Ch. civile A
ARRET No
du 20 NOVEMBRE 2013
R. G : 12/ 00268 R-MAB
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 16 Février 2012, enregistrée sous le no 10/ 012167
X... Z...
C/
Z...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE
APPELANTS :
M. Jacques X... né le 25 Avril 1956 à Nîmes ...20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1364 du 30/ 05/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
Mme Patricia Z... épouse X... née le 01 Juillet 1957 à Bord Bou Arrerdj (Algérie) ...20000 AJACCIO
ayant pour avocat Me Jean-Pierre BATTAGLINI de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1364 du 31/ 05/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIME :
M. Francis Z... né le 12 Janvier 1968 à AJACCIO ... 20166 Pietrosella
ayant pour avocat Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 septembre 2013, devant la Cour composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre
Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près Monsieur le premier président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2013
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. Francis Jean Marcel Z... est propriétaire depuis le 25 août 1999 d'un terrain situé ... à Pietrosella sur lequel se trouvent édifiées une maison d'habitation et une remise. M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... ont occupé ce débarras et ont obtenu du juge des référés du Tribunal de grande instance d'Ajaccio le 9 septembre 2008 la désignation d'un expert pour évaluer les travaux qu'ils y avaient réalisés entre 2005 et 2006. L'expert, M. Pierre-Paul D..., a déposé son rapport le 6 avril 2009.
M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... ont saisi le Tribunal de grande instance d'Ajaccio sur le fondement de l'article 1371 du Code civil pour obtenir la condamnation de M. Francis Jean Marcel Z... à leur payer la somme de 142 919, 00 euros au titre des travaux exécutés ainsi que la somme de 30 000, 00 euros de dommages et intérêts et la restitution de meubles et tableaux.
Par jugement du 16 février 2012, le Tribunal de grande instance d'Ajaccio a :
- débouté M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de leur demande formée sur le fondement de l'article 1371 du Code civil,
- débouté M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de leur demande de dommages et intérêts au titre du déménagement et de la perte de meubles,
- débouté M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de leur demande en restitution des tableaux signés A. Suby et N. Nakamoto,
- ordonné la restitution par M. Francis Jean Marcel Z... à M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z..., sous peine d'astreinte de 50, 00 euros par objet et par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, de la toile tissu sur panneau bois réalisée par Mme X... représentant en gros plan un visage fumant une cigarette ainsi que du grand canapé Starck,
- débouté pour le surplus M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de leurs demandes en restitution et en paiement de la somme de 50 000, 00 euros,
- condamné M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... à procéder, à leurs frais, à l'enlèvement de la construction édifiée sur le fonds appartenant à M. Francis Jean Marcel Z... et à remettre les lieux en leur état initial, ce à peine d'astreinte d'un montant de 50, 00 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement,
- condamné M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... à payer à M. Francis Jean Marcel Z... la somme de 650, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... aux dépens de l'instance y compris les frais du constat d'huissier du 10 décembre 2007,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement.
Le Tribunal a considéré que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... avaient commis une faute à l'origine de l'appauvrissement dont ils se prévalaient en construisant une maison sur un terrain qu'ils savaient ne pas leur appartenir et sans avoir sollicité la moindre autorisation administrative. Il a considéré que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... ne pouvaient prétendre à une indemnisation pour leur déménagement lequel est la conséquence de leur édification fautive ainsi que pour la perte des meubles.
M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... ont relevé appel de ce jugement par déclaration déposée au greffe le 29 mars 2012.
En leurs dernières conclusions déposées le 17 décembre 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... demandent à la Cour de :
- les accueillir en leur appel,
- condamner M. Francis Z... à leur payer la somme de 142 819, 00 euros avec indexation sur l'indice national du bâtiment BT 01 depuis le dépôt du rapport de l'expert judiciaire, avril 2009 (797, 8) jusqu'à parfait achèvement,
- condamner M. Francis Z... à leur payer la somme de 30 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts et à leur restituer les meubles et tableaux listés et photographiés par Me F...dans son procès-verbal de constat du 16 juillet 2010 sous astreinte de 1 000, 00 euros par jour de retard et à défaut par lui de s'exécuter dans le délai de trois mois et le condamner au paiement de la somme de 50 000, 00 euros
-dire n'y avoir lieu à remise des lieux en leur état initial,
- confirmer la décision en ce qu'elle a condamné M. Francis Z... à leur restituer, sous astreinte de 50, 00 euros par objet et par jour de retard, la toile tissu sur bois représentant un visage fumant une cigarette et le canapé Starck,
- condamner M. Francis Z... au paiement de la somme de 3 000, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Ils font valoir que les travaux qu'ils ont réalisés pour transformer une remise en maison à usage d'atelier et d'habitation constituent une plus-value importante au fonds de M. Francis Z.... Ils font observer que le montant des travaux estimé par l'expert n'a jamais été contesté. Ils expliquent que M. Francis Z... est le seul occupant de la construction qu'ils ont édifiée, ce qui constitue un enrichissement sans cause pour lui. Ils indiquent que M. Francis Z... avait donné son accord pour la réalisation des travaux litigieux et qu'il habitait sur les lieux contrairement à ce qu'il prétend. Ils font valoir leur lien familial pour expliquer l'absence d'autorisation écrite pour l'occupation de la remise et sa réfection. Ils en déduisent n'avoir commis aucune faute. Ils considèrent que M. Francis Z... a profité des travaux du fait de la plus value apportée à sa propriété. Ils motivent leur demande de dommages et intérêts par les agissements de M. Francis Z... qui, pour les contraindre à quitter les lieux, leur a coupé l'alimentation en eau et en électricité, leur a interdit l'entrée principale de la propriété, les contraignant à emprunter une échelle pour rentrer chez eux et qui a frappé sa soeur. Ils expliquent avoir dû quitter les lieux au début de l'année 2007 sans pouvoir déménager leurs meubles.
En ses dernières conclusions déposées le 28 novembre 2012 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Francis Jean Marcel Z... demande à la Cour de :
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- débouter M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de l'ensemble de leurs demandes,
- condamner solidairement M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... à procéder à leurs frais à l'enlèvement de la construction édifiée sur le fonds lui appartenant et à remettre les lieux en leur état initial et ce à peine d'astreinte de 50, 00 euros par jour de retard dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir,
- condamner solidairement M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... au paiement de la somme de 5 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens dont ceux exposés pour le constat de la SCP Armani et ceux distraits au profit de Me Savelli, avocat en vertu de l'article 699 du Code de procédure civile,
Subsidiairement,
- dire et juger qu'il fera son affaire personnelle de cette destruction à ses frais avancés à charge pour les appelants de supporter l'ensemble des travaux qu'il devra entreprendre à titre de dommages et intérêts et sur présentation de facture,
Reconventionnellement,
- condamner solidairement M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... au paiement de la somme de 10 000, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de mauvaise foi.
Il explique ne jamais avoir donné l'autorisation à sa soeur de transformer en maison d'habitation la remise se situant au fond de la propriété de Pietrosella qu'il n'a occupée qu'à compter de la rentrée 2007. Il indique avoir demandé l'arrêt immédiat des travaux après avoir constaté la transformation de l'atelier en maison d'habitation. Il fait valoir que sa soeur s'est dispensée de lui demander l'autorisation d'effectuer les travaux car elle pensait, par erreur, que la remise était la propriété de leur mère. Il en déduit que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... ont commis une faute en portant atteinte à son droit de propriété rendant irrecevable l'action de in rem verso. Il ajoute qu'il avait permis à sa soeur d'occuper temporairement et gratuitement la remise sans aucun bail. Si un bail devait être retenu, il considère que les travaux avaient pour cause leur usage personnel et que leur appauvrissement n'est pas démontré. Il affirme que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... sont partis d'eux mêmes sans qu'il ait commis les voies de fait qu'ils lui imputent (coupure d'électricité-d'eau et interdiction d'accès).
Il explique la coupure momentanée d'eau par l'assèchement du puits en période estivale. Il prétend avoir mis à disposition de M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... la toile et le canapé qu'il a été condamné à leur restituer selon le jugement attaqué mais que ceux-ci ne les lui ont pas réclamés. Il accuse sa soeur d'avoir manipulé leur mère et une dame Douce G...pour tenter de lui soutirer de l'argent. Il en déduit que sa soeur exerce de mauvaise foi la présente action. Il maintient sa demande de destruction de l'ouvrage sur le fondement de l'article 555 alinéa 1er du Code civil.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 avril 2013 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 16 septembre 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
1o) sur l'action de in rem verso :
Par application de l'article 1371 du Code civil, nul ne peut s'enrichir aux dépens d'autrui.
Devant la cour, M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... produisent de nouvelles attestations tendant à démontrer que M. Francis Jean Marcel Z... était informé des travaux qu'ils réalisaient sur la remise située au fond de sa propriété. Cependant, ces éléments ne permettent pas d'établir que M. Francis Z... avait autorisé l'édification de cette construction d'importance sur son fond. De plus, il est incontestable que les époux X...-Z...ont effectué les travaux litigieux dans leur propre intérêt à savoir occuper cette maison dans des conditions satisfaisantes.
Dés lors, le premier juge a justement retenu que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... avaient commis une faute en construisant une maison d'habitation sur un terrain qu'ils savaient pertinemment ne pas leur appartenir. De plus, ils ont agi à leurs risques et périls en vue de se procurer un avantage personnel, contrepartie envisagée de la perte possible de la construction sans autoristion de sorte qu'ils ne peuvent se prévaloir de l'action de in rem verso.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
2o) sur l'action en indemnisation :
Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge a débouté M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de
leur demande tendant à être indemnisés pour la perte de leurs meubles et pour l'obligation dans laquelle ils se sont trouvés de prendre un appartement.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
3o) sur la demande en restitution de tableaux et de meubles :
Le premier juge a, à juste titre, considéré que les appelants étaient en droit de demander à M. Francis Z... la restitution de la toile tissu sur panneau bois réalisée par Mme X... représentant en gros plan un visage fumant une cigarette et un grand canapé Starck, sous astreinte de 50, 00 euros par objet et par jour de retard dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement. M. Francis Jean Marcel Z... ne justifiant pas avoir exécuté cette condamnation, le jugement sera confirmé sur ce point.
Le premier juge a également à juste titre débouté M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... de leur demande en restitution d'autres meubles et de leur demande en paiement de la somme de 50 000, 00 euros. Le jugement sera encore confirmé sur ce point.
4o) sur la demande de remise en état des lieux :
Il ressort du rapport d'expertise de M. Pierre-Paul D...que la remise était en ruine en 1999 lors de l'achat par M. Francis Jean Marcel Z... de la propriété et que la construction réalisée par les appelants est quasi neuve. L'article 555 alinéa 1 du Code civil trouve donc à s'appliquer pour statuer sur la demande de remise en état des lieux. C'est à juste titre que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... ont été condamnés à procéder à l'enlèvement de la construction édifiée sur le fonds appartenant à M. Francis Z... et à remettre en état les lieux en leur état initial, ce sous peine d'astreinte étant précisé que la solution alternative proposée par l'intimé n'est pas adaptée au litige.
Le jugement sera également confirmé sur ce point.
5o) sur la demande d'indemnisation pour procédure abusive :
L'exercice d'une action en justice constitue un droit qui ne donne naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Il n'est pas suffisamment établi que M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... aient commis une telle faute en agissant à l'encontre de M. Francis Jean Marcel Z....
M. Francis Jean Marcel Z... est débouté de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
6o) sur les frais irrépétibles et les dépens :
Il n'est pas équitable de laisser à la charge de M. Francis Jean Marcel Z... les frais non compris dans les dépens. M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... sont condamnés à lui payer une indemnité d'un montant de 1 500, 00 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et le jugement sera confirmé en ce qu'il a également mis à leur charge une indemnité sur le même fondement. Succombant en leur appel, M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... sont tenus aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers étant distraits au profit de Me Savelli, avocat par application de l'article 699 du Code de procédure civile et comprenant les frais du constat d'huissier du 10 décembre 2007.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'AJACCIO le 16 février 2012 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M. Francis Jean Marcel Z... de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive,
Condamne M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... à payer à M. Francis Jean Marcel Z... une indemnité la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500, 00 euros) sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne M. Jacques X... et son épouse Mme Patricia Z... aux dépens d'appel lesquels seront distraits au profit de Me Savelli, avocat.
LE GREFFIER LE PRESIDENT