Ch. civile A
ARRET No
du 12 MARS 2014
R. G : 12/ 00845 R-MB
Décision déférée à la Cour : Ordonnance, origine Juge aux affaires familiales de BASTIA, décision attaquée en date du 10 Octobre 2012, enregistrée sous le no
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE MARS DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Bernard Michel X...né le 01 Décembre 1939 à MARSEILLE (13009) ...20220 SANTA REPARATA DU BALAGNA
assisté de Me Claudine ORABONA, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
Mme Elke Y...épouse X...née le 20 Septembre 1941 à HANNOVRE ... 20220 SANTA REPARATA DI BALAGNA
assistée de Me Barbara LAQUERRIERE, avocat au barreau de BASTIA, Me Claire MATHIEU, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 06 janvier 2014, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 mars 2014
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. Bernard X...et Mme Elke Y...se sont mariés le 14 juin 1992 sous le régime de la séparation de biens suivant un contrat de mariage reçu, le 9 juin 1992, par Me Fantauzzi, notaire.
Aucun enfant n'est issu de leur union.
Saisi par requête de Mme Y...épouse X...en date du 08 décembre 2005, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bastia a, par jugement du 02 mars 2006, condamné M. X...à payer à son épouse, une contribution aux charges du mariage de 1 150 euros par mois.
Le 18 avril 2012, M. X...a présenté une requête en divorce au greffe du tribunal de grande instance de Bastia, sur le fondement des articles 252 à 253 du code civil.
Par ordonnance contradictoire de non-conciliation du 04 octobre 2012, le juge aux affaires familiales a, notamment, autorisé les époux à introduire l'instance en divorce et, statuant sur les mesures provisoires :
- constaté que les époux vivaient d'ores et déjà séparément
-dit que M. X...devra verser à Mme Y...une pension alimentaire d'un montant mensuel de 550 euros, en exécution de son devoir de secours, indexée et payable selon les modalités précisées au dispositif.
Par déclaration reçue le 31 octobre 2012, M. X...a interjeté appel de cette ordonnance.
Par ses dernières conclusions reçues le 02 septembre 2013, l'appelant demande à la cour :
- de déclarer son appel recevable et fondé,
- y faisant droit, d'infirmer la décision entreprise et, statuant à nouveau,
- de dire n'y avoir lieu à pension alimentaire au titre du devoir de secours au bénéfice de l'intimée,
- de le décharger des condamnations prononcées à son encontre,
- d'ordonner le remboursement des sommes qui auront pu être versées en vertu de l'exécution provisoire de la décision entreprise,
- de condamner l'intimée à lui payer la somme de 2 392 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Par ses dernières conclusions reçues le 25 juin 2013, Mme Y...épouse X...demande à la cour de déclarer irrecevable et infondé, l'appel interjeté par M. X....
Elle sollicite la confirmation de la décision querellée en toutes ses dispositions et la condamnation de M. X...au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions respectives des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions sus-visées et à l'ordonnance déférée.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 novembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de l'appel
La cour constate que Mme Y...épouse X...soulève l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. X..., sans, toutefois, motiver, ni justifier par aucun moyen, cette fin de non-recevoir.
L'intimée sera donc déboutée de cette demande et l'appel de M. X...sera, donc, déclaré recevable.
Sur la pension alimentaire au titre du devoir de secours
Le juge aux affaires familiales a établi, au vu des débats et des pièces produites, la situation de chacun des époux, en tenant compte de leur situation professionnelle, des revenus et charges de chacun, ainsi que de leurs patrimoines respectifs.
Il a relevé, d'une part, que pour statuer sur la demande de pension alimentaire, il n'y avait pas lieu de tenir compte de la décision au titre de la contribution aux charges du mariage dont le fondement diffère et, d'autre part, qu'une séparation de fait très ancienne des époux, en l'espèce 10 ans, ne mettait pas fin à l'obligation au titre du devoir de secours.
M. X...conteste l'analyse du premier juge qui, selon lui, a occulté ses difficultés financières et son état de santé l'ayant contraint à solliciter l'aide pécuniaire de ses enfants issus d'une première union.
Il fait valoir que la situation de son épouse s'est considérablement améliorée, cette dernière ayant bénéficié, depuis la fixation de la contribution aux charges du mariage à son profit, de la pension de réversion de son premier époux et d'un héritage, suite au décès de sa mère.
Il invoque également le devoir d'assistance prévu par l'article 2012 du code civil, affirmant que l'intimée ne l'a pas soutenu durant sa maladie et l'a laissé sans soins, et relève que les circonstances de la séparation, comme sa durée, en l'espèce plus de dix ans, ont toujours une incidence sur l'appréciation d'une demande au titre du devoir de secours, en raison du caractère mutuel des obligations du mariage.
M. X...soutient, au visa de l'article 255 du code civil, que l'état de besoin, justificatif essentiel d'une demande au titre du devoir de secours, doit être caractérisé et que la décision entreprise ne motive en aucune manière cet état de besoin.
Il soutient que Mme Y...dispose de ressources et d'un patrimoine qui lui permettent largement de faire face non seulement à ses besoins, mais également à s'adonner à des loisirs coûteux comme le golf.
L'appelant évalue les véritables ressources mensuelles de l'intimée à 2 083 euros et précise que cette dernière dispose d'une épargne d'un montant de 34 622, 85 euros, ainsi qu'il résulte des documents bancaires produits (compte-courant, livret A, PEL et LEP).
De son côté, Mme Y...conteste les allégations de son époux quant à son manquement à son devoir d'assistance et de secours à l'égard de ce dernier.
Elle s'explique sur chacune des accusations faites à son encontre par M. X..., invoquant, l'état dépressif et l'addiction à l'alcool de celui-ci, ainsi que son attitude méprisante, son adultère et les conditions de la séparation initiée par l'appelant alors qu'elle avait 60 ans et était totalement démunie.
Sur les ressources et patrimoines des époux, Mme Y...produit et détaille des documents bancaires sur la période de 2007 à 2012. Elle conclut que sa situation financière n'a pas changé et qu'après déduction de ses charges (418, 20 euros) sur sa pension de retraite, il lui reste 495, 80 euros par mois.
L'intimée précise qu'elle est propriétaire d'une maison, d'un véhicule citroën C3, et dispose d'un capital comprenant effectivement, un livret A, un Plan d'Epargne logement, un livret d'Epargne pour une valeur approximative de 40 000 euros, correspondant à l'héritage reçu de sa mère.
Elle soutient, comme en première instance, que M. X...dissimule les revenus que lui procure la location de ses villas depuis au moins 3 ans, qu'il ne communique pas l'ensemble des relevés provenant de ses différents comptes bancaires, qu'il est effectivement propriétaire de deux villas, de deux véhicules, dont une voiture jaguar, et d'oeuvres d'art, ainsi que cela résulte d'un article de presse faisant son portrait.
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La pension alimentaire prescrite au titre du devoir de secours doit, non seulement permettre au conjoint dont les revenus sont insuffisants de faire face à ses besoins, mais également d'assurer à ce dernier une certaine continuité dans les habitudes de vie et de niveau d'existence.
La cour, au vu des éléments et pièces soumis à son appréciation, estime qu'en dépit de la part d'héritage reçue par Mme Y..., les ressources de M. X...sont toujours bien plus élevées que celles de son épouse, puisque ses revenus offraient au couple un niveau de vie supérieur à celui que connaît Mme Y..., depuis leur séparation.
En effet, M. X..., propriétaire d'un patrimoine immobilier générateur de revenus locatifs confortables, a, selon ses écritures, perçu en 2011 un revenu mensuel moyen de 3 226 euros.
Par ailleurs, au vu du relevé de compte produit par ce dernier, ses échéances mensuelles de 453, 37 euros, ont pris fin en avril 2013.
Compte devant être tenu de l'évolution de la situation financière de l'intimée, l'ordonnance querellée sera infirmée sur ce point et M. X...condamné à verser à Mme Y...une pension alimentaire d'un montant mensuel de 300 euros, en exécution de son devoir de secours.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commande de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 précité, de sorte que les parties seront déboutées de leurs demandes respectives formulées à ce titre, pour la procédure d'appel.
L'appelant, succombant principalement en son recours, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, soulevée par Mme Elke Y...,
En conséquence,
Déclare l'appel interjeté par M. Bernard X..., recevable,
Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'elle a fixé à la somme de 550 euros par mois, la pension alimentaire mise à la charge de M. Bernard X...au profit de Mme Elke Y..., en exécution de son devoir de secours,
Statuant à nouveau du chef infirmé,
Dit que M. Bernard X...devra verser à Mme Elke Y...une pension alimentaire d'un montant mensuel de TROIS CENTS EUROS (300 euros), en exécution de son devoir de secours, payable et indexée selon les modalités précisées au dispositif de l'ordonnance querellée,
Y ajoutant,
Déboute les parties de leurs demandes respectives formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d'appel,
Condamne M. Bernard X...aux entiers dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT