Ch. civile A
ARRET No
du 25 SEPTEMBRE 2013
R. G : 12/ 00423 R-MAB
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 19 Avril 2012, enregistrée sous le no 09/ 01141
X...
C/
X...SA CREDIT LYONNAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE TREIZE
APPELANT :
M. Pascal X...né le 13 Août 1978 à CAVAILLON (84300) ...-...84460 CHEVAL BLANC
assisté de Me Pascale GIORDANI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 1634 du 14/ 06/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEES :
Mme Félicité X...née le 27 Août 1955 à NIMES (30000) ...30000 NIMES
défaillante
Mme Laetitia X...épouse Z...née le 30 Avril 1970 à ARLES (13200) ... 20167 AFA
ayant pour avocat Me Marie Line ORSETTI, avocat au barreau d'AJACCIO
SA CREDIT LYONNAIS 59 cours Napoléon 20000 Ajaccio (France)
ayant pour avocat Me Stéphane RECCHI de la SCP MORELLI MAUREL ET ASSOCIES, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 juin 2013, devant Mme Rose-May SPAZZOLA, Conseiller, et Mme Marie BART, Vice-président placé près M. le premier président, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Julie GAY, Président de chambre Mme Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Mme Marie BART, Vice-président placé près M. le premier président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 septembre 2013
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Julie GAY, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le 12 décembre 2000, Mme Toussainte F...épouse X...a donné à sa petite-fille, Mme Laetitia X...les pouvoirs d'administration et de disposition sur ses comptes ouverts auprès de la S. A. Le Crédit Lyonnais.
Mme Toussainte X...a souscrit deux contrats d'assurance-vie en avril et juillet 2001 pour des montants de 63 727, 82 euros et 63 636, 17 euros avec trois bénéficiaires à parts égales, savoir sa fille Félicité X...et ses petits-enfants, Pascal et Laetitia X.... A la suite de sa demande de rachat, son compte a été crédité de la somme de 129 280, 16 euros le 6 juillet 2004. Le 23 juillet 2004, le compte de sa petite-fille, Mme Laetitia X...a été crédité de 47 920, 00 euros et le 16 août 2004, celui de sa fille Félicité de la somme de 38 365, 00 euros. Le 18 août 2004, Mme Laetitia X...a fait ouvrir au nom de Mme Toussainte X...un compte sur livret en y virant depuis le compte courant une somme de
35 000, 00 euros. Le 17 décembre 2004, Mme Laetitia X...a fait virer de ce compte sur livret sur son propre compte la somme de 31 835, 00 euros.
Mme Toussainte X...est décédée le 21 février 2005 à NIMES.
Par actes des 26 novembre et 27 novembre 2009 et du 30 mai 2011, M. Pascal, Baptiste X...a assigné la S. A. le Crédit Lyonnais ainsi que mesdames Laetitia X...épouse Z...et Félicité X...devant le Tribunal de grande instance d'Ajaccio aux fins d'obtenir la condamnation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil de l'organisme bancaire pour la faute qu'aurait commise son directeur d'agence en permettant l'ouverture du compte hors la présence de sa grand-mère et sans sa signature.
Par jugement du 19 avril 2012, le Tribunal de grande instance d'AJACCIO a :
- rejeté la demande principale de M. Pascal X...ainsi que ses demandes plus amples ou contraires
-laissé les dépens à la charge de M. Pascal X....
Pour débouter M. Pascal X..., le tribunal a estimé qu'il n'était pas démontré que Mme Toussainte X...ait voulu faire bénéficier son petit-fils d'un don manuel. Il a considéré que la banque avait agi dans le respect des ordres donnés par la mandataire de Mme Toussainte X...laquelle bénéficiait d'une procuration générale sur les comptes de sa grand-mère et qu'aucune faute ne pouvait être retenue à l'encontre du Crédit Lyonnais.
M. Pascal Baptiste X...a relevé appel de ce jugement suivant déclaration déposée au greffe le 21 mai 2012.
En ses dernières conclusions déposées par voie électronique auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, M. Pascal, Baptiste X...demande à la Cour de :
- déclarer recevable et fondé son appel,
- infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
- le décharger des condamnations prononcées contre lui soit les dépens de première instance,
- au visa de l'article 1384 du Code civil, condamner la SA le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 35 000, 00 euros à titre de dommages intérêts pour la faute commise par son commettant, en l'espèce son directeur d'agence qui a permis l'ouverture du compte hors la présence de sa titulaire et sans sa signature aux seules fins de recueillir une somme d'argent qui lui était destinée,
- condamner la SA le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 5. 000, 00 euros à titre de dommages intérêts pour résistance abusive,
à titre subsidiaire,
- constater qu'en tout état de cause l'ouverture du compte sur livret est irrégulière en ce qu'elle ne comporte pas la signature du titulaire et en ce que la procuration avec laquelle elle a été faite n'est pas valable,
- condamner la SA le Crédit Lyonnais à restituer la somme de 35 000, 00 euros et ordonner son rapport à la succession,
- dire et juger que le jugement sera opposable à Mme G...désormais Laetitia Z...,
- condamner Mme Laetitia, Christiane X...épouse G...puis dénommée Z...à la somme de 31 835, 00 euros à titre de dommages intérêts pour préjudice moral,
- condamner la SA le Crédit Lyonnais à lui payer la somme de 6 000, 00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Il fait valoir que sa grand-mère s'est rendue le 21 juin 2004 à l'agence du Crédit Lyonnais d'Ajaccio afin de procéder au partage de son contrat d'assurance Lionvie dont le disponible était d'environ 129 280, 00 euros entre ses trois futurs héritiers, lui-même ainsi que sa s ¿ ur et sa tante. Il constate que sa tante a reçu sa part soit 38 365, 00 euros et que sa s ¿ ur a signé l'ordre de virement pour percevoir la somme de 47 920, 00 euros soit plus que la somme initialement prévue. Il fait observer que le virement dont il aurait dû bénéficier a disparu de l'actif successoral de sa grand-mère. Il explique que l'examen des pièces bancaires fait apparaître que le troisième virement a été effectué le 18 août 2004 sur un compte sur livret au nom de sa grand-mère dont la convention d'ouverture a été signée par Mme Laetitia G.... Il en déduit que le chef de l'agence bancaire a commis une faute en signant l'ouverture de ce compte hors la présence de son titulaire, Mme Toussainte X...et en faisant signer la mandataire à qui sa grand-mère avait donné procuration. Il fait observer que c'est Mme G...qui a fait virer à son profit la somme de 47 920, 00 euros et celle de 31 835, 00 euros. Il critique le jugement en ce qu'il n'a pas retenu que la volonté de sa grand-mère était de partager ses liquidités en trois parts égales et en ce qu'il n'a pas relevé de faute à l'égard de la banque qui aurait agi dans le respect des ordres donnés par Mme Laetitia X...titulaire d'une procuration générale. Il considère en effet qu'une procuration générale ne peut pas permettre l'ouverture d'un compte en l'absence de son titulaire. Il rappelle qu'il ne se prévaut pas d'un testament pour agir contre le Crédit Lyonnais mais qu'il reproche une faute commise par le préposé de cette dernière.
En ses dernières conclusions déposées par voie électronique auxquelles il est expressément référé pour un exposé plus complet de ses moyens et prétentions, Mme Laetitia X...épouse Z...demande à la Cour de :
- constater le défaut de qualité et d'intérêt à agir de M. Pascal X...et de le déclarer irrecevable en son action,
- constater que la demande de dommages intérêts formée à son encontre est nouvelle en cause d'appel et la déclarer irrecevable,
très subsidiairement,
- débouter M. Pascal X...de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Reconventionnellement,
- condamner M. Pascal X...à lui payer la somme de 6 000, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de maître Marie-Line Orsetti, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Elle expose que les opérations critiquées par M. Pascal X...ont toutes eu lieu du vivant de leur grand-mère laquelle était saine d'esprit de sorte que l'appelant n'a aucune qualité ni d'intérêt à agir. Elle indique que son frère forme pour la première fois devant la cour une demande de dommages intérêts pour préjudice moral qu'elle estime irrecevable au sens des articles 564 et 565 du Code de procédure civile. En tout état de cause, elle estime cette demande infondée comme dépourvue de tout fondement juridique et de toute démonstration d'une faute. Très subsidiairement, elle rappelle l'article 1315 du Code civil pour dire que son frère ne rapporte pas la preuve que sa grand-mère ait voulu lui virer la somme de 35 000, 00 euros. Elle s'étonne que son frère n'ait pas agi du vivant de leur grand-mère pour obtenir son dû et indique que la présente procédure est destinée pour lui à obtenir un partage partiel de la succession. Elle constate qu'il avait, dès avant son décès, contesté le partage des sommes que Mme Toussainte X...possédait. Elle explique que son frère est atteint de schizophrénie et qu'il est consommateur de produits stupéfiants. Elle ajoute qu'il s'est déjà montré violent et extrêmement menaçant à son encontre et qu'elle a déposé plainte contre lui pour effraction et violation de son domicile. Elle précise que les attestations qu'il produit doivent être prises avec réserve quant à sa prétendue cohabitation et sa prise en charge financière par leur grand-mère.
En ses dernières conclusions en date du 21 janvier 2013 auxquelles il est expressément référé pour un exposé plus exhaustif de ses moyens et prétentions, la S. A. le Crédit Lyonnais demande à la Cour de :
- confirmer le jugement entrepris,
- dire et juger irrecevable la procédure engagée par Pascal X...en l'absence de preuve de sa qualité pour agir et de l'absence de production de la preuve par écrit des libéralités qu'entendait lui consentir sa grand-mère,
- constater que le directeur de l'agence n'est pas sorti de ses fonctions en ouvrant un compte au bénéfice de Mme Toussainte X...
-débouter M. Pascal X...de toutes ses demandes,
- condamner M. Pascal X...à lui payer la somme de 3 588, 00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance
très subsidiairement,
- si la cour fait droit à l'action de M. X..., condamner Mme Laetitia X...à la relever et la garantir de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle.
Elle fait observer qu'elle a remis tant à M. Pascal X...qu'au notaire chargé de la succession de feue Mme Toussainte X...les documents bancaires et les extraits de compte de l'intéréssée. Elle rappelle ne pas avoir été la récipiendaire des dernières volontés de Mme Toussainte X...et que l'attestation de Mme Félicité X...ne peut être la preuve d'un testament l'ayant engagée. Elle soutient que l'appelant ne justifie pas de sa qualité d'ayant droit direct lui permettant d'agir. Elle conteste le moyen de preuve choisi par M. Pascal X...pour établir que sa grand-mère souhaitait lui faire donation de la somme de 38 112, 25 euros en rappelant que par application de l'article 1341 du Code civil, seule la preuve par écrit émanant de Mme Toussainte X...est admissible. Elle indique que Mme Toussainte X...n'a jamais contesté les opérations litigieuses réalisées de son vivant et en vertu d'un mandat donné à sa petite fille. Sur le fond, elle considère que l'appelant ne justifie pas que le directeur d'agence ait commis une faute ni qu'il ait agi hors le cadre de ses fonctions.
Mme Félicité X..., régulièrement assignée le 17 juillet 2012 à son domicile, n'a pas constitué avocat.
Il sera statué en conséquence par arrêt réputé contradictoire.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mars 2013 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 17 juin 2013.
MOTIFS DE LA DECISION :
Aux termes des articles 31 et 32 du Code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.
Comme l'a relevé le premier juge, M. Pascal X...ne démontre pas suffisamment que sa grand-mère, Mme feue Toussainte X..., ait entendu lui faire donation d'une quelconque somme. En effet, Mme Toussainte X...avait toute capacité pour disposer de ses avoirs au cours des mois de juillet et août 2004 même si elle avait pu désigner antérieurement son petit-fils comme un des bénéficiaires des contrats d'assurance-vie qu'elle avait souscrits en avril et juillet 2001. De plus, l'attestation rédigée par Mme Félicité X...ne peut prouver la volonté de la part de Mme Toussainte X...de donner une partie de ses avoirs à son petit-fils. En effet, la déclarante affirme que sa mère voulait que la somme provenant du rachat des contrats d'assurance-vie soit remise à parts égales entre ses trois héritiers. Or, cette déclaration est contredite par l'examen des relevés de comptes de Mme Toussainte X...qui révèle que la somme provenant du rachat des contrats d'assurance-vie a été divisée en deux et non en trois parts et que les parts étaient d'un montant inégal puisque sa fille Félicité a reçu 38 365, 00 euros tandis que sa petite-fille Laetitia recevait 47 920, 00 euros et que le solde soit 42 995, 00 euros, est resté sur son compte courant. Cette répartition dont il n'est pas prouvé qu'elle ait été faite contre la volonté de Mme Toussainte X...démontre que celle-ci avait décidé de ne plus gratifier son petit-fils de sorte qu'il ne peut prétendre avoir subi un préjudice personnel lui conférant un intérêt à agir.
Mais encore, il appartenait à Mme Toussainte X...d'engager une action en responsabilité contre la SA le Crédit Lyonnais si elle estimait que son préposé avait commis une faute en lui ouvrant un compte sur livret hors sa présence et sans sa signature. Or, l'intéressée n'a contesté auprès de la banque ni l'ouverture du compte sur livret ni le virement de la somme de 31 835, 00 euros fait de son compte sur celui de sa petite-fille. L'action en responsabilité n'ayant pas été engagée du vivant de Mme Toussainte X..., son petit fils ne dispose pas d'un droit d'agir en ses lieu et place. M. Pascal X...ne justifie donc pas plus d'un droit d'agir en représentation de feue sa grand-mère.
L'action de M. Pascal X...étant déclarée irrecevable, le jugement entrepris est réformé en ce qu'il avait rejeté la demande de l'intéressé.
L'action étant irrecevable, la cour ne peut statuer sur les autres demandes à l'exception des frais irrépétibles et du sort des dépens.
L'équité ne commandant pas de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, le jugement déféré qui a rejeté la demande présentée à ce titre tant par Mme Laetitia X...que par la S. A. le Crédit Lyonnais sera confirmé et les mêmes seront déboutées des demandes qu'elles formulent du chef des frais non taxables exposés en cause d'appel.
Le jugement déféré est également confirmé en ce qu'il a mis les dépens de première instance à la charge de M. Pascal X...lequel supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de M. Pascal, Baptiste X...et le confirme en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile et en ce qu'il a laissé les dépens à la charge de M. Pascal, Baptiste X...,
Statuant à nouveau du chef de la disposition réformée,
Déclare M. Pascal, Baptiste X...irrecevable en son action,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Laisse à la charge de M. Pascal, Baptiste X...les dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT