Ch. civile A
ARRET No
du 12 DECEMBRE 2012
R. G : 11/ 00468 C-JG
Décision déférée à la Cour : Ordonnance Référé, origine Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO, décision attaquée en date du 17 Mai 2011, enregistrée sous le no 11/ 6
X...
C/
X...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Antoine X... né le 16 Octobre 1953 à PETRETO BICCHISANO (20140) ...20140 PETRETO BICCHISANO
assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Don-georges PINTREL BERETTI, avocat au barreau d'AJACCIO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2011/ 2146 du 30/ 06/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
Madame Marie Jacqueline X... épouse Z...née le 28 Août 1949 à SERRA DI FERRO (20140) ......20090 AJACCIO
assistée de Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Cécile GUIZOL, avocat au barreau d'AJACCIO
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/ 2413 du 22/ 09/ 2011 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 15 octobre 2012, devant Madame Julie GAY, Président de chambre, et Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président Monsieur Bruno NUT, Candidat à l'intégration directe dans le corps judiciaire en stage probatoire, a siégé en surnombre et participé au délibéré avec voix consultative.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Martine COMBET.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2012.
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Monsieur Pancrace X... et Madame Délia A...son épouse, parents d'Antoine et Marie X... étaient propriétaires à PETRETO-BICCHISANO d'un immeuble figurant au cadastre de cette commune sous le numéro 373 de la section E, comprenant un sous-sol, un entresol, un rez-de-chaussée et un grenier.
Par acte notarié passé en l'étude de Maître G..., le 28 mars 1977 ils ont procédé à la donation partage de leurs biens et donné la nue propriété de cet immeuble divisé en cinq lots à cinq de leurs enfants, Antoine et Marie se voyant attribuer la moitié indivise du rez-de-chaussée constituant le lot 4 dont la superficie est égale à la superficie construite de la maison et la moitié indivise du grenier d'une surface équivalente constituant le lot no 5.
Le partage entre Antoine et Marie a été réalisé par acte notarié de Maître H...du 11 juin 1986 au terme duquel un état descriptif de division modificatif a été établi, le lot no 4 étant supprimé et divisé en lots 6 et 7 comme le lot 5 divisé en lots 8 et 9, Marie X... acceptant de devenir nue-propriétaire du lot 6 soit trois pièces en rez-de-chaussée
côté gauche en regardant la façade et du lot 8, soit trois pièces formant la partie gauche du grenier mansardé et Antoine X... se voyant attribuer avec son accord la nue propriété des lots 7 et 9, soit trois pièces au rez-de-chaussée, côté droit en regardant la façade principale et trois pièces formant la partie droite du grenier mansardé auxquelles on accède par le lot no 7.
Monsieur Pierre X... occupe la totalité du rez-de-chaussée qu'il a aménagé à sa convenance et le grenier de cette maison en dépit des procédures introduites par sa mère devant le tribunal de grande instance d'AJACCIO puis en référé et des décisions de justice rendues en 1990 et 1993 le condamnant à quitter les lieux et à laisser sa mère s'y installer, décisions qui n'ont jamais été exécutées.
Délia X... étant décédée, Marie X... qui souhaite récupérer sa part de l'immeuble pour s'y installer et soutient qu'il doit être mis fin au trouble manifestement illicite dont elle est victime du fait de l'occupation sans droit ni titre de son frère, a fait assigner ce dernier devant le juge des référés du tribunal de grande instance d'AJACCIO.
Par ordonnance du 11 mai 2011, ce magistrat :
- s'est déclaré compétent,
- a rejeté la demande tendant à écarter des débats le certificat du maire de PETRETO BICCHISANO,
- a ordonné à Monsieur X... Antoine de libérer spontanément les lots 6 et 8 de l'immeuble de PETRETO BICCHISANO cadastré no 373 section E,
- a dit que faute pour Monsieur X... Antoine de libérer spontanément les lots 6 et 8 de l'immeuble sis à PETRETO BICCHISANO cadastré no 373 section E passé le délai de quatre mois à compter de la signification de la présente ordonnance, son expulsion ainsi que celle de tout occupant de son chef et le déménagement du mobilier lui appartenant pourront être poursuivis à ses frais avec le concours en cas de besoin de la force publique,
- a autorisé la partie la plus diligence, à ses frais avancés, à réaliser les travaux consistant en l'édification d'un mur de séparation des lots des deux parties et la création d'une porte-fenêtre constituant une entrée indépendante,
- a condamné Monsieur Antoine X... à payer à Madame Marie X... une somme de 1. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Monsieur Antoine X... a relevé appel de cette décision par déclaration du 6 juin 2011.
En ses dernières écritures déposées le 14 février 2012, auxquelles il sera renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, Monsieur Antoine X... soulève au principal l'incompétence du juge des référés au profit du juge de l'exécution du tribunal de grande instance d'AJACCIO car l'intimée dispose d'un titre notarié dont l'application soulève difficulté.
Il rappelle qu'à la suite de la donation partage de la nue propriété de la moitié pour chacun de la maison litigieuse, cette moitié n'étant pas identifiée, sa soeur qui s'est livrée sur leur mère à un véritable harcèlement, a obtenu de cette dernière qu'elle procède à l'attribution divise à chacun de sa part dans cet immeuble, chose qui fut faite dans la plus grande précipitation par acte notarié établi en l'étude de Maître H...le 11 juin 1986.
Il soutient que poursuivant son harcèlement, sa soeur a obtenu que leur mère l'assigne en expulsion, puis en exécution de travaux, travaux auxquels il ne s'est pas opposé mais qui se sont avérés impossibles compte tenu du fait que la description des lieux est fantaisiste et inconciliable avec la réalité ainsi que l'a constaté Maître I..., huissier de justice dans un procès-verbal du 15 mai 2005.
Il conclut donc subsidiairement à raison de l'existence de contestation sérieuse, à l'incompétence du juge des référés, la division opérée par l'acte notarié d'un seul et même local d'habitation s'avérant irréalisable comme l'exécution de la mesure sollicitée.
Il sollicite enfin la condamnation de l'intimée à payer à son conseil la somme de 1. 500 euros par application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et aux entiers dépens.
En ses conclusions déposées le 16 avril 2012 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé plus complet de ses moyens et prétentions, Marie X... fait valoir qu'aux termes de l'acte notarié du 11 juin 1986, chacun des deux propriétaires dispose d'une partie du rez-de-chaussée et d'une partie du grenier mais qu'elle est dans l'impossibilité de disposer et de jouir librement de ses lots du fait qu'Antoine X... occupe avec son épouse toute la maison sans droit ni titre à son détriment.
Elle précise que le jugement du 4 octobre 1980 du tribunal de grande instance d'AJACCIO et l'ordonnance de référé du 28 septembre 1993 n'ont jamais pu être exécutés en raison de la non réalisation des travaux nécessaires pour rendre indépendante chacune des parties de l'immeuble et que ces décisions se trouvent prescrites.
Elle soutient que le premier juge a justement écarté la compétence du juge de l'exécution puisque sa demande ne concerne pas une difficulté relative à un titre exécutoire mais est destinée à mettre un terme au trouble manifestement illicite qui a pour origine l'occupation sans droit ni titre de son frère qu'il convient de faire cesser.
Elle souligne qu'il n'y a pas d'erreur dans l'acte authentique ni dans la configuration des lieux rendant impossible l'exécution du partage mais transformation de l'immeuble constitutive d'une voie de fait.
Elle demande en conséquence à la cour de :
- confirmer l'ordonnance déférée sous la réserve portant sur la précision qu'une astreinte de 500 euros par jour de retard avait été mise à la charge de l'appelant à défaut d'avoir quitté les lieux dans un délai de quatre mois,
- subsidiairement, confirmer l'expulsion de Monsieur Antoine X... à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard des lots no 6 et 8 à savoir :
au rez-de-chaussée de l'immeuble construit sur la parcelle sise à PETRETO-BICCHISANO figurant au cadastre de la dite commune sous le no 373 de la section E :
. les trois pièces côté gauche en regardant la façade principale,. le couloir desservant les pièces,. la salle de bains et le wc,
au grenier de cet immeuble, la moitié gauche du grenier mansardé en regardant la façade principale de l'immeuble,
- ordonner sous la même astreinte à Monsieur Antoine X... de vider les locaux de ses objets et effets personnels dont il est propriétaire,
- autoriser la partie la plus diligente à ses frais avancés mais définitivement par moitié entre les deux propriétaires, la réalisation des travaux consistant en l'édification d'un mur séparant les deux parties de l'appartement du rez-de-chaussée et qui permettra d'agrandir une fenêtre pour en faire une porte-fenêtre qui constituera une entrée indépendante pour l'appartement de Madame Marie X...,
- dire et juger qu'elle pourra construire un escalier extérieur pour accéder à sa partie du grenier et y transformer la fenêtre du grenier en porte-fenêtre et y exécuter les travaux nécessaires à l'intérieur à savoir l'édification d'une cloison de 9, 50 m,
- autoriser Madame X... à transformer la fenêtre du rez-de-chaussée en porte-fenêtre qui constituera sa propre entrée,
- confirmer le concours de la force publique si Monsieur Antoine X... se refuserait à quitter les lieux occupés illicitement,
- plus subsidiairement ordonner le transport sur les lieux de la cour d'appel afin qu'elle constate le caractère partageable de la maison litigieuse,
- s'il plaît mieux à la cour, désigner un homme de l'art afin de faire les mêmes constatations,
- condamner Monsieur Antoine X... au paiement de la somme de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'instruction de la procédure a été déclarée close par ordonnance du 23 mai 2012.
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SUR CE :
Attendu que le juge de l'exécution ne pouvant être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion des constatations portant sur les mesures d'exécution forcée engagées ou opérées sur le fondement de ce titre, c'est à tort que Monsieur X... invoque la compétence de ce magistrat qui n'a pas vocation à intervenir en l'absence d'opération d'exécution ;
Que l'ordonnance déférée qui a rejeté à juste raison la compétence du juge de l'exécution sera sur ce point confirmée ;
Attendu qu'en l'espèce si aux termes de l'acte de donation partage du 28 mars 1977 les parties sont chacune attributaire de la moitié du rez-de-chaussée et de la moitié du grenier de la maison litigieuse, soit chacune de la moitié de la surface construite de cet immeuble et de ses combles et si le 11 mars 1986 elles ont accepté un partage de ce bien, Antoine X... prenant trois pièces à droite de la porte d'entrée et Marie X... trois pièces à gauche de celle-ci, il n'en demeure pas moins que la détermination des droits de chacun sur cet immeuble n'a jamais été opérée ni à l'amiable ni par décision de justice ;
Attendu que si le juge des référés peut mettre un terme au trouble manifestement illicite ou à la voie de fait découlant d'une occupation sans droit ni titre, encore faut-il que les droits de celui qui invoque ce trouble ou cette voie de fait soit clairement déterminés ;
Attendu qu'Antoine X... qui occupe les lieux les a aménagés à sa convenance manifestement en y créant une salle de bain et un wc que Marie X... revendique avec trois autres pièces sans démontrer que cette salle de bain et ce wc ont été installés sur la part qui lui a été attribuée ;
Qu'en l'absence de délimitation des lots de chacun et d'un plan de division des lieux définissant leur ligne séparative tant au rez-de-chaussée qu'au grenier, ligne dont la détermination excède les pouvoirs du juge des référés et relève en l'absence d'accord des parties de la compétence exclusive du juge du fond, les demandes de Madame X... tendant à l'expulsion d'Antoine X... de son bien comme à l'édification du mur de séparation ne sauraient prospérer et seront rejetées ;
Qu'il en sera de même à défaut de production des autorisations administratives apparaissant nécessaires puisque l'aspect extérieur de l'immeuble s'en trouve modifié des demandes qu'elle forme au titre de la transformation de la fenêtre en porte-fenêtre et de la création d'un escalier extérieur ;
Que la décision déférée sera en conséquence réformée ;
Qu'elle sera en outre infirmée en ce qu'elle a condamné l'appelant à payer à l'intimée une somme de 1. 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Qu'en revanche compte tenu du caractère particulier de la présente instance, chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens tant de première instance que d'appel ;
Attendu que l'équité ne commandant pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Madame X... sera déboutée de la demande qu'elle présente à ce titre ;
Que la demande que Monsieur X... formule sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 19 juillet 1991 sera elle-même rejetée.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'a pas retenu la compétence du juge de l'exécution,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Constate que les droits de chacune des parties dans l'immeuble litigieux ne sont pas déterminés avec précision faute de délimitation des lots et d'un plan de division des lieux fixant la ligne séparative des parts de chacune d'elles au rez-de-chaussée et au grenier,
Rejette les demandes de Madame X... qui excèdent la compétence du juge des référés,
Y ajoutant,
Rejette la demande formulée par Antoine X... sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 19 juillet 1991,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que chaque partie supportera la charge des dépens d'instance et d'appel par elle exposés.
LE GREFFIER LE PRESIDENT