Ch. civile B
ARRET No
du 22 FEVRIER 2012
R.G : 10/00964 R-PL
Décision déférée à la Cour :jugement du 16 décembre 2010Tribunal de Grande Instance d'AJACCIOR.G : 09/1153
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE ELBE RESIDENCE DES ÎLES
C/
Syndicat des copropriétaires CENTRE COMMERCIAL RESIDENCE DES ÎLES
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE DOUZE
APPELANT :
Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE ELBE - RESIDENCE DES ÎLESPris en la personne de son syndic en exerciceSociété de Gestion immobilière6, rue Général Fiorella20000 AJACCIO
ayant pour avocat la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avocats au barreau de BASTIA, et Me Philippe ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIME :
Syndicat des copropriétaires CENTRE COMMERCIAL RESIDENCE DES ÎLESPris en la personne de son syndic en exerciceSARL Organigram27, boulevard Fred Scamaroni20000 AJACCIO
ayant pour avocat la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avocats au barreau de BASTIA, et Me Angèle SACCHETTI VESPERINI, avocat au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 janvier 2012, devant Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambreMonsieur Philippe HOAREAU, ConseillerMadame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 22 février 2012
ARRET :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Pierre LAVIGNE, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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* *Dans le cadre d'une action en cessation et réparation de troubles de voisinage engagée par le syndicat des copropriétaires du centre commercial Résidence des Iles contre le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE, le tribunal de grande instance d'Ajaccio, statuant au contradictoire des parties par jugement du 16 décembre 2010, a :
- déclaré l'action recevable,
- ordonné au syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE de supprimer les racines des arbres plantés sur sa copropriété qui détériorent le parking du centre commercial Résidence des Iles dans le délai de deux mois suivant la signification de la présente décision, le respect de ce délai étant assorti d'une astreinte,
- condamné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial Résidence des Iles la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration remise au greffe le 22 décembre 2010, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions déposées le 21 juillet 2011, il demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau,
de :
- dire et juger nul l'acte introductif d'instance,
- déclarer irrecevable l'action du syndicat intimé,
- dire et juger irrecevable la demande de dommages et intérêts,
- dire et juger mal fondée l'action du syndicat intimé et le débouter de toutes ses demandes,
- le condamner au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses ultimes conclusions déposées le 28 avril 2011, l'intimé demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et de condamner le syndicat appelant au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 novembre 2011 ; l'affaire a été plaidée le 6 janvier 2012 et mise en délibéré au 22 février 2012, les parties régulièrement avisées..
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SUR QUOI, LA COUR :
La cour se réfère à la décision entreprise et aux conclusions récapitulatives susdites pour plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties.
Au soutien de son recours, le syndicat appelant réitère le moyen pris du défaut d'habilitation du syndic à agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires du centre commercial Résidence des Iles en faisant valoir que l'autorisation spéciale de l'assemblée générale exigée par l'article 55 du décret du 17 mars 1967 n'a pas été régulièrement délivrée ; qu'en conséquence, il convenait d'annuler l'assignation et de déclarer les demandes irrecevables.
Il résulte de l'article 771 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er mars 2006, que tenues, à peine d'irrecevabilité, de soulever les exceptions de procédure devant le juge de la mise en état, seul compétent, jusqu'à son dessaisissement, pour statuer sur celles-ci, les parties ne sont plus recevables à les soulever ultérieurement à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge.
Le défaut d'habilitation du syndic à agir en justice pour le compte du syndicat des copropriétaires constitue un défaut de pouvoir sanctionné par une nullité de fond et à ce titre une exception de procédure qui relève de la compétence exclusive du juge de la mise en état.
Par suite, le premier juge a fait une exacte application des dispositions de l'article 771 précité en retenant que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE était irrecevable en son exception de procédure visant la nullité de l'assignation et l'irrecevabilité des demandes tirée du défaut de pouvoir du syndic en ce que cette exception a été soulevée devant le juge du fond alors qu'elle aurait dû être soumise au juge de la mise en état.
Il appartenait dès lors au tribunal de statuer sur les demandes tendant d'une part à la cessation du trouble de voisinage invoqué, d'autre part à l'allocation de dommages et intérêts.
Sur le fond, alors que le trouble allégué résulterait de dommages causés au parking de la copropriété intimée par des racines d'arbres plantés sur l'emprise de la copropriété appelante, cette dernière fait valoir dans un premier moyen que l'intimée ne justifie pas être propriétaire du parking ; dans un deuxième moyen, qu'il appartenait à cette dernière, en application des dispositions de l'article 673 du code civil, de couper les éventuelles racines venant du fonds supérieur ; dans un troisième moyen que les dommages proviennent essentiellement de l'inadaptation du parking à l'usage intensif qui en est fait depuis de nombreuses années par des véhicules de livraison lourds pour lesquels il n'avait pas été conçu ; dans un dernier moyen que le devis de réfection qui a servi de base à l'indemnisation fixée par le tribunal est manifestement surévalué.
Sur le terrain de la preuve, le syndicat appelant oppose aux procès-verbaux produits par le syndicat intimé un rapport technique en date du 20 janvier 2011 qu'il a fait établir par Monsieur Pierre A..., architecte.
L'intimé s'approprie pour sa part les motifs du jugement déféré pour conclure à sa complète confirmation.
La copropriété du centre commercial de la Résidence des Iles justifie par la production d'un état des millièmes non contesté que le parking objet de son action lui appartient.
Les procès-verbaux de constat établis par Maître B..., huissier de justice, le 3 avril 2009 et le 28 mars 2011 reposent sur des investigations précises, complètes et concrètes, l'huissier instrumentaire ayant creusé le sol à différents endroits du parking, procédé à des mesures et pris des photographies.
Il est incontestablement établi par l'ensemble que d'importants blocs qui constituaient auparavant le revêtement du parking se sont désolidarisé et ont dû être enlevés ; que sur l'ensemble de l'aire de stationnement, le sol est déformé, se soulève et gondole ; que ces désordres sont dus à une forte concentration de racines d'une épaisseur de 12 cm visibles à environ 15 cm de profondeur; enfin que ces racines sont celles d'un pin implanté sur l'emprise de la copropriété de l'immeuble ELBE.
Ces constations sont confirmées par le rapport d'expertise privée dont se prévaut l'appelant ; en effet, l'auteur de ce document relève lui aussi les dégradations profondes du parking et note que "il est évident que cette dégradation est effectivement due aux racines du pin dans la copropriété Elbe qui surplombe le parking". En revanche il attribue une grande partie des désordres à la vétusté de la dalle béton et au passage répété de véhicules de tout type notamment des poids lourds de livraison. Mais il le fait par hypothèse en ne se fondant que sur l'apparence, sans avoir procédé à des investigations précises et à une étude sérieuse.
Au regard de ces éléments d'appréciation, suffisamment complets, la cour estime à l'instar du tribunal, qu'il est certain d'une part que le parking présente des désordres rendant son usage difficile voire dangereux, d'autre part que ces désordres résultent de la présence de racines d'arbres plantés sur la copropriété de l'immeuble Elbe.
Il est patent que les difficultés rencontrées pour cette raison dans l'utilisation du parking caractérisent un trouble anormal de voisinage subi par la copropriété intimée de la part de la copropriété appelante qui ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant les dispositions de l'article 673 du code civil. En effet, ce texte ne restreint pas le droit à réparation du dommage réalisé mais vise simplement à instituer des mesures de prévention non obligatoires et le propriétaire d'un arbre demeure responsable des dommages causés par les racines s'étendant sur les héritages voisins.
Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a ordonné au syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE de supprimer les racines des arbres plantés sur sa copropriété qui détériorent le parking du centre commercial Résidence des Iles et qu'il a fixé pour ce faire un délai assorti d'une astreinte.
La cour entrera en conséquence en voie de confirmation de ces chefs.
En étant troublée dans l'utilisation de son parking du fait de l'importante dégradation qu'il présente, la copropriété intimée a subi un préjudice de jouissance incontestable auquel s'ajoute celui qu'elle subira pendant le temps nécessaire à la réalisation des travaux de réfection qu'elle devra engager et dont le coût s'élèverait à 29.154, 25 euros TTC selon le devis produit aux débats. La cour estime, à l'instar du tribunal, que ce devis repose sur un chiffrage précis et sérieux qui doit dès lors être pris en considération en dépit des critiques de faible portée avancées par l'appelant.
Dès lors, en fixant à la somme de 30.000 euros les dommages et intérêts devant être alloués à la copropriété intimée, le premier juge s'est livré à une juste appréciation qu'il convient de confirmer.
De tout ce qui précède, il résulte que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE n'est fondé dans aucun de ses moyens d'appel et que le jugement déféré doit être confirmé dans toutes ses dispositions, y compris celles afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles qui ne sont pas critiquables.
L'appelant qui succombe dans son appel supportera la charge des dépens générés par cette instance. En outre, l'équité commande de le condamner au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE à payer au syndicat des copropriétaires du centre commercial Résidence des Iles la somme de DEUX MILLE EUROS (2.000 euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le syndicat des copropriétaires de l'immeuble ELBE aux dépens dont distraction au profit de la SCP RIBAUT-BATTAGLINI.
LE GREFFIER LE PRESIDENT