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04/12/2013 | FRANCE | N°12/00136

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 04 décembre 2013, 12/00136


Ch. civile A
ARRET No
du 04 DECEMBRE 2013
R. G : 12/ 00136 C-JG
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 10 Janvier 2012, enregistrée sous le no 07/ 00472

X...
C/
Z...Z...C...X...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE
APPELANTE :
Mme Chantal X... épouse Y... née le 01 Novembre 1953 à CORTE ...20250 CORTE

assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TA

BOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Mme Marie Madeleine Z... née le 22 Mai 1933 à PARIS ...75007 ...

Ch. civile A
ARRET No
du 04 DECEMBRE 2013
R. G : 12/ 00136 C-JG
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 10 Janvier 2012, enregistrée sous le no 07/ 00472

X...
C/
Z...Z...C...X...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE
APPELANTE :
Mme Chantal X... épouse Y... née le 01 Novembre 1953 à CORTE ...20250 CORTE

assistée de Me Angeline TOMASI de la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA-TABOUREAU, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Mme Marie Madeleine Z... née le 22 Mai 1933 à PARIS ...75007 PARIS

assistée de Me Georges PANTANACCE de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocat au barreau de BASTIA

M. Hyacinthe Z...né le 14 Juin 1932 à DAKAR ...75007 PARIS

assisté de Me Georges PANTANACCE de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocat au barreau de BASTIA

Mme Monique C... veuve Z...née le 29 Août 1934 à MARSEILLE ...13008 MARSEILLE

assistée de Me Georges PANTANACCE de la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocat au barreau de BASTIA

M. Joseph Louis X... né le 04 Août 1932 à CORTE Casa X......20137 PORTO VECCHIO

assisté de Me Céline PIANELLI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 septembre 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président

qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 décembre 2013.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme Chantal X...-Y...a obtenu le 27 juillet 2006 un permis de construire pour l'extension et la surélévation de sa pharmacie sise à Corte ...sur une parcelle recensée au cadastre de cette commune sous le numéro AK 84.
Les consorts Z...dont le tombeau familial est situé sur la parcelle voisine cadastrée AK 85 et qui font grief à Mme X...-Y...d'avoir par ces travaux, exécutés sans leur accord, empiété sur cette parcelle et y avoir coupé des arbres, l'ont attraite ainsi que son père Joseph Louis X... devant le tribunal de grande instance de Bastia
pour voir dire et juger que la parcelle AK 85 constitue un bien indivis entre M. X... et eux-mêmes, les voir condamner in solidum à remettre les lieux en état sous astreinte et à leur payer outre une indemnité pour frais non taxables, la somme de 8 000 euros de dommages-intérêts pour le trouble occasionné à leur droit de propriété. Après avoir, par décision avant dire droit, demandé aux demandeurs de justifier de leur qualité de propriétaires et ordonné une expertise pour vérifier l'empiétement invoqué, expertise qui a été confiée à M. H..., géomètre-expert qui s'est adjoint M. I...en qualité de sapiteur, le tribunal de grande instance de Bastia a, par jugement du 10 janvier 2012 :

dit que M. Hyacinthe Z..., Mme Marie Madeleine Z...et Mme Monique C... ont qualité à agir dans la présente procédure,
dit que la parcelle AK 85 est un bien indivis entre M. Hyacinthe Z..., Mme Marie Madeleine Z...et Mme Monique C... et M. Joseph Louis X...,
ordonné la démolition des murs Sud et Ouest du bâtiment édifiés par Mme Chantal Y... née X... qui empiètent sur la parcelle AK 85, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard passé un délai de six mois à compter de la notification du présent jugement, et ce pendant une année,
condamné in solidum M. Joseph X... et Mme Chantal X...-Y...à payer à M. Hyacinthe Z..., Mme Marie Madeleine Z...et Mme Monique C... la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la destruction du vieux mur en pierres sèches, la coupe des deux cyprès, et leur préjudice moral dû aux travaux,
ordonné l'exécution provisoire,
condamné in solidum M. Joseph X... et Mme Chantal X...-Y...à payer à M. Hyacinthe Z..., Mme Marie Madeleine Z...et Mme Monique C... la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné M. Joseph X... et Mme Chantal X...-Y...aux entiers dépens de l'instance.
Mme Chantal X...-Y...a relevé appel de cette décision suivant déclaration du 16 février 2012.
Le premier président de cette cour, saisi en référé par l'appelante, a, par ordonnance du 29 mai 2012, arrêté l'exécution provisoire attachée au jugement déféré en raison de la situation irréversible qu'elle risquait de créer et des conséquences manifestement excessives qu'elle pouvait avoir.
En ses dernières écritures transmises par voie électronique le 10 octobre 2012 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Mme Chantal X... épouse Y... fait observer qu'elle exploite une officine de pharmacie implantée à Corte sur les parcelles AK 83 et AK 84 et que par acte de Me A..., notaire à Nice du 13 janvier 2005, son père lui a fait donation de l'usufruit de ces mêmes parcelles et de la parcelle 401 dont la nu-propriété a été donnée à Anne Sophie et Jean Philippe Y....
Elle précise qu'en première instance, le contentieux a été suivi par son père qui a organisé tant sa défense que la sienne et qu'elle ignorait que l'acte de donation n'avait pas été révélé par ce dernier à son conseil mais qu'en tout état de cause, une simple copie de la fiche d'immeuble aurait suffi à savoir qui était le propriétaire de la parcelle AK 84, l'acte de donation ayant été publié le 1er février 2005 au bureau de la conservation des hypothèques de Bastia volume 2005 P no 766, deux ans avant l'acte introductif d'instance des intimés qui par leur seule carence, n'ont pas assigné les nus-propriétaires de la parcelle, soit ceux contre qui l'action aurait dû être engagée.
Elle souligne qu'il appartiendra à Joseph Louis X... propriétaire de la parcelle AK 85 de débattre du droit de propriété des consorts Z..., elle-même n'ayant à ce jour aucun droit direct sur cette parcelle, mais qu'il n'y a jamais eu la moindre volonté de porter atteinte au cimetière et aux sépultures qui appartiennent aux deux familles.
Elle fait valoir que la parcelle AK 85 est portée au compte cadastral de son père ; qu'elle ignorait que ce cimetière pouvait être en indivision avec la famille Z...et que depuis sa jeunesse, elle a toujours connu le mur de la bâtisse adjacente qui à l'origine était un garage, station essence touchant le mur d'enceinte Ouest dudit cimetière et le surplombant sans qu'il y ait eu en famille la moindre discussion avec les consorts Z....
Elle fait observer que deux des cyprès du cimetière atteints par un parasite étant sur le point de tomber, son père les a fait couper après avoir prévenu la famille Z...par lettre du 7 novembre 2006 et pris la précaution de faire vérifier leur état sanitaire par un spécialiste en précisant que leur abattage n'a nullement été réalisé pour permettre les travaux de surélévation du mur Ouest déjà existant.
Elle soutient que le tribunal a dénaturé sur ce point les faits mais qu'en tout état de cause n'ayant aucun droit sur la parcelle AK 85, elle ne peut être condamnée in solidum avec son père pour avoir fait couper les deux cyprès.
Elle considère en ce qui concerne les empiétements Ouest et Sud qu'une incertitude existe quant à la réalité des prétendus empiétements et la modification des lieux.
Elle fait valoir sur ce point que l'assise au sol de ces deux murs n'a absolument pas été modifiée et que l'assiette de la parcelle n'a pas été amputée de sa superficie d'origine, rien ne prouvant que le mur
d'enceinte est à l'intérieur de cette parcelle, puisqu'il n'existe aucun bornage des parcelles limitrophes et que l'expert désigné par le tribunal a pris soin de préciser que les limites cadastrales ne sont pas garanties.
Elle ajoute que l'expert est loin d'être affirmatif et prend la précaution d'utiliser des phrases dubitatives " laisse supposer ", " environ ", " largeur d'origine supposée " et que dans ces conditions, tout n'est qu'hypothèse ou supposition quant aux prétendus empiétements, d'autant que l'épaisseur actuelle des murs d'enceinte n'a pas été mesurée pour vérifier si celle-ci avait diminué ou augmenté avec pour conséquence une atteinte à leur intégrité et donc au droit de propriété et qu'il n'a pas été vérifié si le mur Sud avait été déplacé.
Elle fait observer en outre qu'aucune règle de droit n'interdit la construction en limite de propriété.
Elle explique que côté Ouest, l'empiétement n'est pas un empiétement au sol mais un surplomb, puisqu'il existait déjà un mur qui n'a pas été démoli mais qui a été simplement exhaussé, puisque seul un climatiseur surplombe le mur d'enceinte, et que, comme rien ne prouve sur ce côté la limite BC, l'hypothétique surplomb de 20 cm environ retenu par l'expert est purement éventuel.
Elle précise que le mur surplombait déjà et depuis des décennies le mur d'enceinte comme le montrent les photographies produites par les intimés, le surplomb étant visible sur la partie droite de la photo de 1970 comme sur celle de 1995 prise lors des obsèques de M. Fernand Z..., ce mur étant en parpaings non crépis.
Elle soutient que ce n'est pas l'actuelle façade Ouest qui a créé le surplomb d'environ 20 cm mais la façade pré-existante construite dans les années 1970 et donc depuis plus de trente ans et que celle-ci ne peut dès lors être démolie puisque la demande est prescrite et que son exhaussement ne constitue pas un élément nouveau de nature à faire disparaître la prescription de l'action des intimés en application des dispositions de l'article 2219 et 2262 du code civil devenu l'article 2272 du code civil, M. X... propriétaire l'AK 84 ayant prescrit l'adossement de son garage sur le mur Ouest.
Elle fait observer en ce qui concerne le mur Sud qu'il est exact que les piliers métalliques de la nouvelle construction ont été implantés sur ce dernier, que celui-ci construit en gros galets de rivière et torchis et à peine crépi, s'est effondré, l'entrepreneur attestant que ce mur a dû être reconstruit en agglomérés au même emplacement que l'ancien mur, qu'il n'y a donc aucune emprise au sol et que seul le surplomb du premier étage empiéterait de 1 m 40, le tombeau n'ayant pas bougé et étant toujours adossé à la façade Sud.
Elle souligne qu'aucune mesure de délimitation de la propriété n'a été faite, que l'expert procède par hypothèses sans aucune certitude et que l'empiétement ne se situant qu'au premier étage, les demandeurs ne peuvent exiger la démolition de la totalité du mur Sud.
Elle fait valoir enfin que les nus-propriétaires de la parcelle AK 84 n'étant pas dans la cause, aucune démolition ne peut être ordonnée, l'usufruitier en application de l'article 578 du code civil ne pouvant y procéder, peu important qu'une demande de permis de construire ait été déposée par elle-même et qu'elle ait mentionné son père comme propriétaire sur cette demande, l'autorisation administrative ne lui conférant aucun droit sur la propriété du bâtiment et un arrêté de permis de construire ne pouvant être annulé au motif que le propriétaire mentionné ne serait pas le propriétaire déclaré du terrain.
Elle demande en conséquence à la cour :
- d'infirmer en toutes ses dispositions la décision dont appel,
Vu les dispositions des articles 2219 et 2272 du code civil, 552, 578, 653, 657, 658, 666 du code civil,
Vu l'acte de donation de Maître Giletta du 3 janvier 2005,
- de constater que ni elle-même ni M. X... ne sont propriétaires des constructions litigieuses,
- en conséquence, dire l'action mal dirigée et débouter les demandeurs de toutes leurs demandes, fins et conclusions en ce qu'elles se rapportent aux constructions litigieuses,
- concernant la coupe des cyprès, dire et juger celle-ci non fautive de par l'atteinte parasitaire avérée et du risque de chute et des dommages occasionnés au mur,
- en conséquence, débouter les demandeurs de leur demande d'indemnisation de ce chef ainsi que tout préjudice moral,
Très subsidiairement et non autrement,
- concernant le mur Ouest, dire celui-ci mitoyen, et en toute hypothèse par l'effet de la prescription devenu mitoyen,
- constater que l'exhaussement opéré sur celui-ci n'est pas illégal, aucun consentement du voisin n'étant nécessaire,
- dire l'action introductive contre le mur Ouest prescrite depuis l'an 2000,
- en conséquence, débouter les demandeurs de leur demande dirigée contre le mur Ouest,
- concernant le mur Sud, en l'état de l'imprécision du rapport d'expertise, dire et juger que la preuve de l'empiétement n'est pas rapportée,
- débouter les demandeurs de leur action,
- en toute hypothèse, dire et juger que l'empiétement se situant à partir du premier étage, aucune démolition dudit mur entre le sol et le premier étage ne peut être ordonnée,
- concernant le prétendu empiétement à partir du premier étage, dire et juger n'y avoir lieu à démolition eu égard à l'impossibilité technique avérée, telle que décrite par l'expert I...,
- en conséquence, débouter les demandeurs de toutes leurs actions, fins et conclusions,
- les condamner par application de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 5 000 euros.
M. Joseph Louis X... a par conclusions déposées le 27 juillet 2012, adhéré aux moyens et demandes de Mme X...-Y...et demandé à la cour de :
- dire et juger l'appel de Mme X...-Y...recevable et bien fondé,
En conséquence,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
- faire droit aux demandes de l'appelante,
- débouter les consorts Z...de toutes leurs actions, fins et conclusions,
- les condamner à lui payer la somme de 1 500 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.
En leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 11 décembre 2012 auxquelles il sera référé pour un exposé plus exhaustif de leurs moyen et prétentions, les consorts Z...font valoir que la fin de non recevoir soulevée par l'appelante tendant au fait qu'elle est seulement usufruitière des parcelles AK 83, 84 et 401 dont ses enfants sont nus-propriétaires et que l'action serait mal dirigée, n'a jamais été évoquée en première instance.
Ils précisent que Mme X... s'est toujours comportée comme propriétaire en déposant un permis de construire à son nom, à la mairie de Corte en y indiquant que son père était propriétaire des parcelles AK 83, 84 et 401 alors qu'il n'en est plus propriétaire depuis la donation du 13 janvier 2005, qu'elle s'est comportée comme propriétaire dans le cadre de la présente procédure, défendant en première instance pendant plusieurs années sans rien révéler de la situation, se présentant comme le constructeur des bâtiments et même comme propriétaire de la parcelle AK 84, n'hésitant pas à faire établir des constats d'huissier les 13 décembre 2006 et 5 octobre 2007 dans lesquels elle se présente comme propriétaire de l'immeuble où est installée son officine, empêchant par là-même la mise en cause de ses enfants en leur qualité de nus-propriétaires pour régulariser la procédure.
Ils ajoutent que ces derniers ont implicitement accepté le projet de construction de leur mère et qu'en tout état de cause le tribunal de grande instance a condamné le constructeur à démolir la construction empiétant sur le terrain d'autrui, occasionnant ainsi un préjudice qui ne peut être réparé que par sa démolition et qu'en ce sens l'action n'a pas été mal dirigée.
Ils concluent en conséquence au rejet du moyen soulevé par Mme Y... en cause d'appel et à sa condamnation à leur payer 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour s'être abstenue de le révéler au cours de la première instance.
Ils rappellent que Mme X...-Y...a obtenu le 27 juillet 2006 un permis de construire pour l'extension et la surélévation de sa pharmacie, sur les parcelles cadastrées AK 81 a, 83, 84, 85, 397 et 401 de la commune de Corte, que la parcelle AK 85 est le cimetière familial sur lequel ils ont des droits immobiliers indivis en leur qualité d'héritiers de Hyacinthe, Sylvestre, François Z...qui s'était réservé des droits sur le tombeau de famille dans l'acte de cession du 12 novembre 1866 et que Joseph Louis X... a donné une autorisation dans le dossier de permis de construire déposé par sa fille ainsi que cela ressort de la décision de permis de construire.
Ils précisent que s'ils n'ont été qu'informés tardivement du projet de construction, ils se sont inquiétés de l'étendue des travaux et de leur impact sur le tombeau familial, ont délivré en vain une sommation d'interrompre ces derniers et ont après avoir assigné devant le tribunal de grande instance, saisi le juge de la mise en état pour qu'ils soient interrompus, ce qui leur a été refusé.
Ils font observer que les défendeurs ont passé outre toutes leurs démarches pour rendre la situation irréversible.
Ils font valoir que leur qualité à agir n'est plus mise en cause devant la cour, l'appelante ne contestant pas leurs droits immobiliers sur cette parcelle et son père Joseph Louis X... seul propriétaire indivis des biens n'ayant pas relevé appel du jugement qui l'a débouté de sa demande d'acquisition de propriété par prescription trentenaire.
Ils soulignent que c'est dans un contexte d'entêtement que les premiers travaux ont été exécutés par l'abattage des deux cyprès sur la limite Ouest qui gênaient la surélévation du bâtiment, car ils étaient plantés trop près du mur d'enceinte.
Ils contestent l'affirmation de l'appelante qui prétend que leur abattage était devenu indispensable par suite d'une atteinte parasitaire et de nuisances occasionnées à ce mur.
Ils font valoir que l'attestation de M. M...qui n'est pas spécialiste des maladies des arbres ne peut sérieusement être retenue, surtout si l'on note la coïncidence de dates entre l'abattage des cyprès et la surélévation du mur Ouest.
Ils contestent aussi que les murs d'enceinte aient été totalement fissurés, aucun constat de l'état des murs n'étant versé aux débats.
Ils expliquent que le fait qu'une première surélévation ait été faite sur le mur de pierres sèches côté Ouest ne prouve pas que l'abattage des cyprès était dû à une attaque parasitaire, la première surélévation n'entraînant pas la modification du mur mais qu'en revanche, c'est pour les besoins de la seconde surélévation que l'abattage a été rendu nécessaire car la nouvelle construction impliquait un empiétement par implantation de poteaux métalliques formant l'ossature de la bâtisse.
Ils précisent que l'appelante avait reconnu en première instance les empiétements dénoncés et soutenu seulement qu'ils n'occasionnaient aucune gêne directe ou indirecte et qu'ainsi la seule sanction ne pouvait être que l'allocation de dommages-intérêts.
Ils lui font grief de reprocher à l'expert d'avoir appliqué les limites cadastrales qui ne seraient pas garanties alors qu'elles pouvaient seules être prises en considération, le géomètre-expert ayant procédé selon les règles de l'art, sans critique de sa part.
Ils font observer que l'appelante reproche à l'expert de ne pas avoir mesuré l'épaisseur actuelle des murs d'enceinte alors que lors des opérations d'expertise, le mur Sud avait disparu comme le mur Ouest qui étaient recouverts par la construction litigieuse et que le rapport confirme sur le plan technique les empiétements réalisés sur ces deux limites.
Ils font valoir que côté Sud, l'ancien mur de pierres sèches de 0, 80 m de large était entièrement implanté à l'intérieur de leur parcelle AK 85 et ne se trouvait pas à cheval sur la ligne divisoire des fonds et que sa démolition et son remplacement par un nouveau mur en parpaings moins large et accolé au tombeau entraîne de fait et de manière certaine un empiétement de la nouvelle construction sur la parcelle AK 85 qui est de 1, 40 m et qui inclut l'encorbellement en surplomb au dessus dudit tombeau, avec pour conséquence la démolition de ce mur.
Ils soutiennent en ce qui concerne le mur Ouest que l'expert a indiqué à tort qu'à l'inverse des trois autres, il lui apparaissait mitoyen, alors que ce mur est privatif même si contre ce mur a été élevé le mur de la pharmacie sans que ce fait change sa nature juridique, faute d'accord, la mitoyenneté n'étant pas acquise, d'autant qu'aucune pièce n'est versée aux débats pour dater précisément la première surélévation qui prend appui sur le mur du tombeau, alors privatif et que la prescription trentenaire n'est donc pas démontrée.
Ils ajoutent que même si cette prescription était démontrée, leur accord était indispensable à la surélévation de l'immeuble et qu'en l'espèce il ressort du rapport d'expertise que le nouveau mur ne se contente pas de prendre appui sur le mur ancien mais empiète sur la parcelle AK 85 en faisant disparaître l'ancien mur sous le nouvel ouvrage.
Ils précisent que Mme X... avait demandé l'autorisation de son père pour la réalisation de travaux dans la parcelle AK 85, autorisation également sollicitée par les services instructeurs de la ville de Corte et visée dans le permis de construire et qu'eux-mêmes ne peuvent se voir opposer les dispositions de l'article 2272 du code civil qui n'est pas applicable en l'espèce, cette prescription ne pouvant courir que du jour de l'exercice des travaux irréguliers et la démolition du mur Ouest s'imposant pour réparer leur préjudice.
Ils sollicitent en conséquence, y compris en ce qui concerne la somme de 5 000 euros qui leur a été accordée à titre de dommages-intérêts pour la coupe des cyprès et leur préjudice moral, la confirmation du jugement déféré.
Ils réclament en outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 10 avril 2013.
SUR CE :
Sur l'irrecevabilité des conclusions de M. X... :
Attendu que M. X... n'ayant pas acquitté le droit dont il est redevable aux termes de l'article 1635 bis P du code général des impôts dont le produit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les cours d'appel, en dépit du courrier de rappel qui a été adressé à son conseil par le greffe le 19 septembre 2013, ses écritures ne peuvent qu'être déclarées irrecevables ;
Sur la propriété de la parcelle AK 85 sise sur la commune de Corte et la qualité à agir des consorts Z...:
Attendu que de l'acte de cession du 22 novembre 1866, il ressort clairement que le vendeur Hyacinthe, Sylvestre, François Z..., auteur des intimés comme de Joseph Louis X..., avait exclu de la cession des droits immobiliers réalisés à cette date le tombeau de famille érigé sur l'actuelle parcelle AK 85 ;
Que le tribunal a estimé à bon droit en raison du caractère inaliénable des sépultures que la propriété n'en avait pas été prescrite et que cette parcelle était restée dans l'indivision ;
Attendu qu'en cause d'appel la qualité d'indivisaire des consorts Z...n'est plus discutée ;
Que le jugement déféré qui a reconnu aux intimés leur qualité à agir ne peut qu'être confirmée ;
Sur le bien fondé de l'action des consorts Z...:
Attendu que Mme X...-Y...soutient que par acte du 13 janvier 2005 et donc antérieurement aux travaux d'extension litigieux, son père, Joseph Louis X... lui avait fait donation de l'usufruit des parcelles AK 83, AK 84 et 401, la nue-propriété étant donnée à Anne Sophie et Jean Philippe Y..., petits-enfants du donateur, et que cet acte ayant été régulièrement publié, l'action ne pouvait être dirigée que contre ces derniers en leur qualité de nus-propriétaires ;
Attendu que s'il ne peut être fait grief à Mme X...-Y...d'arguer de cet acte de donation en cause d'appel, cet acte ayant été régulièrement publié, il n'en demeure pas moins que manifestement établi pour de simples raisons de transmission de patrimoine, il a été passé sous silence tant par elle-même que par son père ;
Qu'en effet ce dernier ne l'a pas évoqué lors des courriers qui ont été échangés en raison des interrogations légitimes des consorts Z...quant à l'importance des travaux projetés qui pouvaient avoir un impact sur le cimetière familial sis sur la parcelle AK 85 ;
Que c'est Mme X...-Y...qui a obtenu le 27 juillet 2006 un permis de construire pour l'extension et la surélévation de sa pharmacie, M. X... ayant donné son autorisation en sa qualité de propriétaire du terrain ;
Qu'il n'est ni établi ni même allégué que les travaux litigieux aient été financés par les nus-propriétaires et que sommés d'y mettre un terme, les consorts X... n'ont jamais invoqué leur défaut de qualité pour les interrompre ;
Qu'assignés, ils ont assuré leur défense sans invoquer ce même argument et Mme Y... ne saurait sérieusement soutenir s'être totalement désintéressée de la procédure de première instance conduite par son père avec son seul conseil ;
Attendu que s'il ne peut être reproché à M. X... qui n'a eu aucun rôle dans la direction des opérations de construction litigieuse, d'être à l'origine d'une emprise irrégulière sur la parcelle AK 85 dont il est propriétaire indivis, il n'en va pas de même de sa fille qui, après avoir déposé un permis de construire, s'est comportée, en construisant, en propriétaire apparent des lieux et se trouve par cette construction, à l'origine d'empiétements sur le fonds voisin qui lui sont légitimement reprochés par les intimés ;
Attendu que des opérations d'expertise conduites avec sérieux et compétence par M. H..., géomètre expert, sans que Mme X... n'ait élevé au cours de leur réalisation la moindre critique, il ressort qu'avant travaux, la parcelle AK 85 était close par un mur d'environ 80 centimètres d'épaisseur, bordé au Nord et à l'Est par la route nationale et au Sud par un terrain nu ;
Qu'il précise que sur ces trois côtés, le mur censé appartenir à la parcelle AK 85 n'est pas mitoyen mais que sur le mur Ouest, on voit sur la photographie produite avant travaux un bâtiment s'appuyer sur ce mur qui peut selon lui être qualifié de mitoyen ;
Qu'il en conclut que compte tenu de la largeur d'origine de ce mur, la construction actuelle empiète par ses surplombs d'environ 20 centimètres au droit de la ligne BC du plan annexé au rapport d'expertise et que sur la limite Sud de la parcelle constituée par la face Sud de l'ancien mur d'enceinte, les surplombs réalisés au droit de cette limite qui détermine la ligne BA figurée sur le plan, l'empiétement de la construction X... est d'environ 1, 4 mètre ;
Que l'expert ajoute que du fait de l'impossibilité de déplacer les poteaux métalliques formant la structure de la nouvelle construction, ainsi que l'a noté M. I...par lui désigné comme sapiteur, il est techniquement impossible de supprimer cet empiétement pour rétablir la construction dans ses limites ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité ;
Attendu qu'eu égard à l'emprise irrégulière, puisque réalisée sans l'autorisation des consorts Z..., propriétaires indivis, qui a été opérée du fait de la construction de Mme X...-Y...sur 1, 40 mètre avec les surplombs réalisés sur le côté Sud du mur du cimetière familial, la remise des fonds litigieux en leurs limites, s'impose ;
Qu'il appartiendra à Chantal X...-Y...de trouver la technique appropriée pour mettre un terme à l'emprise dont elle est seule responsable et ramener sa construction dans les limites de la parcelle AK 84 ;
Que le jugement déféré qui a ordonné à juste raison la démolition par l'appelante de la partie de la construction empiétant sur le côté Sud de la parcelle AK 85 ne peut qu'être confirmé ;
Attendu qu'en ce qui concerne le mur Ouest, les différentes photographies produites relatant des événements datant de l'année 1970 antérieurs de plus de trente ans à l'introduction de la présente procédure, montrent qu'une construction y était accolée, confortant ainsi le rapport de l'expert H...qui indique qu'il s'agit d'un mur mitoyen ;
Attendu que la qualification du mur Ouest en mur mitoyen sera ainsi retenue et le jugement déféré qui en a ordonné la démolition sera infirmé ;
Attendu que si, aux termes de l'article 658 du code civil, l'exhaussement d'un mur mitoyen est possible, sans que le consentement préalable des copropriétaires voisins n'ait à être obtenu, il en va en revanche différemment des surplombs ;
Attendu qu'il résulte du rapport de M. H...que côté Ouest, un surplomb de 20 centimètres par rapport à la ligne BC indiqué à juste titre par l'expert comme constituant la ligne divisoire des fonds a été créé par Mme X...-Y...sans l'autorisation des intimés et donc irrégulièrement ;
Que la preuve du surplomb existant antérieurement qu'invoque l'appelante n'étant nullement rapportée par les éléments du dossier, la démolition de l'empiétement en surplomb de 20 centimètres résultant de la construction litigieuse à laquelle Mme X...-Y...a fait procéder, ne peut dès lors qu'être ordonnée en application de l'article 545 du code civil précité ;
Que cette démolition sera mise comme celle du mur Sud à la charge de Mme X...-Y...qui en est à l'origine du fait des travaux d'extension de sa pharmacie ;
Que ces démolitions seront ordonnées sous la même astreinte que celle fixée par le jugement déféré qui sera confirmée en son montant et sa durée, le point de départ de cette astreinte étant en revanche fixée six mois après la signification du présent arrêt ;
Sur le préjudice subi par les consorts Z...:
Attendu que M. X... a en l'espèce fait procéder à la coupe de deux cyprès plantés sur la parcelle indivise AK 85 dont l'appelante prétend qu'ils se trouvaient dans un état dégradé du fait d'une atteinte parasitaire alors que cette dernière n'est nullement confirmée par les photographies produites et que la compétence de la personne qui en atteste n'est nullement justifiée ;
Attendu que si en raison de leur proximité avec le mur d'enceinte, leur élagage aurait été concevable, leur coupe a manifestement occasionné un préjudice moral aux intimés ;
Que M. X... a ainsi concouru avec sa fille à la réalisation du dommage supporté par les consorts Z..., puisque ces derniers ont en outre subi la destruction du mur de pierres de leur cimetière et l'utilisation intempestive de celui-ci pendant le chantier de rénovation de la pharmacie ;
Que le jugement déféré qui l'a condamné in solidum avec Mme X...-Y...à payer aux consorts Z...la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, sera dès lors confirmé ;
Attendu qu'aux termes de l'article 954 du code civil, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Que la demande de dommages-intérêts supplémentaires formulée par les intimés dans leurs écritures pour la révélation tardive de l'acte de donation du 13 janvier 2005 mais non reprises dans le dispositif de celles-ci, sera rejetée comme irrecevable ;
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que les intimés ont été contraints à l'occasion de la présente instance, d'exposer des frais non taxables dont il est équitable de leur accorder compensation ;
Que le jugement déféré qui a accueilli la demande qu'ils ont présentée à ce titre, sera ainsi confirmé ;
Qu'il leur sera alloué pour les frais engagés en cause d'appel, une somme supplémentaire de 2 000 euros ;
Attendu qu'en revanche l'équité ne commande pas de faire application en faveur de l'appelante, des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur les dépens :
Attendu que le jugement déféré qui a mis les dépens de première instance à la charge de M. Joseph Louis X... et de Mme Chantal X...-Y..., sera confirmé ;
Que les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme Chantal X...-Y...qui succombe pour l'essentiel de ses prétentions.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Déclare irrecevables les conclusions de M. Joseph Louis X...,
Dit que Mme Chantal X...-Y...qui a procédé à l'extension et à la surélévation de sa pharmacie située à Corte sur la parcelle AK 84 a agi lors de cette construction, en propriétaire apparent de la parcelle AK 84 sur laquelle est située son officine de pharmacie,
Dit les consorts Z...fondés en leur action à son encontre,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la démolition par Mme Chantal X...-Y...du mur de sa construction empiétant sur le côté Sud de la parcelle AK 85 et ce sous astreinte provisoire de cent euros (100 euros) par jour de retard pendant une année,
Précise que cette astreinte commencera à courir six mois à compter de la signification du présent arrêt,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a ordonné la démolition du mur empiétant sur le côté Ouest de cette même parcelle,
Statuant de nouveau de ce chef,
Dit que le mur côté Ouest du cimetière est mitoyen avec le fonds voisin,
Dit qu'il pouvait être exhaussé sans l'autorisation des consorts Z...,
Dit que l'empiétement de vingt centimètres résultant sur ce même côté du surplomb réalisé par Mme X... doit être supprimé sous la même astreinte que celle ci-dessus fixée,
Confirme pour le surplus les dispositions du jugement déféré,
Y ajoutant,
Déclare irrecevable la demande de dommages-intérêts supplémentaires formée par les intimés dans leurs écritures mais non dans le dispositif de celle-ci,
Condamne Mme Chantal X...-Y...à payer aux consorts Z...ensemble, la somme de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande formée sur ce même fondement par Mme Chantal X...-Y...,
Condamne cette dernière aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 12/00136
Date de la décision : 04/12/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2013-12-04;12.00136 ?
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