Ch. civile A
ARRET No
du 06 MARS 2013
R. G : 11/ 00827 C-PYC
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 21 Septembre 2011, enregistrée sous le no 11/ 001341
X...
C/
Y...COMMUNE DE CARTICASI
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX MARS DEUX MILLE TREIZE
APPELANT :
Monsieur Roger Georges X...né le 12 Juin 1946 à MARSEILLE ...20244 SAN LURENZU
ayant pour avocat la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 3555 du 08/ 12/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEES :
Madame Elena Y...... 20200 VILLE DE PIETRABUGNO
ayant pour avocat la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA
COMMUNE DE CARTICASI Représentée par son Maire en exercice Hotel de Ville 20244 CARTICASI
ayant pour avocat la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, la SCP TOMASI-SANTINI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 décembre 2012, devant Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 mars 2013.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Par acte en date du 20 juillet 2011, Roger X..., locataire d'une parcelle cadastrée B 275 sise sur la commune de CARTICASI a fait assigner en référé Elena Y...propriétaire de la parcelle 385 à qui il reproche d'avoir installé un portail cadenassé au départ d'une piste aux fins de voir constater en application de l'article 809 du code de procédure civile qu'il subit un trouble manifestement illicite et de voir condamner la défenderesse à lui remettre un jeu des clefs du portail sous astreinte ainsi qu'à lui payer la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Commune de CARTICASI est intervenue volontairement.
Par ordonnance en date du 21 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de BASTIA a débouté Roger X...de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer à Elena Y...et à la commune de CARTICASI la somme de 1. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Roger X...a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 12 octobre 2011.
Dans ses dernières écritures en date du 27 juin 2012 auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, Roger X...fait valoir qu'il est locataire depuis 2008 d'une parcelle pour l'exploitation du bois et des châtaigniers qui était louée et exploité précédemment par sa concubine depuis 1991 ; que dans les années 1980 la commune de CARTICASI a créé une piste sur des propriétés privées pour permettre la descente de la canalisation de l'eau potable alimentant le village ; qu'un arrêté du Préfet en date du 5 juillet 1994 a créé une servitude de passage et d'aménagement ; que depuis sa création, cette piste a été utilisée par tous les propriétaires riverains ;
Qu'en septembre 2010, Elena Y...a fait poser un portail fermé à clef, ce qui constitue une voie de fait ;
Que la commune de CARTICASI est intervenue volontairement et a déposé des conclusions communes sans émettre aucune prétention à l'exception de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'elle n'a aucun intérêt à soutenir Elena Y...pour la conservation de ses droits, de sorte que son intervention est irrecevable que ce soit à titre principal ou à titre accessoire ;
Qu'il peut se prévaloir des articles 2278 et 2279 du code civil qui protègent la possession sans avoir égard au fond du droit ;
Que c'est à tort que le premier juge a recherché si la propriété était desservi par un autre chemin ;
Que Elena Y...ne pouvait mettre un terme à la servitude de passage qui était utilisée de manière paisible et non équivoque.
Il demande donc sur le fondement des articles 809 du code de procédure civile et 2278 et 2279 du code civil, l'infirmation de l'ordonnance et la condamnation d'Elena Y...à faire cesser ce trouble manifestement illicite en lui enjoignant de lui remettre une clef du portail sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification à intervenir.
Sur le fondement des articles 328, 329 et 330 du code de procédure civile, il demande à la cour de déclarer irrecevable l'intervention à l'instance de la Commune de CARTICASI.
Enfin, il sollicite la condamnation des intimés à lui payer la somme de 2. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour les propos outranciers contenus dans leurs écritures, ainsi que 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières écritures en date du 2 février 2012 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, la commune de CARTICASI et Elena Y...exposent qu'il est faux de prétendre que l'appelant subit un trouble manifestement illicite ; que clore sa propriété est un attribut du droit de propriété ; que nul ne peut être contraint de céder sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique ;
Que la piste n'a jamais desservi les propriétés ; que la parcelle de l'appelant est desservie par un chemin de service ; que dès sa création, la piste avait été fermée par un cadenas ; que la servitude de passage créée pour assurer exclusivement la continuité des voies de défenses contre l'incendie par arrêté préfectoral du 5 juillet 1994 a été supprimée par arrêté du 12 novembre 1997 ;
Que Monsieur X...ne prouve aucun péril imminent ;
Que les travaux de remise en état de la piste, à la suite des dégâts causés par le passage des véhicules, va coûter 15 % du budget communal ;
Qu'en aucun cas le droit de passage accordé à la commune pour la surveillance et l'entretien des canalisations ne confère une servitude au profit de tiers ;
Que Monsieur X...ne rapporte pas la preuve d'un enclavement et en toute hypothèse n'a pas qualité, en tant que locataire, pour solliciter un désenclavement ; qu'il n'a jamais eu la détention matérielle d'un chemin sur la propriété d'Elena Y...;
Que Monsieur X...qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, multiplie les procédures coûteuses et moralement préjudiciables.
En conséquence, elles demandent la confirmation de l'ordonnance déférée, et la condamnation de Monsieur X...à payer à Madame Y...la somme de 3. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour son préjudice moral et 1. 500 euros à chaque intimé par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prise le 24 octobre 2012 et l'affaire renvoyée pour être plaidée au 18 décembre 2012.
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SUR QUOI :
L'article 330 du code de procédure civile dispose que l'intervention accessoire est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir une partie à l'instance.
En l'espèce la commune de CARTICASI explique dans ses écritures communes avec Elena Y...que la circulation des véhicules sur la piste dont Roger X...revendique l'usage occasionnait de lourds et coûteux dégâts et compromettait l'entretien du captage et de la canalisation.
L'intervention accessoire de la commune de CARTICASI, qui vise à la conservation de ses droits, est donc recevable.
L'article 647 du code civil dispose que tout propriétaire peut clore son héritage sauf l'exception portée en l'article 682, à savoir la servitude légale de passage que le propriétaire d'un fonds enclavé peut réclamer sur les fonds de ses voisins.
D'une part, Monsieur X...ne verse aux débats aucune pièce laissant supposer que son terrain serait enclavé ou même qu'il aurait engagé une procédure de désenclavement, d'autre part il produit un arrêté du Préfet de Haute-Corse en date du 5 juillet 1994 qui crée une servitude au profit des services incendie et non au profit de son bailleur ou de lui-même en tant que propriétaire. Il ne fait par ailleurs état d'aucune servitude conventionnelle au profit de son bailleur ou de lui-même.
Enfin, Roger X...verse aux débats les attestations de Philippe B..., Jean-Michel C...et Franck D...mais aucun titre permettant d'établir qu'en utilisant la piste pendant plusieurs années, Roger X...a entendu exercer un droit et non profiter d'une simple tolérance de la part d'Elena Y.... Il ne peut invoquer en conséquence à son profit, faute de preuve de sa possession, les dispositions de l'article 2278 du code civil.
En l'absence de trouble manifestement illicite, c'est à bon droit que le premier juge l'a débouté de l'ensemble de ses demandes. La décision déférée sera confirmée dans toutes ses dispositions.
Roger X...demande réparation du préjudice causé par les " propos outranciers sinon injurieux " contenus dans les écritures d'appel des intimés sans autres précisions sur ses griefs.
Or la liberté de la défense est protégée par l'immunité de l'article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 qui ne reçoit exception que dans le cas où les propos ou écrits injurieux ou outrageants sont étrangers à la cause. Roger X...sera donc débouté de sa demande de dommages-intérêts.
Elena Y...qui ne rapporte pas la preuve d'un préjudice autre que celui qui sera réparé par la présente décision, sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Il serait inéquitable de laisser aux défendeurs leurs frais irrépétibles. Roger X...sera condamné à leur payer à chacun la somme de 1. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Reçoit la commune de CARTICASI en son intervention,
Confirme l'ordonnance de référé du 21 septembre 2011 en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute Roger X...de sa demande de dommages-intérêts,
Déboute Elena Y...de sa demande de dommages-intérêts,
Condamne Roger X...à payer à la commune de CARTICASI et Elena Y...chacun la somme de MILLE EUROS (1. 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Roger X...aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT