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05/03/2014 | FRANCE | N°12/00427

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 05 mars 2014, 12/00427


Ch. civile B

ARRET No
du 05 MARS 2014
R. G : 12/ 00427 C-PL
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 02 Avril 2012, enregistrée sous le no 2010 0962

X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
CINQ MARS DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Franck X......20110 PROPRIANO

ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Pascale MELONI, avocat au barreau de BASTIA, Me Marc MONDOLONI de l'Association SOLLACARO E

T ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

Me Jean Pierre Y...Agissant en qualité de mandataire ...

Ch. civile B

ARRET No
du 05 MARS 2014
R. G : 12/ 00427 C-PL
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 02 Avril 2012, enregistrée sous le no 2010 0962

X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
CINQ MARS DEUX MILLE QUATORZE
APPELANT :
M. Franck X......20110 PROPRIANO

ayant pour avocat Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Pascale MELONI, avocat au barreau de BASTIA, Me Marc MONDOLONI de l'Association SOLLACARO ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

Me Jean Pierre Y...Agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL F. P. C né le 16 Septembre 1964 à BASTIA (20200) ... 20000 AJACCIO

assisté de Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 janvier 2014, devant la Cour composée de :
M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller Mme Françoise LUCIANI, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Johanna SAUDAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 05 mars 2014.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 03 avril 2013 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Par arrêt avant dire droit du 2 octobre 2013, auquel il est expressément référé pour l'exposé du litige, la présente cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à présenter leurs observations sur la nullité du jugement déféré encourue en raison de la présence du juge-commissaire dans la formation de jugement et de sa participation au délibéré d'une part, du défaut de motivation du jugement d'autre part.

En ses dernières conclusions déposées le 5 novembre 2013, M. Franck X..., appelant, demande à la cour de :

- annuler le jugement déféré,

- subsidiairement, constater l'irrecevabilité de la demande de condamnation et la nullité d'ordre public de l'acte introductif d'instance,
- encore plus subsidiairement, constater que M. X...n'a pas poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale,
- dans tous les cas, débouter Maître Y...de toutes ses demandes et statuer ce que de droit sur les dépens.
Dans ses dernières conclusions déposées le 5 novembre 2013, Maître Jean-Pierre Y..., intimé, agissant en qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL FPC, demande à la cour de :
- rejeter la demande de nullité de l'assignation fondée sur la prétendue violation de l'article 164 du décret du 27 décembre 2005 inapplicable à l'espèce,
- juger en tout état de cause que l'assignation contient explicitement demande de comparution personnelle de M. X...,
- confirmer le jugement entrepris et dire que M. X...sera condamné à supporter l'insuffisance d'actif constatée à la suite de la liquidation judiciaire de la société FPC et évaluée aux sommes de 290 615, 14 euros au titre de l'article L 624-1 du code de commerce et 978, 24 euros au titre de l'article L 622-17 du même code,

- le condamner en outre au paiement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

La procédure a été à nouveau clôturée par une ordonnance du 6 novembre 2013, fixant l'audience de plaidoiries au 9 janvier 2014.

SUR QUOI, LA COUR

La cour se réfère à l'arrêt avant dire droit du 2 octobre 2013 et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

Il convient pour les motifs exposés dans cet arrêt, caractérisant d'une part la participation du juge-commissaire à la formation de jugement et au délibéré, d'autre part le défaut de motivation de la décision, d'annuler le jugement déféré pour violation des dispositions de l'article L 651-3 du code de commerce et 455 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l'article 562 alinéa 2 du même code, la cour doit examiner le litige en se prononçant d'abord sur l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevée par M. X..., ensuite le cas échéant sur le fond, les parties ayant conclu tant sur l'exception qu'au fond.
Il ressort de la procédure que par assignation signifiée à domicile le 11 mars 2010 à la requête de Me Y..., agissant en qualité de liquidateur de la société FPC mise en liquidation judiciaire le 11 août 2008, M. X...a été cité à comparaître devant le tribunal de commerce d'Ajaccio pour s'entendre condamner, en tant qu'ancien gérant de la société liquidée, à supporter l'insuffisance d'actif évaluée aux sommes de 290 615, 14 euros au titre de l'article L 624-1 du code de commerce et 978, 24 euros au titre de l'article L 622-17 du même code ; que par un autre acte signifié à personne le 14 octobre 2010, délivré par le même requérant, M. X...a été cité à comparaître " personnellement " devant la même juridiction et aux mêmes fins, ce deuxièmes acte spécifiant notamment que " le requis devra comparaître personnellement à la prochaine audience fixée le 29 novembre 2010 pour fournir toutes explications au tribunal ".
M. X...soutient que les dispositions de l'article 164 alinéa 2 du décret du 27 décembre 1985 imposant la convocation du dirigeant de la personne morale poursuivi en paiement des dettes sociales en vue de son audition personnelle par le tribunal, n'ont pas été respectées et qu'il en résulte une fin de non-recevoir faisant obstacle à toute condamnation.
Cependant, comme le fait valoir à bon droit l'intimé, ce moyen est inopérant dans la mesure où le décret du 12 février 2009 a modifié l'article R 651-2 du code de commerce qui ne prévoit plus dans sa rédaction actuelle applicable à la présente procédure la convocation préalable du dirigeant au moins un mois avant l'audition par le tribunal, formalité qui était imposée par le même texte dans son ancienne rédaction issue du décret du 27 décembre 1985. Il suffit désormais, lorsque la demande émane du liquidateur, que le tribunal soit saisi par voie d'assignation.
En l'espèce, l'assignation délivrée le 11 mars 2010 avait valablement saisi la juridiction. De surcroît, la seconde assignation signifiée le 14 octobre 2010 mentionne de façon explicite que " le requis " doit comparaître à l'audience fixée le 29 novembre 2010 pour être entendu par le tribunal et il apparaît dès lors que l'obligation prévue par l'article R 651-2 dans sa rédaction antérieure au décret du 12 février 2009 a été surabondamment respectée. Enfin, il est établi que M. X...a comparu devant le tribunal d'abord personnellement puis assisté d'un avocat et qu'il a pu ainsi développer sa défense sans jamais se prévaloir d'une irrégularité quelconque de l'acte de saisine.
Des constatations qui précèdent, il ressort que M. X...n'est pas fondée dans sa fin de non-recevoir et dans son exception de nullité de l'acte introductif d'instance fondées sur le même moyen pris du non respect des dispositions de l'article 164 du décret du 27 décembre 1985 (article R 651-2 ancien du code de commerce). Il convient de constater qu'au contraire, le tribunal a été valablement saisi de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif exercé par le liquidateur de la société FPC contre l'ancien gérant de celle-ci, M. X..., sur le fondement des dispositions de l'article L 651-2 du code de commerce.
Sur le fond, le liquidateur fait valoir que l'absence de comptabilité, la poursuite d'une activité déficitaire, le détournement d'actifs sociaux constituent autant de fautes de gestion pleinement caractérisées qui ont incontestablement contribué à une insuffisance d'actif avérée d'un montant de 290 615, 14 euros.
M. X...soutient, pour sa défense, en premier lieu que le montant du passif admis et vérifié est inconnu ; qu'au vu des justificatifs produits, il s'établirait tout au plus à 7 077, 62 euros alors que l'actif disponible serait de l'ordre de 300 000 euros et qu'en conséquence l'insuffisance d'actifs, condition préalable aux poursuites, n'est pas établie. Il conteste en second lieu chacune des fautes alléguées par le liquidateur.
L'article L 651-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 applicable à l'espèce compte tenu de la date du jugement prononçant la liquidation judiciaire de la société, dispose que lorsque la réalisation d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables.
Sur l'insuffisance d'actif, il résulte des productions que le passif déclaré s'établit à la somme de 270 509, 14 euros dont 7 077, 62 euros à titre chirographaire ; que M. X...n'a pas participé à la procédure de vérification des créances entreprise et, notamment, n'a communiqué au liquidateur aucun élément susceptible de le conduire à contester tout ou partie du passif déclaré ; que l'état des créances, visé par le juge-commissaire, déposé au greffe avec mention publiée au BODACC le 11 septembre 2009, n'a suscité aucune contestation ; que dans ces conditions, il convient de retenir comme étant établi à ce jour un passif d'un montant de 270 509, 14 euros.
Concernant l'actif, le matériel inventorié par l'huissier et évalué par lui à la somme de 23 943 euros, n'a pas trouvé preneur lors d'une vente aux enchères publiques, ce matériel ayant été jugé " désuet " par les professionnels présents selon l'attestation de l'huissier produite aux débats. L'allégation de M. X..., selon laquelle la société détiendrait un stock d'une valeur de 165 010 euros, ne repose sur aucun fondement. Il en est de même de l'assertion attribuant à la société des immobilisation corporelles d'une valeur nette comptable de 165 000 euros et une créance client d'un montant de 139 473 euros que le liquidateur, en l'absence de la moindre justification, n'a pas été en mesure de recouvrer. Dans ces conditions, et en l'absence d'éléments d'appréciation complémentaires, le liquidateur est fondé à soutenir que la société ne dispose d'aucun actif.
Il convient, au regard de ces constatation, de retenir l'existence à ce jour d'une insuffisance d'actif certaine pour un montant de 270 509, 14 euros.
Sur les fautes de gestion, il est constant que M. X..., gérant de la société liquidée, n'a communiqué au liquidateur qu'une comptabilité éparse et incomplète qui, notamment, n'a pas permis de déterminer le résultat d'exploitation de l'année 2008. Le caractère totalement inexploitable de cette comptabilité équivaut à une absence de comptabilité. D'ailleurs, M. X...a été déclaré coupable du délit de banqueroute pour s'être abstenu de tenir en 2008 toute comptabilité par un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour de céans en date du 28 novembre 2012 devenu définitif. Le premier grief articulé par le liquidateur est donc établi et le fait de ne pas tenir une comptabilité complète et régulière constitue de la part du gérant une faute de gestion. Dans de telles conditions en effet, il se prive d'éléments indispensables à une connaissance précise de la situation financière de la société et ainsi de la possibilité de faire des choix appropriés dans la conduite de son entreprise.
L'analyse de la situation financière de la société indique que les produits d'exploitation 2007 représentaient au 31 décembre 2007 une somme de 395 028 euros alors que les charges étaient de 535 559 euros, d'où un résultat d'exploitation déficitaire de 140 530 euros ; que les disponibilités en caisse étaient inexistantes au 31 décembre 2007 alors que les dettes fournisseurs s'élevaient à 205 785 euros ; que la capacité d'autofinancement était alors négative puisqu'elle s'établissait à-79 493 euros. Les constatations qui précèdent sur l'insuffisance d'actif permettent de retenir qu'à la même époque l'actif était quasiment inexistant, aucun crédit ne pouvant être accordé aux allégations de M. X...sur la valeur du stock et le montant du compte client.
Au regard de ces éléments d'appréciation, il est permis de retenir que la société était en état de cessation des paiements au 31 décembre 2007 ; d'ailleurs, elle a été assignée le 14 février 2008 en redressement judiciaire par un créancier pour non paiement d'une somme de 16 753 euros.
En poursuivant une activité déficitaire au lieu de se déclarer en cessation des paiements, le gérant a laissé s'aggraver le passif de la société et obéré ses chances de redressement, commettant ainsi une autre faute de gestion.
Il est enfin établi, par les pièces produites aux débats, que l'huissier chargé de procéder à l'inventaire n'a pu retrouver deux véhicules de marque Mercedes Sprinter et Peugot Expert appartenant à la société ou utilisés par elle mais que son gérant de celle-ci n'a jamais représenté au mandataire judiciaire ni déclaré à l'huissier. Pour sa défense, M. X...prétend que le véhicule Mercedes a été remisé à son domicile à l'état d'épave et que le véhicule Peugeot a été appréhendé par l'établissement qui finançait sa location. Il produit un procès-verbal d'huissier démontrant qu'en effet ce dernier véhicule a été remis à la société Credipar le 30 juin 2008 en exécution d'une ordonnance de saisie-appréhension. En revanche, s'agissant du véhicule Mercedes, M. X...était tenu de le déclarer au liquidateur nonobstant l'état d'épave qu'il allègue sans toutefois en justifier. Enfin, il est établi qu'un troisième véhicule de marque Land Cruisier, appartenant à la société, n'a été remis au liquidateur que le 5 février 2009, M. X...s'en étant servi à des fins personnelles jusqu'à cette date. Il est en définitive démontré que le gérant a utilisé ou conservé à des fins personnelles deux véhicules appartenant à la société, commettant ainsi un détournement d'actif constituant une nouvelle faute de gestion dans la mesure où ces faits ont amoindri les possibilités pour la société de faire face à son passif exigible.

De tout ce qui précède, il ressort que M. X...a bien commis, en s'abstenant de tenir une comptabilité complète et exploitable, en poursuivant une activité qu'il savait déficitaire et en détournant deux véhicules appartenant à la société, des fautes de gestion qui, tant prise isolément qu'à travers leur conjugaison, ont incontestablement contribué, pour les raisons ci-dessus exposées, à l'insuffisance d'actif présentée par la société en liquidation judiciaire dont il était le gérant.

Compte tenu de la gravité de ces fautes et de la proportion dans laquelle elles ont contribué à l'insuffisance d'actif, il convient de fixer à la somme de 90 000 euros le montant des dettes de la société qui seront supportées par M. X...personnellement.
Aucune considération ne commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens seront mis à la charge de M. X..., partie perdante.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Annule le jugement déféré pour violation des dispositions de l'article L 651-3 du code de commerce et 455 du code de procédure civile,

Rejette la fin de non-recevoir et l'exception de nullité de l'acte introductif d'instance soulevées par M. Franck X...,
Statuant au fond en vertu de l'effet dévolutif de l'appel,
Condamne M. Franck X...à supporter à hauteur de quatre vingt dix mille euros (90 000 euros) les dettes de la SARL FPC en liquidation judiciaire et dont il était le gérant,
Déboute Maître Jean-Pierre Y..., liquidateur de la société FPC, du surplus de sa demande formée de ce chef ainsi que de sa demande fondée sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. Franck X...aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00427
Date de la décision : 05/03/2014
Sens de l'arrêt : Annule la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2014-03-05;12.00427 ?
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