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21/03/2012 | FRANCE | N°08/00441

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre civile, 21 mars 2012, 08/00441


Ch. civile B

ARRET No
du 21 MARS 2012
R. G : 08/ 00441 R-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 21 janvier 2008 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 05/ 1089

Y...
C/
X...CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DOUZE
APPELANTE :
Madame Maria Y... épouse Z...née le 21 Juillet 1976 à JOLDA MADELEINA (PORTUGAL) ...94220 CHARENTON LE PONT

assistée de la SCP René JOBIN Phil

ippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, de Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Julie...

Ch. civile B

ARRET No
du 21 MARS 2012
R. G : 08/ 00441 R-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 21 janvier 2008 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 05/ 1089

Y...
C/
X...CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT ET UN MARS DEUX MILLE DOUZE
APPELANTE :
Madame Maria Y... épouse Z...née le 21 Juillet 1976 à JOLDA MADELEINA (PORTUGAL) ...94220 CHARENTON LE PONT

assistée de la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, de Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA, et de Me Julien DAMI LE COZ, avocat au barreau de PARIS

INTIMES :

Monsieur Bernard X...Centre Hospitalier d'Ajaccio ... 20000 AJACCIO

ayant pour avocat Me Florence RICHARD, avocat au barreau de MARSEILLE, Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD Prise en la personne de son représentant légal en exercice Boulevard Abbé Recco Les Padules BP 910 20702 AJACCIO CEDEX 9

défaillante

CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 1/ 9 avenue Général de Gaulle 94000 CRETEIL

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 février 2012, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 mars 2012

ARRET :

Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Vu l'arrêt en date du 21 octobre 2009 auquel il est expressément référé pour les faits de la cause et la procédure antérieure par lequel la cour d'appel de Bastia a ordonné une contre-expertise.

Vu le rapport d'expertise déposé le 14 janvier 2011.

Vu les dernières conclusions de Monsieur Bernard X...du 14 octobre 2011.

Il sollicite l'homologation du rapport d'expertise et la confirmation en tous points du jugement rendu le 21 janvier 2008 en ce qu'il a été jugé qu'il n'avait commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité, Madame Y... ayant été déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Il estime que cette dernière est totalement défaillante dans l'administration de la preuve.

Il conclut rejet de la demande de remboursement de La CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD.

Il réclame le paiement de la somme de 3. 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de Madame Maria Y... épouse Z...le 17 octobre 2011.

À titre principal, elle soutient que le praticien a commis une faute médicale dans le choix de l'intervention chirurgicale en considération de sa gravité certaine, de ses conséquences lourdes inévitables et prévisibles et de son très jeune âge au moment de l'intervention.

Elle y ajoute la faute commise par Monsieur Bernard X...au regard de son obligation d'information.

Dans cette hypothèse, elle prétend que le défaut d'information a provoqué une perte de chance à hauteur de 100 %.

En conséquence, elle réclame le paiement des sommes totales de 175. 000 euros en réparation de son préjudice patrimonial et 150. 000 euros au titre de son préjudice extra patrimonial.

À titre subsidiaire, si la cour devait considérer que Monsieur Bernard X...n'a commis aucune faute médicale et que le défaut d'information n'a causé aucune perte de chance, elle demande qu'il soit constaté que le manquement au devoir d'information a, à tout le moins, engendré un préjudice moral et d'impréparation.

À ce titre, elle réclame le paiement de la somme de 75. 000 euros.
En tout état de cause, elle prétend au paiement de la somme de 4. 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 décembre 2011 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 2 février 2012.

*

* *
MOTIFS :

Attendu sur la faute médicale dans le choix du traitement et de l'opération chirurgicale qu'il ressort de la reconstitution des faits opérée par l'expert que Madame Maria Y... épouse Z..., née le 21 juillet 1976, a présenté à partir de l'année 1992 des douleurs du compartiment externe du genou gauche ; qu'en raison de l'échec du traitement médical administré par son médecin traitant, elle a consulté un rhumatologue qui l'a adressé à Monsieur Bernard X..., chirurgien orthopédiste ;

Attendu que le 28 octobre 1992 à l'âge de 16 ans, elle a bénéficié d'une arthroscopie complétée par une arthrotomie externe permettant une méniscectomie ; que cette intervention a été suivie du port d'une attelle jusqu'au 19 novembre 1992 puis de 30 séances de rééducation ;

Attendu sur les lésions initiales que l'expert indique que Madame Maria Y... épouse Z...présentait un genou gauche symptomatique et invalidant avec un épanchement, un défaut d'extension du genou, une symptomatologie douloureuse ne cédant pas au traitement médical et ayant paru au rhumatologue ne pouvoir relever d'un traitement médical mais seulement d'un traitement chirurgical puisqu'il l'a adressé à Monsieur Bernard X..., chirurgien orthopédiste ;

Attendu que sur le plan anatomique l'expert précise que la symptomatologie d'un ménisque discoïde comporte des blocages, des douleurs, des pseudo phénomènes d'instabilité ou des défauts d'extension du genou ; que l'apparition d'un épanchement n'est que le témoin objectif du dysfonctionnement du genou ;

Attendu selon l'expert que l'échec du traitement médical par le médecin traitant, l'absence de possibilité d'un traitement médical par le rhumatologue qui a posé l'indication opératoire, l'existence de signes objectifs d'atteintes articulaires avec un flessum mais également l'épanchement, témoignaient d'une altération significative de la fonction du genou ;

Attendu que la constatation d'un ménisque discoïde partiellement déchiré imposait la réalisation des gestes de régularisation méniscale, en l'espèce une méniscectomie ; qu'en effet, l'expert indique qu'en l'absence de réalisation de cette intervention, la situation du cartilage de part et d'autre du ménisque déchiré se serait détériorée de façon encore plus importante ; qu'il ajoute qu'en présence d'une déchirure de ce type symptomatique et résistant au traitement médical initial, il n'y avait pas d'autre alternative ;

Attendu par ailleurs qu'il n'a pas été relevé ni même invoqué de défaillance dans la prise en charge tant dans la réalisation du geste chirurgical que dans les suites opératoires ;

Attendu que l'examen de ces constatations et conclusions permet de considérer que l'intervention réalisée était la seule réponse possible et adéquate à la pathologie dont était atteinte Madame Maria Y... épouse Z...; que sur ce point, aucune faute ne peut être retenue à l'encontre du chirurgien tant au regard du diagnostic posé que de la réponse chirurgicale apportée ;

Attendu sur l'évolution, qui s'est réalisée par une dégradation arthrosique, que l'expert précise que cette évolution est naturelle au regard de l'intervention pratiquée étant précisée que l'utilité de celle-ci ne peut être utilement contestée ;

Attendu toutefois qu'en réponse aux questions posées il indique que l'évolution vers l'arthrose est, en toute hypothèse, le résultat de la pathologie prise en charge par l'intervention ; qu'il convient au demeurant de rappeler qu'il a été indiqué précédemment que la non réalisation de l'intervention critiquée aurait conduit à une détérioration encore plus importante du ménisque ; qu'au regard de ces éléments, aucune faute ou erreur d'appréciation ne peut donc être reprochée à Monsieur Bernard X...;

Attendu sur l'obligation d'information pesant sur le praticien qu'à la réponse posée dans la mission sur ce point, l'expert indique que Monsieur Bernard X...n'a pas fait signer de documents attestant de l'information et a reconnu n'avoir pas informé Madame Maria Y... épouse Z...et ses parents de l'évolution naturelle de la pathologie prise en charge, avec ou sans intervention ;

Attendu toutefois qu'il résulte des constatations précédentes que l'intervention chirurgicale était absolument nécessaire ; que l'évolution vers l'arthrose est le résultat de la pathologie prise en charge avec ou sans intervention ; que bien plus, il a été considéré que l'évolution de la pathologie aurait été plus préjudiciable en l'absence d'intervention ;

Attendu ainsi que le premier juge a justement considéré que l'action en réparation n'était pas fondée sur un préjudice découlant nécessairement et directement de l'obligation d'information ; qu'en effet, et au cas d'espèce, la pathologie constatée permet de considérer qu'il n'y a pas eu perte de chance pour Madame Maria Y... épouse Z...d'opter pour un traitement ou autre qui lui aurait permis de ne pas subir les séquelles qu'elle invoque ; que de ce seul chef, elle ne peut invoquer un préjudice direct du fait de l'absence d'information ; qu'elle sera donc déboutée en ses demandes en paiement formulées à titre principal ;

Attendu néanmoins et sur la demande subsidiaire qu'il n'en demeure pas moins que Monsieur Bernard X...a manqué à son obligation d'information envers Madame Maria Y... épouse Z...; que ce point n'est pas contesté et est établi par les conclusions du rapport d'expertise ;

Attendu qu'il résulte de l'application des articles 16 et 16-3 du Code civil que toute personne a le droit d'être informée, préalablement aux investigations, traitements ou actions de prévention proposés, des risques inhérents à ceux-ci ; que son consentement doit être recueilli par le praticien hors le cas où son état rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle elle n'est pas à même de consentir ;

Attendu qu'en application de l'article 1147 du Code civil, le non-respect du devoir d'information qui découle de l'application des articles précités, cause, à celui auquel l'information est légalement due, un préjudice que le juge ne peut laisser sans réparation lorsqu'il constate l'existence d'un défaut d'information ;

Attendu dans ces conditions qu'au regard de l'examen clinique opéré par l'expert et des suites liées à l'évolution de la pathologie avec ou sans intervention et pour laquelle il est établi que Madame Maria Y... épouse Z...n'a eu aucune information, le préjudice de cette dernière, et résultant de l'impossibilité de se préparer et pouvoir anticiper les difficultés à venir et prévisibles au regard de sa pathologie et de l'intervention pratiquée, sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 20. 000 euros ;

Attendu qu'en l'absence de demande formulée par La CAISSE PRIMAIRE ASSURANCE MALADIE DE CORSE DU SUD, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point alors au surplus qu'il convient de constater que les débours définitifs dont il est fait état dans le courrier du 10 décembre 2008, ne sont pas liées à l'intervention pratiquée puisque, exposés au titre de frais d'hospitalisation du 27 octobre au 30 octobre 2008 ;

Attendu que Monsieur Bernard X..., qui succombe, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et être débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du même code ; qu'en outre aucun élément tiré de l'équité ou de la situation économique de Monsieur Bernard X...ne permet d'écarter la demande de Madame Maria Y... épouse Z...formée sur ce fondement ;

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'Ajaccio en date du 21 janvier 2008 en ce qu'il a dit qu'il ne peut être reproché à Monsieur Bernard X...aucune faute dans le diagnostic posé, le choix du traitement et l'acte chirurgical réalisé sur la personne de Madame Maria Y... épouse Z...à l'occasion de l'arthroscopie avec méniscectomie réalisée le 28 octobre 1992, dit que Monsieur Bernard X...a manqué à son obligation d'information à l'égard de Madame Maria Y... épouse Z...et de ses parents, dit que Madame Maria Y... épouse Z...ne peut alléguer aucune perte de chance de choisir un autre traitement et donc aucun préjudice, rejeté la demande reconventionnelle formée au titre de l'abus de procédure,

L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le non respect par Monsieur Bernard X...de son devoir d'information a nécessairement causé un préjudice à Madame Maria Y...,
En conséquence,
Condamne Monsieur Bernard X...à payer à Madame Maria Y... épouse Z...la somme de VINGT MILLE EUROS (20. 000 euros) à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation d'information,
Condamne Monsieur Bernard X...aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP JOBIN,
Condamne Monsieur Bernard X...à payer à Madame Maria Y... épouse Z...la somme de TROIS MILLE EUROS (3. 000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 08/00441
Date de la décision : 21/03/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2012-03-21;08.00441 ?
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