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14/01/2015 | FRANCE | N°13/00757

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 14 janvier 2015, 13/00757


Ch. civile B
ARRET No
du 14 JANVIER 2015
R. G : 13/ 00757 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, décision attaquée en date du 25 Juillet 2013, enregistrée sous le no 11/ 01227

SA M. M. A IARD
C/
X...SA ALLIANZ IARD SAS IRRIJARDIN SA METAL MOBIL

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
SA M. M. A IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège 14 Boulevard Marie et Alexandre Oyo

n 72100 Le Mans

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au ...

Ch. civile B
ARRET No
du 14 JANVIER 2015
R. G : 13/ 00757 C
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio, décision attaquée en date du 25 Juillet 2013, enregistrée sous le no 11/ 01227

SA M. M. A IARD
C/
X...SA ALLIANZ IARD SAS IRRIJARDIN SA METAL MOBIL

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE JANVIER DEUX MILLE QUINZE
APPELANTE :
SA M. M. A IARD prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège 14 Boulevard Marie et Alexandre Oyon 72100 Le Mans

ayant pour avocat Me Philippe JOBIN de la SCP SCP RENÉ JOBIN PHILIPPE JOBIN, avocat au barreau de BASTIA, Me CLAMENS CONSEIL, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES :

M. Thierry X...né le 22 Décembre 1969 à SAVIGNY SUR ORGE ...20167 PERI

ayant pour avocat Me Nathalie GASCHY de la SCP CASALTA GASCHY, avocat au barreau D'AJACCIO

SA ALLIANZ IARD anciennement dénommée Assurances Générales de France Iart, poursuites et diligences de son représentant légal Mr Jacques Y..., Président du Conseil d'Administration 87, Rue de Richelieu 75002 PARIS

assistée de Me Claude THIBAUDEAU, avocat au barreau de BASTIA, Me DAUMAS de la SCP G. DAUMAS, avocat au barreau de TOULOUSE

SAS IRRIJARDIN prise en la personne de son représentant légal domicilié ès-qualité audit siège Route de TOULOUSE 31410 NOE

assistée de Me Myriam CARTA, avocat au barreau de BASTIA, Me Sébastien BEAUGENDRE de la SCP CABINET HUBERT BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS

SA METAL MOBIL prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité audit siège Zone Artisanale 47430 LE MAS D'AGENAIS

ayant pour avocat Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, Me LAGRANGE de la SELARL LAGRANGE ALENGRIN, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 novembre 2014, devant Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, et Mme Judith DELTOUR, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre Mme Françoise LUCIANI, Conseiller Mme Judith DELTOUR, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Johanna SAUDAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2015.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Gisèle BAETSLE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Thierry X...a acheté le 4 février 2002 à la SAS Irrijardin une piscine en kit pour un montant de 7 426, 09 euros. Cette piscine était garantie 10 ans.
Des désordres sont survenus courant juin 2006, se manifestant par l'apparition d'oxydation sur les panneaux en tôles galvanisées du bassin.
Sur la base d'un rapport d'expertise judiciaire de Joseph B..., M. X...a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio la SAS Irrijardin, ainsi que la SA Métal Mobil, fournisseur des panneaux en tôles galvanisées, pour obtenir leur condamnation à réparer son préjudice.

Suivant jugement contradictoire du 25 juillet 2013 le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :

¿ dit que la SAS Irrijardin et la SA Métal Mobil sont tenues d'indemniser Thierry X...du préjudice par lui subi dans la livraison d'un ouvrage non conforme à sa destination,
¿ condamné solidairement la SAS Irrijardin et la SA Métal Mobil à payer à Thierry X...des sommes ci-après :
-61 661, 52 euros correspondant au coût des travaux de remise en état, sommes qui seront indexés sur la base de la valeur au mois d'août 2011 de l'indice « BT-50- rénovation-entretien tous corps d'état » des index nationaux du bâtiment jusqu'au jour du parfait paiement,
dit que dans leurs rapports personnels la SAS Irrijardin et la sa Métal Mobil supporteront 50 % chacun du montant de cette condamnation,
-12 000 euros pour le trouble de jouissance avec intérêts au taux légal à dater du présent jugement, avec la même répartition de 50 % du montant dans leurs rapports personnels,
-3 000 euros pour frais non taxables avec la même répartition de 50 % du montant dans leurs rapports personnels,
¿ dit que la SA Allianz et les mutuelles du Mans assurances, garantiront chacune leur assuré la SAS Irrijardin et la SA Métal Mobil du montant de ces condamnations,
¿ rejeté les demandes plus amples ou contraires,
¿ ordonné l'exécution provisoire,
¿ laissé les dépens solidairement à la charge de la SAS Irrijardin et de la SA Métal Mobil avec la même répartition de 50 % du montant dans leurs rapports personnels et la même garantie de la SA Allianz et des mutuelles du Mans assurances au regard de leur assuré.

Les Mutuelles du Mans Assurances (SA MMA IARD) ont formé appel de cette décision le 20 septembre 2013.

Dans ses dernières conclusions déposées le 18 décembre 2013, l'appelante demande à la cour de réformer le jugement dans toutes ses dispositions,

¿ à titre principal :
- de constater que la preuve de la fourniture des tôles litigieuses par la société Métal Mobil à la SAS Irrijardin sur le kit vendu à M. X...n'est pas rapportée,
- de constater que l'origine des désordres n'a pas été précisément identifiée par l'expert judiciaire,
- de dire que la conception relève de la responsabilité exclusive de la SAS Irrijardin,
- de constater que la SAS Irrijardin n'a pas réalisé d'essai préalable à la mise en vente, et pourtant a garanti ces produits 10 ans,
- de dire que la société Métal Mobil n'a commis aucune faute en lien avec le désordre affectant la piscine de M. X...,
- de dire que M. X...et la société Irrijardin n'en rapportent pas la preuve ni le lien de causalité avec le sinistre,
- dans ces conditions de mettre la société Métal Mobil hors de cause, et partant, de déclarer sans objet la demande en garantie dirigée à l'encontre de son assureur les MMA,
¿ à titre subsidiaire :
- de limiter le montant du préjudice au coût du remplacement à l'identique d'une piscine en kit,
- de débouter M. X...du surplus de ses demandes,
- de dire que la garantie des MMA ne peut être mobilisée,
- en conséquence de mettre les MMA hors de cause,

¿ à titre infiniment subsidiaire :

- de constater que les MMA sont fondées à opposer aux tiers ainsi qu'à leur assurée le montant de la franchise contractuelle,
¿ en tout état de cause :
- de condamner M. X...ou tout succombant à verser aux MMA la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de

procédure civile outre les entiers dépens dont distraction sera faite au profit de la SCP Jobin qui sera autorisée à les recouvrer en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 5 février 2014 la société Métal Mobil demande à la cour :

¿ à titre principal de réformer le jugement :
- de constater l'absence de lien de droit entre M. X...et la société Métal Mobil,
- de constater l'absence de preuve de l'origine des panneaux métalliques litigieux,
- de constater l'absence de faute de quelque nature que ce soit imputable à la société Métal Mobil,
- en conséquence, de la mettre purement et simplement hors de cause et rejeter toute demande à son encontre.
¿ à titre infiniment subsidiaire :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les MMA à relever et garantir la société Métal Mobil de toute condamnation mise à sa charge,
- de condamner les MMA à prendre en charge intégralement toute somme qui pourrait être mise à la charge de la société Métal Mobil au titre de la garantie contractuelle souscrite auprès d'elles,
- de condamner toute partie succombante aux entiers dépens de l'instance outre la somme de 4 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions déposées le 10 juin 2014 la SAS Irrijardin demande à la cour :

¿ à titre principal :
- de lui donner acte de ce qu'elle ne conteste pas devoir sa garantie au titre des produits qu'elle a vendus, et qu'elle offre de fournir les matériaux de remplacement pour la piscine tels qu'énoncés à l'expertise, ou d'en payer le prix, dans la limite dans les deux cas de la somme de 4 560, 48 euros,

- de constater que l'assureur la SA Allianz ne produit aux débats aucun questionnaire d'évaluation du risque par lequel il aurait interrogé la SAS Irrijardin sur les conditions de la vente de piscine en kit ou sur la conception dudit kit,

- de constater que la rédaction de la clause d'activité déclarée de la police litigieuse ne comporte aucune exclusion relative aux conditions de mise au point du kit vendu,

- de confirmer le jugement en ce qu'il a :
. dit la société Métal Mobil responsable in solidum avec la SAS Irrijardin pour les dommages causés à M. X..., acquéreur d'une piscine viciée,
. dit les sociétés d'assurances les MMA et la SA Allianz tenues de garantir chacune leur assurée du montant des condamnations prononcées à leur encontre, en exécution de leurs contrats d'assurance respectifs,
- d'infirmer le jugement attaqué du chef de la contribution à la dette entre la SAS Irrijardin et la société Métal Mobil et statuer à nouveau comme suit :
- de dire et juger que la société Métal Mobil supportera dans ses rapports de codébiteur avec la SAS Irrijardin la charge finale et entière des condamnations prononcées,
¿ subsidiairement de fixer la part contributive des deux sociétés à un taux différent de 50 % chacune, par alourdissement de la quote-part de la société Métal Mobil et allégement de celle de la SAS Irrijardin, par prise en compte de l'absence de faute de cette dernière ou, plus subsidiairement, d'une simple faute d'imprudence de moindre importance que le manquement grave de la société Métal Mobil,
- de statuer à nouveau sur le montant des indemnités allouées à M. Thierry X...et les fixer, conformément au rapport d'expertise de M. B... comme suit :
. limiter la réparation à la somme de 53 763, 48 euros au titre de la réfection de la maçonnerie et des ouvrages hors piscine et de 4 560, 48 euros au titre des matériaux de remplacement pour la piscine et rejeter toute autre demandes indemnitaire, spécialement le préjudice de jouissance, qui n'est pas justifiée,
¿ subsidiairement, allouer au titre du préjudice de jouissance une indemnité très sensiblement inférieure à 12 000 euros,
¿ subsidiairement, à l'égard de la SA Allianz :
- de dire et juger que l'indemnité due par cet assureur a la SAS Irrijardin sera réduite en application de l'article L113-9 du code des assurances,
- de déterminer le taux de réduction et fixer le montant des indemnités dues par la SA Allianz à la SAS Irrijardin en garantie de toute condamnation qui serait prononcée du chef des demandes de M. X...,

- de dire et juger que la SA Allianz a par violation de ses devoirs de conseil, mise en garde et compétence, causé à la SAS Irrijardin une situation de non assurance ou d'insuffisance d'assurance,

- de condamner la SA Allianz à réparer le dommage causé par sa faute en garantissant et relevant indemne la SAS Irrijardin de toutes condamnations prononcées du chef des demandes de M. X...
¿ en toute hypothèse :
- de condamner in solidum Thierry X..., la société Métal Mobil, la SA Allianz et les MMA à payer à la SAS Irrijardin la somme de 10 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- et rejeter toutes les fins, demandes et conclusions des autres parties, contraires à celle de la SAS Irrijardin.

Dans ses dernières conclusions déposées le 13 février 2014 la SA Allianz demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le principe de la responsabilité solidaire des co-concepteurs la SAS Irrijardin la SAS Irrijardin et la société Métal Mobil avec partage de responsabilité par moitié et la garantie des MMA,

- de le réformer pour le surplus et de dire que la garantie de la SA Allianz n'est pas acquise à la SAS Irrijardin du fait de l'exercice par cette dernière d'une activité non conforme à l'activité déclarée au contrat,
- de dire, si cette déchéance n'était pas prononcée, que la garantie est exclue en raison de la nature des dommages, la SAS Irrijardin n'ayant effectué aucun test de vieillissement pour déceler les vices affectant les panneaux de tôles galvanisées,
- de débouter en conséquence la SAS Irrijardin de ses demandes injustifiées à l'encontre de la SA Allianz,
- de dire à titre subsidiaire que tout éventuel manquement à une obligation d'information et de conseil ne saurait être imputable qu'au seul courtier, en sa qualité de mandataire de l'assuré et prononcer de plus fort la mise hors de cause de la SA Allianz de dire, si le principe de la garantie était acquis, n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article I-4-16 des conditions générales du contrat, portant exclusion de la garantie du montant de la piscine et accessoires vendus aux clients et de la franchise contractuelle applicable aboutissant à une indemnité susceptible d'être due à hauteur de la seule somme de 50 384, 84 euros,

de condamner tout succombant à payer à la SA Allianz une indemnité de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner le même aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 février 2014 Thierry X...demande à la cour :

¿ à titre principal :
- de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. X...de sa demande de condamnation de la SAS Irrijardin et de la société Métal Mobil au paiement des sommes de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier et du manque à gagner et 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral ainsi que sur le montant du préjudice de jouissance,
en conséquence :
- de débouter les autres parties de toutes leurs demandes,
- reconventionnellement de condamner conjointement et solidairement la SAS Irrijardin et la société Métal Mobil au paiement des sommes de :
. 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du trouble de jouissance qui sera répartie en tant que de besoin selon les préconisations de l'expert à savoir 50 % à la charge de chacune des deux sociétés,
. 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice financier du manque à gagner suivant la même répartition,
. 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral suivant la même répartition,
¿ à titre subsidiaire :
- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
¿ en tout état de cause :
- de condamner conjointement et solidairement les requis à la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Casalta-Gaschy, avocat aux offres de droit.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 juin 2014.

SUR CE :

Sur le dommage et l'obligation à réparation :

L'expert judiciaire M. B... ne s'est pas rendu chez M. X...mais a pu examiner les documents relatifs à sa piscine avec l'accord des parties et de leurs avocats. Les factures versées aux débats établissent que M. X...a bien acheté un kit de piscine auprès de la SAS Irrijardin.

Le rapport d'expertise établit que les panneaux en acier galvanisé, qui soutiennent l'ensemble, présentent des traces d'oxydation.

Selon l'expert la cause du désordre est un défaut de protection des panneaux au contact de l'eau chlorée et/ ou salée ; la couche sacrificielle de zinc, de 18 micromètres d'épaisseur, se transforme en fonction de l'exposition à l'agressivité de l'eau en poudre blanchâtre. C'est la rouille blanche ou oxyde de zinc. L'acier se trouve dénudé et apparaît la rouille rouge ou oxyde de fer.
Il ressort des échanges entre la SAS Irrijardin et la société Métal Mobil, recensés précisément par l'expert en page 7 de son rapport, des envois de croquis, de mesures, et autres courriers courant 1999, que la SAS Irrijardin a commandé à la société Métal Mobil la confection desdits panneaux ; l'attestation du cabinet d'expert comptable François Delsol, du 16 novembre 2010, établit que pour la période du 1er octobre 1999 au 30 septembre 2005 la société Métal Mobil a été le fournisseur exclusif des panneaux galvanisés pour la SAS Irrijardin.
Lors des opérations d'expertise aucune réserve n'a été formulée sur ce point et la société Métal Mobil, qui ne produit aucun élément probant à l'appui de sa contestation, est mal fondée à soutenir que la provenance des panneaux ne serait pas déterminée avec certitude.
La SAS Irrijardin, vendeur, est débitrice d'une obligation de délivrance d'une marchandise conforme, et exempte de tout vice, envers l'acheteur M. X..., et ne le conteste d'ailleurs pas.
La société Métal Mobil, qui souligne à juste raison qu'elle n'a aucun lien contractuel avec M. X..., a été chargée par la SAS Irrijardin de fabriquer des panneaux en tôle galvanisée, dont le dessin, les mesures, les caractéristiques générales, ont été fournis par la SAS Irrijardin, suivant des plans précis et détaillés, ainsi que le démontrent les courriers et les croquis versés aux débats ; la conception générale des panneaux, leur épaisseur, leur composition, ont été imposées par le concepteur des kits ainsi qu'en témoignent les huit pages de plans particulièrement précis, adressées en août 1999 par la SAS Irrijardin.
Les plans transmis par la suite par la société Métal Mobil ont pu être modifiés, mais uniquement suivant les directives de son cocontractant ainsi que l'indique notamment le message du 20 septembre 1999.
La SAS Irrijardin apparaît donc clairement comme l'unique concepteur de l'ouvrage, la société Métal Mobil ne s'étant vu confier aucune mission d'étude ou de conseil, notamment pour ce qui concerne la résistance du matériaux face aux agressions de l'eau de piscine, ou pour ce qui concerne les interactions physiques ou chimiques des différents éléments du kit, questions qui relèvent de la compétence naturelle du vendeur de piscines.
Aucun document n'indique que la société Métal Mobil savait que les kits étaient destinés à un montage par le client lui-même, ni qu'elle ait eu connaissance de la notice de montage ; elle n'avait donc pas à imaginer que la SAS Irrijardin ne vérifierait pas par elle-même le traitement du matériau au moment de la pose.
Enfin, l'obligation d'information du fabricant envers l'acheteur professionnel qu'est la SAS Irrijardin ne peut être retenue que dans la mesure où la compétence de cet acheteur ne lui donne pas les moyens d'apprécier la portée exacte des caractéristiques techniques des biens qui lui sont livrés. En l'espèce la SAS Irrijardin aurait dû être à même de vérifier la parfaite adéquation du matériau commandé à l'usage qui devait en être fait.
En conséquence, l'obligation de réparer le préjudice de M. X...ne peut peser que sur la SAS Irrijardin.
C'est donc à tort que le premier juge, ayant retenu que la SAS Irrijardin et la société Métal Mobil, étant également impliquées dans la conception d'un projet commun, devaient solidairement indemniser l'acheteur et, dans leurs rapports entre eux, supporter chacun la moitié de la charge de cette indemnisation.
La société Métal Mobil et son assureur les MMA seront mis hors de cause.
Sur la garantie de l'assureur :
La SAS Irrijardin est assurée auprès de la SA Allianz pour « les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile que vous pouvez encourir en raison de dommages corporels, matériels, immatériel causé à autrui y compris vos clients à l'occasion des activités de votre entreprise, telles qu'elles sont déclarées aux dispositions particulières. » (article I. 3).
La SA Allianz dénie sa garantie à la SAS Irrijardin au motif, en premier lieu, que l'activité de conception de piscines n'a pas été déclarée lors de la souscription du contrat d'assurances.
En effet l'activité assurée est : « vente de matériel de jardin et piscines en kit et de consommables pour piscines. Travaux de pose n'excédant pas 10 % du chiffre d'affaires. »
Ce libellé ne permet pas de distinguer entre la vente d'un kit élaboré par un tiers et la confection par l'assuré lui-même. De plus, le contrat d'assurance ne comporte aucune exclusion expresse pour les kits qui seraient confectionnés ou conçus par la SAS Irrijardin.
En toute hypothèse, dès lors que l'assureur n'a soumis aucun questionnaire à ce sujet à son assuré, il ne peut reprocher à celui-ci d'avoir dissimulé une partie de son activité en s'abstenant de la déclarer.
En second lieu, la SA Allianz oppose l'article I. 4-16 et 17 des conditions générales, qui exclut en ce qui concerne les dommages survenus après livraison : « le remboursement du prix des produits que vous avez livrés ou exécutés, même si le défaut ne concerne qu'une de
leurs composantes ou parties ; le coût de leur remplacement, réparation, mise au point, parachèvement, ainsi que les frais de dépose-repose correspondant à des prestations qui ont été à votre charge à l'occasion de la livraison ou de l'exécution de vos produits ou travaux effectués ; les frais de dépose-repose relatifs aux matériaux de construction ».
L'interprétation faite par l'assureur de cette clause conduit à considérer qu'il ne couvre en réalité aucun dommage après « livraison », de sorte que le principe même de la garantie, posé par l'article I. 3, se trouverait vide de sens, sauf au cas, très restreint, et qui ne correspond d'ailleurs pas au cas d'espèce, de l'existence d'un vice caché qui ne serait décelable que par des contrôles internes approfondis (clause particulière du paragraphe 18).
Il en ressort au contraire, ainsi que le soutient la SAS Irrijardin, que l'exclusion posée par la clause litigieuse ne concerne que les « prestations qui ont été à votre charge à l'occasion de la livraison ou l'exécution des produits ou travaux défectueux ». En l'occurrence, la SAS Irrijardin n'a procédé à aucune « prestation », les travaux de pose et montage étant en toute hypothèse effectués par le client.
Par conséquent la SA Allianz doit bien garantir la SAS Irrijardin.
Mais elle est fondée à invoquer les montants maxima garantis (soit 1 524 490, 17 euros par année d'assurance) et la franchise (soit 10 % du montant du dommage) tels qu'ils figurent dans le tableau récapitulatif des dispositions particulières, page 5.
Sur le montant de l'indemnisation due à M. X... :
¿ au titre des travaux de remise en état :
L'expert judiciaire a évalué le coût de la réparation à 58 324, 25 euros sur la base d'un devis du 29 juillet 2008 de la société TP constructions. Suivant devis de la même société du 3 août 2011 le montant réactualisé des travaux est de 61 661, 52 euros, somme mise à la charge de la SAS Irrijardin par le premier juge.
La cour confirmera ce montant dans la mesure où le devis de 2011 reprend très exactement les fournitures et prestations du devis de 2008, retenu par l'expert, et où la différence de prix s'explique aisément par la différence de trois années entre les deux devis.
¿ au titre du trouble de jouissance :
La somme de 12 000 euros accordée par le premier juge s'appuie sur le fait que les désordres perdurent depuis le mois de juin 2006 ; M. X...n'indique pas en quoi ce montant serait très insuffisant-puisqu'il réclame 20 000 euros, en faisant valoir que l'oxydation et les fuites rendent sa piscine impropre à sa destination.
Mais l'existence d'un préjudice esthétique ou d'une impossibilité totale d'utilisation de la piscine ne ressort pas du rapport d'expertise.
De son côté la SAS Irrijardin est mal fondée à soutenir que le trouble de jouissance n'existe pas, puisqu'elle admet que la piscine présente des fuites, ce qui ressort aussi des attestations versées aux débats.
Dans ces conditions l'indemnité allouée au titre du préjudice de jouissance sera réduite à 5 000 euros.
¿ au titre du préjudice financier et du manque à gagner :
M. X...soutient que les désordres de la piscine l'ont empêché de mener à bien la vente de sa maison dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial après son divorce et qu'il a dû contracter un emprunt pour payer une soulte à son épouse.
Cependant il n'est pas démontré que c'est en raison des défauts de la piscine que la vente de la maison a été différée et le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
¿ au titre du préjudice moral :
Selon M. X...il est constitué par la longueur de la procédure.
Les méandres de la procédure, qui depuis 2006 ont entraîné la mise en cause de deux sociétés, deux assureurs, et la saisine de 3 juridictions, ainsi qu'une mesure d'expertise, ont causé à M. X...des tracas et des soucis, indépendamment de leur coût, dont l'indemnisation peut être chiffrée à 800 euros.
Sur les frais irrépétibles :
L'équité permet, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la SAS Irrijardin et la SA Allianz in solidum à payer la somme de 3 000 euros à M. X..., la somme de 1 000 euros à la société Métal Mobil, la même somme aux MMA.

Les dépens seront laissés à la charge de la SA Allianz et la SAS Irrijardin.
En cause d'appel les mêmes sommes seront allouées au titre des frais irrépétibles et les dépens seront supportés par la SAS Irrijardin et la SA Allianz.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :

Dit que la SAS Irrijardin est tenue d'indemniser Thierry X...du préjudice subi par lui du fait de la livraison d'un ouvrage non conforme à sa destination,

Met hors de cause la société Métal Mobil et son assureur les MMA,

Condamne en conséquence la SAS Irrijardin à payer à Thierry X...les sommes de :
soixante et un mille six cent soixante et un euros et cinquante deux centimes (61 661, 52 euros) au titre des travaux de remise en état, sommes qui seront indexées sur la base de la valeur au mois d'août 2011 de l'indice BT 50 rénovation-entretien tous corps d'état des index nationaux du bâtiment jusqu'au jour du parfait paiement,
cinq mille euros (5 000 euros) au titre du préjudice de jouissance,
huit cents euros (800 euros) au titre du préjudice moral,
Rejette la demande d'indemnisation du préjudice financier et du manque à gagner,
Dit que la SA Allianz devra garantir la SAS Irrijardin de toutes les sommes mises à sa charge, avec application de la franchise contractuelle de 10 %,
Y ajoutant :
Condamne in solidum la SAS Irrijardin et la SA Allianz, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Thierry X...la somme de trois mille euros (3 000 euros), à la société Métal Mobil celle de mille euros (1 000 euros), et aux MMA celle de mille euros (1 000 euros),
Condamne in solidum la SAS Irrijardin et la SA Allianz aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Casalta-Gaschy et de la SCP Jobin, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00757
Date de la décision : 14/01/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2015-01-14;13.00757 ?
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