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12/09/2012 | FRANCE | N°10/00431

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 12 septembre 2012, 10/00431


Ch. civile A

ARRET No
du 12 SEPTEMBRE 2012
R. G : 10/ 00431 C-PYC
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 mai 2010 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 08/ 800

X...

C/
Y...S. A. S AXA FRANCE ASSURANCES

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

APPELANT :

Monsieur Pedro X...né le 10 Septembre 1944 à GOIZUETA (ESPAGNE) ......20137 PORTO-VECCHIO

assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Patrick MARCIALIS, avocat au barreau d'AJACCIO
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Monsieur Jean-Pierre Y...né le 27 Janvier 1945 à GAP (05000) ...... 04000 DIGNE LES BAINS

assisté de la SCP RI...

Ch. civile A

ARRET No
du 12 SEPTEMBRE 2012
R. G : 10/ 00431 C-PYC
Décision déférée à la Cour : jugement du 17 mai 2010 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 08/ 800

X...

C/
Y...S. A. S AXA FRANCE ASSURANCES

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
DOUZE SEPTEMBRE DEUX MILLE DOUZE

APPELANT :

Monsieur Pedro X...né le 10 Septembre 1944 à GOIZUETA (ESPAGNE) ......20137 PORTO-VECCHIO

assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, Me Patrick MARCIALIS, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMES :

Monsieur Jean-Pierre Y...né le 27 Janvier 1945 à GAP (05000) ...... 04000 DIGNE LES BAINS

assisté de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, Me André DAUMAS, avocat au barreau de DIGNE

S. A. S AXA FRANCE ASSURANCES Prise en la personne de son représentant légal 26, Rue Drouot 75009 PARIS

ayant pour avocat Me Jean Jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me Claudine LANFRANCHI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 juin 2012, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Monsieur Pierre Yves CUZIN, Vice-Président placé près Monsieur le Premier Président

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2012.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Le 26 juin 2006, lors des opérations de mise à l'eau d'une vedette de marque COUACH construite en 1970 d'une longueur de 6, 80 m avec moteur essence in-board, appartenant à Jean-Pierre Y..., opérations réalisées dans le port de PORTO-VECCHIO par Pedro X..., exerçant sous l'enseigne ISULA MARINE lequel était aidé par Monsieur H..., une explosion et un incendie ont endommagé l'embarcation et blessé ce dernier.

Monsieur Jean-Pierre Y...a obtenu la désignation d'un expert par ordonnance de référé en date du 29 mai 2007.
L'expert désigné, Monsieur Jean René I...a déposé son rapport le 19 octobre 2007.

Par acte d'huissier en date du 2 juillet 2008, Jean-Pierre Y...a fait assigner Pedro X...devant ce tribunal aux fins d'obtenir la réparation du préjudice subi à la suite de ce sinistre sur le fondement de la responsabilité contractuelle de Monsieur X...au visa des articles 1135, 1147, 1787 du code civil.

Par acte d'huissier en date du 26 février 2009, Pedro X...a appelé en garantie sa compagnie d'assurances AXA FRANCE.

Par jugement contradictoire, en premier ressort en date du 17 mai 2010, le tribunal de grande instance d'AJACCIO a :

- annulé le rapport d'expertise de Monsieur Jean René I...en date du 19 octobre 2007,
- déclaré Monsieur Pedro X...entièrement responsable du sinistre survenu le 26 juin 2006,
- condamné Pedro X...à payer à Monsieur Jean-Pierre Y...la somme de 22 395, 73 euros en indemnisation de son préjudice matériel et de jouissance,
- condamné Monsieur Jean-Pierre Y...à payer à Monsieur Pedro X...une somme de 750 euros par an à compter de janvier 2008 en indemnisation de l'occupation de son terrain par l'épave du bateau,
- rejeté la demande de mise hors de cause de la compagnie AXA,
- jugé que le sinistre survenu le 26 juin 2006 n'est pas garanti par le contrat de responsabilité civile souscrit par Monsieur Pedro X...,
- rejeté toutes les autres demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné Monsieur Pedro X...à payer à Monsieur Jean-Pierre Y...la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné Monsieur Pedro X...aux entiers dépens de l'instance.

Pedro X...a relevé appel de cette décision par déclaration au greffe en date du 17 mai 2010.

Dans ses dernières conclusions en date du 18 octobre 2011 auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus complet de ses prétentions et moyens, Pedro X...fait valoir que le dire de Monsieur Y...est arrivé tardivement chez l'expert I...; que l'expert y a répondu implicitement en indiquant que tant le remplissage du réservoir babord que l'installation électrique bricolée n'étaient pas conformes aux normes ; que l'expertise était parfaitement étayée par les constatations de l'expert en présence et au contradictoire des parties ;

Que l'origine de l'accident est due avec certitude à un court circuit accidentel sur le câble d'alimentation moteur à l'avant du bateau doublé d'une explosion due aux vapeurs de carburant qui s'est écoulé dans les fonds à cause de l'état de la durite de remplissage libre, non étanche et non pourvue de doubles colliers comme l'exige la législation, notamment le décret 84-810 du 30 août 1984 relatif à la sécurité en mer modifié par les décrets 87-789 du 28 septembre 1987 et 96-859 du 26 septembre 1996 ;

Qu'il n'est pas contestable que le bateau âgé de 37 ans n'était pas aux normes et constituait un risque accepté par le propriétaire ;
Que Pedro X...n'est intervenu ni sur l'installation électrique, ni sur l'alimentation des réservoirs d'essence, toutes deux inaccessibles, défectueuses et non conformes et présentant des vices " revêtant (pour le mécanicien) les caractères de la force majeure " ;
Que la responsabilité de l'incendie incombe totalement au propriétaire qui en 37 ans n'avait jamais fait réviser les réservoirs et tuyaux d'alimentation d'essence, connaissait parfaitement l'état de l'installation électrique, n'a jamais demandé au concluant d'y intervenir et avait condamné l'accès aux réservoirs ;
Que l'appelant ne pouvait donc donner aucun conseil que seul pouvait dispenser un spécialiste en électricité marine après démolition des accessoires du pont ;
Que la valeur du bateau de Jean-Pierre Y...est de 6 000 euros selon l'expert I...; que ses deux moteurs d'origine avaient été remplacés par un seul moteur ; que Jean-Pierre Y...y avait apporté des bricolages successifs sur 17 ans ; que le bateau est toujours sur le chantier ; que le travail de renflouement facturé 4 685, 44 euros TTC devra être payé par Jean-Pierre Y...;
Que l'appelant a souscrit un contrat d'assurance responsabilité civile pour les bateaux confiés auprès de la compagnie AXA ; que la clause d'exclusion que la compagnie lui oppose vide le contrat de sa substance et ne peut recevoir application ; qu'elle figure en annexe des conventions spéciales en caractères peu apparents en violation des articles L 112-4 et L 113-1 du code des assurances ; que la compagnie AXA a manqué à son devoir d'information et de conseil et engagé sa responsabilité sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil.
Pedro X...demande donc à la cour :
- d'infirmer le jugement entrepris,
- statuant à nouveau, de valider l'expertise judiciaire et de l'homologuer ou si nécessaire de commettre un nouvel expert,
- de débouter l'intimé de toutes ses demandes,
- de condamner Jean-Pierre Y...à lui payer :

. la somme de 4 685, 44 euros au titre de la facture post-sinistre du 28 septembre 2007,. la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,. la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

à titre subsidiaire,
- de condamner la compagnie AXA à relever et garantir Pedro X...de toute condamnation en application du contrat d'assurance responsabilité civile souscrit ou à titre de dommages-intérêts pour manquement au devoir d'information et de conseil en application des articles 1382 et 1383 du code civil,
- de condamner la compagnie AXA à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'appelant ayant souscrit auprès d'elle une assurance défense-recours,
à titre encore plus subsidiaire,
- de fixer à 6 000 euros le montant du préjudice subi par Jean-Pierre Y..., l'épave restant sa propriété.

Dans ses dernières écritures en date du 23 avril 2012 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Jean-Pierre Y...fait valoir que le 26 juin 2006, il a demandé à Pedro X...de mettre le bateau à l'eau ; que Pedro X...a fait le plein d'essence à une station service sur la route ; qu'Olivier J..., neveu de Jean-Pierre Y..., a fait remarquer à Pedro X...que de l'essence coulait sur le côté du bateau ; qu'une fois le bateau à l'eau, le préposé de Pedro X...est monté à bord, a tourné la clef du contact, sans avoir ouvert ni la porte de la cabine ni le capot du compartiment moteur ; que le moteur a toussé puis calé ; que le préposé s'est alors dirigé vers la cale moteur pour l'ouvrir ; que c'est à ce moment que l'explosion a eu lieu ;

Que l'expert K...intervenant pour le compte de GROUPAMA, assureur du bateau, a établi un rapport contradictoire le 26 juillet 2006 en présence de l'expert de la compagnie AXA assureur de Pedro X...;
Qu'il ressort du rapport que la cause du dommage est l'explosion des vapeurs d'essence dans la cale du moteur, à l'arrière du bateau, lors de la mise sous tension du moteur ; qu'une ventilation de la cale aurait évité l'explosion ; que cette ventilation était d'autant plus nécessaire que le moteur n'avait pas tourné depuis son hivernage et que le plein d'essence venait d'être fait ;
Qu'aucun accord n'étant possible avec les parties et compagnies d'assurance respectives, Jean-Pierre Y...a dû demander une expertise judiciaire ;

Que l'expert judiciaire I...mentionne en pièces jointes notamment les pièces et dires de chaque conseil, les correspondances et photos couleurs, mais ces éléments ne sont pas joints ; qu'ainsi le dire de Jean-Pierre Y...du 22 août 2007 n'est pas joint ni la réponse faite ; que l'inobservation de l'article 276 du code de procédure civile fait grief à Jean-Pierre Y...;

Que la cour devra confirmer la nullité du rapport d'expertise judiciaire ;
Qu'en exécution du contrat du 29 juillet 2005 et du document remis à Jean-Pierre Y...par Pedro X...(pièce no 5), le deshivernage du bateau comprenait notamment le contrôle de l'allumage, des durites, des courroies, du circuit d'alimentation ; que ces interventions ont fait l'objet d'une facture d'un montant de 1 889, 68 euros ;
Que l'obligation qui pèse sur Pedro X...est une obligation de résultat ; que Pedro X...ne peut se dégager de sa responsabilité qu'en démontrant le cas de force majeure ou le cas fortuit ;
Que Pedro X...était tenu de vérifier le circuit d'alimentation électrique et de signaler une anomalie ; qu'en vérifiant l'allumage et le circuit d'alimentation (travaux prévus au contrat) il devait forcément s'intéresser au réseau électrique ;
Que Jean-Pierre Y...avait demandé en sus du strict entretien de vérifier les durites de remplissage des réservoirs d'essence ;
Qu'en ce qui concerne le rapport d'expertise judiciaire, l'expert a affirmé péremptoirement que le navire naviguait en toute illégalité ; qu'il ne respectait pas les normes édictées par la " division 224 ", alors que ces normes ne s'appliquent pas aux bateaux mis en service avant le 23 novembre 1987 ; qu'il a d'abord affirmé que la batterie avait été enlevée par le propriétaire après l'accident alors qu'il n'en était rien ; qu'il a indiqué que le départ de feu avait eu lieu dans le compartiment batterie alors qu'il est acquis que ce local n'a pas été ouvert ; qu'il dit que le coupe circuit est hors norme alors qu'il ne précise pas quelle est la norme et ne fait aucune description de ce coupe circuit ; qu'en fait le coupe-circuit qui commande l'alimentation du moteur est d'origine et a été vérifié régulièrement ; qu'il en est de même du circuit, de l'alimentation du guindeau ;
Que l'expert qualifie de " bricolage "- utilisant volontairement ce terme péjoratif-l'installation par l'intimé de sièges en bois sur le pont, facilement démontables par un seul boulon ;
Que la douchette électrique est étanche et homologuée, contrairement à ce qu'a écrit l'expert ; qu'elle n'était pas sous tension au moment de l'explosion ;
Que l'examen des photographies prises par l'huissier permet de vérifier qu'aucune trace de résidu d'incendie n'est visible dans la cabine et que contrairement à ce qui est soutenu par l'expert, l'explosion n'a pas
eu lieu dans la cabine avant comme l'ont d'ailleurs constaté les gendarmes ; que ces éléments ont été communiqués par dire du 22 août 2007 auquel il n'a pas été répondu ;
Que la durite de remplissage était bien en place mais a été débranchée par l'expert ;
Que la présence d'un seul câble dans le chemin de câbles exclut toute possibilité de court-circuit ; qu'il a été constaté contradictoirement que la batterie était bien en place avec des branchements intacts sans trace de court-circuit ou feu ; que le tableau électrique situé au dessus du local batterie était lui aussi intact de même que le circuit d'alimentation du guindeau ;
Qu'il résulte en fait de la chronologie des événements que le coupe-circuit était resté sous tension à la suite des essais effectués en atelier puisque le préposé de Pedro X...a pu lancer le démarreur sans ouvrir ni la cabine ni le compartiment moteur ;
Que donc le plein d'essence a été fait alors que le circuit électrique était sous tension, puis le moteur démarré sans ventilation préalable ; que les deux principales règles de sécurité des bateaux à moteur ont été violées ;
Que la facture de renflouage a été faite unilatéralement par Pedro X...; que le gardiennage ne peut pas être facturé à Jean-Pierre Y..., alors que la récupération du bateau n'a pas pu être envisagée à cause de l'appel formé par Pedro X....
Jean-Pierre Y...demande donc la confirmation du jugement querellé en ce qu'il a prononcé la nullité du rapport d'expertise judiciaire et condamné Pedro X...à l'indemniser des préjudices subis,
- de réformer le jugement en ce qu'il a condamné Pedro X...à payer à Jean-Pierre Y...la somme de 22 395, 73 euros en indemnisation de son préjudice matériel et de jouissance,
Statuant à nouveau,
- de condamner Pedro X...à payer à Jean-Pierre Y...:
. la somme de 13 395, 73 euros en réparation de la perte du bateau,. la somme de 16 800 euros en réparation du préjudice de jouissance,. la somme de 6 900 euros représentant le préjudice subi sur la valeur de remplacement,. la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral,

soit au total la somme de 52 095, 73 euros outre les intérêts à compter du 2 juillet 2008, date de l'assignation devant le tribunal de grande d'instance,

- d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné Jean-Pierre Y...à payer une indemnité d'occupation de 750 euros à compter de janvier 2008,

- y ajoutant, de débouter Pedro X...de sa demande de règlement de la facture des travaux après le sinistre,
- de condamner Pedro X...à payer à Jean-Pierre Y...la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens dont distraction au profit de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI.

Dans ses dernières écritures en date du 24 janvier 2012 auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la compagnie AXA fait valoir que le contrat responsabilité civile souscrit par Pedro X...au paragraphe 2 des conditions particulières exclut les risques d'incendie, de combustion spontanée, de chute de la foudre ou d'explosion subis par les bateaux ; que ces exclusions sont parfaitement lisibles ;

Que Pedro X...ne saurait être tenu au moindre devoir de conseil vis à vis de Jean-Pierre Y...qui connaissait parfaitement l'état de son installation électrique.
La compagnie AXA demande :
- la confirmation du jugement en ce qu'il a déclaré que le contrat de responsabilité civile souscrit ne garantissait pas Pedro X...pour le sinistre,
- de dire que Pedro X...n'a commis aucun manquement à son devoir de conseil,
- de débouter Pedro X...de toutes ses demandes dirigées contre la compagnie AXA,
- de condamner tout succombant à payer à la société AXA FRANCE la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens distraits au profit de la SCP CANARELLI.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2012 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 4 juin 2012.

*

* *

SUR QUOI :

Sur la nullité de l'expertise :

Attendu que l'article 276 du code de procédure civile dispose que l'expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu'elles sont écrites, le joindre à son avis si les parties le demandent ;

Attendu que le dire du 22 août 2007 reçu par l'expert le 25 août 2007 est versé aux débats par Pedro X...en pièce jointe au rapport de l'expert missionné par AXA ; que ce dire souligne le système de ventilation du coffre des réservoirs, le fait que contrairement à ce que soutient l'expert judiciaire la batterie n'a pas été enlevée ; qu'il reproche à l'expert de ne donner aucune indication sur les normes qui n'auraient pas été respectées ni en quoi elles ne l'auraient pas été ; qu'il soutient notamment que l'installation électrique est d'origine et que les sections des fils sont adaptées ; qu'il souligne la double sécurité des coupe-circuits ; qu'il fait ressortir que l'expert affirme que l'incendie est parti dans le local batterie avant même d'avoir pris la peine d'ouvrir ce local comme en atteste le fait qu'il pense que la batterie a été enlevée ; qu'il indique que la porte de la cabine est intacte et qu'aucune trace de résidu d'incendie ne se trouve à l'intérieur de la cabine ; qu'il rappelle les constatations des gendarmes et les mesures de sécurité en matière de bateaux à moteur ;

Attendu que ces observations non seulement n'ont pas été jointes au rapport mais n'ont reçu aucune réponse de la part de l'expert ; que pourtant les conclusions de son rapport sont diamétralement opposées à celles de l'expert de l'assureur de Jean-Pierre Y...en ce qu'elles soutiennent d'abord que le feu est parti du local batterie (sans ouverture du local batterie) (1ère synthèse) puis d'un court-circuit sur le câble entre le moteur (arrière du bateau) et la batterie (avant du bateau) (2ème synthèse), alors que le premier expert parle d'une explosion du compartiment moteur et d'un incendie parti de ce compartiment ;

Attendu que le non respect de l'article 276 du code de procédure civile qui a privé Jean-Pierre Y...d'un débat technique sur ces lacunes et contradictions lui a fait grief ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la nullité du rapport de l'expert ; que cette disposition sera dès lors confirmée ;

Sur la responsabilité :

Attendu que c'est par des motifs parfaitement adaptés et que la cour adopte en tous points que le premier juge a justement retenu que Pedro X...a failli à son obligation de résultat de rendre le bateau dans l'état où il lui avait été remis et qu'il ne rapportait pas la preuve d'un cas de force majeure ou du fait exclusif de la victime ou d'un tiers susceptible de l'exonérer de sa responsabilité, les photographies de fils électriques en désordre, l'âge du navire (dont le simple entretien annuel avait tout de même été facturé 1 889 euros) et l'affirmation péremptoire qu'il n'était " pas aux normes " étant pour le moins insuffisants à établir cette faute ;

Que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a reconnu Pedro X...entièrement responsable de l'accident ;

Sur le préjudice de perte du bateau et de perte de jouissance :

Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a retenu l'évaluation de l'expert de GROUPAMA et fixé le préjudice de perte du bateau à 13 100 euros qui permettra à Jean-Pierre Y...de remplacer son bien sur le marché de l'occasion ; que de même le préjudice de jouissance a été justement évalué à la somme de 9 000 euros ;

Sur le préjudice moral :

Attendu que le fait de ne pouvoir profiter pendant l'été de son bateau qui avait été confié au professionnel en état de fonctionnement et pour lequel il venait d'acquitter une facture d'entretien de 1 889 euros, de le voir exploser avec un ouvrier à son bord, puis couler dans le port de PORTO-VECCHIO a nécessairement causé à Jean-Pierre Y...un préjudice moral distinct de la perte de jouissance qui devra être réparé par la condamnation du responsable à lui payer la somme de 1 000 euros ;

Que le premier jugement sera donc infirmé en ce qu'il a débouté Jean-Pierre Y...de sa demande de réparation du préjudice moral et qu'il sera statué à nouveau en ce sens sur ce point ;

Sur la demande reconventionnelle formée par Pedro X...:

Attendu que la demande reconventionnelle de Pedro X...de paiement du renflouement du navire, et de son transport jusqu'au chantier et de son gardiennage sera rejetée, ces opérations n'étant dues qu'à l'accident pour lequel sa responsabilité a été reconnue et confirmée ;

Sur la garantie de Pedro X...par AXA FRANCE :

Attendu que Pedro X...demande garantie de son assureur au titre de son assurance responsabilité civile ;

Attendu que le contrat souscrit versé aux débats par l'assureur comporte des conditions particulières (6 pages), outre trois " intercalaires " intitulés " Responsabilité Civile Dommage aux Bateaux en Cours de Navigation ", " Responsabilité Civile Dommage aux Bateaux à Sec ou en Mouillage ", " Responsabilité Civile Après Travaux Après Vente " ;

Attendu que le premier intercalaire concerne " les bateaux appartenant à des tiers, confiés à l'assuré pour réparation, entretien, gardiennage, bateaux dont l'assuré a la détention provisoire " qui sont, aux termes du contrat, assurés en cours de navigation liée à la profession notamment pour essai, démonstration... " (...) " en cas de perte totale " (...) " consécutifs aux événements suivants (...) incendie, explosion " ;

Que telle était bien la situation en l'espèce : le bateau avait été mis à l'eau, Pedro X...était à quai prêt à partir pour l'essai en mer prévu et facturé, et tenait le bateau tandis que son préposé démarrait le moteur ;
Que le deuxième intercalaire qui est invoqué par AXA pour refuser sa garantie à Pedro X...ne concerne que les dégâts causés au cours d'une manutention par l'entreprise non pas aux bateaux de ses clients (dont il " a la détention provisoire ") mais aux bateaux appartenant à des tiers ;
Que l'exception liée aux risques d'incendie et d'explosion ne peut donc trouver application en l'espèce, le bateau étant détenu à titre provisoire par Pedro X...et n'étant ni à sec ni au mouillage ;
Que dès lors le premier juge sera infirmé en ce qu'il a décidé que le sinistre survenu le 26 juin 2006 n'est pas garanti par le contrat souscrit par Pedro X...;
Que l'assureur sera condamné à le relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre ;

Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à Jean-Pierre Y...les frais irrépétibles entraînés par l'appel ; que Pedro X...sera condamné à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que Pedro X...qui succombe en son appel sera condamné aux dépens.

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du 17 mai 2010 en ce qu'il a :

- annulé le rapport d'expertise de Jean-Pierre I...en date du 19 octobre 2007,
- déclaré Pedro X...entièrement responsable du sinistre survenu le 26 juin 2006,
- condamné Pedro X...à payer à Jean-Pierre Y...la somme de VINGT DEUX MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT QUINZE EUROS et SOIXANTE TREIZE CENTIMES (22 395, 73 €) en indemnisation du préjudice matériel et de jouissance,
- rejeté la demande reconventionnelle de paiement des travaux de sortie du bateau,
Infirme le jugement en ce qu'il a :
- débouté Jean-Pierre Y...de sa demande de préjudice moral et Pedro X...de sa demande de garantie par AXA,
- condamné Jean-Pierre Y...à payer une indemnité d'occupation du chantier,
Statuant à nouveau du chef des dispositions infirmées,
Condamne Pedro X...à payer à Jean-Pierre Y...la somme de MILLE EUROS (1 000 €) au titre de son préjudice moral,
Dit que la SAS AXA FRANCE ASSURANCES devra relever et garantir Pedro X...des condamnations prononcées à son encontre y compris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Pedro X...de sa demande d'indemnité d'occupation du chantier, demande renconventionnelle au titre du renflouement du navire, de son transport jusqu'au chantier et de son gardiennage,
Y ajoutant,
Condamne Pedro X...à payer à Jean-Pierre Y...la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2 500 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Pedro X...aux dépens dont distraction au profit de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI, avocats.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00431
Date de la décision : 12/09/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2012-09-12;10.00431 ?
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