71 cm du bord de la piscine.
Il était donc évident dès le 20 septembre 1993, que la piscine n'était pas implantée à plus de 3 mètres de la ligne séparative, peu important à cet égard que cette limite séparative n'ait pas encore été définitivement fixée dans le cadre d'un bornage.
Dès lors, la prescription, qui était alors d'une durée de 10 ans a commencé à courir le 20 septembre 1993.
L'assignation du 26 février 2002, tendait principalement au bornage, c'est-à-dire à la fixation de la ligne séparative et à la pose de bornes, et accessoirement à la cessation d'écoulement d'eaux usées, issues de la fosse sceptique des époux A....
Elle ne tendait pas à la démolition de la piscine même à titre accessoire, et il n'était pas fait état d'une telle demande, dans le jugement du Tribunal d'Instance de Sartène en date du 4 décembre 2007.
A l'audience du 25 octobre 2007, la SCI PILICIA demandait même qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle renonçait à récupérer la surface manquante de son terrain.
L'action en bornage qui avait un objet distinct de la présente action en démolition n'a pas pu interrompre la prescription, qui a donc été acquise le 20 septembre 2003.
Il convient de déclarer l'action irrecevable, le jugement sera réformé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle
Sur la recevabilité au regard de l'article 567 du code de procédure civile
En application de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel à la condition de se rattacher aux prétentions originales par un lien suffisant.
La demande reconventionnelle formée par la SCI Crique Magique qui tend à la démolition sous astreinte de la maison de la SCI Pilicia au motif principal que l'implantation de cette construction viole les dispositions contractuelles de l'article 9. 3 du règlement du lotissement, et subsidiairement viole les règles d'urbanisme rappelées dans le permis de construire et lui cause un préjudice de vue, a les mêmes fondements juridiques que les demandes de l'appelante. Elle s'y rattache donc par un lien suffisant.
Sur la demande reconventionnelle fondée sur la responsabilité contractuelle de la SCI Pilicia
Il a été indiqué ci-dessus les raisons pour lesquelles les dispositions du Règlement du lotissement ne pouvaient être considérées comme ayant valeur contractuelle entre les colotis. La demande de démolition présentée sur ce fondement sera donc rejetée.
Sur la demande reconventionnelle fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de la SCI Pilicia
En application de l'article 2224 du code civil, la prescription court à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait du connaître les faits permettant de l'exercer.
Il résulte des plans et des photographies produites que l'implantation de la maison de la SCI Pilicia à moins de 4 mètres de la ligne séparative n'était pas aussi apparente que celle de la piscine qui elle, est quasiment implantée sur la limite.
Un des angles de la façade Nord de cette maison est distant de 3, 31 mètres seulement de la limite, selon un plan établi en 2014 à la demande de l'intimée.
M. D...géomètre expert, a rendu son rapport aux fins de bornage le 12 août 2007, traçant une limite de propriété " MN " entre les lots 2 et 6, et le Tribunal d'Instance de Sartène par jugement du 4 décembre 2007 a ordonné le bornage sur cette ligne, et homologué le rapport.
Ainsi, à compter du 13 août 2007, les époux A..., auteurs de SCI Crique Magique avaient connaissance du tracé de la ligne séparative, et avaient la possibilité de le confronter au plan du permis de construire obtenu par la SCI Pilicia, pour constater le cas échéant que la maison était implantée à moins de 4 mètres de cette limite. Ils connaissaient les faits leur permettant s'ils le souhaitaient d'exercer leurs droit, et la date du 13 août 2007 sera donc retenue comme point de départ de la prescription.
A compter du 19 juin 2008, jour d'entrée en vigueur de la loi no2008-561 du 17 juin 2008, la prescription a été réduite de 10 ans à 5 ans. En conséquence, en application de l'article 26 II de cette loi, un délai de prescription quinquennal a commencé à courir à compter de cette date, sauf à faire rétroagir la loi.
La SCI Crique Magique avait donc encore 5 ans à compter du 19 juin 2008 pour demander la démolition de la maison de la partie adverse, ce qu'elle n'a pas fait.
La lecture de l'arrêt du 15 décembre 2010 de la Cour d'Appel de Bastia permet de constater que ni par les époux A... jusqu'à ce qu'il vendent leur lot, ni ensuite LA SCI Crique Magique à compter de son intervention à l'instance en 2008, n'ont au cours de la procédure d'appel sur le jugement de bornage qu'ils ont pourtant introduite, contesté la limite fixée en première instance.
Ils n'ont pas d'avantage sollicité la démolition de la construction édifiée sur le lot 6 au motif qu'elle était trop près de cette limite. Les demandes portaient sur les écoulement d'eaux.
Tendant à des fins distinctes, les demandes formées dans le cadre de l'action en bornage n'ont pu avoir pour effet d'interrompre la prescription de l'action en démolition.
La demande en démolition a été pour la première fois formée par conclusions des intimés notifiées au RPVA le 06 février 2015.
Il convient de la déclarer irrecevable.
Sur les frais et dépens
Les dépens de première instance ont été à juste titre réservés, une mesure d'expertise étant en cours.
La SCI Pilicia qui succombe en son appel partiel, devra supporter les dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Albertini.
Il n'est pas inéquitable de condamner l'appelante, partie tenue aux dépens d'appel, à payer à la SCI Crique Magique la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Constate que l'appel a été limité aux dispositions du jugement du Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio du 6 février 2014, relative à la démolition et à la mise en conformité de la piscine,
Déclare irrecevable la demande formée en cause d'appel tendant à la démolition immédiate et sous astreinte du mur de soutènement,
Dit et juge que la mesure d'expertise ordonnée avant-dire-droit par le jugement du 6 février 2014, sur les demandes de démolition et d'indemnisation relatives au mur de soutènement, est définitive, et qu'elle devra être menée à bien,
Infirme pour le surplus le jugement du 6 février 2014,
Statuant à nouveau,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande tendant à la démolition et à la remise en état de la piscine fondée sur la responsabilité quasi-délictuelle de la SCI Crique Magique,
Déboute la SCI Pilicia de sa demande tendant à la démolition et à la remise en état de la piscine fondée sur la responsabilité contractuelle de la SCI Crique Magique,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable comme prescrite la demande reconventionnelle de la SCI Crique Magique tendant à la démolition de la construction édifiée sur le lot de la SCI Pilicia,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Condamne la SCI Pilicia à payer à la Sci Crique Magique la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SCI Pilicia aux entiers dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Albertini.
LE GREFFIER P/ LE PRESIDENT