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06/06/2012 | FRANCE | N°10/00867

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 06 juin 2012, 10/00867


Ch. civile B

ARRET No
du 06 JUIN 2012
R. G : 10/ 00867 C-PL
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 octobre 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 08/ 1288

SARL SOLEMAR
C/
X...Y...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUIN DEUX MILLE DOUZE
APPELANTE :
SARL SOLEMAR Prise en la personne de son représentant légal Lotissement A Marinella Lieu Pineto 20290 LUCCIANA

ayant pour avocat Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me O MEBAREK, avocat au barreau de GRASSE

INTIME

S :

Monsieur Patrick X...né le 12 Août 1952 à ALGER ...67207 NIEDERHAUSBERGEN

assisté de Me Antoine-Paul ALBER...

Ch. civile B

ARRET No
du 06 JUIN 2012
R. G : 10/ 00867 C-PL
Décision déférée à la Cour : jugement du 19 octobre 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 08/ 1288

SARL SOLEMAR
C/
X...Y...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SIX JUIN DEUX MILLE DOUZE
APPELANTE :
SARL SOLEMAR Prise en la personne de son représentant légal Lotissement A Marinella Lieu Pineto 20290 LUCCIANA

ayant pour avocat Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, Me O MEBAREK, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES :

Monsieur Patrick X...né le 12 Août 1952 à ALGER ...67207 NIEDERHAUSBERGEN

assisté de Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Louis Paul KOWALSKI, avocat au barreau de STRASBOURG

Madame Yolande Y...née le 08 Avril 1954 à SOULTZ ...67207 NIEDERHAUSBERGEN

assistée de Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA, Me Louis Paul KOWALSKI, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2012, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 juin 2012.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * ORIGINE DU LITIGE

Aux termes d'un marché de travaux de non daté, Monsieur Patrick X...et son épouse Yolande née Y...(les époux X...) ont confié à la SARL SOLEMAR (la société) les travaux de construction d'une maison d'habitation sur un terrain situé à FURIANI.

Les époux X..., faisant valoir que la société avait abandonné le chantier en août 2006 et soutenant avoir payé plus qu'ils ne le devaient au regard de l'évolution des travaux, ont introduit devant le tribunal de grande instance de BASTIA saisi par assignation du 23 juillet 2008 une action tendant à la constatation de la résiliation du marché aux torts exclusifs de la société et à la condamnation de celle-ci au paiement de diverses sommes.

Le juge des référés a désigné le 7 mars 2007 un expert qui a déposé son rapport le 12 mai 2008.

Par jugement contradictoire du 19 octobre 2010 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal, au visa du rapport d'expertise judiciaire, a constaté la résiliation du marché de travaux aux torts exclusifs de la société et condamné cette dernière à payer aux époux X...la somme de 40 598, 57 euros en remboursement du trop versé, la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts occasionnés par la rupture fautive du marché de travaux, la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

ETAT DE LA PROCÉDURE DEVANT LA COUR

Par déclaration remise au greffe le 24 novembre 2010, la société a relevé appel de cette décision.

Par conclusions déposées le 22 mars 2011 et régulièrement signifiées, l'appelante demande à la cour d'annuler le jugement déféré, de débouter les époux X...de toutes leurs demandes, de dire et juger que le marché de travaux doit être résilié aux torts exclusifs de ces deniers qui devront en outre être condamnés au paiement de la somme de 11 213, 89 euros représentant le solde du marché, de la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 11 octobre 2011 et régulièrement signifiées, les intimés demandent à la cour de déclarer l'appel irrecevable et en tout cas mal fondé, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner l'appelante au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 février 2012 ; l'affaire a été plaidée le 6 avril 2012 puis mise en délibéré au 6 juin 2012, les parties régulièrement avisées.

*
* *
SUR QUOI, LA COUR

La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.

Les intimés concluent à l'irrecevabilité de l'appel mais sans présenter le moindre moyen à cet effet ; la cour constate que ce recours a été exercé dans les conditions de forme et de délai prévues par la loi et qu'il convient en conséquence de l'examiner.
L'appelante conclut à la nullité du jugement alors que tous les moyens qu'elle invoque ne pourraient justifier, le cas échéant, que sa réformation. La cour constate dès lors qu'elle est saisie non d'un appel-nullité mais d'un appel de droit commun.
Au soutien de son recours, l'appelante critique le rapport d'expertise judiciaire qui, selon elle, doit être écarté des débats compte tenu des défauts dont il est affecté. A cet égard, il est reproché à l'expert de ne pas avoir pris en considération, sur l'évaluation des travaux effectués, l'avis fourni par le cabinet commis par l'appelante et de ne s'être référé qu'aux propositions de l'architecte auteur du projet de construction.
L'appelante conteste ensuite être à l'origine d'un abandon de chantier et précise sur ce point qu'elle n'a fait que suspendre les travaux en raison du non paiement par les maîtres de l'ouvrage des acomptes prévus par le contrat ainsi que de leur manque de coopération dans la mise en oeuvre des importantes modifications qui s'imposaient par rapport au marché initial. Elle estime une telle attitude constitutive d'un cas de force majeure rendant impossible la poursuite du chantier qui s'est trouvé ainsi résilié de plein droit par application de l'article 22-2-1 de la norme P03. 001.
L'appelante soutient encore qu'aucun retard d'exécution ne peut lui être reproché en faisant valoir que l'ordre de service de commencer les travaux n'a jamais été donné par les maîtres de l'ouvrage.
Elle conteste aussi l'existence d'une facturation excédant les travaux réalisés en expliquant que les factures émises sont fondées sur des travaux modificatifs et supplémentaires ; elle soutient que les comptes entre les parties la rendent créditrice de la somme de 11 213, 89 euros.
Elle indique enfin que faute d'avoir conclu l'assurance dommage-ouvrage pourtant obligatoire, les époux X...sont seuls responsables de la perte de chance d'obtenir réparation des dommages.
Sur le rapport d'expertise, il convient de relever que, comme les intimés le font justement observer, l'expert a obtenu une prorogation jusqu'au 30 avril 2008 du délai qui lui était imparti pour déposer son rapport uniquement pour permettre à l'appelante de lui transmettre ses observations sur l'évaluation des travaux ; que l'expert a déposé son rapport le 12 mai 2008 sans avoir reçu le dire sollicité qui n'a été finalement transmis que par courrier du 19 mai 2008 sous forme d'une note établie par la SARL Cabinet Z... le 5 mai 2008.
Dans de telles conditions, l'appelante, qui a transmis avec un retard conséquent et injustifié des observations qui lui avaient été réclamées dès l'accédit du 16 novembre 2007, a placé l'expert dans l'impossibilité de les prendre en considération et elle doit dès lors être regardée comme la seule responsable de la situation dont elle fait grief à l'expert.

En outre, c'est à juste titre que les intimés soutiennent que le document émanant du cabinet Z... ne peut être considéré comme pertinent. En effet, il se limite à une compilation de chiffres sans aucune indication sur la méthode appliquée, les éléments de référence et de comparaison retenus, les constatations effectuées sur le terrain. Ce travail sommaire et unilatéral ne saurait dès lors contredire celui beaucoup plus sérieux accompli contradictoirement par l'expert judiciaire qui s'est notamment fondé avec raison sur les précisions apportées par l'architecte Monsieur D...concepteur de la construction puis chargé d'en suivre la réalisation, cette double mission ne pouvant que donner du crédit à ses estimations.

En définitive, la cour considère à l'instar du tribunal, que le rapport d'expertise de Monsieur Olivier E..., loin de devoir être écarté des débats comme l'appelante le demande, est suffisamment objectif, complet et précis et qu'il doit dès lors servir, sur le plan technique, de support à la décision.
Sur l'abandon de chantier, il résulte du rapport d'expertise que le chantier était totalement abandonné à la date du 27 juillet 2007, les travaux réalisés comportant uniquement les ouvrages de terrassement général et de gros oeuvre. Il ressort des procès-verbaux de constat d'huissier produits aux débats par les intimés que le chantier se trouvait déjà dans le même état le 29 novembre 2006. Les correspondances échangées par les parties et les propres explications de l'appelante indiquent qu'en réalité, celle-ci a décidé d'interrompre les travaux lorsque les maîtres de l'ouvrage ont refusé de lui régler les deux factures d'un montant total de 55 072, 12 euros adressées en août et septembre 2006.
Toutefois, comme le tribunal l'a relevé à bon droit, l'appelante, ce faisant, n'a pas respecté les dispositions à valeur contractuelle de l'article 10. 3. 2. 1 de la norme AFNOR P 03-001 qui font défense à l'entrepreneur de suspendre les travaux pour défaut de paiement sans avoir prévenu par lettre recommandée le maître d'ouvrage et le maître d'oeuvre au moins quinze jours à l'avance.
En outre, sur le fond, c'est à juste titre que les intimés font valoir que les factures réclamées n'étaient pas exigibles car, contrairement aux exigences imposées par le marché de travaux sur ce point, les modifications invoquées n'avaient pas été préalablement acceptées par le maître de l'ouvrage et l'architecte et rien ne démontre qu'elles étaient réellement imposées par des exigences techniques et des aléas d'exécution. Les maîtres de l'ouvrage étaient dès lors en droit de les refuser. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à assimiler leur attitude à un cas de force majeure rendant impossible la poursuite du chantier.
Il convient, au regard des considérations qui précèdent, de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a qualifié de fautive l'interruption des travaux par l'appelante et, faisant application de l'article 22-1-2-1 de la norme AFNOR, constaté la résiliation du marché aux torts exclusifs de cette dernière.
La lecture de la décision déférée indique que le premier juge a écarté l'application d'éventuelles pénalités de retard et les époux X...n'ont pas formé d'appel incident de ce chef. Par suite, il n'y pas lieu d'examiner le moyen tiré par l'appelante de l'absence d'ordre de service et les conséquences qu'elle en tire pour contester un retard d'exécution qui ne lui est pas reproché.
En condamnant l'appelante au paiement de la somme de 40 598, 57 euros en remboursement du trop versé, le premier juge, par des motifs pertinents que la cour approuve, a fait une exacte appréciation des conclusions du rapport d'expertise qui, pour les raisons déjà exposées, mérite d'être entériné. La demande reconventionnelle en paiement d'un solde de factures évalué à la somme de 11 213, 89 euros est dès lors sans objet.
En retenant que les intimés avaient subi un préjudice né de l'important retard accusé par leur projet de construction en raison de l'abandon de chantier commis par l'appelante et de la perte de chance d'obtenir réparation des dommages qui pourraient affecter la construction en raison de l'absence de souscription des assurances obligatoires par l'appelante et en fixant le montant de la réparation à 20 000 euros, le premier juge a fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties. Les motifs employés démontrent en outre que la non souscription par les intimés de l'assurance dommages-ouvrage obligatoire a été justement prise en considération non pour supprimer la réparation de la perte de chance, comme le voudrait à tort l'appelante, mais pour en diminuer le montant.
Les dispositions du jugement déféré portant attribution aux époux X...de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et relatives aux dépens de première instance seront également confirmées.
Le jugement déféré étant en définitive confirmé dans tous ses chefs, la demande en paiement de dommages et intérêts formée par l'appelante pour procédure abusive est sans objet.
La société SOLEMAR, qui succombe dans son appel, supportera les frais liés à cette instance. Il convient de la condamner en outre au paiement d'une nouvelle indemnité d'un montant de 1 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Déclare recevable l'appel formé par la SARL SOLEMAR ;

Le dit non fondé ;

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Déboute la SARL SOLEMAR de toutes ses demandes ;
La condamne à payer aux époux X...la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1 500 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens de l'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 10/00867
Date de la décision : 06/06/2012
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2012-06-06;10.00867 ?
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