Ch. civile A
ARRET No
du 12 FEVRIER 2014
R. G : 13/ 00875 R-JG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Juge des tutelles d'AJACCIO, décision attaquée en date du 03 Octobre 2013, enregistrée sous le no 12/ A/ 00117
Y...
C/
X... Y...Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
APPELANTE :
Mme Martine Y... épouse Z... née le 04 Octobre 1959 à Alger ......20137 PORTO-VECCHIO
comparant en personne
INTIMES :
Mme Marie Jeanne Sylvette X... épouse Y... née le 03 Janvier 1935 à Ouled Djellal (Algerie) ......20169 BONIFACIO
non comparante
M. Bernard Y... ...20137 PORTO-VECCHIO
comparant en personne
M. Roger Y... ...20137 PORTO-VECCHIO
comparant en personne
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue en chambre du conseil du 10 décembre 2013, devant Mme Julie GAY, Président de chambre, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Johanna SAUDAN.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 février 2014
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 13 novembre 2013 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Johanna SAUDAN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par jugement du juge des tutelles du tribunal d'instance d'Ajaccio du 28 janvier 2013, Mme Marie Jeanne X... épouse Y... a été placée sous tutelle pour une durée de 60 mois et sa fille Martine Z... a été désignée en qualité de tutrice pour la représenter et administrer ses biens et sa personne.
Par requête du 12 septembre Mme Martine Y...-Z...agissant en qualité de tutrice de Mme Marie Jeanne X... épouse Y... a sollicité l'autorisation de procéder à la signature de l'acte de donation-partage avec réserve d'usufruit des biens que ses parents M. et Mme Y... avaient projeté de faire au profit de leurs deux enfants Bernard Y... et elle-même selon le projet d'acte établi par Me Roger A..., notaire à Monte et de désigner à cet effet un tuteur ad hoc en la personne de Norbert X... qui l'accepte en raison de l'opposition d'intérêts existant entre sa mère et elle-même pour la passation de cet acte.
Par ordonnance du 9 octobre 2013, le juge des tutelles du tribunal d'instance d'Ajaccio a rejeté cette requête aux motifs que l'opération en cause apparaît contraire aux intérêts de la majeure protégée laquelle en cas de donation serait démunie de tout patrimoine et précisément de tout bien susceptible de l'aider à faire face à ses frais de résidence.
Cette décision a été notifiée par courrier du 24 octobre 2011 à Mme Martine Z... qui en a relevé appel par lettre reçue au tribunal d'instance d'Ajaccio le 5 novembre.
Elle y précise que le projet de donation-partage avait été initié par ses parents avant l'aggravation de la pathologie de sa mère et repris par son père qui a ainsi respecté la décision antérieure de son épouse.
Elle précise que ses parents se sont consentis une donation au dernier vivant par acte notarié du 2 février 1985.
Elle fait observer que jusqu'à ce jour son père, son frère et elle-même ont toujours contribué aux frais de long séjour de sa mère hospitalisée depuis le 6 décembre 2010, sans avoir recours à aucune aide sociale et qu'ils s'engagent conjointement à honorer toutes les dépenses nécessaires à leur mère au delà de ses propres revenus (retraite de l'éducation nationale et aide mutualiste) jusqu'à la fin de sa vie.
Elle ajoute qu'ils sont tous les trois solvables, son père étant titulaire d'une pension militaire et d'une retraite civile, son frère cadre dans une entreprise industrielle depuis plus de 30 ans, elle-même psychologue dans la fonction publique hospitalière depuis 30 ans et que le projet notarié de donation-partage prévoit une réserve d'usufruit, ce qui garantit à la majeure protégée la jouissance de son patrimoine en sus de ses ressources.
Convoqués à l'audience, Mme Martine Z..., M. Roger Y... et M. Bernard Y... ont sollicité l'infirmation de la décision déférée en faisant observer que leur épouse et mère disposait d'une retraite de 1 800 euros complétée d'une aide de 120 euros payée par la MGEN, que les frais mensuels d'hébergement à l'...s'élevant à la somme de 2 400 euros, ils assuraient naturellement le paiement de la différence et s'engageaient à subvenir à toute dépense supplémentaire au delà de sa retraite afin d'assurer le paiement des frais nécessités par son état.
Le Parquet général à qui le dossier a été communiqué s'en rapporte à l'appréciation de la cour.
Mme Marie Jeanne Y..., majeure protégée, régulièrement convoquée n'a pas comparu. Il sera en conséquence statué par arrêt réputé contradictoire.
Sur ce :
Attendu qu'aux termes de l'article 476 du code civil la personne en tutelle peut avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué être assistée ou au besoin représentée par le tuteur pour faire des donations ;
Attendu qu'en l'espèce il est établi par les pièces du dossier que M. et Mme Y... avaient le 2 février 1995 procédé à une donation entre époux ;
Que M. Y... et ses enfants ont précisé à l'audience qu'avant son accident vasculaire cérébral, leur épouse et mère avait manifesté la volonté de procéder à la donation-partage de la nue-propriété de leurs biens immobiliers à leurs deux enfants ;
Attendu que le projet d'acte notarié précise que les donataires seront propriétaires à compter de la signature de l'acte mais qu'ils n'en auront la jouissance qu'à compter du jour du décès du dernier survivant des donateurs, lesquels font réserve expresse leur vie durant à leur profit et du survivant d'entre eux de l'usufruit des biens donnés sans réduction au décès du premier des donateurs ;
Qu'il y est ajouté que les donateurs se font réciproquement donation éventuelle, ce que chacun accepte expressément de l'usufruit ainsi réservé, afin qu'au décès du premier des donateurs cet usufruit soit entièrement réversible sur la tête et au profit du survivant qui continuera d'en jouir dans les mêmes conditions ;
Qu'en outre une interdiction d'aliéner et d'hypothéquer les immeubles donnés durant la vie des donateurs et du survivant d'eux et ce à peine de nullité des aliénations ou hypothèques et de révocation de la donation-partage, sans l'accord des donateurs est insérée à l'acte ;
Attendu que si les ressources personnelles de Mme Y..., retraitée de l'Education nationale, constituées de sa pension d'un montant de 1 800 euros et d'une aide mutualiste de 120 euros ne sont pas suffisantes pour financer la totalité de ses frais d'hébergement en long séjour s'élevant à 2 400 euros par mois, M. Y... titulaire de deux pensions de retraite honore à présent les dépenses supplémentaires de son épouse au delà des revenus que celle-ci perçoit et ses deux enfants qui disposent de situations stables, Martine Z... étant psychologue dans la fonction publique hospitalière et Bernard Y... cadre dans une entreprise industrielle depuis plus de 30 ans, s'engagent eux-mêmes à faire face à tous les frais qu'engendrerait l'état de leur mère ;
Qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de considérer que le projet de donation-partage n'est pas contraire aux intérêts de la personne protégée qui demeure usufruitière des biens immobiliers, même si le principe d'une donation génère nécessairement un appauvrissement du donateur et un enrichissement du ou des donataires, et que l'acte doit être autorisé ;
Attendu que compte tenu de l'opposition d'intérêts existant entre la majeure protégée et sa tutrice, en l'occurrence sa fille Martine Z..., dans le cadre des opérations de donation-partage, il y a lieu de désigner M. Norbert X... en qualité d'administrateur ad hoc de Mme Marie Jeanne X... épouse Y... avec mission de représenter cette dernière dans l'acte de donation-partage ;
Que l'ordonnance déférée sera en conséquence infirmée ;
Attendu que les dépens d'appel seront supportés par le Trésor public ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme l'ordonnance rendue le 9 octobre 2013 par le juge des tutelles d'Ajaccio en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
Désigne M. Norbert X... demeurant ..., 20137 Porto-Vecchio, en qualité d'administrateur ad hoc de Mme Marie Jeanne X... épouse Y... avec mission de représenter celle-ci dans l'acte de donation-partage soumis au juge des tutelles par requête du 6 septembre 2013 reçue au tribunal d'instance d'Ajaccio le 12 septembre 2013,
Autorise l'administrateur ad hoc à consentir à cet acte au nom de Mme Marie Jeanne X... épouse Y..., la donation-partage des biens des époux Y...-X...étant consentie par ces derniers à leurs deux enfants Martine Y... épouse Z... et M. Bernard Y...,
Laisse les dépens à la charge du Trésor public.
LE GREFFIER LE PRESIDENT