Ch. civile A
ARRET No
du 29 FEVRIER 2012
R. G : 10/ 00735 R-JG
Décision déférée à la Cour : jugement du juge aux affaires familiales du 17 juin 2010 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 09/ 1583
X...
C/
Y...
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT NEUF FEVRIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Monsieur Vincent X...né le 11 Mai 1959 à ARGENTEUIL (95100) ...09100 ST VICTOR ROUZAUD
ayant pour avocat Me Jean paul TRANI, avocat au barreau de BASTIA, et Me Antoine-Paul ALBERTINI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 3131 du 28/ 10/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
Madame Marie Noëlle Y... née le 21 Décembre 1963 à SALON DE PROVENCE (13300) ...20218 MOROSAGLIA
ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et Me Linda PIPERI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2010/ 3256 du 10/ 11/ 2010 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue en chambre du conseil du 12 décembre 2011, devant la Cour composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre Madame Rose-May SPAZZOLA, Conseiller Madame Marie-Noëlle ABBA, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mademoiselle Carine GRIMALDI.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 29 février 2012
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé hors la présence du public par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Martine COMBET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *FAITS ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Du mariage de Monsieur Vincent X...et de Madame Marie-Noëlle Y... sont issus :
- Florentin, le 23 novembre 1984,
- Héloïse, née le 19 mai 1988,
- Basile, né le 15 janvier 1993,
- Adélaïde, née le 14 décembre 1998.
Par jugement en date du 28 février 2002, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de PONTOISE a prononcé le divorce des époux X.../ Y... et a réglementé les mesures relatives aux enfants comme suit :
- l'exercice conjoint de l'autorité parentale à l'égard des enfants mineurs,
- la résidence des enfants au domicile maternel et l'organisation du droit de visite et d'hébergement du père s'exerçant librement à l'égard de Florentin et Héloïse et s'exerçant une fin de semaine sur deux à l'égard de Basile et Adélaïde,
- la fixation de la part contributive du père à l'entretien et l'éducation des enfants à la somme mensuelle de 76, 22 euros par enfant soit 304, 88 euros au total.
Par ordonnance rendue le 10 décembre 2004, la part contributive du père a été fixée à la somme mensuelle de 240 euros, soit 60 euros par enfant.
Par jugement rendu le 13 avril 2006, le juge aux affaires familiales de PONTOISE a :
- rappelé que l'autorité parentale est exercée conjointement par les parents à l'égard des enfants mineurs,
- dit que le droit de visite et d'hébergement du père à l'égard de Basile et Adélaïde s'exercera librement et en cas de désaccord :
pendant les périodes scolaires : une fin de semaine par mois, du vendredi ou samedi à la sortie des classes au dimanche 19 heures, à charge pour le père de prévenir la mère 10 jours à l'avance de la fin de semaine choisie pour l'exercice de son droit,
pendant les vacances scolaires : la première moitié des vacances scolaires les années paires et la seconde moitié les années impaires, à charge pour la mère d'amener et de prendre les enfants au départ du mode de transport choisi et pour le père de les prendre et de les ramener au mode de retour choisi,
- dit que les frais de transport des enfants seront partagés par moitié entre les parties, le père prenant à sa charge les billets aller et la mère les billets retour,
- débouté Madame Y... de sa demande d'augmentation de la contribution du père pour l'entretien et l'éducation des enfants.
Par ordonnance de référé rendue le 3 juillet 2008, le juge aux affaires familiales de BASTIA a débouté Monsieur X...de ses demandes tendant à fixer son droit de visite et d'hébergement pendant la totalité des vacances d'été 2008, à charge pour la mère de présenter les enfants au départ de l'aéroport de BASTIA le 1er juillet et à charge pour le père de les récupérer à PARIS et tendant à voir dire et juger que la mère prendra en charge la totalité des frais de transport.
Par jugement du 9 avril 2009, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BASTIA statuant sur les demandes de fixation de son droit de visite et d'hébergement durant la totalité des vacances et de suppression de toute part contributive à l'entretien des enfants, a :
- débouté Monsieur X...de l'ensemble de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- dit n'y avoir lieu à condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Monsieur X....
Statuant sur la demande de suspension du droit de visite et d'hébergement de Monsieur X...formée par Madame Y... et la demande de suppression de toute contribution à l'entretien des enfants, le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de BASTIA a, par jugement du 17 juin 2010 après avoir ordonné une enquête sociale :
- procédé à l'audition des enfants Basile et Adélaïde,
- rappelé que l'autorité parentale à l'égard des enfants communs est exercée en commun par les parents, les enfants ayant leur résidence habituelle chez la mère,
- rappelé que l'exercice conjoint de l'autorité parentale implique que les parents doivent notamment :
prendre ensemble les décisions importantes concernant la santé, l'orientation scolaire, l'éducation religieuse et le changement de résidence de l'enfant,
s'informer réciproquement, dans le souci d'une indispensable communication entre les parents, sur l'organisation de la vie de l'enfant (vie scolaire, sportive, culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances,...),
permettre les échanges de l'enfant avec l'autre parent dans le respect du cadre de vie de chacun,
- rappelé qu'en application de l'article 373-2 alinéa du code civil, tout changement de résidence de l'un des parents, dès lors qu'il modifie les modalités d'exercice de l'autorité parentale, doit faire l'objet d'une information préalable et en temps utile de l'autre parent ; qu'en cas de désaccord le parent le plus diligent saisira le juge aux affaires familiales qui statuera selon ce qu'exige l'intérêt de l'enfant,
- suspendu en l'état, le droit de visite et d'hébergement de Monsieur X...,
- déclaré irrecevable sa demande de diminution de sa part contributive,
- maintenu le montant de sa part contributive à la somme précédemment fixée,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Monsieur X...a relevé appel de ce jugement par déclaration du 30 septembre 2010.
En ses écritures déposées le 15 juin 2011 auxquelles il sera référé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions, l'appelant fait observer que Madame Y... a décidé depuis qu'elle vit en Corse de rompre toute relation entre les enfants et leur père.
Il soutient que son silence lors du renouvellement de la carte d'identité de son fils Basile ne constitue nullement un geste délibéré d'intention de nuire mais simplement l'expression de la souffrance d'un père rejeté par ses enfants et auquel la demande n'a même pas été formulée de manière respectueuse.
Il soutient qu'il ne présente aucun danger pour ses enfants et qu'il est primordial qu'il renoue des liens avec eux et ne peut accepter que sa qualité de père ne soit reconnue que pour l'accomplissement de formalités administratives.
Il conclut en conséquence à l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour, en statuant à nouveau de :
- réformer l'ordonnance entreprise,
- rétablir son droit de visite et d'hébergement sur l'enfant Adélaïde compte tenu de l'éloignement, la moitié de toutes les vacances scolaires de plus de huit jours,
- ordonner une expertise psychiatrique des parents de l'enfant,
- organiser une procédure de médiation familiale,
- dire que Madame Y... devra communiquer le lieu du déménagement six mois à l'avance ainsi que ses numéros de téléphone (fixe et portable).
Il sollicite en outre la diminution de la pension alimentaire qu'il devra verser pour chaque enfant à la somme de 30 euros par mois et par enfant eu égard à ses ressources de 980 euros par mois et ses charges et la condamnation de Madame Y... aux entiers dépens.
Par ses écritures déposées le 8 mars 2011 auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus complet de ses moyens et prétentions, Marie-Noëlle Y... fait observer que Monsieur X...ne paie plus
de contribution à l'entretien des enfants depuis plusieurs années et que pour ces derniers les " souvenirs " liés à l'alcoolisation et aux mauvaises fréquentations de leur père comme les dénigrements ou harcèlements téléphoniques auxquels il s'est livré constituent autant de blessures qu'ils ont dû subir.
Elle conclut en conséquence à la confirmation de l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions.
Faisant valoir que Monsieur X...n'a jamais envoyé son autorisation pour que Basile qui avait perdu sa carte d'identité puisse en obtenir le renouvellement, qu'il a fait de même lors de la demande de changement d'établissement scolaire concernant Adélaïde qui voulait rejoindre en septembre 2010 celui où est scolarisé son frère Basile, l'obligeant à s'adresser directement à l'inspection académique afin d'obtenir une autorisation exceptionnelle, et qu'il se désintéresse totalement de ses enfants auxquels il a écrit une seule fois en 2006, Madame Y... formule une demande reconventionnelle et demande à la cour de :
- constater que par son inertie, Monsieur X...fait systématiquement obstacle aux demandes présentées dans le cadre de l'exercice conjoint de l'autorité parentale,
- dire qu'elle exercera cette autorité de manière exclusive sur les deux enfants mineurs,
- condamner Monsieur X...aux dépens de première instance et ceux d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de la SCP Ribaut-Battaglini avoués en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 12 décembre 2011.
*
* *
SUR CE :
Sur les demandes de l'appelant :
Sur le droit de visite et d'hébergement de Monsieur X...:
Attendu que Basile né le 13 janvier 1993 étant majeur, il ne peut
qu'être constaté que la demande de droit de visite le concernant est devenue sans objet ;
Attendu qu'aux termes des articles 373-2 et 373-2-1 du code civil, la séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l'exercice de l'autorité parentale ; Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent. L'exercice du droit de visite et d'hébergement ne peut être refusé à celui-ci que pour un motif grave ;
Attendu que s'il est parfaitement regrettable qu'Adélaïde ait, faute de contact avec son père, conservé de ce dernier une image négative alors que les difficultés que Monsieur X...avait précédemment rencontrées avec l'alcool sont résolues, il n'apparaît toutefois nullement de son intérêt d'aboutir, en raison d'une suspension du droit de visite du père à une rupture des liens avec celui-ci, rupture qui ne pourrait que nuire à son futur épanouissement ;
Que s'il est indispensable que Monsieur X...rétablisse des liens épistolaires, téléphoniques ou via internet avec sa fille, il convient aussi pour favoriser entre eux des relations plus étroites, sans qu'il apparaisse nécessaire d'avoir recours à des droits de visite médiatisés, ou d'ordonner la mesure d'expertise psychiatrique sollicitée par l'appelant, d'accorder à celui-ci, sauf meilleur accord des parties, un droit de visite en Corse un samedi ou un dimanche de 10 heures à 19 heures toutes les six semaines, au choix de l'intéressé, à charge pour lui de prévenir Madame Y... quinze jours à l'avance de l'exercice de ce droit, les frais afférents à ces déplacements étant partagés par moitié entre les parties ;
Que la décision déférée sera réformée en ce sens ;
Sur la part contributive du père à l'entretien des enfants :
Attendu qu'aux termes de l'article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent ainsi que des besoins de l'enfant, cette obligation ne cessant pas de plein droit lorsque l'enfant est majeur ;
Que compte tenu des besoins des quatre enfants et du fait que leur mère ne perçoit actuellement que des prestations sociales alors que les revenus du père n'ont pas subi de baisse sensible depuis la décision du 9 avril 2009, la demande de diminution de sa part contributive à l'entretien des enfants que Monsieur X...formule ne peut qu'être rejetée ;
Sur la demande reconventionnelle de Madame Y... relative à l'exercice de l'autorité parentale :
Attendu que Basile étant majeur, la demande le concernant relative à l'exercice de l'autorité parentale est sans objet ;
Attendu que conformément à l'article 373-2-1 du code civil, si l'intérêt de l'enfant le commande, le juge peut confier l'exercice de l'autorité parentale à l'un des deux parents ;
Attendu qu'il sera observé, bien que Basile ne soit plus concerné par cette question, que lorsqu'il a fallu solliciter le renouvellement de sa carte d'identité, Monsieur X...bien que sollicité ne s'est pas manifesté et cette démarche administrative, indispensable à son fils, n'a pu être menée à bien ;
Attendu qu'il a manifesté le même désintérêt lorsqu'Adélaïde a souhaité changer d'établissement et rejoindre celui que fréquente son frère à Corte afin d'effectuer en sa compagnie les trajets imposés entre le collège et le domicile familial ;
Que compte tenu de la distance existant entre les foyers maternel et paternel, il apparaît de l'intérêt d'Adélaïde que Madame Y... dispose seule de l'exercice de l'autorité parentale à son égard afin qu'elle ne soit plus paralysée dans ses demandes administratives et puisse prendre rapidement des décisions qu'imposent la vie au quotidien d'une adolescente ;
Que la demande que Madame Y... présente de ce chef sera en conséquence accueillie ;
Attendu que s'agissant de mesures concernant les enfants communs, les dépens d'instance et d'appel seront partagés par moitié entre les parties ;
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* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Réforme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Accorde à Monsieur Vincent X...un droit de visite à l'égard de sa fille Adélaïde qui s'exercera sauf meilleur accord des parties en Corse un samedi ou un dimanche de 10 heures à 19 heures toutes les six semaines à charge pour le père de prévenir de l'exercice de ce droit quinze jours à l'avance Madame Marie-Noëlle Y... et ce aux frais partagés des parties,
Y ajoutant,
Rejette la demande de diminution de sa part contributive à l'entretien des enfants formulée par Monsieur X...,
Confie à Madame Marie Noëlle Y... l'exercice de l'autorité parentale à l'égard l'enfant Adélaïde,
Fait masse des dépens et dit qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT