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28/10/2015 | FRANCE | N°14/00318

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 28 octobre 2015, 14/00318


Ch. civile A

ARRET No
du 28 OCTOBRE 2015
R. G : 14/ 00318 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de Bastia, décision attaquée en date du 11 Mars 2014, enregistrée sous le no 11/ 01611

Consorts X...Y...

C/
C...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTS :

M. Gilbert X...né le 01 Janvier 1926 ...13300 SALON DE PROVENCE

ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREA

U, avocat au barreau de BASTIA

M. Robert Y...né le 21 Juillet 1924 ...13300 SALON DE PROVENCE

ayant pour avoc...

Ch. civile A

ARRET No
du 28 OCTOBRE 2015
R. G : 14/ 00318 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de Bastia, décision attaquée en date du 11 Mars 2014, enregistrée sous le no 11/ 01611

Consorts X...Y...

C/
C...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT HUIT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTS :

M. Gilbert X...né le 01 Janvier 1926 ...13300 SALON DE PROVENCE

ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

M. Robert Y...né le 21 Juillet 1924 ...13300 SALON DE PROVENCE

ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

M. Joseph X...né le 02 Janvier 1931 ......04160 CHATEAU ARNOUX

ayant pour avocat Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

M. Louis X...né le 10 Janvier 1941 ......06510 CARROS

ayant pour avocat Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

Mme Henriette Valentine dite Marguerite C...née le 14 Juillet 1949 à AJACCIO ......20243 SERRA DI FIUMORBO

ayant pour avocat Me Jean Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 septembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 octobre 2015.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE

M. Gilbert X..., M. Robert Y..., M. Joseph X..., M. Louis X...sont les ayant-droits de Mme Mathilde C... veuve X..., décédée le 14 mai 2000 selon acte de notoriété de Me Grimaldi notaire à Prunelli di Fiumorbo du 26 février 2008.

Par exploit d'huissier du 2 septembre 2011, M. Gilbert X..., M. Robert Y..., M. Joseph X..., M. Louis X...ont fait assigner Mme Henriette C... aux fins de voir :

- ordonner, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la démolition sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à'compter de la signification du jugement à intervenir, de tous les ouvrages construits sur les parties communes des deux immeubles suivants :
* immeubles B 306, 301 et 307 B : une cloison implantée dans le corridor, fermeture de l'accès commun à l'entrée de la nouvelle bâtisse, portail électrique, porte d'accès au toit terrasse,
* immeubles B 597 : escalier avec terrasse sur la façade,
- de voir juger que le terrain sis devant l'immeuble décrit par l'acte du 14 septembre 1927 devra être libéré sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement,
- de la voir condamner à leur payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour trouble de jouissance, la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 11mars 2014, le tribunal de grande instance de Bastia a déclaré M. Gilbert X..., M. Robert Y..., de M. Joseph X..., M. Louis X...irrecevables en leurs demandes, pour " défaut de preuve de la qualité à agir de la défenderesse ", dans la mesure où ils ne justifiaient pas selon le tribunal, de ce que Mme C... Henriette était propriétaire des parcelles concernées par les demandes, et condamné les consorts X...et Y...à payer à Mme Henriette C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 11. 04. 2014, M. Gilbert X..., M. Robert Y..., M. Joseph X...et M. Louis X...ont interjeté appel de cette décision.

La clôture de la procédure a été prononcée le 25 février 2015, et l'affaire fixée pour être plaidée au 07 septembre 2015.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions récapitulatives déposées le 12 janvier 2015, M. Gilbert X..., M. Robert Y..., M. Joseph X...et M. Louis X...demandent à la cour de :

- infirmer le jugement déféré dans l'ensemble de ses disposition,
- statuant à nouveau, à titre principal, juger que Mme C... n'est pas propriétaire des parties d'immeuble qu'elle occupe,

- juger recevable la demande des consorts X...,

- ordonner la démolition sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir de tous les ouvrages construits sur les parties communes des deux immeubles :
1o) celui implanté sur les parcelles B306-301 et 307, savoir :
* cloison implantée dans le corridor et accaparation de la moitié de celui-ci pour y installer une salle de bain,
* fermeture de l'accès commun à l'entrée de la nouvelle bâtisse,
* pose d'un portail électrique à l'autre extrémité du chemin desservant l'immeuble,
* création d'une porte d'accès pour accéder au toit terrasse,
2o) sur la parcelle B597 : construction sur la façade d'un escalier avec terrasse,
- subsidiairement, si par extraordinaire Mme C... était reconnue propriétaire des parties d'immeuble qu'elle occupe,
- ordonner la démolition sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir de tous les ouvrages ci-dessus décrits, et construits sur les parties communes des deux immeubles ci dessus visés,
- en tout état de cause, juger que le terrain sis devant l'immeuble tel que décrit par l'acte du 14 septembre 1927, devra être libéré sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir,
- rejeter toutes les demandes de Mme C...,
- condamner l'intimée à payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts en réparation de leur trouble de jouissance,
- la condamner, en application de l'article 700 du code de procédure civile à leur payer la somme de 5 000 euros, et à supporter les entiers dépens.
Les appelants soutiennent que l'intimée est bien propriétaire d'un ou plusieurs lots dans le bâtiment sis sur la parcelle 301 en vertu d'une attestation après décès publiée sous le volume 2009P no 2727, et de un ou plusieurs lots dans le bâtiment sis sur la parcelle 597.
S'il s'avérait qu'elle n'en n'était pas propriétaire, cela ne rendrait leur action que plus justifiée au regard de l'article 815-2 du code civil, qui permet à chaque indivisaire de prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, puisque Henriette C... occupe sans aucun droit des parcelles dont ils sont propriétaires indivis.

Si Mme Henriette C... devait être considérée comme propriétaire des parcelles litigieuses par la cour, les appelants fondent leurs demandes à son encontre sur l'article 3 de la loi du 10 juillet 1965 qui permet à chaque copropriétaire d'intenter seul les actions nécessaires à la conservation et à la protection des parties communes, le fait que la copropriété ne soit pas organisée étant indifférent à cet égard. Sur ce point, ils précisent que la jurisprudence n'exige plus que le propriétaire agissant justifie d'un préjudice personnel.

Ils exposent qu'en ce qui concerne le lieudit Puggula, à l'origine, existait une parcelle de terre comprenant les parcelles 264 (aujourd'hui 597 et 598) et 265 qui appartenaient aux époux O...(Antoine et Vitilus née P...).
Sur cette parcelle étaient construits une maison d'habitation et un four.
Cette parcelle a fait l'objet d'un acte de partage le 14 septembre 1927 entre Jeanne O...épouse de Louis C... et Grigiola O...épouse Hyacinthe C....
Ce partage comprend 2 lots :
* Lot no 1 : 2 pièces au premier étage avec une petite cave et le terrain situé au Nord de la maison, à partir du chemin qui trouve sur le devant en montant à rencontrer une croix qui se trouve située sur un roche en continuant par une ligne publique jusqu'à rencontrer l'angle supérieur de la fenêtre située à la deuxième pièce ;
* Lot no 2 : Les deux pièces du deuxième étage avec ses mansardes et le four et tout le terrain qui reste situé à l'Ouest et au Nord de la maison en dehors de ce qui a été prélevé sur le premier lot.
Ils ajoutent que le lot 1 auquel a été attribuée la partie Nord du terrain correspond à la parcelle 264 créée au cadastre en 1927, et que le lot no 2, qui comprend le reste de la partie Nord et l'Ouest du terrain, correspond à la parcelle 265 créée à la même date, et sur laquelle la construction d'une maison d'habitation a remplacé le four qui s'y trouvait.
Ils en déduisent que dans le lot 1 attribué à Jeanne O...leur grand mère, se trouve la partie de la parcelle no 264 sise devant la maison, désormais cadastrée 597.
En ce qui concerne la terrasse construite sur la parcelle cadastré B 597 (ex 264), les consort X...et Y...soulignent qu'il ressort de la création de titre réalisée par acte de Me X...du 10 mai 2000, acte dont la partie adverse elle même se prévaut, que M. Ange C... était propriétaire des lots 4, 5, 6 et 7 dans cet immeuble, et que la parcelle 597 ne comporte aucune partie non bâtie.
Ils admettent que leurs parents avaient autorisé les parents d'Henriette C... à créer un jardin devant la maison, et à installer une dalle en béton, mais sans jamais les en reconnaître propriétaires.

Concernant cette dalle de béton, qui a ensuite été recouverte de bois, ils précisent qu'initialement Ange C... avait installé une fosse sceptique sur le terrain devant la maison, que Louis C... lui avaient demandé de l'enlever, et que c'est à cette occasion que la dalle de béton avait été coulée.

En ce qui concerne l'immeuble objet des parcelles B306, B307 et B301, ils reprochent en premier lieu à Henriette C... de s'être approprié un corridor, en faisant édifier un mur et une porte qui en interdit l'accès, alors qu'elle n'a aucun titre sur ce corridor, et que violant leur droit de propriété, elle ne saurait valablement faire valoir qu'ils disposent d'un autre accès à la maison.
Ils lui reprochent ensuite d'avoir fait édifier un mur, et un portail électrique, leur interdisant l'accès à la vieille bâtisse. Ils font valoir que le déclassement du chemin, et le fait qu'il ne fait plus partie du domaine public communal n'autorise en rien Mme C... à se l'approprier de façon privative.
Enfin, ils demandent que soit supprimé l'accès au toit terrasse appartenant à Louis C..., qu'Henriette C... a fait aménager à partir de son grenier.

Par conclusions récapitulatives déposée le 10. 02. 2015, Mme Henriette Valentine dite Marguerite C..., demande à la cour :

- d'infirmer le jugement sur la première partie des fins de non recevoir soulevée par la concluante,
- de dire et juger, que les appelants ne justifient pas de leur qualité de propriétaires et que les projets d'actes font état d'autres indivisaires absents de la procédure :
. Mme Jeanne C..., née le 30 août 1942 à Bastia, ...,. Mme Josette Louise C... née à Bastia le 19 mai 1950, ...à Miomo,. Mlle Paulette C..., demeurant ...-20200 Bastia,. Mme Lucienne C..., demeurant ..., 20200 Bastia,. M. Adrien D...demeurant Salon de Provence,. Mme Mathilde C..., demeurant également Salon de Provence,

ce qui rend leurs demandes irrecevables, en application de l'article 122 du code de procédure civile,
- de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants des fins de leur action, du chef de la fin de non recevoir soulevée par les premiers juges s'articulant sur les propres conclusions des demandeurs.

A défaut et statuant au fond :

- de les débouter de leurs demandes,
Subsidiairement,
- d'ordonner le partage en lots du corridor indivis,
- de condamner les demandeurs à payer à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, et à supporter les entiers dépens.
Elle fait en premier lieu valoir que pour justifier de leurs titres de propriété, les consorts X...ne produisent que des projets d'actes, non publiés à la conservation des hypothèques, et qu'ils n'ont jamais pris possession de la maison, qui est à l'état de ruine.
Elle ajoute que ces projets d'acte mentionnent d'autres indivisaires non attraits à la procédure.
Les appelants sont dès lors selon elle, en l'absence d'autorisation à agir donnée par les autres indivisaires, irrecevables en leurs demandes.
Ils ne justifient pas plus selon elle, de l'identité précise du ou des propriétaires des parcelles où se situent les difficultés.
Mme C... conteste le fondement de l'action intentée à son encontre, à savoir l'article 3 de la loi de 1965 sur la copropriété, dès lors qu'aucune copropriété n'est organisée, et que si tel était le cas, seule " la copropriété " aurait qualité à agir.
Sur le fond, elle fait valoir qu'elle a seulement élargi une terrasse préexistante, dont l'assise existe depuis au moins 50 ans, au droit de sa partie privative, qu'elle justifie de sa propriété au dessous de la terrasse, et que les travaux ont été autorisés par le maire de la commune.
Elle précise que sa terrasse ne surplombe pas la parcelle 587 des demandeurs, mais la parcelle 265 de son cousin Isidore C....
En ce qui concerne les travaux qu'elle a fait réaliser dans le corridor de la maison, elle estime que la partie adverse n'établit nullement qu'elle se soit appropriée cette partie de la maison, et que les consort X...qui disposent d'un autre accès à leur lot, peuvent aussi utiliser celui-ci si bon leur semble.
Le corridor constitue selon elle un bien indivis qui n'a pas été attribué lors du partage, et que chacun peut utiliser.
Elle sollicite reconventionnellement, le partage de ce bien.
Elle ajoute que le mur qu'elle a fait édifier, est implanté sur un chemin qui a été déclassé par arrêt de la cour d'appel de Bastia du 22 juin 1965, et que les consorts X...n'ont aucun titre de propriété sur ce chemin vicinal.
Elle conteste enfin avoir aucun accès sur le toit terrasse.

MOTIFS

Sur la décision d'irrecevabilité prise par le premier juge

Par application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt.
Une fin de non-recevoir ne peut être opposée qu'à la partie qui est demanderesse à l'action, à titre principal ou à titre reconventionnel.
Les appelants fondent leur action sur une violation de leurs droits de propriétaires.
Ils ne peuvent être déclarés irrecevables en leur action pour défaut de qualité à agir, que s'ils ne justifient pas de leur qualité de propriétaires, et non pas au motif qu'ils n'établiraient pas la qualité de propriétaire de la défenderesse.
Celle-ci importe peu.
Il convient de vérifier que les appelants justifient de leur titre de propriété, sur les deux biens immobiliers qui constituent l'objet de leurs demandes :
- d'une part sur les parcelles B301, B306, et B 307 lieudit " Sapara ", hameau de Ania, à Serra-di-Fiumorbu,
- d'autre part sur la parcelle cadastrée B 597 anciennement B264 lieudit " Puggiula ", ou " Casamile " hameau de Ania à Serra-di-Fiumorbu.
Il convient de reconstituer l'origine de propriété pour chacun de ces biens, au regard des actes produits, étant précisé qu'il ne sera tenu nul compte de " projets d'actes ".
Pour une meilleure lisibilité de la décision, et afin de ne pas procéder à deux examens successifs des titres, il sera statué pour chacun des biens d'abord sur la recevabilité, puis le cas échéant, sur le bien fondé des demandes des parties.

En ce qui concerne la maison dite de " Sarapa ", correspondant aux parcelles B301, B303, B304, B305, B306, B307, et B581

Par acte notarié du 5 juin 1924, M. Ange-Brand C..., M. Hyacinthe C..., M. Louis C..., et M. Ours-Dominique C..., ont procédé au partage des biens qu'il possédaient au lieudit " Sapara ", et qui consistaient en une maison se composant de " quatre

pièces en rez-de-chaussée, avec mansarde et couloir ". Ange-Brand C... recevait le lot 1, Hyacinthe C... le lot 2, Louis C... le lot 3, et Ours-Dominique C... le lot 4.

Puis par second un acte notarié du 1er février 1928, M. Louis C... et M. Ours-Dominique C... se sont repartagés entre eux une parcelle de terre située lieudit Cagnolaccia, et les pièces de la maison et terrains attenants qui leur avaient été attribués dans la maison de Sarapa.
Louis C... s'est vu attribué un lot composé d'une pièce en rez-de-chaussée coté Sud, du grenier du corridor, et de la partie attenante du terrain, et Ours-Dominique C... un lot composé d'une pièce en rez-de-chaussée côté nord, et de la partie attenante du terrain.
Ours-Dominique C... est décédé sans enfant.
Louis C... s'est marié avec Marie-Jeanne G.... Le couple a eu cinq enfants :
* Antoine André C... décédé en 1968 sans enfant, mais qui a racheté à son oncle Ours-Dominique C... le 01 mai 1933 un " emplacement de pièce de maison, avec un droit à construire ", attenant à la maison,
* Mathilde C... décédée le 15 mai 2000, aux droits de laquelle viennent les quatre appelants,
* Jeannette C..., décédée sans enfant, et qui par testament du 13 septembre 1974 a légué ses biens à sa soeur Mathilde,
* Vittiglia C..., qui a épousé Isidore D..., le couple ayant eu un enfant, Adrien D...,
* Alexandre C... qui est décédé en laissant pour lui succéder 4 enfants.
Les pièces de maison et parts de terrain attribuées à Louis C..., et Ours-Dominique C... en ce qui concerne la maison de Sarapa, correspondent aux parcelles cadastrées B306, B307, B305, et B581.
Les appelants : Joseph X..., Gilbert X..., Louis X..., et Robert Y...venant aux droits de son épouse décédée Odette X..., sont les héritiers de feue Mathilde C... épouse X..., et comptent donc parmi les propriétaires indivis des parcelles litigieuses B305, B306, B307, et B581.
Il ne représentent pas toute l'indivision : celle-ci comprend également Adrien D..., héritier de Vittiglia C..., et les enfants d'Alexandre C....
Cependant, l'article 815-2 du code civil autorise " tout indivisaire " à prendre " les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas de caractère d'urgence ".

Les actions qui tendent à la protection des biens indivis, et au rétablissement de la libre jouissance de ces biens par tous les indivisaires entrent dans ce cadre.

Les appelants se plaignent d'un empiétement sur les parties indivises, de la part de Mme Henriette C... qui occupe les parcelles contiguës B 301, B303, B304, venant aux droits de Ange Martin C..., lui même héritier de Hyacinthe C..., qui en 1924, avait reçu le lot No2.
Cet empiétement est susceptible de porter aux droits des indivisaires une atteinte grave et imminente.
L'action, concernant les parcelles dépendant dans la maison dite de " Sapara ", doit donc être déclarée recevable.
Le jugement sera réformé sur ce premier point.
Sur le fond, l'acte de partage du 5 juin 1924 stipulait : " Le couloir de la maison tantôt l'entrée que la partie du derrière, devant servir de bas en haut pour le jour des escaliers, reste en commun pour la servitude des co-partageants. Le couloir situé au premier étage entre les deux mansardes du devant est réservé à ceux des 3ème et 4ème lots " (dans cet acte des partage, les lots 3 et 4 étaient ceux de Louis C..., et Ours-Dominique C...).
Il résulte clairement de ces dispositions que ce couloir devait rester dans l'indivision, pour servir à l'usage de tous.
Un constat de Me F...Huissier de Justice, en date du 24. 08. 2010, et des photographies de diverses époques, établissent que l'accès au couloir indivis a été divisé en deux dans sa largeur, la partie gauche ayant été murée avec une petite fenêtre (du côté de la maison de Mme Henriette C...), et la partie droite étant fermée par une étroite porte en bois.
Ces aménagements restreignent voire interdisent à tous les indivisaires d'accéder au couloir commun.
Par ailleurs, l'accès au petit toit-terrasse, qui se trouve au dessus du corridor commun n'est plus permis aux appelants, puisque leur trappe d'accès a été murée, alors qu'une petite porte d'accès permet à Mme Henriette C... d'y accéder. Or les dispositions de l'acte de partage n'attribuaient l'usage du couloir du premier étage, entre les deux mansardes, qu'aux lots 3 et 4, de Louis C..., et Ours-Dominique C..., dont Henriette C... n'est pas l'héritière.
Il convient en conséquence, d'ordonner la démolition sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à l'expiration d'un délai de 2 mois à compter de la signification de l'arrêt, de la division qui sépare en deux le couloir commun au rez-de-chaussée, la fermeture de la trappe d'accès au toit-terrasse de Mme Henriette C..., et la réouverture de l'accès des appelants.
En revanche, les consorts X...n'établissent pas que chacun des copropriétaires indivis devait laisser les autres passer par son terrain. Aucune mention en ce sens n'apparaît dans l'acte de partage. Au contraire, le terrain qui entoure la maison a été divisé en différents lots.
Par ailleurs, une action tendant à ce qu'il soit constaté que Mme Henriette C... a clôturé et intégré dans sa propriété, l'ancien chemin communal, qui aurait été déclassé, ne constitue plus une action d'indivisaires tendant à conserver la propriété indivise, et nécessiterait la mise en cause de la commune.
En conséquence, les demandes tendant à l'enlèvement du portail électrique et à la démolition du mur de clôture de la parcelle de Mme Henriette C... seront rejetées.

Sur la demande reconventionnelle de Mme Henriette C..., en partage du corridor indivis

Une telle demande nécessite la mise en cause, par ses soins, de tous les propriétaires indivis de ce corridor commun. Or Mme C... n'a effectué aucun appel en cause.
Elle sera déclarée irrecevable en cette demande.

Sur les biens immobiliers cadastrés lieudit " Puggula " ou " Casamile ", section B No597

Par acte du 9 décembre 1924 enregistré le 14 septembre 1927, Mme Grigiola O...et Mme Marie-Jeanne O..., se sont partagées la maison située au hameau de Ania, dont elles avaient hérité de leurs parents Antoine André O..., et Vitilus née P....
Les deux lots étaient constitués comme suit :
" Premier lot : 1o) les deux pièces du premier étage avec une petite cave, 2o) ainsi que tout le terrain situé au nord de la maison, à partir du chemin qui se trouve sur le devant montant à rencontrer une croix qui se trouve située sur un rocher en continuant par une ligne publique jusqu'à rencontrer l'angle supérieur de la fenêtre située à la deuxième pièce.
Deuxième lot : 1o) les deux pièces du deuxième étage avec ses mansardes et le four, 2o) ainsi que tout le terrain qui reste situé à l'ouest et au nord de la maison, en dehors de ce qui a été précité sur le premier lot.
Les droits de passage sont libres pour les copartageants ".
Le premier lot était échu à Marie-Jeanne O..., épouse de Louis C..., et mère de 5 enfants dont Mathilde C... épouse X...aux droits duquel viennent les appelants. Là encore, les consorts X...ne sont pas les seuls propriétaires indivis du lot no1, puisqu'en ont également
hérité tous les autres héritiers de feue Marie-Jeanne G...épouse C.... Ces autres propriétaires indivis n'ont pas été appelés dans la cause.
Le deuxième lot était échu à Grigiola O..., épouse de Hyacinthe C..., mère de 4 enfants dont Ange Martin C... aux droits duquel vient l'intimée.
Les appelants se plaignent de l'implantation par Mme Henriette C..., sur leur lot indivis du rez-de-chaussée, d'une terrasse en bois, dont les piliers de soutènement sont ancrés dans le sol grâce à des plots en béton. Le constat de Me F...Huissier de Justice, établie que le 24 août 2010, cette terrasse était en cours de construction.
L'article 815-2 du code civil autorise " tout indivisaire " à prendre " les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas de caractère d'urgence ".
L'implantation d'une terrasse, qui couvre une partie du terrain, est susceptible de porter une atteinte grave et imminente à la conservation des biens indivis.
L'action, concernant les parcelles dépendant dans la maison dite de " Puggula ", même si elle n'est intentée que par quatre des propriétaires indivisaires, doit donc être déclarée recevable.
Le jugement sera réformé sur ce point.
L'examen des photos de diverses époques, parfois anciennes et en tout cas non datées, versées aux débats, permet de comprendre d'une part que le niveau nommé " premier étage " dans l'acte de partage correspond au rez-de-chaussée, et le " deuxième étage " au premier étage de la maison, accessible depuis un escalier extérieur, construit contre la façade.
Ces photos révèlent par ailleurs que la maison a été agrandie en hauteur : ce qui n'était d'abord qu'un balcon devant la porte du premier étage a été allongé horizontalement contre la façade, puis prolongé pour monter jusqu'au deuxième étage, où la surélévation d'une partie de la toiture a permis de faire des " mansardes " une véritable pièce.
L'agrandissement du bâti a conduit à l'établissement, le 20 décembre 1990, par Me E... Notaire à Toulon, d'un état descriptif de division, qui a été publié à la Conservation des hypothèques le 12 février 1991.
Le rez-de-chaussée avec une salle de bains et un WC, a été désigné " lot no4 ", le premier étage, avec une chambre, un séjour, et une cuisine : " lot no5 ", le deuxième étage (grenier) : " lot no6 ", et l'autre escalier à l'extrême gauche, qui mène au grenier " lot 7 ".
Mme Henriette C... produit un acte notarié du 10 mai 2000, intitulé " création de titre " établi par Me X...notaire à Aleria, aux termes duquel deux témoins attestent de ce que M. Ange Martin C... décédé en 1979, avait possédé pendant 30 ans tous les étages de la maison, y compris le rez-de-chaussée, et qu'il en était devenu le propriétaire.
Une mois plus tard, soit le 15 juin 2000, en la même étude notariée, Mme Henriette C... acquérait la parcelle, y compris les pièces du rez-de-chaussée, auprès de Marie-Félicité H..., veuve d'Ange Martin C....
Ni la constitution de lots de copropriété pour le bâti, ni cet acte de " création de titre " par usucapion, n'ont toutefois d'effet sur la propriété du terrain situé devant la parcelle, qui aux termes de l'acte de partage de 1927 demeure la propriété indivise des héritiers de Marie-Jeanne O....
L'intimée produit des attestations de M. Michel I..., de M. Bernard J..., de Mme Claire K...épouse L..., de Mme Jeannine M...épouse N..., de Mme Danielle G...épouse J..., de M. Jean-Louis J..., de Mme Lucette K..., aux termes desquels ils ont toujours vu Ange-Martin C... faire usage de la partie du terrain qui était au bas de ses escaliers, à savoir un petit jardin, et une terrasse qu'il avait été autorisé à bétonner.
Ces attestations n'établissent pas pour autant que M. Ange Martin C... avait été autorisé à jouir de cette terrasse à titre de propriétaire. Les appelants admettent qu'il avait été autorisé par leurs aïeux à poser du béton au sol, et à utiliser le jardin, mais qu'il ne s'agissait que d'une tolérance, et pas d'une renonciation à leurs droits de propriétaires. Aucune pièce du dossier ne vient contredire cette affirmation.
Il n'est pas d'avantage établi par les pièces du dossier que Mme Henriette C... a été autorisée en 2010 à implanter dans le sol les piliers d'une nouvelle terrasse (en bois) qui est beaucoup plus large que la terrasse existante, et qui recouvre une partie du terrain.
Il convient donc d'infirmer le jugement, de faire droit à la demande, et en application de l'article 815-2 du code civil, d'ordonner la démolition de la terrasse en bois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt.
Par ailleurs, l'acte de partage enregistré en 1927 établissait clairement un droit de passage pour tous les co-partageants. Or ce droit ne peut être exercé lorsque Mme Henriette C... gare un véhicule sur le chemin d'accès qui longe la maison, ainsi qu'il résulte des photographies produits par les appelants. Il convient de faire droit à la demande tendant à la libération du terrain, sous astreinte.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par les appelants

Les aménagements et constructions irrégulières réalisés par Mme Henriette C..., ont causé aux appelants un préjudice de jouissance des biens indivis qui sera évalué, au regard des éléments du dossier, du fait qu'ils ne justifient pas d'un grand temps de présence sur place, à la somme de 1. 000 euros.

Sur les frais et dépens

Partie perdante, Mme Henriette C... devra supporter les dépens d'appel.

Il n'est pas inéquitable de condamner l'intimée, partie tenue aux dépens, à payer aux appelants la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

- INFIRME en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance Bastia, du 11 mars 2014,

Statuant à nouveau,
- DÉCLARE irrecevable la demande en partage du corridor indivis formée par Mme Henriette C...,
- DÉCLARE recevables les demandes de M. Gilbert X..., de M. Robert Y..., de M. Joseph X..., et de M. Louis X...,
- CONDAMNE Mme Henriette C..., sous astreinte de cent euros (100 euros) par jour de retard à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt :
1o) à démolir la division qui sépare en deux le couloir commun situé au rez-de-chaussée de la maison cadastrée section B, no 301, 303, 304, 305, 306 et 307, et section B no581, sise au lieudit " Sarapa ", hameau de Ania à Serra-di-Fiumorbo,
2o) à condamner sa trappe d'accès au toit-terrasse de la maison cadastrée section B, no 301, 303, 304, 305, 306 et 307, et section B no581, sise au lieudit " Sarapa ", hameau de Ania à Serra-di-Fiumorbo, et à rouvrir l'accès des appelants à ce même toit-terrasse,
3o) à démolir et enlever la terrasse en bois édifiée sur la parcelle cadastrée section B no597, lieudit " Puggiula " ou " Casamile ", hameau de Ania, à Serra-di-Fiumorbo ;
- DIT ET JUGE que Mme Henriette C... ne devra pas faire obstacle au libre passage des appelants, sur le terrain entourant la maison cadastrée en partie section B no597, lieudit " Puggiula " ou " Casamile ", hameau de Ania, à Serra-di-Fiumorbo,
- LA CONDAMNE à cent euros (100 euros) d'astreinte par infraction constatée par huissier de justice,

- DÉBOUTE M. Gilbert X..., M. Robert Y..., M. Joseph X..., et M. Louis X...de leurs autres demandes de démolition,

- CONDAMNE Mme Henriette C... à payer à M. Gilbert X..., de M. Robert Y..., de M. Joseph X..., et de M. Louis X...la somme de mille euros (1 000 euros) à titre de dommages-intérêts,
- DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- CONDAMNE Mme Henriette C... à payer à M. Gilbert X..., de M. Robert Y..., de M. Joseph X..., et de M. Louis X...la somme de deux mille cinq cents euros (2 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- CONDAMNE Mme Henriette C... aux entiers dépens d'appel et de première instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 14/00318
Date de la décision : 28/10/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2015-10-28;14.00318 ?
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