Ch. civile A
ARRET No
du 07 OCTOBRE 2015
R. G : 11/ 00988 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 10 Décembre 2009, enregistrée sous le no 08/ 135
X...A...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEPT OCTOBRE DEUX MILLE QUINZE
APPELANTS :
M. Jean-Baptiste X...né le 02 Avril 1967 à BASTIA (20200)... 20230 SAN NICOLAO
assisté de Me Françoise ACQUAVIVA, avocat au barreau de BASTIA
Mme Marie Dominique A... épouse X...née le 15 Juillet 1972 à BASTIA (20200)... 20230 SAN NICOLAO
assistée de Me Françoise ACQUAVIVA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Mme Martine Y......... 20230 SAN NICOLAO
assistée de Me Jean-Pierre RIBAUT-PASQUALINI de la SCP SCP RIBAUT-PASQUALINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Vanina CERVONI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/ 1228 du 03/ 06/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 septembre 2015, devant la Cour composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Emmanuelle BESSONE, Conseiller Mme Marie BART, vice-président placé près M. le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 octobre 2015.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par actes des 11 septembre 1971 et 4 mars 1972, Côme D..., père de Mme Y..., a acquis de Marie Elisabeth D..., Rose Marie D... et Antoinette D... ses soeurs, dans une maison en copropriété édifiée sur rez-de-chaussée de deux étages et greniers sur un terrain de 37 ca inscrit à la matrice cadastrale rénovée sous le no 374 de la section C, un appartement de trois pièces formant tout le deuxième étage.
M. et Mme Jean-Baptiste X...ont acquis de Marie-Assunta E...et Pauline Marie Assunta E...par acte authentique dressé le 14 janvier 1998 une maison d'habitation en mauvais état au lieu-dit ...figurant au cadastre de la commune de San Nicolao sous le no 375 de la section C d'une contenance de 32 ca comprenant un rez-de-chaussée une cave, au premier étage une pièce, au deuxième étage une cuisine ainsi que les combles.
Reprochant à Mme Martine Y...d'occuper sans droit ni titre la cuisine dont ils ont fait l'acquisition, les consorts X...ont assigné par acte du11 janvier 2008 cette dernière devant le tribunal de grande instance de Bastia pour se voir reconnaître la propriété de cette pièce.
Suite à cette citation et à l'assignation en intervention forcée diligentée par les consorts X...à l'encontre de Mme Pauline E..., le tribunal de grande instance de Bastia a, par jugement du 10 décembre 2009 :
déclaré Mme Martine Y...propriétaire d'une pièce à usage de cuisine située au second étage de la maison située à ...et figurant au cadastre de la commune de San Nicolao sous le numéro 375 de la section C,
débouté M. Jean-Baptiste X...et Mme Madeleine A... épouse X...de leur demande de se voir déclarés propriétaires du même bien, à savoir une pièce à usage de cuisine située au second étage d'une maison édifiée sur la parcelle cadastrée no 375 de la section C lieudit ...,
condamné M. Jean-Baptiste X...et Mme Madeleine A... épouse X...à payer à Mme Martine Y...la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
débouté Mme Martine Y...de sa demande tendant à voir prononcée la nullité de la vente consentie par Mme Pauline E...veuve F...à M. et Mme Jean-Baptiste X...en ce qu'elle porte sur la cuisine située au second étage de la maison située à ...et figurant au cadastre de la commune de San Nicolao sous le numéro 375 de la section C,
débouté Mme Martine Y...de sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné de procéder à la division de l'immeuble cadastré C 375 à San Nicolao et à la modification du cadastre,
ordonné la publication du présent jugement à la conservation des hypothèques sur diligence et aux frais de Mme Martine Y...,
condamné M. Jean-Baptiste X...et Mme Madeleine A... épouse X...aux dépens.
M. et Mme X...ont relevé appel de cette décision par déclaration du 3 mars 2010.
La procédure a été radiée suite au décès de Pauline E...épouse F.... Elle a été remise au rôle à la demande des appelants qui ont assigné en reprise d'instance l'ayant droit de cette dernière, Jean-Louis F...par acte du 20 mars 2012. Ce dernier a renoncé à la succession de sa mère le 22 février 2012 comme l'avait fait son frère Ange Dominique, le 12 janvier 2012.
Ces deux héritiers n'ont pas lieu d'être dans la cause.
Par arrêt du 11 septembre 2013, la cour de céans a :
constaté que Jean-Louis F...et Ange Dominique F...ont renoncé à la succession de leur mère Pauline E...veuve F..., avant dire droit au fond, commis en qualité d'expert, M. Raymond H..., avec mission, serment préalablement prêté, après avoir convoué les parties et leur conseil, de :
- se rendre sur les lieux sis à San Nicolao,...,
- donner à la cour tous éléments utiles lui permettant de déterminer si la cuisine litigieuse par laquelle on accède à l'appartement de trois pièces occupé par Mme Y...au deuxième étage du bâtiment, se situe sur la parcelle cadastrée 374 comme l'indique l'acte notarié des 11 septembre 1971 et 4 mars 1972 ou sur la parcelle cadastrée 375,
- en indiquer la superficie,
- préciser si sur la parcelle 375, au deuxième étage, se trouve une autre pièce qui pourrait correspondre à une autre cuisine,
- dans le cas contraire, préciser où pourrait se situer l'accès au bien acquis par M. Côme D...de ses soeurs par actes des 11 septembre 1971 et 4 mars 1972,
- faire toutes constatations utiles à la solution du litige,
dit que l'expert pourra recueillir l'avis de tout technicien dans une spécialité distincte de la sienne en sollicitant, au besoin, un complément de provision,
dit que les consorts X...devront consigner au greffe de la cour une provision de 2 000 euros,
dit que l'expert déposera son rapport dans un délai de quatre mois à compter de l'acceptation de sa mission au greffe de la cour, après avoir soumis un pré-rapport de ses opérations aux observations des parties auxquelles il répondra,
renvoyé les parties à la mise en état du 21 février 2014,
réservé les frais irrépétibles et les dépens.
L'expert a déposé son rapport le 26 juin 2014.
En leurs dernières écritures déposées par voie électronique le 16 janvier 2015 auxquelles il y a lieu de se reporter pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, M. et Mme X...demandent à la cour de :
- dire et juger qu'ils sont propriétaires par titre de l'ensemble C 375 situé sur le territoire de la commune de San Nicolao incluant la cuisine objet du litige en application des dispositions de l'article 544 du code civil,
- dire et juger qu'ils sont propriétaires en vertu de leur acte d'achat en date du 14 janvier 1998 s'appliquant à la cuisine contestée,
- dire et juger que l'intimée n'a pu valablement usucaper,
- dire et juger pour cela que son usucapion ne pourrait éventuellement se situer qu'à compter du 4 mars 1972,
- dire et juger que l'usucapion a nécessairement été interrompue par leur acquisition en date du 14 janvier 1998,
- dire et juger que l'intimée ne peut valablement invoquer l'existence d'un juste titre et d'une prescription abrégée,
- dire et juger en tant que de besoin, que les attestations produites par l'intimée ne peuvent valablement permettre de démontrer l'existence d'une possession paisible, publique, de bonne foi et à titre de propriétaire permettant de conduire à l'usucapion,
en conséquence,
- condamner Mme Martine Y...à délaisser les lieux sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard et ce pendant un délai de deux mois passé lequel il sera à nouveau fait droit (articles 31 à 34 de la loi du 29 juillet 1991),
- condamner Mme Y...à leur verser la somme de 5 000 euros HT (5 980 euros TTC) au titre de leurs frais irrépétibles, 3 000 euros HT (3 588 euros TTC) devant la cour et 2 000 euros HT (2 392 euros TTC) devant le tribunal de grande instance (article 700 du code de procédure civile),
subsidiairement,
- ordonner une expertise confiée à un expert géomètre en lui donnant pour mission de décrire les lieux en contemplation des titres de propriété des parties en date des 4 mars 1972 et 14 janvier 1998,
- ordonner l'audition des auteurs des attestations produites par les parties en leur présence et devant le juge en application des dispositions de l'article 203 du code de procédure civile,
subsidiairement et non autrement,
- dire et juger que Mme Pauline E...veuve Marcel F...devra, pour le cas où la décision serait confirmée sur la propriété du bien, les garantir en vertu des dispositions des articles 1558 et suivants du code civil,
dans cette hypothèse,
- condamner Mme E...veuve F...à les rembourser d'une partie du prix de vente à hauteur de 25 000 euros et à leur verser la somme de 10 000 euros au titre des tracas qu'ils ont dû affronter en application des dispositions de l'article 1134 du code civil et de l'article 1558 du code civil,
dans ce cas,
- condamner Mme E...veuve F...à leur verser la somme de 3 000 euros HT (3 588 euros TTC) et la somme de 2 500 euros HT (2 990 euros TTC) au titre des frais irrépétibles (l'article 700 du code de procédure civile),
- condamner qui de mieux de Mme Martine Y...ou de Mme E...veuve F...aux entiers dépens d'instance et d'appel sur le fondement des dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile.
Ils font observer qu'ayant acquis le bien litigieux qui se trouve dans l'immeuble cadastré C 375 sur le territoire de la commune de San Nicolao par acte authentique du 14 janvier 1998, ils disposent d'un titre de propriété s'appliquant à la pièce qu'ils revendiquent. Ils soulignent qu'il résulte de l'attestation de M. K...géomètre expert qui a visité les lieux, que la parcelle C 375 est constituée de la cage d'escalier avec les paliers et que de ce fait la cuisine indiquée dans l'acte du 14 janvier 1998 correspond à la pièce du 2ème étage actuellement utilisée par Mme D..., alors que le titre de celle-ci porte sur la parcelle C 374 et n'inclut pas la pièce litigieuse. Ils font observer que l'intimée ne peut produire le titre qu'elle détiendrait de Mme F..., puisque l'existence d'une convention doit se prouver par écrit et ne peut l'être par une attestation unilatérale d'une personne prétendant avoir cédé ses biens, et ce d'autant que cette attestation est contredite par une autre attestation de Mme F...du 16 mai 2008 par laquelle celle-ci indique avoir autorisé M. D... à entreposer quelques affaires en compensation de l'entretien de la maison, ce qui implique que celui-ci n'était au plus que détenteur précaire et qu'il n'occupait pas la pièce à titre de propriétaire. Ils ajoutent que l'intimée dont le titre remonte au 4 mars 1972 et qui ne peut invoquer d'actes de possession des consorts D... antérieurs à la cession au profit de son auteur le 4 mars 1972 n'a pu valablement usucaper, la qualité d'héritière de Mme Y..., contrairement à ce qu'elle prétend ne lui permettant pas d'invoquer plus de droit que son auteur et donc une possession antérieure à l'acte de 1972. Ils font valoir que l'intimée a fait établir en 2005 un titre notarié de propriété par création d'un acte de prescription acquisitive pour englober la pièce litigieuse, ce qui établit en raison de la contradiction existant entre leur titre de propriété d'origine et le titre créé de prescription acquisitive à l'encontre duquel ils ont fait opposition qu'ils ne peuvent valablement se prévaloir d'aucun titre.
Ils critiquent le rapport par lequel l'expert judiciaire, M. H..., a conclu que la cuisine litigieuse était la propriété de Mme Y...au motif que le seul accès possible à l'immeuble s'effectue par la cuisine qui selon lui ne peut être dissociée des autres pièces ; que ce faisant, l'expert a fait une mauvaise appréciation des titres et une mauvaise observation des lieux. Ils estiment que ce rapport ne peut être retenu par la cour dans la mesure où la cuisine fait partie intégrante de la parcelle 375 et que le fucone (ancien séchoir à châtaignier ou fumoir) ainsi que la cuisine constituent une seule et unique pièce indissociable. Ils ajoutent que l'expert s'est trompé dans le croquis qu'il a effectué de la façade ouest du 1er étage ; qu'il a négligé les conditions d'accès à la pièce litigieuse qui se fait sur la parcelle 375 ; que la pièce litigieuse de trouve dans l'alignement vertical des pièces de la parcelle 375, ce qui confirme qu'elle fait partie de cette parcelle. Ils considèrent que l'expert ne pouvait tenir compte des attestations produites par l'intimée, en raison du lien de subordination entre Mme Angeli L...et M. Côme D...; compte tenu de leur contradiction ; parce qu'elles émanent de personnes ne résidant pas dans la région ; parce qu'elles ne précisent pas le point de
départ de l'usucapion et parce qu'elles sont sujettes à caution puisqu'elles émanent des frères et soeurs de l'appelante en raison du différend familial qui les oppose. Ils font observer que les attestations qu'ils produisent établissent que les intimés n'ont pu valablement usucaper la pièce en litige ; que Mme Y...qui avait installé un locataire M. M...dans la cuisine litigieuse est intervenue auprès de lui pour qu'il leur demande de vendre la pièce, ainsi que cela ressort de l'attestation primordiale établie par ce dernier, démontrant que l'intimé n'a pas accompli d'acte de possession public et à titre de propriétaire. Ils critiquent le rapport d'expertise mentionnant une erreur de cadastre car les pièces ayant différents propriétaires ne peuvent avoir une même référence.
Ils soutiennent que leur acte d'achat a nécessairement interrompu toute prescription éventuelle qui aurait pu commencer à courir à compter du 4 mars 1972, cette acquisition régulièrement publiée enlevant à la possession exercée en 1998 son caractère paisible et public indispensable pour qu'elle remplisse les conditions de l'usucapion et que si une nouvelle prescription peut commencer à courir à compter de 1998, l'usucapion trentenaire n'est pas acquise et qu'en l'absence de titre, la prescription abrégée ne peut être invoquée. Ils ajoutent que la sommation de restituer les clés qu'ils ont délivrée, a fait perdre à cette possession, son caractère paisible et public.
Si le jugement devait être confirmé, ils considèrent avoir acquis un bien auprès des vendeurs qui n'en étaient pas propriétaires et déclarent opter pour la réduction du prix.
En ses dernières écritures déposées le 9 février 2015 auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus complet de ses moyens et prétentions, Mme Y...demande à la cour de :
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que la pièce litigieuse ne dépendait pas de la parcelle figurant au cadastre de la commune de San Nicolao à la section C, sous le numéro 374,
statuant autrement,
- dire et juger que la pièce revendiquée a son assiette sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de San Nicolao à la section C, sous le numéro 374,
en conséquence,
- dire et juger qu'elle est propriétaire de la pièce revendiquée en vertu de l'acte de vente des 11 septembre 1971 et 4 mars 1972,
subsidiairement,
- désigner un expert-géomètre inscrit sur la liste des experts judiciaires près la cour d'appel de Bastia, recevant pour mission de déterminer sur quelle parcelle est implantée la pièce revendiquée,
à titre infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
en tout état de cause,
- dire et juger que la publication de l'arrêt à intervenir vaudra titre de propriété et sera publié à la conservation des hypothèques aux frais des consorts X...,
- condamner en appel M. et Mme X...à payer à Mme Y...la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens, en ce compris les frais d'établissement des procès-verbaux de constat dressés le 10 mars 2008 par Me B...et le 18 mars 2010 par Me C....
Elle explique être propriétaire pour en avoir hérité de son père Côme D... d'une parcelle sise sur le territoire de la commune de San Nicolao cadastrée à la section C sous le numéro 374 d'une contenance de 37 ares sur laquelle est édifiée une maison de deux étages sur rez-de-chaussée avec greniers au dessus, dont le deuxième étage constituant le lot no 1 de l'immeuble et composé de trois pièces a été acquis en 1972 par Côme D... des mains de ses soeurs Marie Elisabeth, Rose Marie et Antoinette D.... Elle considère que l'expert judiciaire a confirmé qu'elle justifiait d'une possession paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire depuis plus de trente ans ainsi que l'a dit le tribunal.
Elle précise que les immeubles bâtis C 374 et C 375 qui sont contigus et dont les pièces sont imbriquées dans une construction sans état descriptif de division étaient détenus à l'origine par une même famille dont les consorts D... et E...sont les descendants et qu'il existe depuis toujours une confusion sur le rattachement cadastral de la pièce revendiquée. Elle estime que les travaux d'expertise ont permis de dissiper cette confusion puisque selon l'expert, il y a eu une erreur dans la rédaction des actes sur la localisation cadastrale des appartements Samani et X...qui ont les pièces décrites dans les actes mais qui sont mal localisées. Elle affirme que les parcelles C 374 et 375 présentent côté Est une unité architecturale, les façades et la toiture étant identiques ; que la description des lieux faite par l'expert correspond exactement à celles faites à des époques différentes par Maîtres B...et Bigheli ainsi qu'à son titre de propriété à l'exception du numéro de parcelle. Elle explique que tous ces documents mentionnent trois pièces et que l'escalier, unique et commun aux bâtis C 374, 375 et 376 dessert au second étage trois portes palières ouvrant l'une sur sa cuisine, l'autre sur la pièce cédée par Mme F...à M. X...et la troisième sur la pièce appartenant aux consorts A....
Elle fait observer que la cuisine correspond nécessairement à l'appartement décrit dans l'acte de 1972 puisqu'elle en constitue l'unique entrée et qu'elle n'a pu être vendue isolément tandis que la cuisine de l'appartement de M. X...correspond à l'ancien fucone.
Elle indique que selon le rapport d'expertise, la cuisine litigieuse se trouve sur la parcelle375 ; le fucone du deuxième étage se situe sur parcelle 376 et est occupé par les époux X...; la parcelle 375 correspond principalement à la cage d'escalier distribuant les pièces occupées par les parties.
Elle estime bénéficier de la prescription acquisitive, sa possession étant paisible, l'argument tiré de la publication aux hypothèques de l'acte de vente de 1988 étant inopérant ; publique au vu des nombreuses attestations qu'elle produit ; non équivoque, les auteurs de M. X...qui sont les cousines de son père n'ayant jamais contesté cette occupation et l'attestation de Mme F...étant sujette à caution ; continue, son père ayant occupé la cuisine qui constitue l'unique accès à l'appartement jusqu'à son décès en 1998 et elle-même en disposant depuis en le donnant en location à M. O...jusqu'en 2007 et en y faisant faire ensuite des travaux notamment sur la toiture. Elle fait observer sur la durée et le point de départ de la possession, que dans leurs écritures signifiées le 16 janvier 2015, les appelants précisaient qu'il fallait se placer au 4 mars 1972 pour examiner une éventuelle usucapion mais qu'en tout état de cause, cette possession a commencé au plus tard en octobre 1977. Elle fait valoir que la pièce revendiquée dépend de la parcelle C 375 et qu'elle peut établir une possession trentenaire, en pouvant contrairement à ce qu'avancent les appelants, joindre sa possession à celle de son auteur, ni l'acte d'achat ni la sommation d'avoir à restituer les clefs délivrée en 1998 et demeurée sans effet n'ayant pu vicier les conditions d'efficacité de la possession et constituer des causes de suspension ou d'interruption de la prescription au sens des articles 2238, 2240 et 2241 du code civil, seule l'action en revendication introduite ayant un effet interruptif, étant précisé qu'à cette date la prescription était acquise depuis 2002 ou au plus tard depuis octobre 2007.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 février 2015 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 7 septembre 2015.
MOTIFS DE LA DECISION :
1- Sur la propriété de la cuisine litigieuse :
L'article 544 du code civil dispose que la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Les modes de preuve de la propriété immobilière sont libres mais la charge de la preuve de la propriété incombe au revendiquant et non à celui qui est en possession du bien litigieux. Ainsi, il appartient à celui qui exerce une action en revendication d'établir son droit, et ce par tous moyens y compris par présomptions si elles sont graves, précises et concordantes.
Celui qui soutient être propriétaire d'un fonds peut notamment invoquer les titres translatifs ou déclaratifs de propriété dès lors qu'ils créent une présomption suffisante, la preuve de la propriété étant étrangère à la question de l'opposabilité des actes aux tiers.
La valeur qui peut être reconnue aux indications du cadastre et les conséquences de celle-ci relativement à la solution du litige sur la propriété immobilière, sont déterminées souverainement par les juridictions du fond qui doivent également apprécier le sens et la portée des titres produits car elles disposent d'un pouvoir souverain pour dégager les présomptions de propriété les meilleures et les plus caractérisées.
Mais, l'acquisition par prescription rend superfétatoire l'examen des titres. En cas de conflit entre des personnes revendiquant la propriété d'une parcelle, la première se fondant sur un titre et la seconde sur une usucapion, il ya lieu de préférer la seconde dès lors que les conditions de la prescription trentenaire acquisitive sont bien remplies.
En effet, aux termes des articles 2229 et 2262 anciens du code civil-applicables au présent litige initié avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008- pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque à titre de propriétaire pendant trente ans.
En vertu de ces textes, la possession légale utile pour prescrire la propriété d'un bien ne peut s'établir à l'origine que par des actes matériels d'occupation réelle caractérisant cette possession et se conserve tant que le cours n'en est pas interrompu ou suspendu.
Pour déclarer un immeuble acquis par la prescription, il ne suffit pas d'énoncer que les demandeurs détiennent un acte de notoriété relatif à leur possession trentenaire sans relever des actes matériels démontrant celle-ci car l'existence d'un acte notarié constatant une usucapion ne peut, par elle-même, établir celle-ci et il convient d'en apprécier la valeur probante quant à l'existence d'actes matériels de nature à caractériser la possession invoquée.
Outre l'accomplissement d'actes matériels effectifs caractérisant une possession utile, la prescription acquisitive résulte d'actes de détention accomplis en qualité de propriétaire dans toutes les occasions, sans intervalles anormaux assez prolongés pour constituer des lacunes et rendre la possession discontinue.
Les deux parties demandent une expertise confiée à un géomètre qui a déjà été ordonnée. Il ne sera pas fait droit à cette demande.
Mme Y...est en possession de la cuisine litigieuse de sorte qu'il incombe aux époux X...de prouver par tous moyens le droit de propriété qu'ils revendiquent.
Ils se fondent sur leur acte authentique d'acquisition du 14 janvier 1998 de la maison d'habitation cadastrée C 375 comprenant un rez-de-chaussée, une cave, un étage d'une pièce, un deuxième étage d'une
cuisine plus combles et sur une attestation rédigée le 20 décembre 2007 par M. Alain K..., géomètre expert, qui certifie que la parcelle C 375 comprend la cuisine qu'ils revendiquent.
Quant à Mme Y..., elle prétend que la cuisine dépend de l'appartement que son père a acquis par actes des 11 septembre 1971 et 4 mars 1972 et inscrit à la matrice cadastrale rénovée sous le no 374 de la section C.
L'expert désigné judiciairement nous informe que la cuisine litigieuse se trouve effectivement sur la parcelle 375 et non sur la 374, légitimant la position des époux X.... Il explique que, toutefois, cette cuisine constitue la seule entrée de l'appartement de Mme Samani dont les deux autres pièces se trouvent sur la parcelle 374 et qu'elle ne peut donc en être dissociée ; qu'au deuxième étage et sur le même palier, se trouve une autre pièce, jadis appelée cuisine ou fucone, se situant sur la parcelle 376. Il conclut qu'une erreur entache la rédaction des actes sur la localisation cadastrale des appartements Samani et X....
Dés lors, il convient de rechercher si la présomption de propriété attachée au titre des époux X...ne peut pas être remise en cause par la possession utile de Mme Y...qui occupe actuellement la cuisine revendiquée étant précisé que selon les appelants, la cuisine et le fucone forment une seule et même pièce. Or, l'expert démontre que ce sont deux pièces et que le fucone correspond à la cuisine actuelle de l'appartement des époux X...en expliquant que la superposition des plans cadastraux fait apparaître que les limites cadastrales ne coïncident pas avec les murs maîtres provoquant une confusion dans la localisation des appartements des parties. Il précise que :
- la cuisine litigieuse se trouve sur la parcelle 375, alors que l'acte la mentionne sur la 374,
- les pièces occupées par les époux X...se trouvent sur la 376 à savoir une pièce au 1er, une ancienne cuisine au 2éme et les combles au dessus alors que la cave au rez-de-chaussée se trouve bien sur la 375,
- Mme Y...a bien trois pièces dont une est sur la 375.
Quant à Mme Y..., elle justifie d'une possession paisible, publique et non équivoque de la cuisine puisqu'elle produit une attestation de Mme Pauline E...veuve F...du 6 octobre 1977 qui déclare avoir cédé à M. Côme D...la moitié de la cuisine en " paiement d'une dette pour réparation et entretien de la maison afin qu'il en jouisse et l'occupe entièrement ". Les époux X...pour s'opposer à cette attestation, produisent une autre attestation de la même F...qui le 16 mai 2008 indique qu'elle n'a jamais cédé ni loué la cuisine de la maison qui fait partie intégrante du bien vendu à M. X...et qu'elle a simplement " autorisé M. Côme D...à entreposer quelques affaires en compensation de l'entretien de ladite maison. " Or, cette deuxième attestation ne remet pas en cause la date de la prise de possession des lieux en 1977 par l'auteur de Mme Y.... En effet, la réalité des assertions de la seconde attestation est suspecte dans la mesure où Mme
F...a vendu entre les deux attestations l'appartement aux époux X...et qu'elle a été appelée par eux dans la cause ultérieurement. Mais encore, la cour retiendra les attestations produites par Mme Y...sans procéder aux auditions demandées par les appelants étant précisé que les témoins, habitants de San Nicolao relatent avoir constaté que M. Côme D...occupait la pièce litigieuse. Elle justifie également avoir poursuivi son occupation de la cuisine après le décès de son père en donnant en location l'appartement comprenant cette pièce à M. O...jusqu'en septembre 2007 puis en y faisant faire des travaux. Elle démontre ainsi une possession utile comme propriétaire, le fait que le bien ne soit pas visé dans l'acte de vente de 1971-1972 étant sans incidence puisque le litige porte sur l'usucapion à partir de 1977 et la vente intervenue le 14 janvier 1998 ne pouvant interrompre ladite possession, la publication aux hypothèques de l'acte n'ayant pas interrompu cette possession acquisitive pour n'être accompagnée d'aucun acte matériel.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, comme l'a dit le premier juge, M. Côme D...et après son décès, sa fille, ont effectué des actes matériels de possession de la pièce revendiquée depuis plus de trente ans au jour de l'assignation délivrée par les époux X...(11 janvier 2008) de manière continue, paisible, non équivoque et à titre de propriétaire qui doivent prévaloir sur les titres.
C'est donc à juste titre que le premier juge a déclaré Mme Martine Y...propriétaire de la cuisine litigieuse et a débouté M. Jean-Baptiste X...et son épouse Mme Marie-Madeleine A... de leur demande principale tendant à se voir reconnaître propriétaires du même bien ainsi que de toutes leurs demandes additionnelles.
Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.
2- Sur la publication de l'arrêt :
Faisant droit à la demande de Mme Martine Y..., la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de Bastia sera ordonnée puisqu'il modifie le titre publié des époux X.... Cette publication sera faite à la diligence de Mme Y...mais aux frais des époux X....
3- Sur la réduction du prix de vente de la cuisine litigieuse et sur la garantie :
Les époux X...demandent la réduction du prix qu'ils ont payé à Mme F...pour l'acquisition d'une pièce de l'appartement dont ils ne sont pas propriétaires et demandent sa garantie.
Cependant, Mme Pauline E...veuve F...mise en cause est décédée en cours d'instance le 18 janvier 2011 et ses héritiers M. Ange Dominique F...ainsi que M. Jean-Louis Marcel F...ont renoncé à sa succession.
Faute d'avoir mis en cause un ayant droit de Mme Pauline E...veuve F..., les époux X...sont irrecevables en leur action en réduction du prix de vente et en leur demande en garantie.
4- Sur les autres demandes :
Il ne paraît pas équitable de laisser à la charge de Mme Martine Y...les frais non compris dans les dépens. M. Jean-Baptiste X...et son épouse Mme Marie-Madeleine A... seront condamnés à payer la somme de 2 000, 00 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à leur charge une indemnité sur le même fondement.
Succombant, M. Jean-Baptiste X...et son épouse Mme Marie-Madeleine A... seront tenus aux dépens d'appel lesquels comprendront les frais de publication du présent arrêt au service de la publicité foncière et le jugement sera confirmé en ce qu'il a mis à leur charge les dépens d'instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bastia le 10 décembre 2009 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déclare M. Jean-Baptiste X...et son épouse Mme Marie-Madeleine A... irrecevables en leur demande de réduction du prix de vente et en leur demande en garantie formées à l'encontre de Mme Pauline E...veuve F...,
Ordonne la publication du présent arrêt au service de la publicité foncière de Bastia à la diligence de Mme Martine Y...aux frais de M. Jean-Baptiste X...et de son épouse Mme Marie-Madeleine A...,
Condamne M. Jean-Baptiste X...et son épouse Mme Marie-Madeleine A... à payer à Mme Martine Y...la somme de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Jean-Baptiste X...et son épouse Mme Marie-Madeleine A... aux dépens d'instance et d'appel lesquels comprendront les frais de l'expertise judiciaire.
LE GREFFIER LE PRESIDENT