Ch. civile A
ARRET No
du 06 JUIN 2012
R. G : 11/ 00859 R-MNA
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 juillet 2011 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 05-39
X...
C/
SA ELF AQUITAINE SCI ALTROVERSO Société SIDIC
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUIN DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur André X...né le 06 Mai 1919 à MAZAGRAN (MAROC) ......MADLIENA (MALTE)
ayant pour avocat la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean Michel BARGIARELLI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES :
SA ELF AQUITAINE agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice 2 Place Jean MILLIER-La Défense 6 LA DEFENSE 6 92400 COURBEVOIE
assistée de Me Christophe BOUCHEZ, avocat au barreau de PARIS, et de Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA
SCI ALTROVERSO Prise en la personne de son gérant demeurant et domicilié ès-qualités audit siège 74 Rue de la Harpe 91600 SAVIGNY SUR ORGE
défaillante
Société SIDIC Résidence Parc Impérial-le trianon-Route des cèdres 20000 AJACCIO
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 12 mars 2012, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 23 mai 2012, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 06 juin 2012.
ARRET :
Rendu par défaut,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Suivant commandement de Maître F..., huissier de justice à AJACCIO, en date du 23 août 2005, publié au bureau des hypothèques d'AJACCIO le 15 septembre 2005, volume 2005S, no49, la SA ELF AQUITAINE a saisi les immeubles appartenant à Monsieur André X...sis sur la commune de PIETROSELLA, les biens et droits immobiliers notamment droit de bail, construction, bail à construction composant un ensemble sis au lieudit ... et cadastré section D numéro 436 d'une superficie de 66 ares et 40 centiares.
Au terme de la procédure, la procédure de saisie a été rappelée à l'audience du 18 novembre 2010, puis à celle du 3 février 2011 et à celle du 28 juillet 2011.
Par conclusions déposées au greffe le 25 juillet 2011, Madame Nadine G...et Madame Philippa H...ont contesté la procédure de saisie en invoquant leur qualité d'occupantes des lieux et par conclusions déposées le même jour, Monsieur André X...a soutenu ne détenir aucun droit de propriété sur le bien objet de la saisie mais uniquement un bail à construction.
Suivant jugement du 28 juillet 2011, le Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO a :
- rejeté le dire des consorts G.../ H...pour défaut de qualité à agir,
- débouté Monsieur X...de son dire,
- ordonné la mise en vente immédiate du bien saisi,
- ordonné la mention du jugement en marge du commandement de saisie,
- dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de poursuite.
Suivant jugement d'adjudication du même jour, le Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO a :
- déclaré Maître I...adjudicataire au prix de 1. 540. 000 euros sous les réserves légales, pour le compte de la ACI ALTROVERSO,
- lui a donné acte de sa réserve de faire connaître l'adjudicataire par déclaration passée au Greffe dans le délai légal ou command dans les 24 heures de l'expiration de ce délai,
- ordonné sur la signification du présent jugement à tous détenteurs ou possesseurs de délaisser les immeubles qui viennent d'être adjugés au profit de l'adjudicataire sous peine d'y être contraint par voie d'expulsion ou tous autres moyens légaux,
- dit que les frais de poursuite seront prélevés par privilège sur le prix de la vente.
Suivant assignation devant la cour d'appel de BASTIA en date du 18 octobre 2011, Monsieur André X...a interjeté appel de ces deux jugements. Cette procédure a été enrôlée sous le no 11/ 859.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 12 mars 2012, Monsieur André X...demande à la cour de :
- dire et juger que le bail du 6 mai 1988 intervenu entre la commune de PIETROSELLA et Monsieur X...par son caractère indéfini, n'a pas pour effet, en l'état de la procédure, de constituer au profit de Monsieur X...un droit réel de nature à permettre la poursuite en saisie-immobilière et ses suites, ledit bail ne pouvant en l'état être qualifié de « bail à construction »,
- annuler en conséquence l'ensemble de la procédure engagée par la société ELF AQUITAINE en matière de saisie immobilière sur cet unique fondement à l'encontre de Monsieur André X...à compter du 23 août 2005 et réformer la décision rendue,
- annuler en conséquence et en tant que de besoin le jugement d'adjudication du 28 juillet 2011,
- dire et juger qu'il appartiendra préalablement à la reprise de toutes procédures de saisie immobilière au préjudice de Monsieur X...par la société ELF AQUITAINE de faire préalablement qualifier en justice par le Tribunal de Grande Instance d'Ajaccio la nature du bail du 6 mai 1988,
- dire et juger que la société ELF AQUITAINE en ajoutant le terme « à construction » au contrat de bail du 6 avril 1988 qui ne le comportait pas pour justifier de sa procédure irrégulière, s'est constituée en plaideur abusif,
- la condamner en conséquence à verser à Monsieur X...une somme de 100. 000 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamner la société ELF AQUITAINE à verser à Monsieur X...une somme de 5. 000 euros devant le premier juge et 8. 000 euros devant la cour au titre des frais irrépétibles, et aux dépens dont distraction pour ceux d'appel au profit de la SCP JOBIN.
Aux termes de ses dernières écritures en date du 19 décembre 2011 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, la société ELF AQUITAINE demande à la cour :
- à titre liminaire :
vu les articles 15, 16, 132 et 135 du code de procédure civile,
vu le principe de la contradiction et du respect des droits de la défense,
constater qu'en dépit des sommations de communiquer qui lui ont été faites, Monsieur André X...n'a pas communiqué à ELF AQUITAINE les pièces visées dans son acte d'appel,
écarter des débats l'ensemble des pièces de l'appelant,
- à titre principal :
vu l'article 727 al 1er de l'ancien code de procédure civile,
vu le principe de concentration des moyens,
constater la déchéance du moyen de nullité présenté par Monsieur André X...pour la première fois le 25 juillet 2011,
réformant partiellement le jugement d'incident, déclarer irrecevable l'incident formé par André X...,
- subsidiairement :
vu l'article L 125-3 du code de la construction,
confirmer le jugement d'incident en ce qu'il a débouté Monsieur X...de sa contestation,
- en tout état de cause :
vu l'article 32-1 du code de procédure civile,
condamner Monsieur X...à payer à la société ELF AQUITAINE une somme de 100. 000 euros à titre de dommages-intérêts,
débouter Monsieur X...de l'ensemble de ses demandes,
confirmer le jugement d'incident en toutes ses dispositions non contraires au présent dispositif,
confirmer le jugement d'adjudication,
condamner Monsieur X...à payer à la société ELF AQUITAINE une somme de 20. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner de même aux dépens, qui seront recouvrés pour ceux d'appel, par Maître Antoine CANARELLI, avoué près la cour d'appel de Bastia.
Par acte d'huissier en date du 12 janvier 2012, la société ELF AQUITAINE a fait assigner en intervention la SCI ALTROVERSO en sa qualité d'adjudicataire des biens.
Celle-ci assignée en application des dispositions de l'article 651 du code de procédure civile n'a pas constitué avocat.
Par assignation du 4 janvier 2012, la société ELF AQUITAINE a attrait devant la cour d'appel la société SIDIC en sa qualité de renchérisseur des biens.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro de RG 12/ 28.
La société SIDIC assignée à une personne habilitée à recevoir l'acte n'a pas constitué avocat.
Sur la jonction :
Attendu qu'eu égard au lien de connexité présentée par les procédures enrôlées sous les numéros 11/ 859 et 12/ 28, il convient de prononcer leur jonction afin de statuer par le même arrêt ;
Sur le défaut de communication de pièces :
Attendu que la société ELF AQUITAINE prétend que Monsieur X...ne lui a pas communiqué les pièces visées dans son acte d'appel ;
Mais attendu qu'il résulte des débats que ces pièces, précisément mentionnées dans l'acte d'assignation contenant appel, ont été discutées contradictoirement et que dès lors les parties en avaient connaissance ;
Que ce moyen sera dès lors rejeté ;
Sur l'irrecevabilité de l'incident formé par Monsieur X...:
Attendu que la société ELF AQUITAINE expose que Monsieur X...a formé un incident relatif à la saisissabilité des biens objet de la saisie immobilière, et qu'aux termes de l'article 727 alinéa 1er de l'ancien code de procédure civile, ce moyen de nullité aurait dû être proposé dans le délai de cinq jours au plus tard avant le jour fixé pour l'audience éventuelle prévue par l'article 690 ;
Mais attendu que la déchéance prévue par l'article 727 du code de procédure civile ne frappe que les moyens de nullité contre la procédure, à l'exclusion des contestations portant sur le fond même du droit ;
Attendu que le moyen soulevé par le saisi, en l'espèce la nature du bail dont il a été bénéficiaire, et par là même la saisissabilité du bien, procède d'une contestation sur l'existence même d'un titre exécutoire ;
Que ce moyen touche au fond du droit et que c'est donc avec raison que le premier juge a écarté le moyen tiré de la déchéance et considéré qu'il était valablement saisi ;
Qu'il convient donc de confirmer sur ce point la décision déférée ;
Sur le moyen tiré de l'insaisissabilité du bien :
Attendu que Monsieur X...soutient que le bail du 6 mai 1988 intervenu entre la commune de PIETROSELLA et lui-même n'a pas pour effet de constituer à son profit un droit réel de nature à permettre la poursuite de la saisie immobilière, au motif que le bail litigieux n'est pas clairement défini, qu'il peut être qualifié de " bail à construction " et qu'il conviendra de saisir ultérieurement le Tribunal de grande instance pour qualifier celui-ci ;
Attendu que Monsieur X...reproche à la société ELF AQUITAINE d'avoir qualifié ledit contrat d'emphytéotique, puis de bail à construction ;
Qu'il ajoute que le premier juge a à tort fondé sa décision sur la circonstance que la partie saisie a demandé qu'il lui soit donné acte de ce qu'elle a reconnu à l'audience, de même que la partie poursuivante, que le contrat devait être qualifié de bail à construction ;
Attendu que le juge de la saisie immobilière a compétence pour trancher les contestations portant sur le fond du droit ;
Attendu qu'il résulte de la lecture dudit bail en date du 6 mai 1988 que " le preneur s'oblige à édifier sur la parcelle objet de la présente location une construction " ;
Qu'il ressort des pièces de la procédure (commandement de saisie immobilière, sommation de prendre connaissance du cahier des charges, jugements sur incident du Tribunal de grande instance d'AJACCIO du 4 mai 2006, du 26 novembre 2009, jugements de report d'adjudication des 21 janvier 2010, 19 mai 2011et 17 mars 2011) que tant le créancier poursuivant que le juge ont constamment précisé que la saisie portait sur " les biens et droits immobiliers (...) notamment bail à construction composant un ensemble sis commune de Pietrosella " ;
Attendu en outre que Monsieur X...ne rapporte pas la preuve de l'évocation par la société ELF AQUITAINE, d'un quelconque " bail emphytéotique " ;
Que lui-même, dans le corps de son dire déposé le 25 juillet 2011, précise que " Monsieur X...ne dispose pas sur le bien immobilier qu'il occupe à PIETROSELLA d'un droit de propriété mais uniquement d'un bail à construction " ;
Que dès lors la qualification dudit bail en bail à construction résulte tant des pièces de la procédure de saisie immobilière que des déclarations des parties, sans qu'il soit nécessaire de rechercher si le juge a donné acte aux parties à l'audience de leur accord sur ce point ;
Qu'il n'est pas davantage utile de rechercher si ledit bail doit être requalifié en bail emphytéotique, cette qualification n'étant revendiquée par aucune des parties ;
Attendu enfin qu'aux termes de l'article L 251-3 du code de la construction, le bail à construction confère au preneur un droit réel immobilier ;
Que la décision déférée qui a rejeté la contestation de Monsieur X...sera ainsi confirmée ;
Sur la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur X...:
Attendu que Monsieur X...sollicite le paiement de la somme de 100. 000 euros au motif que la société ELF AQUITAINE a procédé à la qualification du contrat de façon à se créer artificiellement un droit lui permettant la saisie immobilière des biens de son débiteur ;
Mais attendu que Monsieur X...qui n'a pas rapporté cette preuve sera débouté de ce chef de demande ;
Sur la demande de dommages-intérêts et la demande au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile :
Attendu que la société ELF AQUITAINE invoque le comportement dilatoire et abusif de Monsieur X...pour solliciter la somme de 100. 000 euros à titre de dommages-intérêts, sans préjudice de l'amende civile prévue par l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Attendu en l'espèce qu'il résulte tant du présent litige que des précédentes procédures que Monsieur X...a multiplié les incidents ; que cette même cour avait d'ailleurs, dans son arrêt du 20 octobre 2010, noté que " le caractère abusif et dilatoire de l'appel peut se déduire de ce que l'appelant poursuit une procédure sur le mal fondé de laquelle il était suffisamment éclairé par les motifs du jugement attaqué, ou encore qui fait suite à une accumulation de procédures injustifiées " ;
Que la cour avait ainsi condamné Monsieur X...au paiement d'une somme de 50. 000 euros de dommages-intérêts ;
Attendu que la présente contestation s'inscrit dans le même esprit dilatoire, qu'en conséquence il y a lieu de condamner Monsieur X...au paiement de la somme de 50. 000 euros en application de l'article 32-1 du code de procédure civile ;
Que cette condamnation rend inopportune le paiement d'une amende civile, même si celle-ci peut être prononcée sans préjudice des dommages-intérêts ;
Attendu que l'équité commande que M X...soit condamné au paiement de la somme de 10. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Prononce la jonction des procédures RG no 11/ 859 et RG 12/ 28 sous le numéro 11/ 859,
Confirme les jugements critiqués en toutes leurs dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande visant à écarter des débats les pièces de l'appelant présentée par la société ELF AQUITAINE,
Rejette la demande de dommages-intérêts présentée par Monsieur X...,
Condamne Monsieur André X...à verser à la société ELF AQUITAINE la somme de CINQUANTE MILLE EUROS (50. 000 euros) à titre de dommages intérêts,
Le condamne à verser à la société ELF AQUITAINE la somme de DIX MILLE EUROS (10. 000 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel dont distraction au profit de Maître CANARELLI.
LE GREFFIER LE PRESIDENT