Ch. civile A
ARRET No
du 16 MAI 2012
R. G : 08/ 00764 C-RMS
Décision déférée à la Cour : jugement du 04 septembre 2008 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 66
X...
C/
Compagnie d'assurances GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES Y...CPAM de la HAUTE-CORSE
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEIZE MAI DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Michel Georges Olivier X...né le 30 Mars 1968 à AJACCIO (20000) ...20117 ECCICA SUARELLA
assisté de la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA et de Me Jean Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Compagnie d'assurances GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES Prise en la personne de son représentant légal en exercice 3 Rue Neuve Saint Roch 20407 BASTIA CEDEX 03
assistée de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA et de Me Martine CAPOROSSI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Pierre Y...... 20251 PANCHERACCIA
assisté de la SCP JOBIN, avocats au barreau de BASTIA et de Me Martine CAPOROSSI, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 5 Avenue Jean Zuccarelli BP 501- Service Contentieux 20406 BASTIA CEDEX
Défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 février 2012, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 avril 2012, prorogée par le magistrat par mention au plumitif au 16 mai 2012.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Vu le jugement rendu le 4 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de BASTIA :
- condamnant in solidum Monsieur Pierre Y...et la GMF à réparer l'entier préjudice subi par Monsieur Michel X...suite à l'accident de la circulation survenu le 25 décembre 2002 à ...,
- fixant la créance de la CPAM de la CORSE DU SUD à la somme de 6 949, 61 euros,
- condamnant in solidum Monsieur Y...et la GMF à payer à Monsieur X...la somme de 79 939 euros au titre du préjudice patrimonial et extra patrimonial, déduction faite de l'indemnité provisionnelle,
- condamnant in solidum Monsieur Y...et la GMF à payer à Monsieur X...la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- déboutant Monsieur X...de ses demandes au titre de la perte d'une chance, d'une perte de revenus, d'une perte d'honoraires ainsi qu'au titre du préjudice esthétique permanent,
- déboutant Monsieur X...de sa demande de report du point de départ des intérêts au taux légal au jour de l'assignation,
- disant que les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter du jugement,
- disant n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamnant aux dépens Monsieur Y...et la GMF.
Vu la déclaration d'appel de Monsieur X...déposée au greffe le 12 septembre 2008.
Vu l'arrêt mixte rendu le 9 décembre 2009 par la cour de ce siège infirmant le jugement déféré quant à la liquidation du préjudice patrimonial, le confirmant quant au point de départ des intérêts et l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et avant dire droit sur la liquidation du préjudice patrimonial, ordonnant une expertise comptable et désignant Monsieur Alain E...pour y procéder.
Vu le dépôt du rapport d'expertise en date du 16 mars 2011.
Vu les écritures récapitulatives de la GMF et de Monsieur Pierre François Y...déposées au greffe le 6 septembre 2011.
Vu les conclusions récapitulatives de Monsieur Michel X...déposées au greffe le 28 octobre 2011.
Vu l'ordonnance de clôture du 10 novembre 2011.
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* *
SUR CE :
Le 25 décembre 2002, Monsieur Michel X...a été victime d'un accident de la circulation sur la commune de PANCHERACCIA (HAUTE CORSE) impliquant le véhicule conduit par Monsieur Pierre Y...assuré auprès de la GMF.
Le professeur F...désigné en qualité d'expert par jugement en date du 25 août 2005 a conclu le 1er décembre 2007 ainsi qu'il suit :
- ITT du 25 décembre 2002 au 2 mars 2003,- ITT du 15 juin 2003 au 14 juillet 2003,- ITP à 75 % du 2 mars 2003 au 15 juin 2003,- ITP à 75 % du 15 juillet 2003 au 31 décembre 2003,- Consolidation acquise au 1er mars 2007,- IPP : 20 %,- Souffrances endurées : 4/ 7,- Aptitude à reprendre l'activité professionnelle,- Existence d'un préjudice d'agrément pour ce qui concerne la chasse, la pêche, et les sports nautiques.
Compte tenu de ces conclusions qui ne sont pas contestées par les parties, de l'âge de la victime au moment des faits (Monsieur X...est né le 30 mars 1968), de son activité professionnelle (médecin généraliste exerçant en libéral), l'arrêt mixte rendu le 9 décembre 2009 par la cour de céans a liquidé le préjudice extra patrimonial de la victime à la somme de 66 000 euros.
Sur le préjudice patrimonial, la cour a selon cette même décision ordonné une expertise comptable confiée à Monsieur Alain E...avec mission d'évaluer la perte de revenus subie par la victime pour l'année 2003, dire si les revenus des années postérieures enregistrent une baisse et dans l'affirmative la chiffrer, dire notamment si l'installation du docteur X...à AJACCIO a entraîné pour celui-ci une baisse de revenus.
L'expert qui a déposé son rapport le 16 mars 2011 a conclu à :
- une perte de revenus de 18 259 euros pour l'année 2003 hors rétrocession,- une perte de revenus de 2004 à 2007 de 218 890 euros,- une perte de gains futurs,
. selon l'hypothèse d'une quasi certitude à la somme de 618 676 euros,. selon l'hypothèse d'une forte probabilité à la somme de 549 934 euros.
Ainsi, le préjudice patrimonial subi par la victime doit être liquidé comme suit :
- Dépenses de Santé Actuelles (DSA) : il s'agit de l'ensemble des frais médicaux, hospitaliers, et pharmaceutiques exposés par la victime et par les organismes sociaux pendant la phase d'évolution de la pathologie et jusqu'à la date de consolidation.
En l'espèce, il ressort du décompte définitif produit par la CPAM de la HAUTE CORSE en date du 23 février 2009 que le montant des frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation s'élèvent à la somme de 6 949, 61 euros.
- Perte de Gains Professionnels Actuels (PGA) : ce poste de préjudice indemnise la perte de revenus du fait de l'inactivité ou de l'indisponibilité temporaire en raison des séquelles traumatiques et ce jusqu'à la date de consolidation. Doivent par ailleurs être incluses au titre de ce chef, les indemnités journalières versées à la victime par l'organisme social.
En l'espèce, l'expert a conclu à deux périodes d'inactivité totale du 25 décembre 2002 au 2 mars 2003 et du 15 juin 2003 au 14 juillet 2003 et à deux périodes d'indisponibilité partielle du 2 mars 2003 au 15 juin 2003 à 75 % de l'activité habituelle puis du 15 juillet 2003 au 31 décembre 2003 également à 75 % de l'activité habituelle.
Il est en outre établi que Monsieur X...n'a pas perçu d'indemnités journalières de l'organisme social et que les seules indemnités journalières qu'il a reçues ont été versées dans le cadre contractuel et n'ont pas par conséquent à être prises en compte.
Enfin, il n'est pas contesté que le docteur X...a eu recours à un remplaçant durant sa période d'indisponibilité et que la rémunération payée à celui-ci s'est élevée à la somme de 29 339 euros.
L'arrêt mixte du 9 décembre 2009 a fixé la date de consolidation au 1er janvier 2004.
Dans ses dernières écritures, Monsieur X...réclame au titre de la perte de revenus jusqu'à la date de consolidation la somme de 48 187, 93 euros après application d'un taux de capitalisation sur 8 ans.
La GMF quant à elle n'a pas conclu sur ce point.
Pour chiffrer la perte de revenus subie par Monsieur X...durant l'année 2003, l'expert judiciaire a reconstitué l'activité antérieure depuis l'installation en 1998 jusqu'à l'accident survenu en 2002, selon les déclarations fiscales 2035 produites.
Ainsi, il a retenu :
- pour l'année 1999 : des recettes de 79 472 euros,- pour l'année 2000 : des recettes de 104 745 euros,
- pour l'année 2001 : des recettes de 110 216 euros,- pour l'année 2002 : des recettes de 144 530 euros.
En opérant la moyenne des méthodes statistiques des points extrêmes, des points moyens et des moindres carrés, l'expert a retenu pour l'année 2003 un montant de recettes de 160 000 euros.
Après estimation des charges à la somme de 79 397 euros, celui-ci a apprécié la perte de revenus hors rétrocession à la somme de 45 198 euros-26 939 euros (rétrocession) soit 18 259 euros.
Ni les chiffres avancés par l'expert, ni la méthode utilisée par celui-ci ne sont contestés par les parties de sorte que le travail réalisé par l'homme de l'art doit être validé par la cour sauf à inclure au titre de la perte de revenus subie durant l'année 2003, le montant de la rétrocession laquelle a effectivement été versée par Monsieur X....
Ainsi, il revient à celui-ci au titre du poste Perte de Gains Actuels, la somme de 45 198 euros. Il n'y a pas lieu par contre, comme le demande la victime d'affecter à cette somme un quelconque coefficient de capitalisation dés lors qu'il s'agit d'apprécier une perte de revenus actuels.
- Perte de Gains Professionnels Futurs (PGPF) : ce poste de préjudice indemnise la perte ou la diminution de revenus consécutives à l'invalidité permanente soufferte par la victime du fait des séquelles dont celle-ci reste atteinte après consolidation.
A ce titre, Monsieur X...qui fait état d'une baisse de ses revenus et indique qu'il a dû abandonner son cabinet médical à ALERIA pour en acquérir le 1er janvier 2008 un autre à AJACCIO impliquant moins de trajets en voiture et de déplacements mais moins rentable, réclame les sommes suivantes :
- pertes de revenus du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2011 : 452 576, 03 euros,
- pertes de revenus entre le 1er janvier 2012 et l'année 2033 (départ à la retraite) : 1 200 559, 80 euros,
- pertes sur les pensions de retraite : 221 194 euros.
La demande formée au titre du préjudice de retraite dont la recevabilité est contestée par l'assureur qui n'est que le complément de la demande initiale doit être jugée recevable en application de l'article 566 du code de procédure civile.
La perte de revenus futurs est effectivement caractérisée par l'expert judiciaire lequel a chiffré celle-ci au terme de son rapport à la somme de 218 890 euros pour la période 2004 à 2007 puis à compter de l'installation à AJACCIO à celle de 706 867 euros à 775 609 euros.
Cependant, le professeur F...dont les conclusions de l'expertise judiciaire ne sont pas contestées par les parties a seulement apprécié à 20 % le déficit fonctionnel permanent subi par la victime et a conclu à l'aptitude de la poursuite de l'activité professionnelle de celle-ci en retenant toutefois " une limitation fonctionnelle ou un inconfort à la station assise ou debout et à la marche qui crée une pénibilité certaine dans l'exercice du métier et, selon les périodes une limitation fonctionnelle handicapante. "
Dans le corps de son rapport, l'expert a ajouté que " les conséquences de la limitation fonctionnelle liée à la fracture ouverte de la jambe droite (tibia et péroné) en terme de situation de handicaps restent sommes toutes modérées. "
Il apparaît ainsi que la baisse des revenus allégués par la victime ne peut être rendue en totalité imputable aux séquelles de l'accident.
Il convient d'ailleurs d'observer que le docteur X...a repris normalement son activité à compter du 1er janvier 2004, ne justifie pas avoir limité son activité professionnelle et a attendu le 1er janvier 2008 pour transférer son activité professionnelle à AJACCIO.
Il n'est pas possible de plus de considérer que les recettes du docteur G...auraient été celles du docteur X.... Si les deux médecins exerçaient au sein d'un même cabinet, il ressort de l'expertise comptable que ceux-ci étaient en effet en honoraires séparés. Le caractère fortement intuitu personae de la relation médecin patient surtout impose de rejeter toute assimilation ou comparaison.
Ainsi, le préjudice invoqué par Monsieur X...ne peut être indemnisé qu'au titre de l'incidence professionnelle laquelle est caractérisée par une pénibilité dans l'exercice de son emploi de médecin.
Contrairement à ce que celui-ci soutient, la cour de céans n'a pas admis dans son arrêt mixte du 9 décembre 2009 dont les motifs n'ont aucun caractère décisoire le lien de causalité entre la perte de revenus invoquée et l'accident subi mais s'est seulement bornée à ordonner une mesure d'instruction avant dire droit pour établir l'existence d'une perte de revenus.
Dés lors compte tenu des éléments chiffrés contenus dans le rapport d'expertise et de l'âge de la victime, l'incidence professionnelle doit être appréciée à la somme de 50 000 euros.
Ainsi, le préjudice patrimonial subi par la victime s'élève à la somme de 102 147, 61 euros dont 6 949, 61 euros au titre des dépenses de santé actuelles.
L'équité enfin commande d'allouer à Monsieur X...la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement déféré en ce qui concerne la fixation du préjudice patrimonial,
STATUANT A NOUVEAU,
Fixe le préjudice patrimonial subi par Monsieur Michel X...à la somme de CENT DEUX MILLE CENT QUARANTE SEPT EUROS et SOIXANTE ET UN CENTIMES (102 147, 61 euros) dont celle de SIX MILLE NEUF CENT QUARANTE NEUF EUROS et SOIXANTE ET UN CENTIMES (6 949, 61 euros) au titre des dépenses de santé actuelles,
Condamne in solidum Monsieur François Y...et la GMF à payer à Monsieur Michel X...la somme de CENT DEUX MILLE CENT QUARANTE SEPT EUROS et SOIXANTE ET UN CENTIMES (102 147, 61 euros),
Condamne in solidum Monsieur François Y...et la GMF à payer la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2 500 euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum Monsieur François Y...et la GMF aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT