La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/07/2014 | FRANCE | N°13/00171

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 23 juillet 2014, 13/00171


Ch. civile A
ARRET No du 23 JUILLET 2014 R. G : 13/ 00171 R-MB

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 22 Janvier 2013, enregistrée sous le no 10/ 02263
X...C/ CONSORTS Y...X...Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE CIVILE ARRET DU

VINGT TROIS JUILLET DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT : M. Marc Marie X...né le 23 janvier 1954 à Tunis (Tunisie) de nationalité française expert né le 23 Janvier 1954 à Tunis ...20240 GHISONACCIA assisté de Me Florence ALFONSI, avocat au barr

eau de BASTIA (bénéficie d'une aide juridictionnelle numéro 2013/ 339 du 07/ 02/ 2013 acc...

Ch. civile A
ARRET No du 23 JUILLET 2014 R. G : 13/ 00171 R-MB

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 22 Janvier 2013, enregistrée sous le no 10/ 02263
X...C/ CONSORTS Y...X...Z...

COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE CIVILE ARRET DU

VINGT TROIS JUILLET DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT : M. Marc Marie X...né le 23 janvier 1954 à Tunis (Tunisie) de nationalité française expert né le 23 Janvier 1954 à Tunis ...20240 GHISONACCIA assisté de Me Florence ALFONSI, avocat au barreau de BASTIA (bénéficie d'une aide juridictionnelle numéro 2013/ 339 du 07/ 02/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMES :
Mme Madeleine Nicolette Hyacinthe Y...X...
...20240 GHISONACCIA assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

M. Dominique Paul X...
...75015 PARIS assisté de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

Mme Marie Brune Laura X...Z... épouse Z...
... 09200 MONTESQUIEU AVANTES assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 mai 2014, devant la Cour composée de : Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS : Mme Martine COMBET.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 juillet 2014, prorogé par le magistrat par mention au plumitif au 23 juillet 2014
ARRET : Contradictoire, Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE

M. Jean X...est décédé le 12 avril 2010 à Ghisonaccia, en laissant pour recueillir sa succession, son épouse, Mme Madeleine Y...veuve X...et ses deux enfants, M. Marc Marie X...et M. Dominique X..., étant précisé que son fils aîné, Jean-François X..., est prédécédé le 22 janvier 2008, sans enfant.
M. Jean X...a, aux termes d'un testament olographe rédigé à Ghisonaccia le 24 mars 2008, institué pour légataire à titre universel de l'usufruit de ses biens, son épouse sus-nommée et pour légataires à titre particulier, M. Marc Marie X...et Mme Marie-Brune X...épouse Z..., sa petite-fille et fille de M. Marc Marie X.... Il avait précédemment, aux termes d'un testament olographe en date du 11 avril 2006, institué comme légataires à titre particulier en nue propriété, son fils Jean-François X..., décédé depuis, ainsi que M. Dominique X..., et comme légataire à titre universel de l'usufruit de ses biens, Mme Madeleine Y...veuve X....
M. Jean X...a aussi, par acte notarié du 17 janvier 2007, consenti une donation en avancement d'hoirie à M. Dominique X..., de la nue propriété de diverses parcelles de terre et, par acte notarié du 09 janvier 2009, consenti une donation à sa petite-fille Mme Marie-Brune X...épouse Z..., de divers biens immobiliers.
Par acte d'huissier du 08 décembre 2010, M. Marc Marie X...a assigné Mme Madeleine Y...veuve X..., M. Dominique X...et Mme Marie-Brune X...épouse Z... devant le tribunal de grande instance de Bastia, aux fins de partage de la succession de M. Jean X..., de désignation d'un notaire et d'un expert, d'obtenir le droit à une créance de salaire différé ainsi que la constatation de son droit à une attribution préférentielle et, sur le fondement de l'action paulienne, la révocation des donations et l'annulation des testaments sus-visés.
Par jugement mixte contradictoire du 22 janvier 2013, le tribunal de grande instance de Bastia a :- ordonné la liquidation et le partage de la succession de M. Jean-Paul X...né le 18 mars 1918 à Kairouan (Tunisie) et décédé le 12 avril 2010 à Ghisonaccia,- désigné pour y procéder le président de la chambre des notaires de Haute-Corse avec faculté de délégation à l'un de ses confrères et renvoyé d'ores et déjà les parties devant ce notaire qui devra commencer ses opérations en déterminant les droits des parties et la masse partageable,- invité le président de la chambre des notaires au vu de la copie de la décision qui lui sera transmise, à faire connaître au plus vite au tribunal et aux parties le nom du notaire liquidateur délégué commis,

- désigné le juge de la mise en état de la chambre des successions pour surveiller lesdites opérations,- débouté M. Marc Marie X...de sa demande tendant à la constatation d'un droit à salaire différé sur le fondement de l'article L 321-13 du code rural,

- débouté ce dernier de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1167 du code civil tendant à l'annulation des testaments rédigés par le de cujus et des donations consenties par ce dernier à son frère Dominique X..., le 17 janvier 2007 et à sa fille Marie-Brune X..., le 09 janvier 2009,- dit que les biens objets de la donation consentie le 09 janvier 2009 à Marie-Brune X...ne doivent pas être rapportés à la succession conformément aux dispositions de l'article 847 du code civil,- constaté que M. Marc Marie X...est fondé à invoquer un droit à l'attribution préférentielle des biens dépendant de la succession et constituant une exploitation agricole,- sursis à statuer sur le surplus des demandes,- ordonné une expertise et commis, pour y procéder, M. Olivier B..., avec pour mission de soumettre au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer : la consistance de l'actif et du passif de la succession, étant observé que les droits immobiliers qui en dépendent consistent en différentes parcelles : sur le territoire de la commune de Poggiolo (Corse du Sud), les parcelles cadastrées section A no712, 714, 716, 717 et section B no263, 264, 265, 266, 267, 268 et 413, et

sur celui de la commune de Ghisonaccia (Haute-Corse) les parcelles cadastrées section C no121, 2623 et 2624 (anciennement 122), 123 et 2626, la valeur de l'actif et du passif de la succession à la date de son ouverture et à la date la plus rapprochée du partage, la nature et la valeur des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article 831 du Code civil,

les indemnités diverses dues à ou par la succession au titre de l'acquisition, de la gestion, de l'utilisation, de l'amélioration, de l'entretien, de la dégradation ou de l'occupation des biens indivis (en ce qui concerne l'indemnité d'occupation dont l'octroi peut être limité au regard de l'alinéa 2 de l'article 815-10 du code civil et dont le total est appelé à évoluer dans le temps, le montant annuel ou mensuel sera donné), les lots et soultes en cas de partage en nature ou d'attribution préférentielle, les mises à prix les plus favorables pour la licitation dans l'hypothèse où le partage en nature se révélerait impossible,

- ordonné l'exécution provisoire,- réservé les dépens.

Par déclaration reçue le 26 février 2013, M. Marc X...a interjeté appel de ce jugement, à l'encontre de Mme Madeleine Y...veuve X..., M. Dominique X...et Mme Marie-Brune X...épouse Z....
Par ses dernières conclusions reçues le 13 mars 2014, l'appelant demande à la cour :- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de salaire différé fondée sur les dispositions de l'article L 321-13 du code rural,- de dire et juger que celui-ci, qui a participé pendant 10 ans, du 1er août 1979 au 30 septembre 1979, directement et effectivement à l'exploitation agricole de son père, sans être associé aux bénéfices et aux pertes et n'a pas reçu de salaire en argent, est réputé, en vertu des dispositions de l'article L 321-13 du code rural, légalement bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire différé dont le taux annuel est égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux-tiers du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, au jour du partage,

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande tendant à l'annulation des donations consenties le 17 janvier 2007 et le 9 janvier 2009 et des testaments du 11 avril 2006 et du 24 mars 2008,- d'annuler, sur le fondement des dispositions de l'article 1167 du code civil, les donations et testaments sus-visés, faits par le de cujus, en fraude de ses droits,- de confirmer son droit à l'attribution préférentielle d'une des deux exploitations agricole d'origine,

- d'étendre la mission de l'expert à l'évaluation des avantages en nature et aux libéralités dont ont bénéficié Dominique X...et Madeleine Y...,- d'étendre la mission de l'expert à l'évaluation des biens donnés à Marie-Brune X..., suivant acte en date du 9 janvier 2009,- de donner à l'expert, mission de fournir à la cour tous éléments de nature à lui permettre de déterminer les responsabilités encourues quant à la perte de valeur des parcelles affermées, depuis l'ouverture de la succession et quant à la ruine du matériel de culture et d'irrigation,- de confirmer la mission de l'expert quant aux chef de mission " donner les éléments permettant de déterminer la nature et la valeur des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens de l'article 831 du code civil ",

- de confirmer la mission de l'expert quant à l'évaluation des biens reçus par Dominique X...suivant acte en date du 17 janvier 2007,
- de débouter les intimés de leurs demandes,- de condamner les intimés aux entiers dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

subsidiairement,- si la donation consentie à Marie-Brune X..., suivant acte en date du 9 janvier 2009 n'était pas annulée, de dire et juger que la donation consentie à Dominique X...suivant acte en date du 17 janvier 2007 doit être rapportée en nature-dans l'hypothèse où, malgré ses contestations, la cour retiendrait des avantages en nature en contrepartie de sa participation à l'exploitation agricole du de cujus,- de dire et juger que ces avantages en nature doivent être évalués par l'expert pour être décomptés sur la créance de salaire différé et qu'en raison de leur caractère de salaire en nature et de l'absence d'intention libérale, ces avantages en nature ne sont pas rapportables à la masse pour le cas où les intimés, qui persistent à affirmer que le de cujus ne possédait pas de bijoux, qui présentent une liste de fusils dont celui qui a la plus grande valeur a été omis, qui donnent une liste du mobilier et du matériel très incomplète, recèlent des biens dépendant de la succession, de prononcer leur restitution,

- de dire et juger que les receleurs seront privés de tout droit sur ces biens recelés.
Par leurs dernières conclusions reçues le 10 janvier 2014, les intimés demandent à la cour : au visa des articles 858 alinéa 2, 844, 847, 922 alinéa 2, 852, de :- débouter l'appelant de toutes ses demandes,

- dire et juger n'y avoir lieu à fixation d'une créance de salaire différé, l'appelant ne rapportant pas la preuve des conditions prévues par les articles L3221 13 et suivants du civil,- dire et juger que l'appelant de par les sommes versées par son père ainsi que par tous les avantages en nature consentis par le défunt a été largement rémunéré de l'aide ponctuelle qu'il a pu apporter à celui-ci,- le débouter de toutes ses demandes fins et conclusions de ce chef,

- le débouter de sa demande d'action paulienne puisqu'il n'est pas titulaire d'une créance certaine, liquide et exigible et que celle-ci ne repose sur aucun fondement sérieux et notamment pas sur la fraude,
- dire et juger en application des dispositions des articles 851 et 931 du code civil que l'appelant devra rapporter à la masse les avantages dont il a bénéficié pour une somme provisoire arrêtée à 296 670, 36 euros, au visa des articles 844 et 847 du code civil, de :

- dire la donation faite par acte du 9 janvier 2009 à Marie D...non rapportable à la masse,- dire et juger que les biens attribués par donation ne pourront faire l'objet d'aucune attribution préférentielle, eu égard aux testaments et donations faites par le de cujus, l'attribution préférentielle étant une modalité de partage qui ne peut s'appliquer que sur des biens indivis,- dire les biens objet des donations non indivis,

en conséquence,- infirmer le jugement en ce qu'il a reconnu le principe d'une attribution préférentielle,- surseoir à statuer tant sur la demande de réduction que sur l'ordre d'imputation des donations et des legs,

vu les dispositions de l'article 858 al. 2, de :- dire que Dominique X...ne peut être tenu au rapport en nature de sa donation,- dire que le rapport de celle-ci en application de l'acte de donation, se fera en moins prenant à la valeur du bien au jour de la donation,- modifier la mission de l'expert, supprimer la partie de la mission " donner les éléments permettant de déterminer la nature et la valeur des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens de l'article 831 du code civil ",

- dire que l'expert évaluera les parcelles C121- C2623 à la valeur au jour de la donation, soit le 17 janvier 2007 (donation Dominique) et non à la date la plus rapprochée du partage,- condamner l'appelant à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et au jugement déféré.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 avril 2014.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de l'appelant au titre du salaire différé
Le tribunal a rappelé les dispositions des articles L 321-13 et L 321-17 du code rural, prévoyant respectivement, les conditions exigées pour être bénéficiaire d'un contrat de travail à salaire et les modalités d'exercice de ce droit de créance.
Il a estimé que les attestations produites par M. Marc Marie X...ne permettaient pas d'établir de façon certaine, l'exclusivité ou l'importance de sa collaboration dans l'exploitation agricole de son père de 1979 à 1989, comme il le prétend, et que ce dernier, inscrit auprès de la MSA en qualité de chef d'exploitation, avait perçu un certain nombre d'aides publiques à ce titre et qu'il avait une activité agricole personnelle, à savoir l'exploitation d'une plantation de clémentiniers.
Il a aussi relevé que l'existence des contreparties dont a bénéficié M. Marc Marie X..., invoquées par les défendeurs (mise à disposition gratuite d'un logement et de matériel agricole pour son usage personnel, versements d'espèces), n'était pas contestable.
Le tribunal a donc considéré que M. Marc Marie X...ne remplissait pas les conditions prévues par les textes précités.
L'appelant conteste cette décision et fait valoir que la jurisprudence n'exige pas une participation exclusive et permanente du descendant à l'exploitation, celle-ci pouvant être exercée de concert avec une exploitation propre ou une activité au profit de tiers.
Il verse aux débats un document qui reproduit une déclaration faite par son père ainsi que seize attestations de témoins et soutient que ces déclaration et témoignages, notamment ceux de deux d'anciens salariés, concordent tous sur le fait que sa participation à l'exploitation paternelle de 80 hectares de vignes, agrumes, oliviers, avocatiers, a été directe et effective pendant dix ans et non ponctuelle ou occasionnelle.
Il affirme que son immatriculation auprès de la caisse de Mutualité Sociale Agricole, en qualité d'exploitant, ne constitue pas la preuve de l'absence de sa participation directe et effective à l'exploitation de son père, de même que sa formation agricole effectuée au CFPPA de Montesoro correspondant à 320 heures de stage.
M. Marc Marie X...précise que, contrairement aux allégations des intimés, d'une part, il n'a pas effectué de service militaire, ayant été déclaré inapte en 1977 alors qu'il était marié et étudiant à Toulouse, d'autre part, les plantations n'ont pas toutes été réalisées en 1979, le défunt ayant arraché 40 hectares de vignes sur les parcelles C 122 et C 704 puis planté des clémentiniers avec sa participation active à ces plantations.
Il soutient que les documents produit par les intimés, notamment un cahier qui lui a été subtilisé frauduleusement, des bandes de calculatrice, ne rapportent pas la preuve des salaires qu'il aurait perçus, alors qu'il justifie que ses ressources au cours de la période litigieuse (vente de clémentines, perception des aides au retrait, primes et aides agricoles, vente des emprunts d'état et d'un lingot d'or) ne provenaient pas du défunt.
Il conteste les allégations des intimés sur son prétendu train de vie et avantages en nature, soulignant que pour la jurisprudence les avantages en nature ne constituent pas un salaire, surtout lorsqu'ils ne sont pas sérieusement évalués, d'autant qu'il a effectué d'importants travaux dans la maison mise à sa disposition pour qu'il y vive avec sa famille dont le coût représente bien plus que la valeur d'un loyer.
Les intimés reprennent leurs moyens et arguments de première instance et versent de nouvelles pièces, notamment un cahier de caisse du défunt retrouvée par sa veuve, sur lequel figurent plusieurs versements effectués par son époux à titre d'honoraires à son fils Marc, un cahier de comptabilité écrit de la main de l'appelant attestant des règlements faits par chaque mois à son profit intitulé " salaire ".
Ils soutiennent, notamment, que les attestations produites par l'appelant ne peuvent en aucun cas établir l'existence de contrepartie que leur père allouait à ce dernier au titre de ces services et qu'à partir de 1985 il va gérer deux exploitations, la sienne (la plantation de clémentiniers) et celle qu'il a créée avec M. E...pour exploiter des kiwis.
Ils exposent à nouveau, les avantages en nature dont a bénéficié M. Marc Marie X...qu'ils évaluent sur 10 ans à la somme de 188 507, 79 euros, auxquels s'ajoutent les sommes données en argent par leur père pour un montant total de 709 500 francs soit 108 162, 58 euros.
La cour estime que les premiers juges ont fait une juste appréciation des faits de la cause et du droit des parties et ont pour de justes motifs qu'elle approuve, considéré que les conditions exigées par l'article L 321-13 du code rural n'étaient pas réunies en faveur de M. Marc Marie X....
En effet, l'analyse des pièces versées aux débats, notamment des nouveaux documents ci-dessus visés, produits par les intimés, permettent d'établir que l'appelant, contrairement à ses allégations, a bien perçu, de son père, différents versements pendant plusieurs années et ce à titre de salaire.
Par ailleurs, l'exploitation par M. Marc Marie X...de deux exploitations, la sienne personnellement et celle créée avec M. E...en 1985, n'est pas compatible avec une collaboration suffisamment importante, sur l'exploitation agricole de son père, pour que l'appelant puisse valablement se prévaloir de l'article L 321-13 précité..
Il y a donc lieu de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté M. Marc Marie X...de sa demande tendant à la constatation d'un droit à salaire différé.
Sur la demande de l'appelant tendant à l'annulation de donations et testaments sur le fondement de l'action 1167 du code civil
Le tribunal a relevé que l'article 1167 du code civil édicte que les créanciers peuvent attaquer les actes faits par leur débiteur en fraude de leurs droits, mais précise expressément qu'ils doivent néanmoins, quant à leurs droits énoncés aux titres " des successions " et " du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux ", se conformer aux règles qui y sont prescrites.
Il a retenu qu'il appartenait au demandeur d'une créance de salaire différé, d'exercer ses droits selon les modalités prévues par les dispositions de l'article L 321-17 du code rural (rapport des donations, réduction des legs dans l'hypothèse où les libéralités contestées ont porté atteinte à sa réserve).
Le tribunal a donc estimé que M. Marc Marie X...n'était pas fondé à demander l'annulation des testaments de son père ou de la donation faite à son frère Dominique X..., qu'en ce qui concerne Mme Marie-Brune X..., qui n'a pas la qualité d'héritière, cette donation n'était pas rapportable et qu'enfin, l'action paulienne du demandeur n'était pas recevable.
En cause d'appel, M. Marc Marie X...reprend ses moyens et prétentions de première instance.
Il fait valoir que la série d'actes, testaments et donations, dont il demande l'annulation, auxquels il n'a pas concouru, dénote une volonté de le déshériter, d'empêcher le règlement de sa créance de salaire différé, et d'interdire toute attribution préférentielle rationnelle.
L'appelant soutient que l'action paulienne tendant à l'annulation des actes frauduleux est recevable lorsque ceux-ci ont pour effet de rendre impossible l'exercice d'un droit spécial dont dispose le créancier sur la chose aliénée.
S'agissant de la donation consentie à Marie-Brune X..., il estime que la valeur des biens données a été scandaleusement minorée, qu'étant non rapportable et en l'absence de liquidités, elle a pour conséquence d'interdire le règlement de la créance de salaire différé par l'allotissement.
En ce qui concerne la donation consentie à M. Dominique X...suivant acte en date du 17 janvier 2007, portant sur une maison, un hangar, un appartement et des terres, la valeur des biens donnés en nue propriété a été minorée et, qu'en l'absence de liquidités, cette donation concourt à le priver du règlement d'un salaire différé ainsi que de toute attribution préférentielle rationnelle d'une exploitation agricole.
Il affirme aussi que les testaments des 11 avril 2006 et 24 mars 2008 ont été faits, comme les donations sus-visées, pour frauder ses droits.
De leur côté, les intimés concluent que l'action paulienne intentée par M. Marc Marie X...est irrecevable puisque ce dernier n'a aucune créance certaine, liquide et exigible, qu'aucune fraude n'a été commise par le défunt et que la seule voie légale dont il dispose est l'action en réduction.
La cour relève que l'action paulienne, lorsqu'elle tend à l'annulation d'un acte consenti à titre gratuit par le débiteur est subordonnée à la preuve qu'à la date où, ce dernier a donné ou légué ses biens, il a volontairement fraudé son créancier.
Or, en l'espèce, M. Marc Marie X...n'établit pas l'existence d'une créance liquide et exigible à l'encontre de son père, M. Jean-Paul X..., au titre d'un salaire différé.
Par ailleurs, l'attribution préférentielle, qui est l'une des modalités d'un partage successoral, ne constitue pas une créance.
En outre, M. Jean-Paul X..., avait, de son vivant, la libre disposition de ses biens au profit des personnes de son choix, sans avoir à informer ou obtenir le consentement de l'appelant, qui peut se sentir lésé et affecté humainement mais ne bénéficie d'aucun droit de regard sur la
gestion par son père des biens par lui acquis avec le fruit de son travail, et, qui, en sa qualité d'héritiers réservataire, doit, conformément à l'alinéa 2 de l'article 1167 du code civil, se conformer aux règles prescrites en matière successorale, pour contester les libéralités faites par son auteur.
Au vu de ces éléments, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de M. Marc Marie X...tendant à l'annulation des donations et testaments sus-visés, sur le fondement de l'action 1167 du code civil.
Le jugement entrepris sera donc confirmé en ses dispositions sur ce point.
Sur la demande de l'appelant au titre de l'attribution préférentielle
M. Marc Marie X...expose que sa demande d'attribution préférentielle vise l'attribution d'une des deux exploitations agricoles situées à Ghisonaccia, comprenant respectivement une maison, un hangar, un appartement et les parcelles cadastrées, pour la première C 121, 2623, 2624 et 123, pour la deuxième, C 118, 2625, 2626, 704 et 705.
Il sollicite, dans l'hypothèse où les donations consenties à Marie-Brune X...(donataire des biens cadastrés C118, 705, 705 et 2625) et à M. Dominique X...(donataire des biens cadastrés C 121 et 2623), ne seraient pas annulées, que la donation consentie à ce dernier soit rapportée en nature, afin que sa demande d'attribution préférentielle soit accueillie.
L'appelant demande aussi à la cour de dire si la parcelle bâtie cadastrée C 121 et les parcelles non bâties cadastrées C 2623, 2624, 2626 et 123 sont des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article 831 du code civil.
Les intimés font valoir que M. Marc Marie X...a formulé une demande d'attribution préférentielle sur des biens qui sont sortis du patrimoine indivis, car ils ont fait l'objet de donations, non rapportable pour celle faite à Marie-Brune X..., fille de l'appelant, qui n'a pas la qualité d'héritière, et non rapportable en nature en ce qui concerne celle consentie à M. Dominique X....
Ils soulignent le caractère supplétif de l'attribution préférentielle et précise que l'appelant est légataire des parcelles cadastrées C 2624, 2626 et 123.
La cour relève que si les dispositions de l'article 832 du code civil autorisent un héritier à demander l'attribution préférentielle d'une exploitation agricole, ces dispositions ne réglementent qu'une modalité du partage et ne porte pas atteinte au droit que possédait le défunt de disposer de ses biens au profit d'une personne de son choix et qu'il était loisible à ce dernier d'en conférer l'usufruit à son conjoint et même d'exclure, pour ses héritiers, le droit de réclamer l'attribution préférentielle prévue par le texte précité.
Il en résulte que, lorsque le défunt a procédé à l'attribution privative d'un bien, celui-ci ne saurait donner lieu à une attribution préférentielle, car il est irréductiblement sorti du champ d'application des articles 831 et suivants du code civil.
En l'espèce, la cour constate que M. Jean X...a disposé des biens, objets de la demande d'attribution préférentielle formulée par l'appelant, au profit de son épouse pour l'usufruit, de Marie-Brune X...et de M. Dominique X....
Par ailleurs, la donation consentie à Marie-Brune X..., non héritière du défunt, n'est pas soumise au rapport successoral, et, la donation consentie à M. Dominique X...est selon l'acte notarié du 17 janvier 2007 (page 5), rapportable en moins prenant.
Au regard des dispositions de l'article 858 du code civil et des modalités stipulées dans l'acte authentique de donation sus-visé, la donation faite à M. Dominique X...n'est donc pas rapportable en nature.
En outre, ledit acte stipule que par dérogation aux dispositions de l'article 860 alinéa 1 et 2 du code civil, le rapport sera dû de la valeur des biens au jour de la date de l'acte, de sorte qu'il convient, comme le sollicite à juste titre les intimés, en ce qui concerne l'évaluation des biens objet de la donation à M. Dominique X..., de modifier la mission de l'expert en ce sens.
Au vu de ces éléments, la cour infirmera le jugement entrepris en ce qu'il a :- constaté que M. Marc Marie X...est fondé à invoquer un droit à l'attribution préférentielle des biens dépendant de la succession et constituant une exploitation agricole,- sursis à statuer sur cette demande d'attribution préférentielle,- donné pour mission à l'expert judiciaire de soumettre au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer la nature et la valeur des

biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article 831 du code civil,
et statuant à nouveau de ces mêmes chefs,- déboutera M. Marc Marie X...de sa demande d'attribution préférentielle,- dira n'y avoir lieu à statuer sur ce point,- supprimera de la mission de l'expert la phrase suivante : " donné pour mission à l'expert judiciaire de soumettre au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer la nature et la valeur des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article 831 du code civil ",

- dira que l'expert devra évaluer les parcelles situées à Ghisonaccia cadastrées C 121 et 2623 à leur valeur au jour de la donation faite à M. Dominique X..., soit le 17 janvier 2007, et non à la date la plus rapprochée du partage, conformément à la clause stipulée dans l'acte de donation reçu le 17 janvier 2007, par Me Santoni, notaire associé.
Sur le surplus des demandes
Le tribunal a estimé qu'il convenait de surseoir à statuer sur le surplus des demandes, dont les demandes reconventionnelles des défendeurs, à savoir, Mme Madeleine Y...veuve X..., M. Dominique X...et Mme Marie-Brune X...épouse Z....
La mesure d'expertise qu'il a ordonnée ayant, notamment, pour objet d'en vérifier la pertinence.
Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
Devant la cour, les parties formulent respectivement des demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commandant cependant de ne pas faire application des dispositions de ce texte, les parties seront déboutées de leurs demandes à ce titre, pour la procédure d'appel.
L'appelant succombant en son recours, supportera les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a :
- constaté que M. Marc Marie X...est fondé à invoquer un droit à l'attribution préférentielle des biens dépendant de la succession et constituant une exploitation agricole,- sursis à statuer sur cette demande d'attribution préférentielle,- donné pour mission à l'expert judiciaire de soumettre au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer la nature et la valeur des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article 831 du code civil,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, Déboute M. Marc Marie X...de sa demande d'attribution préférentielle, Dit n'y avoir lieu à statuer sur ce point, et que sera supprimée de la mission de l'expert la phrase suivante : " donné pour mission à l'expert judiciaire de soumettre au tribunal tous les éléments lui permettant de déterminer la nature et la valeur des biens susceptibles de constituer une exploitation agricole au sens des dispositions de l'article 831 du code civil ", Dit que l'expert judiciaire, M. Olivier B..., commis par le tribunal, devra évaluer les parcelles situées à Ghisonaccia cadastrées C 121 et 2623 à leur valeur au jour de la donation faite à M. Dominique X..., soit le 17 janvier 20007, et non à la date la plus rapprochée du partage, conformément à la clause stipulée dans l'acte de donation reçu le 17 janvier 2007, par Me Santoni, notaire associé, Y ajoutant, Déboute les parties de tous autres chefs de demande,

Déboute les parties de leurs demandes respectives au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure, Condamne M. Marc Marie X...aux entiers dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 13/00171
Date de la décision : 23/07/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2014-07-23;13.00171 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award