Ch. civile A
ARRET No
du 07 MARS 2012
R. G : 10/ 00130 R-MNA
Décision déférée à la Cour : jugement du 02 février 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 09/ 317
Compagnie d'assurances MACIF X...
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-CORSE Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
SEPT MARS DEUX MILLE DOUZE
APPELANTS :
Compagnie d'assurances MACIF prise en la personne de son représentant légal 2/ 4, rue Pied de Fond 79037 NIORT CEDEX 9
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Michel Paul X......20600 FURIANI
assisté de la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Jean louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE-CORSE prise en la personne de son représentant légal 5, avenue Jean Zuccarelli BP 501 20406 BASTIA CEDEX
défaillante
Monsieur Eric Y...Pris en sa qualité d'héritier de son père Etienne Y...décédé le 19 juillet 2010 ... 20200 VILLE DE PIETRABUGNO Intervenant volontaire
ayant pour avocat Me Jean jacques CANARELLI, avocat au barreau de BASTIA, et Maître Jean-Pierre POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 09 janvier 2012, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 07 mars 2012
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * Monsieur Etienne Y...a été renversé le 28 avril 2005, par un véhicule conduit par Monsieur X..., et assuré auprès de la MACIF, alors qu'il traversait la route du Front de mer à BASTIA, à hauteur de la Carbonite.
Le docteur C...a été désigné par ordonnance du 16 juin 2006 avec pour mission d'évaluer le préjudice corporel de la victime et de faire examiner celle-ci par un sapiteur en neuropsychologie.
L'expert a déposé son rapport le 1er septembre 2008. Les conclusions en sont les suivantes :
- ITT : du 28 avril 2005 au 28 avril 2006
- préjudice esthétique : léger (2/ 7)
- pretium doloris moyen à modéré (4, 5/ 7)
- date de consolidation : 28 avril 2006
- IPP : 40 %
- l'aide d'une tierce personne à domicile est nécessaire en relation avec l'accident du 28 avril 2005. L'état de santé de Monsieur Y...nécessite deux heures par jour, une heure le matin, une heure le soir,
- pas de préjudice d'agrément,
- l'état de la victime n'est plus susceptible d'amélioration.
Suivant jugement en date du 2 février 2010, le Tribunal de Grande Instance de BASTIA a :
- déclaré le jugement opposable à la CPAM DE LA HAUTE CORSE,
- dit que le droit à indemnisation de Monsieur Y...est total,
- condamné in solidum Monsieur Michel X...et la compagnie d'assurances MACIF à indemniser le préjudice subi par Monsieur Etienne Y...suite à l'accident du 28 avril 2005,
- constaté que les débours provisoires de la CPAM de la HAUTE CORSE se sont élevés à la somme de 20. 763, 35 euros,
- condamné in solidum Monsieur X...et la MACIF à payer à Monsieur Etienne Y...la somme totale de 258. 383, 40 euros, déduction faite de la créance de l'organisme social et des provisions déjà versées (110. 500 euros au total),
- dit qu'il appartiendra à Monsieur Y...de saisir le tribunal pour parfaire cette somme dans un délai de 5 ans, concernant sa prise en charge par établissement spécialisé,
- dit que la somme de 368. 883, 40 euros portera intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter du 28 septembre 2009 et jusqu'au jour où le présent jugement sera devenu définitif,
- ordonné l'exécution provisoire pour la moitié des sommes allouées,
- condamné in solidum Monsieur X...et la MACIF à payer à Monsieur Y...la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Suivant déclaration au greffe en date du 17 février 2010, Monsieur X...et la MACIF ont interjeté appel de cette décision.
Suivant leurs dernières écritures en date du 3 décembre 2010, auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de leurs moyens et rétentions, les appelants demandent à la cour de :
Vu le décès de Monsieur Etienne Y...intervenu le 19 juillet 2010,
Vu la reprise d'instance de Monsieur Y...Eric,
- réformer le jugement compte tenu de cette nouvelle situation, en ce qu'il a alloué à Monsieur Y...une indemnité pour tierce personne à hauteur de 250. 704, 30 euros, une indemnité pour DFP de 72. 000 euros, une indemnité pour préjudice esthétique de 3. 000 euros, une indemnité pour préjudice d'agrément de 1. 500 euros,
- ordonner une expertise des dossiers médicaux et hospitaliers de Monsieur Y...Etienne afin de déterminer les conséquences de l'état antérieur de la victime pouvant avoir une incidence sur la nécessité de vivre en milieu spécialisé,
- dire que l'expert pourra s'adjoindre pour les besoins de sa mission un neuro psychiatre afin d'analyser l'IRM du 13 janvier 2007.
En tout état de cause, compte tenu de la somme versée au titre de l'exécution provisoire de 240. 191, 70 euros,
- ordonner la restitution par l'intimé de la somme de 158. 856, 63 euros telle que calculée aux motifs en tenant compte des propositions de la MACIF,
Le cas échéant,
- ordonner la restitution par l'intimé, compte tenu de la somme versée au titre de l'exécution provisoire de 240. 191, 70 euros, de la somme de 53. 591, 54 euros en tenant compte de l'intégralité de la prise en charge de Monsieur Y...jusqu'à son décès par l'institution spécialisée telle qu'il en découle des factures communiquées,
- le réformer également en ce qu'il a condamné les concluants au doublement des intérêts légaux sur le montant de 368. 883, 40 euros en occultant l'offre contenue dans les conclusions du 8 avril 2009,
- condamner l'intimé aux dépens.
Suivant ses dernières écritures en date du 2 décembre 2010, Monsieur Eric Y..., agissant en qualité d'héritier de son père Monsieur Etienne Y..., décédé le 19 juillet 2010, demande à la cour de :
- constater que le droit à indemnisation intégrale de la victime n'est pas contestable,
A titre principal,
- homologuer le rapport d'expertise médicale exception faite de la disposition relative à la tierce personne,
- confirmer le jugement en son principe mais le réformer sur le quantum de l'indemnisation,
En conséquence,
- condamner conjointement et solidairement les cités au paiement de la somme de 288. 482, 20 euros à tire de réparation intégrale des postes de préjudice de la victime,
A titre subsidiaire,
- condamner les cités au paiement de la somme de 192. 230 euros à titre de réparation intégrale des postes de préjudice de la victime, dans l'hypothèse d'une homologation intégrale du rapport d'expertise,
En toute hypothèse,
- constater le manquement de l'assureur aux dispositions de l'article L 211-9 du code des assurances,
- confirmant le jugement sur ce point, dire que la somme due produira des intérêts au double du taux légal à compter du 1er septembre 2008 et ce jusqu'au jugement définitif, en application de l'article L 211-13 du code des assurances,
- condamner les cités à payer la somme de 5. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
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* *
SUR CE :
1- Sur les frais de tierce personne (avant et après consolidation) :
Attendu que les appelants exposent qu'il ressort du rapport d'expertise du docteur C...et des conclusions du docteur D...que le traumatisme lié à l'accident n'est pas seul responsable de la dégradation de l'état de santé et la perte d'autonomie de Monsieur Y...;
Qu'il ressort notamment des conclusions du docteur D...que le traumatisme dû à l'accident ne peut être considéré comme seule cause de la dégradation neuro dégénérative constatée chez Monsieur Y...et qu'une expertise sur pièces est donc nécessaire pour déterminer si la nécessité pour ce dernier de vivre en structure spécialisée est due au seul fait de l'accident ;
Attendu que Monsieur Y...a été examiné de façon approfondie tant par un médecin expert qui l'a vu à deux reprises que par un psycholoque, qui ont eu accès au dossier médical de la victime ;
Attendu que le docteur C...a indiqué dans son rapport que « les conséquences de l'accident ont été graves puisque Monsieur Etienne Y..., qui était autonome (au moment de l'accident il se promenait au bord de la mer) présente depuis une altération de son état général avec désorientation spatiale et impotence fonctionnelle » ;
Attendu que si Madame D..., chargée d'évaluer les troubles neuropsychiques du patient, indique qu'en l'état actuel des connaissances scientifiques sur le sujet, on ne peut considérer l'accident comme seule et unique cause responsable de la dégradation dégénérative observée, elle écrit aussi que l'accident, étant un traumatisme, est responsable de la décompensation d'un état antérieur ;
Attendu qu'il convient de rappeler que le droit à indemnisation de la victime ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable ;
Attendu en conséquence qu'une expertise sur pièces n'est dans ces conditions pas de nature à apporter des informations complémentaires sur les causes des séquelles observées, et qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause le droit à indemnisation total de Monsieur Y...;
Attendu qu'en ce qui concerne l'étendue de la prise en charge au titre de la tierce personne, il résulte de l'attestation du directeur de l'établissement Casa Serena en date du 16 décembre 2008 que Monsieur Y...présentait « un état dépendant et devait être accompagné dans les gestes de la vie quotidienne » ;
Que Madame D..., psychologue clinicienne, a confirmé cet état de dépendance, concluant en une « perte d'autonomie sévère pour la majorité des activités de la vie quotidienne » ;
Que de même le médecin gériatre de l'établissement a indiqué le 17 avril 2009 que Monsieur Y...présentait « un état de dépendance pour les actes courants de la vie, avec une aide complète à la toilette, à l'habillage, à l'alimentation, et que son état nécessitait son placement en EHPAD compte tenu de sa dépendance » ;
Attendu en conséquence que les premiers juges ont avec raison écarté les conclusions de l'expert C...en ce que celui-ci avait retenu la notion de deux heures quotidiennes d'assistance par tierce personne et qu'ils ont considéré que l'état de Monsieur Y...justifiait que sa prise en charge dans cet établissement spécialisé soit intégralement indemnisée ;
Attendu qu'il y a donc lieu de fixer le montant de ce poste à la somme correspondant aux frais d'hébergement à la Casa Serena, soit la somme de 141. 335, 25 euros ;
2- Déficit fonctionnel permanent :
Attendu que le décès de la victime éteint l'incapacité permanente partielle dont elle est atteinte et le préjudice personnel de celle-ci, et que Monsieur Eric Y...agissant en qualité d'héritier de son père, n'est fondé à réclamer l'indemnisation de ce préjudice que pour la période écoulée jusqu'au décès de la victime ;
Attendu qu'eu égard à l'espérance de vie de Monsieur Y...au moment de l'accident, du délai entre la date de consolidation et le décès, et par référence au montant du point correspondant à son âge et à son taux d'incapacité, soit 1. 800 euros le point, la cour retiendra un préjudice pour ce poste pour un montant de 35. 000 euros ;
3- Préjudice esthétique permanent :
Attendu que ce préjudice, ressenti sans limitation de durée, doit être intégralement indemnisé, à hauteur de 3. 000 euros ;
4- Préjudice d'agrément :
Attendu que ce poste doit être intégralement indemnisé, à hauteur de 1. 500 euros ;
Attendu que les postes d'indemnisation se présentent ainsi :
Préjudices patrimoniaux :
- Préjudices patrimoniaux temporaires :
dépenses de santé actuelles : 20. 763, 35 euros
frais d'hospitalisation (avant consolidation) à la Casa Serena : 25. 279, 10 euros
-Préjudices patrimoniaux permanents :
frais d'hospitalisation (après consolidation) à la Casa Serena : 116. 056, 15 euros
Préjudices extra patrimoniaux :
- Préjudices extra patrimoniaux temporaires :
déficit fonctionnel temporaire : 8. 400 euros
souffrances endurées : 8. 000 euros
-Préjudices extra-patrimoniaux permanents :
déficit fonctionnel permanent : 35. 000 euros
préjudice esthétique permanent : 3. 000 euros
préjudice d'agrément : 1. 500 euros
soit un total de 217. 998, 86 euros ;
5- Sur le doublement des intérêts :
Attendu que les appelants contestent leur condamnation au doublement des intérêts ; qu'ils exposent avoir adressé à la victime, le 28 avril 2005, une quittance pour la somme de 1. 500 euros et d'avoir fait parvenir leur offre définitive par conclusions du 8 avril 2009à la suite du dépôt du rapport d'expertise ;
Mais attendu que les appelants ne rapportent pas la preuve d'avoir, dans les huit mois suivant l'accident, fait à la victime l'offre d'indemnité prévue à l'article L 211-9 du code des assurances, ni d'avoir fait une offre définitive d'indemnisation dans le délai de cinq mois suivant la date à laquelle la MACIF a été informée de la date de consolidation de Monsieur Y...;
Qu'en effet leur offre d'indemnisation, contenue dans leurs conclusions du 8 avril 2009, est postérieure de plus de huit mois à la date de dépôt au greffe du rapport définitif de l'expert ;
Attendu en conséquence que la cour, adoptant les motifs des premiers juges, confirmera leur décision sur ce point ;
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Réformant le jugement déféré en ce qu'il a condamné in solidum Monsieur Michel X...et la MACIF à payer à Monsieur Etienne Y...la somme totale de DEUX CENT CINQUANTE HUIT MILLE TROIS CENT QUATRE VINGT TROIS EUROS ET QUARANTE CENTIMES (258. 383, 40 euros), déduction faite de la créance de l'organisme social et des provisions déjà versées CENT DIX MILLE CINQ CENTS EUROS (110. 500 euros) au total,
Dit que le préjudice de Monsieur Etienne Y...s'élève à la somme de DEUX CENT DIX SEPT MILLE NEUF CENT QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS ET QUATRE VINGT SIX CENTIMES (217. 998, 86 euros) tous postes confondus,
Dit qu'il convient de déduire les provisions déjà versées à hauteur de CENT DIX MILLE CINQ CENTS EUROS (110. 500 euros),
Condamne en conséquence in solidum Monsieur Michel X...et la MACIF à payer à Monsieur Eric Y...en sa qualité d'héritier de Monsieur Etienne X...la somme de CENT SEPT MILLE QUATRE CENT QUATRE VINGT DIX HUIT EUROS (107. 498, 86 euros),
Confirme le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Monsieur Michel X...et la MACIF à verser à Monsieur Eric Y...la somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT