Ch. civile A
ARRET No
du 16 JANVIER 2013
R. G : 10/ 00866 R-PYC
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 04 Novembre 2010, enregistrée sous le no 10/ 1395
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEIZE JANVIER DEUX MILLE TREIZE
APPELANTE :
Madame Catherine X...épouse Y...née le 09 Juillet 1962 à MONTELIMAR (26200) ...... 20290 LUCCIANA
ayant pour avocat la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et Me Linda PIPERI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2010/ 3669 du 09/ 12/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIME :
Monsieur Alain Y......13320 BOUC BEL AIR
assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et de Me Danièle BOUTTEN, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 05 novembre 2012, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 janvier 2013
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Alain Y...et Catherine X...se sont mariés le 12 septembre 1987 sans contrat préalable.
L'enfant Roxane Y...est née de cette union le 8 décembre 1990.
Le 30 juillet 2010 Catherine X...a présenté une requête en divorce sur le fondement de l'article 251 du code civil.
Par ordonnance de non-conciliation en date du 4 novembre 2010, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BASTIA a notamment constaté que les époux vivaient d'ores et déjà séparément, attribué à Alain Y...la jouissance du domicile conjugal à titre onéreux, dit qu'Alain Y...devra supporter les frais d'entretien et d'éducation de l'enfant commune Roxane, débouté Catherine X...de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours.
Par déclaration au greffe en date du 24 novembre 2010, Catherine X...a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions en date du 13 février 2012 auxquelles il convient de se référer pour un exposé complet de ses prétentions et moyens Catherine X...fait valoir que le juge aux affaires familiales a fait une mauvaise appréciation des pièces justificatives produites aux débats et une mauvaise analyse de l'article 255 du code civil ;
Qu'en effet Alain Y...perçoit un salaire mensuel moyen de 4. 195 euros et non 3. 256 euros comme retenu par le juge ; qu'il a un intéressement au sein d'EDF et un plan d'épargne entreprise ; que les remboursements des prêts immobiliers sont de 120 euros par mois, déduction faite du loyer de 450 euros que rapporte l'appartement de GRENOBLE ; que le premier juge n'a pas tenu compte de l'Allocation Personnalisée au Logement dont bénéficie Roxane ;
Que les revenus de l'appelante sont au 31 décembre 2011 d'une moyenne de 895, 04 euros en qualité de vendeuse à temps partiel, car elle a dû quitter son emploi pour des raisons de santé ;
Que ses charges mensuelles sont supérieures à ses revenus de 28, 36 euros ;
Qu'elle ne bénéficie par de l'APL ; qu'elle doit puiser dans les fruits de la vente du domicile conjugal.
Elle demande donc, en application de l'article 561 du code de procédure civile et des éléments nouveaux survenus au cours de l'instance, à savoir la rupture conventionnelle de son contrat de travail et la vente de la maison conjugale, l'infirmation de la décision entreprise en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de pension alimentaire, la condamnation d'Alain Y...à lui payer 650 euros à ce titre, la confirmation de la décision dans toutes ses autres dispositions, la condamnation d'Alain Y...à lui payer la somme de 800 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens dont distraction au profit de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI.
Dans ses dernières écritures en date du 20 avril 2012 auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus complet de ses moyens et prétentions, Alain Y...réplique que la Cour doit se placer au jour où le juge a statué pour étudier les mérites de l'appel ;
Que le premier juge a tenu compte des avis d'imposition 2010 selon lesquels Catherine X...gagnait 1. 406 euros par mois et non 1. 200 euros comme soutenu par l'appelante et Alain Y...3. 256 euros et non 4. 000 euros comme soutenu par l'appelante ;
Qu'en effet certaines rubriques des fiches de paye constituent des remboursements de frais professionnels réels et ne peuvent être retenus comme revenus ;
Que l'intéressement au sein d'EDF n'est pas un revenu disponible, non plus que le plan d'épargne entreprise ;
Que depuis le 1er octobre 2010 il ne perçoit plus l'indemnité Prestations Familiales et Compléments divers ;
Que la maison a fait l'objet de deux emprunts et non d'un seul comme soutenu par l'appelante ; que les échéances totales s'élèvent à
1. 294, 61 euros par mois et non 800 euros ; que les échéances pour l'appartement de GRENOBLE sont de 559, 63 euros par mois ; qu'il n'a pas été loué du 1er août au 1er décembre 2010 ;
Que les loyers nets sont de 380 euros par mois ;
Qu'il paye maintenant un loyer de 1. 000 euros par mois ;
Que l'entretien de Roxane, totalement assumé par son père, est de 995, 62 euros par mois outre livres et papeterie, transport, alimentation, hygiène, voyages Corse-Continent 6 fois par an et taxe d'habitation, 50 euros d'argent de poche, achat d'équipements ménagers et meubles et vêtements ; que l'APL de 172 euros par mois est perçue directement par Roxane ;
Que Catherine X...a astucieusement mélangé la situation ancienne et les nouveaux éléments survenus dans sa vie six mois après l'ordonnance que la Cour ne peut pas prendre en compte ;
Qu'elle s'est bien gardée de dire qu'elle a trouvé un nouvel emploi de vendeuse en CDI depuis le 1er avril 2011, qu'elle a un contrat de location meublée depuis le 1er juillet 2011 ; qu'elle ne justifie pas de l'allocation de compensation de son handicap ni du versement de l'APL ;
Qu'elle n'a pas produit l'accord de rupture conventionnel de son emploi chez Hertz qui a nécessairement généré des indemnités ;
Qu'elle argue du fait qu'elle puise dans les fruits de la vente de la maison mais possède deux véhicules, fait du parachutisme, etc ;
Que les faits nouveaux ont été invoqués à tort au titre de l'article 561 du code de procédure civile, la rupture conventionnelle de son contrat et la vente de la maison étant survenus en cause d'appel ;
Que l'occupation temporaire du domicile conjugal jusqu'au 7 avril 2011 a permis d'héberger l'enfant commun et d'assurer les visites du bien pour sa vente dans de bonnes conditions ; qu'elle ne doit dès lors pas donner lieu à récompense.
Il demande donc au visa des articles 212 et 255-69 du code civil, des articles 561 à 564 et 771 du code de procédure civile, l'infirmation partielle de l'ordonnance querellée en ce qu'elle a attribué à Alain Y...le domicile conjugal à titre onéreux, la confirmation pour le surplus, subsidiairement qu'il soit ordonné à l'appelante de produire les pièces 14 à 17, les fiches de paie de janvier à mai 2011 ainsi que novembre 2011, les suites du courrier Pôle Emploi communiqué, les justificatifs de toutes les sommes perçues, la rupture conventionnelle de travail. Il sollicite aussi 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prise le 6 septembre 2012 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 5 novembre 2012.
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SUR QUOI :
Aux termes de l'article 561 l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel pour qu'il soit à nouveau statué en fait et en droit.
L'entière connaissance du litige dévolue à la Cour s'étend aux faits survenus au cours de l'instance d'appel et depuis la première décision dès lors qu'ils ne modifient pas la demande primitive et n'introduisent pas des chefs de demande non soumis au premier juge.
Au soutien de sa demande d'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de pension, Catherine X...invoque la mauvaise appréciation par le juge des pièces justificatives qui ont été versées aux débats et la mauvaise analyse de l'article 255 du code civil. Elle fait en outre état de faits qui sont survenus au cours de l'instance d'appel, la rupture de son contrat de travail chez HERTZ et la vente du domicile conjugal, dont la connaissance est nécessaire à la fixation ou au rejet d'une pension au titre du devoir de secours.
L'exception d'incompétence soulevée par Alain Y...sera donc rejetée.
Catherine X...verse aux débats son contrat de travail à temps partiel signé le 1er avril 2011 pour un emploi à raison de 91 heures mensuelles du 1er octobre au 30 avril et à plein temps du 1er mai au 30 septembre. Son bulletin de salaire de décembre 2011 fait apparaître un cumul brut de 12. 124, 93 euros soit 1. 010 euros bruts par mois en moyenne.
Elle ne communique pas le protocole de rupture du contrat de travail laissant apparaître l'indemnité qu'elle a perçue de son précédent employeur et qui ne peut être inférieure à l'indemnité légale de licenciement.
Elle ne rembourse aucun emprunt au titre de la communauté et n'a aucune charge familiale. Ses revenus déclarés ci-dessus lui donnent droit à l'APL.
Elle ne fait état d'aucune charge particulière.
Elle n'a pas notamment de frais de transport.
Alors que l'instruction du dossier a été clôturée le 6 septembre 2012, Alain Y...ne produit que ses bulletins de salaire de janvier à septembre 2010.
Le dernier bulletin d'ailleurs indique un changement d'échelon en janvier 2012 dont la Cour n'est pas mise en mesure de connaître les effets.
Le " net imposable " pendant cette période fait ressortir une moyenne de 3. 200 euros par mois, mais cette moyenne comprend la somme de 1. 402, 14 euros versée en juin au titre de la gratification de fin d'année, donc vraisemblablement seulement la moitié de cette gratification, mais non les heures supplémentaires qui sont exonérées fiscalement.
Il n'y a pas lieu de tenir compte de la prime d'intéressement ni du plan d'épargne qui seront versés à terme.
Il assume la charge totale de l'enfant commune, qui est étudiante à MARSEILLE et engendre des frais importants notamment le loyer de 430 euros et le prix de sa scolarité d'un montant de 5. 365 euros par an selon la feuille d'inscription, ainsi que les frais de transport Continent-Corse six fois par an.
Il n'assume plus les charges de la maison conjugale qui a été vendue, ni les remboursements aux prêteurs qui ont dû être désintéressés aux termes de la lettre de CETELEM en date du 10 juin 2011.
Il rembourse, à charge de récompense par la communauté, la somme mensuelle de 559, 63 euros par mois pour l'emprunt contracté pour l'appartement de GRENOBLE et dont le capital restant dû est de 87. 890, 36 euros.
En conséquence, une fois déduit l'entretien de l'enfant et l'emprunt CETELEM, il reste à Alain Y...environ 1. 200 euros par mois hors heures supplémentaires pour assumer les mêmes charges que celles de Catherine X..., c'est à dire celles d'un adulte seul, qui travaille et doit louer son habitation
En l'absence du protocole d'accord de rupture du précédent contrat de travail à temps plein de Catherine X...le motif de cette rupture n'est pas porté à la connaissance de la Cour. Il convient cependant de noter que Catherine X...est à l'origine de cette rupture.
Il ressort de la convocation par l'employeur en date du 22 novembre 2010 que cette rupture a été initiée par Catherine X...entre la date de l'ordonnance de non-conciliation et celle de la déclaration d'appel le 24 novembre 2010. Cette rupture l'a amenée à prendre un emploi à temps partiel sept mois de l'année et à temps plein cinq mois et a engendré une perte de revenus importante-1. 406 euros par mois net imposable contre 1. 010 euros bruts maintenant.
Or il n'est établi par aucune pièce médicale que Catherine X...ne soit pas apte à un emploi à temps plein en basse saison.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il n'y a donc pas lieu de condamner Alain Y...à lui payer une pension au titre du devoir de secours.
Le débouté sera dès lors confirmé.
Le juge aux affaires familiales a attribué le domicile conjugal à Alain Y...à titre onéreux et donc à charge de récompense à la communauté. Dans la mesure où Alain Y...occupait seul le bien de la communauté, c'est à bon droit que le premier juge a dit que l'occupation serait à titre onéreux.
Cette disposition sera dès lors confirmée.
Les autres dispositions de l'ordonnance, qui ne sont pas contestées, seront confirmées.
Aucune considération d'équité ou d'économie ne commande qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Alain Y...sera dès lors débouté de ce chef de demande.
Catherine X...qui succombe en son appel sera condamnée aux dépens de l'appel.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par Alain Y...,
Confirme l'ordonnance en toutes ses dispositions,
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Catherine X...aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT