Ch. civile B ARRET No
du 04 JUIN 2014 R. G : 13/ 00309 C-FL Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Commission d'indemnisation des victimes de dommages résultant d'une infraction d'AJACCIO, décision attaquée en date du 11 Mars 2013, enregistrée sous le no 01/ 00038 Organisme FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORIS ME ET AUTRES INFRACTIONS
C/ Consorts X...Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE ARRET DU QUATRE JUIN DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTE : FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES D'ACTES DE TERRORISME ET AUTRES INFRACTIONS géré par le FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES DE DOMMAGES dont le siège social est 64, rue Defrance, 94300 VINCENNES, pris en la personne de son directeur Général élisant domicile en sa délégation de MARSEILLE, où est géré le dossier 39, Boulevard Vincent DELPUECH 13281 MARSEILLE
assistée de Me Pascale PERREIMOND, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
M. Michel X...né le 03 Décembre 1942 à AULLENE ... assisté de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
Mme Gilberte Arlette Y...épouse X...née le 02 Février 1941 ... assistée de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
M. Jean Paul X...né le 29 Mars 1968 à AJACCIO (20000) ...
assisté de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
M. Jean-Laurent X...né le 20 Août 1994 à AJACCIO (20000) ... assisté de Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Louis BUJOLI, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 28 mars 2014, devant Mme Françoise LUCIANI, Conseiller, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller Mme Françoise LUCIANI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 juin 2014.
MINISTERE PUBLIC : Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 8 janvier 2014 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Contradictoire, Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Dans la nuit du 31 décembre 1996 au 1er janvier 1997, Laurent X...et son épouse Jacqueline Z...étaient assassinés à leur domicile, où se trouvait leur enfant Jean-Laurent âgé de trois ans, par Dominique A.... Ce dernier a été condamné par la cour d'assises de Corse-du-Sud par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité. Michel X..., Gilberte X..., et Jean-Paul X...agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administrateur légal des biens du mineur Jean-Laurent X..., ont saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infractions du tribunal de grande instance d'Ajaccio.
Cette juridiction a par décision du 25 mars 2002, alloué au titre du préjudice moral à Michel et Gilberte X...la somme de 22 867 euros à chacun d'eux, à Jean-Paul X...en son nom personnel la somme de 15 244 euros, à Jean-Paul X...es qualités d'administrateur légal des biens de Jean Laurent X...la somme de 45 734 euros. Cette décision a renvoyé la cause et les débats sur le préjudice économique à une audience ultérieure, après production des documents indispensables à l'instruction de la requête.
Par décision du 11 mars 2013, la commission d'indemnisation des victimes du tribunal de grande instance d'Ajaccio a alloué à Jean-Laurent X...une indemnité de :-300 000 euros au titre du préjudice psychologique,-25 000 euros au titre du préjudice d'établissement,
-200 000 euros au titre de l'incidence professionnelle. Elle a rejeté les autres demandes et laissé les dépens à la charge du trésor public.
Le Fonds de Garantie a interjeté appel de cette décision le 16 avril 2013.
Dans ses dernières conclusions déposées le 28 octobre 2013 il demande à la cour :- de réformer la décision déférée en ce qu'elle a octroyé diverses sommes en réparation des préjudices psychologiques, d'établissement, de l'incidence professionnelle et du préjudice économique,
- de la confirmer en ce qu'elle a rejeté la demande de réparation des préjudices de jeunesse et,
statuant à nouveau :- à titre principal de dire et juger que l'existence d'une incidence professionnelle, d'un préjudice psychologique et d'un préjudice d'établissement n'est pas établie ; que le préjudice économique doit être fixé à la somme de 13 345, 96 euros conformément aux calculs du concluant, de constater que les débours des organismes sociaux absorbent ce préjudice, et de débouter en conséquence les demandeurs de l'ensemble de leurs prétentions,
- à titre subsidiaire si la cour entendait allouer une somme réduite au titre d'une incidence professionnelle ou d'un préjudice psychologique assimilable au déficit fonctionnel permanent, dire et juger que le solde des débours devra venir en déduction de ces postes,- si la cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, d'ordonner une expertise médicale de Jean-Laurent X...,- de laisser les dépens à la charge du trésor public.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 12 septembre 2013, Michel X..., Gilberte X..., Jean-Paul X...et Jean-Laurent X...demandent à la cour :- de constater que la procédure a duré huit années et que les faits remontent à 17 années,- de constater que le préjudice psychologique a été évalué de la même manière par la cour d'assises de la Corse-du-Sud et par la CIVI,
- de constater que les pièces médicales sur lesquels s'est fondée la CIVI sont contemporaines de la requête,- en conséquence de dire n'y avoir lieu à nouvelle expertise,- de confirmer purement et simplement le jugement dont appel.
Le ministère public a fait connaître son avis qui a été notifié aux parties.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 janvier 2014.
SUR CE :
Le Fonds de Garantie reproche à la CIVI de s'être basée pour l'évaluation du préjudice psychologique, du préjudice d'établissement et de l'incidence professionnelle, sur le seul certificat médical du 20 octobre 2004 émanant du docteur B..., alors qu'il n'établirait pas que les troubles de cet enfant sont imputables à l'infraction, qu'en outre ils sont évolutifs et que ce certificat est déjà ancien. Il soutient en outre que le préjudice économique, incluant les incidences professionnelles, doit être chiffré en considération de la perte de revenus mais aussi des sommes versées par les organismes sociaux, qui absorberaient ce poste de préjudice. Les intimés soulignent que le retard de la procédure est imputable au fonds de garantie et considèrent que les éléments contenus au certificat du Dr B...sont suffisamment probants. C'est à bon droit que la commission d'indemnisation des victimes d'infractions s'est fondée sur un certificat médical du docteur B..., daté du 20 octobre 2004, mais qui relate une prise en charge ancienne et une mise en oeuvre d'une psychothérapie par l'équipe pluridisciplinaire du centres médico psychologique de Propriano depuis le 5 septembre 2001. Ce certificat fait état de graves troubles psychiques caractérisés par des troubles majeurs de la communication, un retard de langage, une désorganisation conceptuelle, un contact altéré avec la réalité, des désordres comportementaux sévères avec accès fréquent d'agitation. En l'absence du moindre élément pouvant laisser à penser que l'enfant était avant le drame déjà atteint de tels troubles, il n'est pas raisonnable de supposer que le jeune Laurent, qui a entendu les coups de feu alors qu'il se trouvait dans sa chambre, qui a été brutalement et sauvagement privé de ses parents, qui a été découvert sur les lieux de l'assassinat par les premiers intervenants, pourrait ne pas être atteint de troubles graves justifiant une indemnisation importante. Il faut d'ailleurs relever que le préjudice de l'enfant a été évalué par la cour d'assises de Corse-du-Sud, statuant sur intérêts civils, à la somme de 300 000 francs au titre du préjudice moral et celle de 500 000 francs au titre du préjudice économique, au vu des éléments figurant déjà au dossier.
Il ressort des considérations qui précèdent que l'entier préjudice peut être évalué en l'état sans qu'il y ait lieu de recourir à la nouvelle expertise sollicitée par le fonds de garantie. L'évaluation du préjudice psychologique retenue par la commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'Ajaccio apparaît conforme aux données du dossier et mérite donc confirmation. Le préjudice économique, né de la disparition des revenus des parents, peut-être évalué comme le propose le fonds de garantie, et en l'absence de toute contestation sur ce point, en tenant compte des revenus du père de l'enfant et du prix de l'euro de rente, à la somme de 13 345, 96 euros.
Il est établi que les organismes sociaux ont versé la somme totale de 123 809, 58 euros. Cette somme absorbe effectivement le poste de préjudice économique.
Il existe indépendamment du préjudice économique un préjudice d'établissement, né des séquelles du traumatisme psychologique, indépendant de tout préjudice économique, constitué par la difficulté particulière à mener un projet de vie familiale et sociale normale.
L'aspect personnel de ce préjudice peut, comme l'a décidé le premier juge, être réparé par une somme de 25 000 euros et l'aspect professionnel peut être évalué à 200 000 euros. En conséquence, il y a lieu de confirmer intégralement la décision frappée d'appel, en y ajoutant cependant la mention du montant des débours des organismes sociaux.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme la décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions d'Ajaccio du 11 mars 2013,
Y ajoutant, Constate que les organismes sociaux ont versé à Jean Laurent X...la somme de cent vingt trois mille huit cent neuf euros et cinquante huit centimes (123 809, 58 euros) et que cette somme absorbe le préjudice économique chiffré à treize mille trois cent quarante cinq euros et quatre vingt seize centimes (13 345, 96 euros), Déboute le Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions de ses autres demandes, Laisse les dépens à la charge du trésor public.
LE GREFFIER LE PRESIDENT