Ch. civile A ARRET No
du 23 JUILLET 2014 R. G : 14/ 00346 R-JG Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 09 Avril 2014, enregistrée sous le no X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE ARRET DU VINGT TROIS JUILLET DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTE : Mme Jeanine X...née le 13 Février 1941 à Farinole (2B) ......13100 AIX-EN-PROVENCE
assistée de Me Nathalie SABIANI, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Dominique MATTEI, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 26 mai 2014, devant Mme Julie GAY, Président de chambre, et Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 juillet 2014
MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 24 avril 2014 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET : Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Par acte du 1er août 1974, Mme Jeanine X...née Y...a reçu en donation de ses parents Jean-François Y...et Marie Antoinette Z...une parcelle sise sur le territoire de la commune de Farinole au lieu dit Campo Maggiore cadastrée sous le no 554 de la section D sur laquelle elle a fait édifier une maison en 1974.
Par requête déposée le 21 février 2014 auprès du président du tribunal de grande instance de Bastia, Mme X...a exposé que son acte de donation prévoyait que la parcelle D No555 serait affectée à un droit de passage mais que celle-ci ne permettant pas un accès direct sur la voie publique, a été utilisé pour la construction de sa maison en 1974 mais aussi pour la continuité de l'exploitation des vignes en indivision avec ses cohéritiers, le chemin longeant à partir de la D 555 la parcelle D 688 appartenant à feu D..., puis aux consorts A....
Elle précise que ce chemin lui ayant été interdit, elle a introduit une procédure judiciaire pour revendiquer ce droit de passage et alors que le tribunal avait estimé que le dit chemin constituait un chemin d'exploitation, la cour d'appel a considéré a contrario que son terrain n'était pas enclavé et qu'elle disposait de deux possibilités pour accéder à sa propriété.
Elle fait observer que ces deux possibilités s'avèrent inopérantes, la première possibilité consistant en un simple projet de voie carrossable et, établissant l'absence de tout accès suffisant à la voie publique, la seconde étant déduite de la servitude de passage qui lui a été accordée sur la parcelle D 555 permettant d'accéder à la parcelle D 690 qui correspond à un chemin débouchant directement sur la voie publique, mais sans que l'existence et la nature de ses droits aient été précisées, d'autant que cette parcelle appartient comme la précédente aux consorts A....
Elle ajoute que sa situation est intolérable, puisqu'elle est dans l'impossibilité d'accéder à la maison qu'elle a fait édifier, et que dans le cadre de la procédure de partage des biens dépendant de la succession de ses parents, aucune solution n'a été trouvée par l'expert B...et le
tribunal de grande instance de Bastia a confié à M. C...une nouvelle mission d'expertise en précisant que sa propriété devait être désenclavée.
Celle-ci étant toujours inaccessible et le terme de la procédure de partage restant inconnu, elle a saisi le président du tribunal de grande instance afin d'obtenir une ordonnance :- constatant que la voie d'accès par l'indivision en application de l'article 684 du code civil est inapplicable, compte tenu de la procédure de partage en cours pour un temps imprévisible,- prenant acte que pour permettre à Mme X...d'accéder à sa propriété, il faut au titre des articles 682 et 683 du code civil, lui accorder un accès provisoire à la voie publique jusqu'à l'établissement de l'acte authentique de partage qui lui conférera un droit de passage définitif sur les terrains de l'indivision,- examinant la possibilité que l'accès qu'elle a utilisé de 1974 à 2002, qui correspond aux exigences de l'article 683 du code civil, et sur lequel sont implantées la conduite d'eau et la, ligne électrique desservant sa villa soit désigné comme étant l'accès provisoire.
Par ordonnance du 9 avril 2014, le président du tribunal de grande instance a rejeté cette requête au motif que l'accès sollicité provisoirement par le chemin d'accès que Mme X...utilisait entre 1997 et 2002 a été refusé par arrêt rendu par la cour d'appel de Bastia au profit d'un autre tracé et qu'elle ne caractérisait pas les circonstances justifiant qu'un passage provisoire lui soit accordé à l'insu des propriétaires du fonds destiné à supporter le passage.
Mme X...a relevé appel de cette décision par déclaration du 23 avril 2014.
Dans les écritures qu'elle a remises à la cour, auxquelles il y a lieu de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme X...insiste sur le fait qu'elle se trouve dans une situation intolérable et qu'il est nécessaire pour elle, sans qu'il y ait débat contradictoire ni intervention d'une quelconque autre partie dont l'argumentation entrerait de facto en contradiction avec la sienne, d'obtenir le droit légitime d'entrer dans sa propriété en application des articles 682 et 683 du code civil.
Elle fait valoir qu'elle demande l'application de l'article 812 du code de procédure civile car il ne lui appartient pas de déterminer l'accès répondant aux prescriptions de l'article 683 du code civil, tel étant l'objet de la mission de l'expert dont elle sollicite la désignation, elle-même ne mentionnant qu'à titre indicatif l'accès qui lui paraît répondre aux prescriptions de l'article 683 du code civil.
Elle précise qu'il est pour elle nécessaire d'obtenir une décision rapide, puisqu'elle est âgée de 73 ans, se trouve depuis 12 ans dans l'impossibilité d'accéder à son bien et de procéder aux travaux d'entretien extérieur, de débroussaillage notamment et que sa villa se dégrade considérablement.
Elle ajoute que l'argumentation de la cour d'appel ne peut être acceptée, puisque d'une part un des deux chemins est impraticable et non carrossable, que d'autre part l'accès par la parcelle D 555 vers la D 690 n'est ni le plus court ni le moins dommageable et que ses droits n'y ont pas été précisés alors que cette parcelle appartient comme la D 688 aux consorts A....
L'évidence commandant qu'elle agisse de manière non contradictoire relativement à l'urgence et aux divergences de point de vue avec la partie adverse, elle demande à la cour : vu les articles 681, 682 et 683 du code civil, ensemble les articles 162-1, 162-2 et 162-3 du code rural,
- constater que la voie d'accès par l'indivision en application de l'article 684 du code civil est inapplicable, compte tenu de la procédure de partage en cours, et ce pour un temps imprévisible,- prendre acte que pour permettre à Mme X...d'accéder à sa propriété, il faut, au titre des articles 682 et 683 du code civil, lui accorder un accès provisoire à la voie publique jusqu'à l'établissement de l'acte authentique de partage qui lui conférera un droit de passage définitif sur les terrains de l'indivision,- examiner la possibilité que l'accès qu'elle a utilisé de 1974 à 2002, qui correspond aux exigences de l'article 683 du code civil, et sur lequel sont implantées la conduite d'eau et la ligne électrique desservant la villa, soit désigné comme étant l'accès provisoire. Un consultant spécialiste pourrait être désigné avec pour mission de vérifier l'état des lieux, confirmer que l'accès par la parcelle D 688 respecte bien les prescriptions de l'article 683 du code civil et au besoin d'identifier une autre voie d'accès correspondant aux prescriptions, en conséquence,
- réformer l'ordonnance du 9 avril 2014,- dire et juger qu'elle peut utiliser, de manière provisoire, le passage du chemin d'exploitation de façon à pouvoir accéder à sa propriété, et ce en attente d'une décision définitive.
SUR CE :
Attendu qu'aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ;
Que l'article 812 du même code précise que le président du tribunal peut ordonner sur requête toutes mesures urgentes lorsque les circonstances exigent qu'elles ne soient pas prises contradictoirement ;
Attendu qu'est en cause en l'espèce une servitude de passage sollicitée par Mme X...qui va par essence grever le fonds servant, appartenant aux consorts A..., et donc porter atteinte au droit dont disposent ces derniers sur ce bien, alors qu'aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de manière la plus absolue pourvu qu'on en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; Qu'en l'état de l'atteinte incontestable à ce droit que constituerait l'établissement d'une telle servitude, fût-elle provisoire, et de l'impérieuse nécessité pour l'éventuel consultant désigné d'exécuter sa mission au contradictoire du propriétaire du fonds servant, d'autant que de surcroît ainsi que l'a relevé le premier juge, l'accès sollicité a été refusé à l'intéressée par arrêt de cette cour du 9 septembre 2009 au profit d'un autre tracé, Mme X...n'est pas fondée à soutenir qu'elle se trouve confrontée à des circonstances exceptionnelles exigeant qu'il soit dérogé au principe de la contradiction, de telles circonstances n'étant en l'espèce nullement caractérisées ;
Attendu que si la situation des lieux envahis par le maquis et nécessitant un débroussaillage peut justifier que soit déterminée provisoirement l'assiette d'une servitude de passage, dans l'attente du règlement de la succession de ses parents actuellement en cours et dans le cadre de laquelle une expertise est organisée, cette mesure ne peut être sollicitée et mise en oeuvre dans l'intérêt des deux parties que par le biais d'une procédure contradictoire et non par la voie des articles 493 et 812 du code de procédure civile ; Que l'argumentation de Mme X...sera en conséquence rejetée et l'ordonnance déférée confirmée, les dépens d'appel restant à la charge de l'appelante ;
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Rejette l'argumentation de Mme Jeanine X...,
Confirme l'ordonnance déférée, Y ajoutant, Laisse les dépens d'appel à la charge de Mme Jeanine X....
LE GREFFIER LE PRESIDENT