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24/07/2013 | FRANCE | N°12/00039

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile b, 24 juillet 2013, 12/00039


Ch. civile B
ARRET No
du 24 JUILLET 2013
R. G : 12/ 00039 R-MPA
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 05 Décembre 2011, enregistrée sous le no 182/ 2011

X...
C/
Y... SA Société Générale

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE JUILLET DEUX MILLE TREIZE
APPELANT :
M. Vincent Joseph X... né le 10 Décembre 1949 à Bonifacio (20169)... 20169 BONIFACIO

assisté de Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO, et de Me A

ntoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Me Jean Pierre Y... Mandataire judiciaire, ès qual...

Ch. civile B
ARRET No
du 24 JUILLET 2013
R. G : 12/ 00039 R-MPA
Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Tribunal de Commerce d'AJACCIO, décision attaquée en date du 05 Décembre 2011, enregistrée sous le no 182/ 2011

X...
C/
Y... SA Société Générale

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE JUILLET DEUX MILLE TREIZE
APPELANT :
M. Vincent Joseph X... né le 10 Décembre 1949 à Bonifacio (20169)... 20169 BONIFACIO

assisté de Me Marc MONDOLONI, avocat au barreau d'AJACCIO, et de Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Me Jean Pierre Y... Mandataire judiciaire, ès qualités de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SARL Techno Mineral né le 16 Septembre 1964 à Bastia (20200)... 20000 AJACCIO

assisté de Me Brigitte NICOLAI, avocat au barreau d'AJACCIO, et de Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA

SA Société Générale Pris en la personne de son directeur de groupe demeurant et domicilie en son agence de bastia immeuble forum du fango Bât D Bd du Fango BP 330 20297 Bastia Cedex 29, Bd Haussmann 75454 PARIS CEDEX 09

assistée de Me Frédérique GENISSIEUX de la SCP RETALI GENISSIEUX, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 mai 2013, devant la Cour composée de :
M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre Mme Marie-Paule ALZEARI, Conseiller Mme Micheline BENJAMIN, Conseiller qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 24 juillet 2013

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Mme Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

La SARL T. I. P a été créée en 1999 pour l'exploitation d'une activité de terrassement, voirie et réseaux divers. Son siège social est à Bonifacio. Elle avait pour gérant M. Vincent Joseph X....

Durant l'année 2006, M. Vincent Joseph X... a créé une seconde société La SARL Techno Mineral afin d'exercer une activité d'exploitation de carrières.

Ces deux sociétés, chacune titulaire d'un compte courant ouvert dans les livres de La SA Société Générale se sont vues accorder les concours suivants :

- concours consentis à La SARL T. I. P :
un prêt de 137 000 euros selon acte sous seing privé du 5 mai 2006, garanti par un cautionnement solidaire de M. Vincent Joseph X... à hauteur de 178 000 euros du 5 juin 2006,
une convention de trésorerie courante à hauteur de 45 000 euros par acte sous seing privé du 26 octobre 2006,
une convention de cession escompte de créances professionnelles par bordereau Dailly suivant acte sous seing privé du 31 janvier 2007.
- Concours consentis à La SARL Techno Mineral :
un prêt de 196 000 euros conclu par acte sous seing privé du 12 octobre 2006 garanti par le cautionnement solidaire de M. Vincent Joseph X... à hauteur de 254 480 euros le 19 octobre 2006.

En garantie de l'ensemble des concours consentis à La SARL T. I. P, M. Vincent Joseph X... s'est également porté caution solidaire envers La SA Société Générale à hauteur de 117 000 euros pendant 10 ans pour toutes sommes dues ou à devoir par La SARL T. I. P selon acte sous seing privé du 27 septembre 2005 et à hauteur de 250 000 euros pendant 10 ans pour toutes sommes dues ou à devoir par La SARL T. I. P par acte sous seing privé du 5 mars 2007.

M. Vincent Joseph X..., pour garantie de l'ensemble des concours consentis à La SARL Techno Mineral, s'est également porté caution solidaire à hauteur de 130 000 euros pendant 10 ans pour toutes sommes dues ou à devoir par La SARL Techno Mineral selon acte sous seing privé du 31 janvier 2007 et à hauteur de 250 000 euros pendant 10 ans pour toutes sommes dues ou à devoir par La SARL Techno Mineral selon acte sous seing privé du 5 mars 2007.

Le 13 avril 2007, La SA Société Générale a consenti à M. Vincent Joseph X... un prêt de 300 000 euros garanti par une hypothèque sur un immeuble sis à Bonifacio, le prêt ayant été formalisé par acte notarié du 4 juin 2007.

Les fonds ont été virés sur le compte personnel de M. Vincent Joseph X... puis transférés sur le compte courant de La SARL Techno Mineral.

À la fin de l'année 2007, La SA Société Générale a rompu successivement l'ensemble des concours consentis aux sociétés.

Par acte d'huissier du 27 novembre 2007, M. Vincent Joseph X..., La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P ont fait assigner La SA Société Générale devant le tribunal de commerce d'Ajaccio afin d'obtenir l'annulation du prêt du 4 juin 2007 et le versement de dommages-intérêts.

Par assignation du 19 mars 2008, La SA Société Générale a sollicité la condamnation des deux sociétés et du gérant M. Vincent Joseph X... en sa qualité de caution en paiement des sommes dues au titre des concours consentis.

La SARL T. I. P a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire depuis le 15 décembre 2008 et La SARL Techno Mineral a été placée en redressement judiciaire le 9 février 2009.

Par jugement du 20 juillet 2009, le tribunal de commerce d'Ajaccio a ordonné la jonction des deux instances et fixé les créances de La SA Société Générale au passif des deux sociétés.

Une mesure d'expertise a été ordonnée.

La SARL Techno Mineral a été placé en liquidation judiciaire le 1er mars 2010.

Vu le jugement en date du 5 décembre 2011 par lequel le tribunal de commerce d'Ajaccio a :

- condamné M. Vincent Joseph X... à payer à La SA Société Générale :
en sa qualité de caution de La SARL T. I. P :
créances échues : comptable clientèle commerciale
Solde débiteur du compte courant... arrêté en date du 17 novembre 2008, soit 99 190, 95 euros arrêtés au 17 novembre 2008 date de la liquidation judiciaire outre intérêts au taux contractuel échus et à échoir depuis le 17 novembre 2008,
créance crédit par compte de 137 000 euros signé le 5 mai 2006
À titre échu : 138 135, 01 euros au taux de 7, 70 % l'an arrêté au 17 novembre 2008 date de la liquidation judiciaire outre intérêts au taux contractuel échus et à échoir depuis le 17 novembre 2008,
créance : cession de la créance Dailly :
À titre échu : 86 797, 18 euros arrêtés au 17 novembre 2008 date de la liquidation judiciaire outre intérêts au taux légal échus et à échoir depuis le 17 novembre 2008,
en sa qualité de caution de La SARL Techno Mineral :
créance échue : comptable clientèle commerciale
Solde débiteur du compte courant no... arrêté le 9 février 2009 pour 20 122, 52 euros date du redressement judiciaire outre intérêts aux taux contractuels échus et à échoir,

créance : crédit par compte de 196 000 euros signé le 12 décembre 2006 : 218 365, 26 euros compte arrêté au 9 février 2009 date du redressement judiciaire outre intérêts aux taux contractuels échus et à échoir,

- constaté et au besoin dit et jugé qu'il était également redevable envers La SA Société Générale de la somme de 384 344, 90 euros au titre de l'acte de prêt du 4 juin 2007 suivant compte arrêté au 2 septembre 2010 ainsi que les intérêts contractuels,
- condamné M. Vincent Joseph X... à payer à La SA Société Générale la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu la déclaration d'appel formalisée par M. Vincent Joseph X... le 13 janvier 2012.

Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de ce dernier le 9 janvier 2013.

Il sollicite l'infirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et prétend à la nullité des contrats de prêts et des actes de cautionnement solidaire invoquant le dol ou la réticence dolosive dont il aurait été victime de la part de La SA Société Générale.

Il soutient que celle-ci a commis une faute engageant sa responsabilité et réclame le paiement de la somme de 300 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi en qualité d'emprunteur à titre personnel.

Il réclame également le paiement de la somme de 2 454 442 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice subi en qualité de caution.

Il prétend en outre au paiement de la somme de 230 000 euros pour réparation de sa perte de revenus en sa qualité de dirigeants des deux sociétés.
En tant que de besoin, il demande que la compensation soit ordonnée entre toutes sommes respectivement dues par les parties.
Il ajoute qu'en sollicitant son cautionnement pour les deux sociétés, la banque lui a fait souscrire des engagements manifestement disproportionnés tant lors de la conclusion des actes qu'au moment où la caution a été appelée.
En conséquence il indique que La SA Société Générale ne peut se prévaloir de ces cautions subsidiaires.

À titre subsidiaire, il demande qu'il soit constaté que La SA Société Générale ne justifie pas avoir satisfait à son obligation d'information annuelle des cautions s'agissant des découverts en compte courant de La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P depuis la souscription des engagements.

Il prétend au paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions déposées par La SA Société Générale le 4 février 2013.

Elle soutient qu'il n'est nullement établi qu'elle avait l'intention de rompre les concours consentis aux sociétés lors de la conclusion du prêt des 13 avril et 4 juin 2007 et que le consentement de M. Vincent Joseph X... a été vicié.

Elle ajoute que la preuve n'est pas rapportée d'un préjudice résultant de la conclusion du contrat de prêt alors que celui-ci est parfaitement valable ainsi que l'hypothèque consentie.

Elle ajoute que par jugement définitif du 20 juillet 2009, le tribunal de commerce a définitivement fixé les créances au passif de La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P.

Elle estime que les moyens soulevés par M. Vincent Joseph X... se heurtent à l'autorité de la chose jugée et qu'au surplus l'admission définitive des créances est opposable à la caution.

Subsidiairement, elle précise qu'il n'est nullement établi qu'elle avait l'intention de rompre les concours consentis aux sociétés lors de la souscription des actes de cautionnement du 5 mars 2007.

Elle demande qu'il soit constaté qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité en opérant le virement de la somme de 300 000 euros du compte personnel de M. Vincent Joseph X... vers le compte de La SARL Techno Mineral.

Elle prétend que la défaillance des deux sociétés ne peut lui être imputable soutenant n'avoir commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité en rompant les concours consentis à ces dernières.
Elle estime que leur défaillance résulte d'une erreur de gestion.
Enfin, elle prétend que les engagements souscrits par M. Vincent Joseph X... en sa qualité de caution n'étaient pas disproportionnés au regard de l'ensemble de ses biens et revenus au moment de la souscription.
Elle ajoute avoir dûment rempli son obligation d'information annuelle.
En conséquence, elle conclut au rejet de l'ensemble des demandes de M. Vincent Joseph X... et à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Elle réclame le paiement de la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions de Me Jean-Pierre Y... agissant en qualité de mandataire liquidateur de La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P du 12 juin 2012.
Il prétend à l'infirmation du jugement déféré et réclame le paiement des sommes de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts pour chacune des deux sociétés et 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il estime que la banque a commis des fautes en accordant un financement inadapté, en affectant de façon illégitime les fonds prêtés à M. Vincent Joseph X... et en rompant brutalement ses concours.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 6 février 2013 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 23 mai 2013.
Vu l'ordonnance en date du 20 mars 2013 par laquelle le président de chambre chargée de la mise en état a rejeté la requête en révocation de l'ordonnance de clôture déposée par M. Vincent Joseph X....
Vu les conclusions du 25 mars 2013 par lesquelles M. Vincent Joseph X... demande le rejet des écritures et pièces notifiées le 4 février 2013 par La SA Société Générale.
Vu les conclusions du 29 mars 2013 par lesquelles La SA Société Générale s'oppose à la demande de rejet de ses écritures et pièces.

MOTIFS :

Attendu sur la procédure qu'il doit être constaté que La SA Société Générale a déposé ses premières conclusions en réponse le 8 octobre 2012 ; que ce n'est que le 9 janvier 2013, soit trois mois après, que M. Vincent Joseph X... a déposé un second jeu de conclusions récapitulatives ;

Attendu que compte tenu de l'importance de ses conclusions, La SA Société Générale devait pouvoir disposer d'un délai suffisant pour y répondre ; qu'ainsi, elle a déposé ses dernières conclusions le 4 février 2013 soit deux jours avant la date de l'audience de mise en état du 6 février 2013 ;

Attendu que la clôture a été prononcée le 6 février 2013 ; que compte tenu des constats précédents quant aux conclusions respectivement déposées par les parties, il ne convient pas d'écarter des débats les dernières écritures de La SA Société Générale au regard du temps nécessaire pour elle afin de répondre aux moyens de l'appelant ;

Attendu sur les pièces communiquées également le 4 février 2013 que l'examen des deux jeux de conclusions permet de constater que les pièces communiquées le 4 février 2013 sont identiques à celles qui avaient déjà été communiquées par conclusions déposées le 8 octobre 2012 ; que de même, il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats ces pièces régulièrement communiquées avant l'ordonnance de clôture ;

Attendu au fond et en premier lieu sur la demande de nullité des actes pour dol que M. Vincent Joseph X... prétend à l'annulation du prêt consenti le 13 avril 2007 réitéré par acte authentique 4 juin 2007 en raison du non-respect de l'affectation des fonds prêtés et de la rupture des concours financiers dans l'intention de substituer à La SARL Techno Mineral un autre débiteur plus solvable ;

Attendu dans les faits que par acte sous seing privé du 13 avril 2007 formalisé par acte authentique du 4 juin 2007, La SA Société Générale a consenti à M. Vincent Joseph X... un prêt de 300 000 euros garanti par une hypothèque sur un bien immobilier ; que le compte bancaire personnel de M. Vincent Joseph X... a été crédité du montant de cette somme le même jour ; qu'en valeur au 5 juin 2007, La SA Société Générale a procédé au virement de la totalité de cette somme sur le compte courant de La SARL Techno Mineral ;

Attendu que M. Vincent Joseph X... indique que la banque a procédé à ce virement sans son accord et en totale contradiction avec sa volonté d'affecter une partie de cette somme également à La SARL T. I. P ; qu'à l'opposé, La SA Société Générale soutient que ces fonds ont été virés en raison de l'économie générale de l'opération dans la mesure où cette affectation aurait été opérée en conformité avec les besoins de trésorerie de La SARL Techno Mineral ;

Attendu ainsi qu'il soutient que le court délai écoulé entre l'emprunt litigieux de 300 000 euros, la contestation de l'affectation et la rupture par la banque de ses concours ainsi que l'absence d'événement économique ou juridique pouvant justifier un changement d'attitude de la banque, démontrent qu'au jour où il s'est engagé, La SA Société Générale avait déjà le dessin de mettre fin aux encours consentis à La SARL Techno Mineral, et qu'elle le lui a dissimulé dans le but de s'assurer de sa garantie ;

Attendu en l'espèce que La Sarl Techno Mineral a été mise en demeure, par courrier recommandé avec accusé de réception du 19 septembre 2007, de réduire le montant du solde débiteur de son compte à hauteur de 21 537, 22 euros dans les 60 jours, sous peine de se voir opposer la résiliation de la convention ; qu'à l'issue de ce délai, soit le 19 novembre 2007, en l'absence de régularisation, la banque a prononcé la clôture du compte par courrier recommandé avec accusé de réception ;

Attendu que concernant La SARL T. I. P, celle-ci a bénéficié d'une autorisation de découvert à hauteur de 45 000 euros par convention de trésorerie courante du 26 octobre 2006 ; que toutefois, ce découvert s'étant révélé rapidement insuffisant entre le mois d'octobre 2006 et le mois d'avril 2007, La SA Société Générale reconnaît avoir, à plusieurs reprises, rejeté des paiements par chèques et par prélèvement ;

Attendu que par courrier du 13 avril 2007, elle a rappelé à la société que son découvert à hauteur de 93 142, 07 euros était largement supérieur à celui autorisé ; que postérieurement à ce courrier, soit le 30 avril 2007, le solde débiteur était redevenu inférieur au plafond autorisé ; que toutefois dès le mois suivant, celui-ci a dépassé à nouveau le seuil de 45 000 euros ;

Attendu ainsi que par courrier recommandé avec accusé de réception du 9 juillet 2007, la banque a notifié à La SARL T. I. P sa décision de résilier le compte 60 jours plus tard à défaut de régularisation ; que la résiliation est intervenue le 17 septembre 2007 ; que pendant la durée du préavis, il doit être noté qu'aucun paiement n'a été rejeté par la banque ;

Attendu sur la cessation des concours qu'un délai de trois mois s'est écoulé entre la première échéance impayée et la rupture du crédit par la banque concernant La SARL T. I. P ; que pour La SARL Techno Mineral, un délai de cinq mois s'est écoulé entre la première échéance impayée et la rupture de crédit ; qu'il doit être en outre rappelé que la banque n'est pas tenue de respecter le préavis de 60 jours au regard de la situation irrémédiablement compromise de la société ;

Attendu sur ce point que La SA Société Générale estime que le délai de plusieurs mois entre la signature du contrat de prêt et la rupture des concours ne peut être qualifiée de court ; qu'elle ajoute qu'au moment de l'échange des consentements, le 13 avril 2007, elle croyait encore au démarrage de La SARL Techno Mineral et au redressement de La SARL T. I. P ; qu'ainsi, elle soutient que la réticence dolosive dont on l'accuse n'est pas démontrée ;

Attendu toutefois qu'il est noté par l'expert judiciaire que M. Vincent Joseph X... a emprunté la somme de 300 000 euros à titre personnel ; qu'il constate que cette somme a été virée par La SA Société Générale sur le compte de La SARL Techno Mineral sans accord préalable et écrit du bénéficiaire du prêt ;

Attendu surtout que l'expert s'interroge sur l'opportunité d'emprunter à titre personnel afin de consolider la structure financière d'une société ; qu'au regard des comptes prévisionnels de La SARL Techno Mineral, il aurait été logique que ce soit cette dernière qui emprunte et non son gérant à titre personnel ; qu'il ajoute que cette décision d'emprunter à titre personnel résulte certainement de la volonté de La SA Société Générale et non de M. Vincent Joseph X... ;

Attendu néanmoins que ces considérations au regard du temps écoulé entre la conclusion de ce prêt et la notification par la banque de sa décision de mettre fin aux concours, ne permettent nullement de caractériser une intention dolosive de la part de cette dernière ; qu'en effet, même s'il est évident que M. Vincent Joseph X... n'aurait pas emprunté s'il avait eu connaissance de l'issue quelques mois après, il n'en reste pas moins que cet élément n'est pas suffisant pour caractériser la connaissance par La SA Société Générale, au jour où elle a consenti ce prêt personnel à M. Vincent Joseph X..., de ce qu'elle serait conduite à mettre fin à ses concours à court terme ;

Attendu en effet que ce prêt personnel permet seulement de constater que La SA Société Générale, à un moment de la gestion et du financement de ces deux sociétés, a certainement souhaité se garantir de façon supplémentaire ; que pour autant, cette intention ne peut induire qu'elle voulait mettre un terme à ses concours de façon rapide ; que dans ces conditions, faute de caractérisation de l'intention dolosive, la demande de nullité fondée sur l'application de l'article 1116 du Code civil du contrat de prêt souscrit le 13 avril 2007 et confirmé par acte authentique du 4 juin 2007 doit être écartée ;

Attendu que sur des moyens identiques, M. Vincent Joseph X... sollicite l'annulation des cautionnements du 5 mars 2007 et de l'hypothèque conventionnelle pour dol ; qu'il soutient qu'en ne lui révélant pas son intention de rompre l'ensemble des concours, La SA Société Générale l'a empêché de contracter en pleine connaissance de cause dans la mesure où il indique n'avoir souscrit ses engagements ainsi que l'hypothèque immobilière que dans le but de maintenir les concours bancaires existants ;

Attendu toutefois que pour les mêmes motifs que précédemment, il convient de considérer, compte tenu de la date et des conditions dans lesquels ont été clôturés les comptes, que l'intention dolosive n'est pas démontrée ;

Attendu par ailleurs que par jugement, à ce jour définitif, du 20 juillet 2009, le tribunal de commerce d'Ajaccio a fixé les créances de La SA Société Générale au passif des deux sociétés ; que ce jugement est revêtu de l'autorité de la chose jugée étant précisé que M. Vincent Joseph X... n'a pas développé ces arguments devant la juridiction consulaire ; que de surcroît, l'admission définitive des créances est opposable à la caution tant au regard de leur existence que de leur montant ;

Attendu en second lieu que M. Vincent Joseph X... invoque la responsabilité de La SA Société Générale tant à son égard en sa qualité de dirigeant et caution qu'envers les deux sociétés au regard de la rupture abusive du crédit ; que toutefois, en considération des motifs précédents, il ne peut être admis que la banque aurait engagé sa responsabilité au moment où elle a mis fin à ses concours ;

Attendu d'autre part que l'expert judiciaire fournit des éléments sur les causes de la défaillance des deux sociétés ; que concernant La SARL Techno Mineral, il relève que les investissements avaient été très importants sur deux années et que le besoin de financement était, au 31 décembre 2007, de 129 K ¿ ; qu'il précise que cette société comptait sur des résultats futurs afin d'équilibrer le financement de ces investissements ce qui constitue une erreur majeure de gestion ;

Attendu qu'il ajoute que le parti a été pris de favoriser La SARL Techno Mineral sur un démarrage fort et rapide du projet mais que celui-ci n'ayant pas eu lieu, celui-ci a compromis également la situation de La SARL T. I. P au regard des interdépendances entre ces deux sociétés, celles ci étant liées par un compte de clients et fournisseurs ;

Attendu en effet que La SARL Techno Mineral a généré une créance constante et importante au profit de La SARL T. I. P engendrant ainsi chez cette dernière des difficultés financières ; qu'il précise que La SARL T. I. P a consenti malgré elle un crédit client anormalement long alors qu'elle n'en avait manifestement pas les moyens ;

Attendu que concernant La SARL T. I. P, il explique que les facteurs de ses difficultés sont l'insuffisance de financement à moyen terme, l'insuffisance de la capacité d'autofinancement, l'insuffisance de marge brute et l'encours clients de La SARL Techno Mineral ; qu'il ajoute que la situation financière de cette société s'est dégradée structurellement de 311 000 euros dont 170 000 euros par prélèvement sur le compte courant au profit de l'associé principal, M. Vincent Joseph X... ;

Attendu qu'il précise que si M. Vincent Joseph X... s'était contenté de limiter le remboursement de son compte courant à son solde débiteur, la trésorerie s'en serait améliorée de 120 K ¿ réduisant ainsi le découvert bancaire et limitant les charges financières ; qu'en réalité, il ressort du rapport d'expertise que ces fonds ont été prélevés par M. Vincent Joseph X... sur son compte courant pour alimenter La SARL Techno Mineral ; qu'il explique que le compte courant débiteur de ce dernier sur La SARL T. I. P était anormal dans la mesure où tout prêt d'argent à un associé est interdit ;

Attendu que l'expert précise que la banque ne connaissait sans doute pas l'état des comptes associés à cette date alors qu'elle ne pouvait intervenir sur les soldes concernés ; qu'en fait, il ressort de ces conclusions qu'un risque important a été pris en comptant sur un démarrage rapide de La SARL Techno Mineral pour combler l'insuffisance de financement ce qui a entraîné la chute de cette société ; qu'à l'opposé, le lien de connexité très important entre les deux sociétés a favorisé La SARL Techno Mineral au détriment de La SARL T. I. P ce qui a entraîné la déconfiture de cette dernière ;

Attendu dans ces conditions que la responsabilité pour faute de La SA Société Générale sera écartée et M. Vincent Joseph X... débouté en sa demande en paiement de dommages et intérêts en sa qualité d'emprunteurs, de caution et de dirigeant ;

Attendu enfin que M. Vincent Joseph X... invoque la responsabilité de La SA Société Générale au motif que son engagement de caution était manifestement disproportionné au regard de son patrimoine ; qu'il invoque les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation ; qu'il indique qu'en 2007, il était engagé pour 2 754 442 euros soit plus de 150 % de son patrimoine ;

Attendu qu'en application de l'article précité, l'appréciation de la disproportion s'effectue par comparaison entre le montant des engagements et des biens et revenus de la caution ; que le montant total des engagements souscrits par M. Vincent Joseph X... s'élevait à la somme de 1 179 900 euros ;

Attendu à l'opposé qu'en 2007 il disposait de revenus de l'ordre de 56 627 euros ; qu'un bien immobilier évalué à la somme de 1 807 600 euros lui appartient ; qu'il était également propriétaire de ses parts sociales, de la valeur du fonds de commerce acquis par la société indépendamment des suites escomptées au regard de l'opération financée ;

Attendu que les sommes totales réclamées par La SA Société Générale au titre tant du remboursement du prêt personnel que des engagements de caution s'élèvent à la somme de 946 955, 82 euros outre les intérêts de retard ; que la comparaison du montant des engagements au regard du patrimoine de M. Vincent Joseph X... permet de considérer que son engagement n'était pas disproportionné ; qu'il sera donc débouté en sa demande que La SA Société Générale ne puisse se prévaloir de ses engagements de caution solidaire ;

Attendu en troisième lieu sur la déchéance du droit aux intérêts que M. Vincent Joseph X... prétend que l'information annuelle a été incomplète et insuffisante dans la mesure où aucune mention relative au montant du découvert autorisé ni au taux d'intérêt applicable n'était indiquée ; qu'à l'opposé, La SA Société Générale soutient qu'elle a dûment rempli son obligation d'information annuelle ;

Attendu effectivement que l'examen de l'information annuelle délivrée par La SA Société Générale permet de constater que cette dernière n'a procédé qu'à une information incomplète relativement aux comptes courants de La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P dans la mesure où ne figure pas l'information quant au montant du découvert autorisé et au taux d'intérêt applicable au 31 décembre de l'année précédente ; que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels sur le solde débiteur des comptes courants de La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P est donc encourue ;

Attendu dans ces conditions que la créance de La SA Société Générale au regard de ces deux comptes doit s'établir, en considération de l'imputation des règlements et des décomptes produits à la somme de 89 175, 89 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 17 septembre 2007 pour le solde débiteur du compte no... et à la somme de 19 567, 40 euros outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 19 novembre 2007 pour le solde débiteur du compte... ;

Attendu pour le surplus, qu'en l'état des justificatifs produits, relevés de compte, convention Dailly, actes de caution, relevés de comptes, relevés bancaires, le jugement entrepris doit être confirmé en ses autres condamnations ;

Attendu que le mandataire liquidateur de La SARL Techno Mineral et La SARL T. I. P soutient que La SA Société Générale a engagé sa responsabilité en raison d'un financement inadapté, d'une affectation illégitime des fonds prêtés à M. Vincent Joseph X... et d'une rupture brutale des concours ;

Attendu sur le grief d'octroi d'un financement inadapté qu'il ressort du rapport d'expertise que La SARL T. I. P présentait une situation financière stable et solide alors que le projet concernant La SARL Techno Mineral pouvait paraître viable au regard du secteur d'activité de l'entreprise, du soutien apporté par La SARL T. I. P mais également du budget prévisionnel qui prévoyait deux autres sources de financement, un prêt consenti par une autre société et une subvention ;

Attendu à cet égard qu'il ne peut être valablement reproché à la banque d'avoir manqué à son obligation de conseil alors qu'elle ne maîtrisait pas la gestion financière interne aux deux sociétés qui est imputable au seul gérant ;

Attendu au demeurant sur les causes de la défaillance des deux sociétés que l'expert a mis en évidence l'insuffisance de financement, de capacité d'autofinancement mais surtout l'interdépendance entre les deux sociétés ; que les éléments relevés par l'expert ne permettent pas de retenir la responsabilité de La SA Société Générale ;

Attendu sur le grief de transfert sans autorisation des fonds prêtés à titre personnel à M. Vincent Joseph X... qu'il a déjà été répondu sur ce point dans les motifs précédents ; qu'en toute hypothèse, il ne ressort nullement des courriers échangés entre les parties que M. Vincent Joseph X... avait effectivement l'intention de créditer également le compte de La SARL T. I. P ; que ce moyen sera donc écarté ;

Attendu enfin sur le grief de rupture brutale des concours qu'il doit encore être rappelé qu'il a été répondu sur ce point dans les motifs précédents ; qu'il n'est d'ailleurs pas démontré que La SA Société Générale a rejeté des paiement ayant pour effet de dépasser le montant du découvert autorisé ; que les demandes en paiement de dommages-intérêts du mandataire liquidateur pour le compte des deux sociétés seront donc également rejetées, faute d'établir une faute de la banque et un lien de causalité avec le préjudice allégué ;

Attendu que M. Vincent Joseph X..., qui succombe pour la plus grande partie, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et être débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en outre aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit des autres parties qui en ont fait la demande en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du tribunal de commerce d'Ajaccio en date du 5 décembre 2011 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné M. Vincent Joseph X... en sa qualité de caution de La SARL T. I. P et La SARL Techno Mineral à payer à La SA Société Générale la somme de 99 190, 95 euros arrêtée au 17 novembre 2008 et la somme de 20 122, 52 euros arrêtée au 9 février 2009,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs et y ajoutant,
Condamne M. Vincent Joseph X... en sa qualité de caution de La SARL T. I. P à payer à La SA Société Générale la somme de 89 175, 89 euros avec intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2009 au titre du solde débiteur du compte courant ...,
Condamne M. Vincent Joseph X... en sa qualité de caution de La SARL Techno Mineral à payer à La SA Société Générale la somme de 19 567, 40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 novembre 2007 au titre du solde débiteur du compte courant...,
Condamne M. Vincent Joseph X... aux entiers dépens d'appel,
Rejette toutes les autres demandes des parties.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile b
Numéro d'arrêt : 12/00039
Date de la décision : 24/07/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2013-07-24;12.00039 ?
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