Ch. civile A
ARRET No
du 19 MARS 2014
R. G : 12/ 00885 C-JG
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 08 Novembre 2012, enregistrée sous le no 11/ 01201
SCI PARADISU
C/
X...X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DIX NEUF MARS DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTE :
SCI PARADISU représentée par sa gérante en exercice Mme Martine Y...épouse Z...Villa Paradisu-Quartier Pietralba 20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Myriam CARTA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Mme Josée X...née le 08 Avril 1927 à AJACCIO ...-...20090 AJACCIO
ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA
Mme Angèle X...veuve A.........20090 AJACCIO
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 janvier 2014, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Johanna SAUDAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 mars 2014.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par actes d'huissier des 30 novembre et 1er décembre 2011, la SCI Paradisu se fondant sur les mentions de son titre de propriété, a fait assigner devant le tribunal de grande instance d'Ajaccio Josée X...et Angèle X...veuve A..., propriétaires des parcelles figurant au cadastre de la commune d'Ajaccio sous les no 20, 21, 102 et 103 de la section AL pour voir dire et juger qu'elle est fondée à agir à leur encontre en négation de la servitude dont elles semblent se prévaloir, leur faire interdiction de céder à leur futur acquéreur la tolérance qui leur a été consentie pour accéder aux parcelles litigieuses en leur qualité de propriétaire apparent et ce sous astreinte et les entendre condamner enfin à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mmes Josée et Angèle X...ont répliqué qu'elles ne bénéficiaient nullement d'une simple tolérance mais d'une servitude de passage pour cause d'enclave acquise par prescription, dont la SCI Paradisu connaissait l'existence, ce qui rend l'action de celle-ci abusive et infondée et justifie qu'elle soit condamnée à leur payer 2 500 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 8 novembre 2012, le tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- débouté la SCI Paradisu de son action en négation d'une servitude de passage concernant la parcelle cadastrée section AL no 24 sur la commune d'Ajaccio, lieudit Pietralba,
- débouté la SCI Paradisu de sa demande visant à voir interdire, sous astreinte, à Mme Josée X...et Mme Angèle X...veuve A...
d'utiliser la servitude de passage grevant la parcelle cadastrée section AL no 24 au bénéfice des parcelles 20, 21, 22, 102 et 103,
- débouté Mme Josée X...et Mme Angèle X...veuve A...de leur demande formée sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
- condamné la SCI Paradisu prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme Josée X...et Mme Angèle X...veuve A...la somme totale de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes comme inutiles ou mal fondées,
- condamné la SCI Paradisu prise en la personne de son représentant légal à supporter les dépens de l'instance.
La SCI Paradisu a relevé appel de ce jugement par déclaration du 15 novembre 2012.
En ses dernières écritures transmises par voie électronique le 8 février 2013, la SCI Paradisu indique avoir eu connaissance du compromis de vente signé le 4 juillet 2011 par les intimées concernant les parcelles dont elles sont propriétaires, recensées au cadastre de la commune d'Ajaccio sous les no 20, 102 et 103.
Elle précise que le futur acquéreur se prévalant d'une servitude de passage dont l'assiette et le tracé grèveraient sa propriété sur toute sa longueur alors que seule une tolérance a été consentiée par ses soins à Mme Angèle X...veuve A...pour les besoins de l'entretien de son jardin potager, elle a agi à l'encontre des intimées en négation de cette servitude.
Elle fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré les parcelles appartenant aux intimées comme enclavées alors que le tribunal n'était pas saisi pour statuer sur l'accès de ce bien à la voie publique mais sur la dénaturation d'une tolérance de passage qui leur avait été consentie.
Elle lui reproche aussi d'avoir décrété au seul visa du jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 21 février 1973 confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Bastia du 14 janvier 1975 que sa propriété était grevée d'une servitude de passage attachée au fonds et transmissible aux propriétaires successifs, en contradiction avec les dispositions de l'article 691 du code civil aux termes duquel les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes ne peuvent s'établir que par des titres.
Elle fait observer que les servitudes établies par le fait de l'homme ne sont opposable aux acquéreurs que si elles sont mentionnées dans le titre de propriété ou si elles ont fait l'objet d'un publicité en ce sens ;
Elle insiste de plus sur le fait qu'il n'est nullement établi qu'elle ait eu connaissance de l'existence de la servitude litigieuse lors de l'acquisition de son bien le 21 novembre 2002.
Elle fait observer que l'affirmation selon laquelle la servitude a été acquise par prescription ne lui est pas opposable puisqu'elle a acquis sa propriété en 2002, que le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 21 février 1973 comme l'arrêt de la cour confirmatif du 12 janvier 1975 que les intimés invoquent, ne peuvent être créatif de droit à leur égard, puisqu'ils lui sont totalement étrangers et que l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 15 octobre 1963 auquel se réfère Me B..., notaire, dans sa correspondance du 23 septembre 2011, ne peut s'appliquer en la cause.
Elle ajoute que la constitution d'une servitude est un droit réel immobilier qui à ce titre, doit faire l'objet d'une publicité foncière et qu'à défaut, la prétendue servitude lui est inopposable.
Elle demande en conséquence à la cour :
Vu les articles 682, 691 et 1165 du code civil,
Vu son titre de propriété,
Vu l'absence de servitude grevant la parcelle section AL no 24, lieudit Pietralba,
- de dire et juger recevable et bien fondé l'appel de la concluante,
- d'infirmer le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 8 novembre 2012 en toutes ses dispositions,
- de dire et juger que la SCI Paradisu, prise en la personne de son représentant légal, est fondé à agir en négation de la servitude dont semble se prévaloir Mme Josée X...et Mme Angèle X...veuve A...
En conséquence,
- de faire interdiction à Mme Josée X...et Mme Angèle X...veuve A...de céder la tolérance qu'elle leur a consentie pour accéder à leurs parcelles,
- d'assortir cette interdiction, en cas de non-respect, d'une astreinte de 1 000 euros par jour à compter du prononcé de la décision à intervenir,
- de condamner Mme Josée X...et Mme Angèle X...veuve A...à lui payer la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.
En ses dernières écritures transmises par voir électronique le 5 avril 2013, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus complet de ses moyens et prétentions, Mme Josée X...soutient que la SCI Paradisu qualifie improprement de tolérance ce qui constitue une servitude de passage pour cause d'enclave, et que cette servitude a été acquise par prescription.
Elle demande en conséquence à la cour de :
- dire abusive et infondée l'action introduite par la SCI U Paradisu compte tenu de la servitude légale dont elle n'ignorait pas l'existence,
- la débouter de l'ensemble de ses prétentions,
Reconventionnellement,
- condamner la SCI U Paradisu au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 1382 du code civil,
- condamner la SCI U Paradisu au paiement de la somme de 2 500 euros sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été régulièrement signifiées à Mme Angèle X...veuve A...qui n'a pas constitué avocat.
Les actes ayant été signifiés à sa personne, il sera statué par arrêt réputé contradictoire.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 20 novembre 2013.
SUR CE :
Attendu que la SCI Paradisu soutient à l'appui de son action en dénégation de servitude que le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 21 février 1973 comme l'arrêt confirmatif de cette cour du 14 janvier 1975 grevant la parcelle qu'elle a acquise de M. D...d'une servitude de passage ne lui sont pas opposables pour ne pas avoir été publiés et qu'elle-même n'a consenti aux consorts X...qu'une simple tolérance de passage qui ne peut être transmise à leur acquéreur ;
Attendu que si conformément à l'article 2262 du code civil, les actes de pure faculté ou ceux de simple tolérance ne peuvent fonder ni possession ni prescription, la SCI Paradisu ne justifie toutefois nullement que les consorts X...n'aient bénéficié que d'une simple tolérance de passage sur le fonds qu'elle a acquis ;
Qu'elle ne verse en effet aux débats aucun élément susceptible d'établir que la propriété des intimées dispose d'un accès suffisant à la voie publique par un chemin autre que celui que les consorts X...
empruntent conformément à la servitude qui leur a été reconnue par les décisions de justice susmentionnées et qui traverse la parcelle cadastrée sous le numéro AL 24 ;
Attendu que si son acte d'achat du 21 novembre 2002 ne comporte aucune mention relative au jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio du 21 février 1973, ni à l'arrêt confirmatif de cette cour du 14 janvier 1975, et si le vendeur a déclaré n'avoir créé aucune servitude, il a cependant ajouté " autre que celle résultant de la situation des lieux, de la loi ou de l'urbanisme " ;
Attendu que des éléments du dossier et notamment du plan de situation des propriétés des parties, il ressort que celle des intimées qui ne dispose pas d'autre accès à la voie publique, se trouve en situation d'enclave au sens de l'article 682 du code civil ;
Attendu que les intimées qui ne bénéficient dès lors nullement d'une simple tolérance de passage ont en empruntant le chemin litigieux depuis plus de trente ans et en joignant leur possession à celle de leurs auteurs, prescrit par cet usage continu de trente années, conformément aux dispositions de l'article 685 du code civil, l'assiette et le mode de la servitude légale dont ils disposaient sur la parcelle AL 24 et qui avait été reconnue par l'arrêt de cette cour du 15 janvier 1975 ;
Qu'en l'état de cette situation d'enclave des parcelles litigieuses et de la prescription par les intimées et leurs auteurs de l'assiette de la servitude grevant le fonds de l'appelante et transmise à leur acquéreur, les demandes formulées par la SCI à l'encontre des consorts X...ne sauraient être accueillies ;
Attendu que le jugement déféré rejetant l'action en dénégation de servitude sera confirmé par motifs substitués et la demande tendant à faire interdiction à Mmes Josée X...et Angèle X...veuve A..., de céder la tolérance qui leur a été consentie pour accéder à leurs parcelles, rejetée ;
Attendu qu'il ne peut être fait grief à l'appelante d'avoir fait un usage abusif de son droit d'ester en justice ou d'avoir fait dégénérer en abus son droit d'user du double degré de juridiction ;
Attendu que la demande de dommages-intérêts de Mme Josée X...sera dès lors rejetée ;
Attendu que cette dernière a en revanche été contrainte d'exposer des frais non taxables dont il est équitable de lui accorder compensation ;
Que le jugement déféré lui allouant, comme à Mme Angèle A..., la somme de 700 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmé et il lui sera accordé au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel une somme supplémentaire de 1 800 euros ;
Attendu que la SCI Paradisu qui succombe sera déboutée de la demande qu'elle formule au titre des frais non taxables par elle engagés et supportera les entiers dépens d'instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Rejette la demande de la SCI Paradisu tendant à faire interdiction à Mme Josée X...et à Madame Angèle X...veuve A...de céder la tolérance qu'elle leur a été consentie pour accéder à leurs parcelles,
Rejette la demande de dommages-intérêts formée par Mme Josée X...,
Condamne la SCI Paradisu prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme Josée X...la somme de mille huit cents euros (1 800 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT